Cas pratiques

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

Préparation et rédaction de l'acte : enjeux et méthodologie

La circulation internationale de l'acte

La fiscalité internationale

Rémunération et protection sociale : les enjeux de l'international

Les trusts

L'assurance vie dans un cadre international

Cas pratiques

Cas pratique n° 1 : Liquidation d'une plus-value en l'absence d'une convention fiscale

France-Uruguay

M<sup>me</sup>F a acquis en date du 22 décembre 2008 une propriété en Uruguay moyennant le prix de 100 000 $US. En janvier 2017, M<sup>me</sup> F revient en France et s'installe en région parisienne. Elle met alors en vente son ancienne résidence située hors de France et, en date du 16 novembre 2017, la propriété est revendue pour un prix de 400 000 $US. Le vendeur paye des frais d'agence pour une somme de 24 000 $US. L'impôt sur la plus-value qui a été payé en Uruguay s'élève à 32 759 $US (1 008 334 pesos).

<strong> Remarques générales. –</strong>Il n'existe pas de convention fiscale éliminant la double imposition entre la France et l'Uruguay.

Rappel : l'article 4 A du Code général des impôts
<sup class="note" data-contentnote=" CGI, art. 4 A : «Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l&#039;impôt sur le revenu en raison de l&#039;ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française».">1524839151377</sup>pose le principe que les personnes physiques fiscalement domiciliées en France sont passibles de l'impôt sur le revenu sur les revenus de source française et étrangère. Imposition confirmée pour la plus-value immobilière réalisée à l'étranger par l'administration fiscale
<sup class="note" data-contentnote=" BOI-RFPI-PVI-10-20, n° 1 : «Tous les immeubles, qu&#039;ils soient bâtis ou non bâtis, constituent des biens imposables. Il n&#039;est pas tenu compte : de l&#039;origine de propriété du bien cédé (acquisition à titre onéreux ou à titre gratuit) ; de l&#039;intention spéculative ou non des cédants ; de l&#039;affectation ou de la destination du bien ; de la localisation des biens qui peuvent être situés en France ou hors de France, sous réserve des conventions internationales».">1524839220307</sup>. La non-résidence fiscale s'apprécie au jour de la cession.

En l'espèce, M<sup>me</sup>F était résidente française au moment de la vente puisqu'elle s'était réinstallée en région parisienne quelques mois avant la régularisation de l'acte.

Techniquement,<strong>on calcule l'assiette taxable de la plus-value du bien vendu hors de France comme si le bien vendu se situait sur le territoire</strong>.

Le prix de la vente, s'il a été payé en monnaie étrangère, doit être déclaré pour sa contre-valeur en euros, calculée d'après le cours de change à Paris au jour de<strong>l'encaissement</strong>

<sup class="note" data-contentnote=" BOI-RFPI-PVI-20-10 : le montant de la plus-value immobilière doit être déterminé pour sa valeur en euros.">1542988127002</sup>.

Ainsi, les éléments de détermination de la plus-value (notamment le prix de cession, le prix d'acquisition du bien, les charges venant en majoration ou en minoration) libellés dans une devise autre que l'euro doivent impérativement être convertis en euros par application du taux de change à la date de chaque opération (antérieurement à la mise en place de l'euro, cette conversion sera d'abord effectuée de la devise étrangère en francs ; ce dernier montant est par la suite converti en euros au taux de 6,55957 F/€).

<strong>Liquidons la plus-value</strong>

<strong>À propos du prix mentionné dans l'acte de vente en Uruguay :</strong> le montant indiqué dans l'acte de vente en Uruguay est en dollars. La monnaie en Uruguay est le peso. En pratique, il est fréquent de rencontrer des ventes libellées dans une monnaie étrangère à celle du pays du lieu de situation du bien. Principalement en Amérique du Sud, cet usage s'explique par une volonté de sécuriser les taux de change entre le moment de la régularisation du compromis et la vente.

Le contribuable doit convertir les sommes en euros d'après le cours de change à Paris<strong>au jour de l'encaissement</strong>. Si cet exercice semble simple en théorie, il l'est beaucoup moins en pratique. Quel site utiliser par la conversion ? Et quel montant retenir si le prix a été exprimé dans deux monnaies différentes dans les actes reçus à l'étranger ?

Le prix d'achat, puis celui de vente et les éventuelles charges doivent être convertis en euros par application du taux de change à la date de chaque opération. Pour réaliser ces conversions, on conseille d'utiliser le site de la Banque de France.

Dans notre cas, la parité euro-dollar à la date de cession, soit le 16 novembre 2017, est de 1 € pour 1 1771 $, le prix de cession est donc égal à 339 818 €. La parité euro-dollar à la date d'acquisition, soit le 22 décembre 2008, est de 1 € pour 1,4 $, le prix d'acquisition est donc égal à la somme de 71 582 €.

Si les frais de notaire ont été payés en pesos, il y aurait lieu de convertir ceux-ci en utilisant la parité euro/pesos, sauf utilisation du forfait de 7,5 %. En l'espèce nous retiendrons le forfait.

Pour le cas où les actes contiennent une clause «Prix» indiquant ce dernier dans deux monnaies différentes (cas par exemple d'une vente exprimant un prix en dollars et indiquant la contre-valeur en pesos), on pense que le montant du prix d'achat peut être converti en retenant l'une ou l'autre des monnaies exprimées dans l'acte. Aucun texte ne semble s'opposer à ce libre arbitrage.

Ce mécanisme ne sera pas sans enjeu lorsqu'il faudra convertir le prix d'achat du bien si celui-ci date de plusieurs années et que les monnaies ont évolué de façon divergente.

<strong>À propos de l'impôt de plus-value payé hors de France :</strong> la vente a généré en Uruguay le paiement d'un impôt de plus-value pour un montant de 1 008 334 pesos uruguayens. Aucun article du Code général des impôts ne permet de déduire cette somme payée hors de nos frontières de l'impôt qui sera dû en France.

En effet, rappelons qu'<strong>il n'existe pas de mécanisme de crédit d'impôt en droit interne français, en ce qui concerne l'imposition des revenus.</strong>

<strong>Cet impôt de plus-value payé à l'étranger pourrait-il être pris en compte conformément à l'article 13</strong>

<sup class="note" data-contentnote=" CGI, art. 13, § 1 : «Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l&#039;excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l&#039;acquisition et de la conversation du revenu».">1538139242188</sup>
<strong>du Code général des impôts, pour venir en diminution du prix de cession ?</strong>

L'administration fiscale
<sup class="note" data-contentnote=" BOI-RFPI-PVI-20-10-10-20120912.">1538139314603</sup>ne mentionne pas l'impôt payé à l'étranger dans la liste des charges diminutives du prix de cession. Or le droit fiscal est d'interprétation stricte.

Pour un auteur, l'impôt étranger constituerait une charge déductible
<sup class="note" data-contentnote=" En ce sens : B. Gouthière,&lt;em&gt;Les impôts dans les affaires internationales&lt;/em&gt;, éd. Francis Lefebvre, 11&lt;sup&gt;e&lt;/sup&gt; éd. 2016, p. 945, § 67360.">1538139359079</sup>.

L'imposition en France aurait pour base d'imposition le montant net de la plus-value. Cet auteur se fonde sur l'article 13 du Code général des impôts dans sa distinction entre les dépenses déductibles ou non du revenu imposable. Il tranche donc en prenant position sur le caractère déductible de l'impôt payé à l'étranger quand bien même cette charge n'est pas au nombre des dépenses prises en compte pour calculer les plus-values
<sup class="note" data-contentnote=" CGI, art. 150 VB, II.">1545383083225</sup>.

En pratique, ainsi que B. Gouthière l'indique dans son livre précité, en son chapitre «La territorialité de l'impôt sur le revenu» (§ 1930) : «Afin d'atténuer la double imposition, il est admis que les impôts acquittés à l'étranger sur les revenus de source étrangère puissent être déduits de la base d'imposition (ancienne Doc. adm. 5B 1122, n° 4, non reprise au<em>BOFiP</em>sauf en ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers)». L'imposition en France serait donc assise sur le montant net perçu.

En effet, il semble en pratique admis que ces impôts payés hors de France soient déductibles. Nous n'avons pas trouvé de jurisprudence ni de redressement fondés sur la contestation de ce mécanisme. Par conséquent, on pense qu'il est judicieux de retenir cette position.

Précisons que la déductibilité de l'assiette de la plus-value, par le contribuable, de cet impôt supporté hors de France n'est pas un avantage, car<em>in fine</em>le montant total de l'impôt qui sera payé par le cédant tant en France qu'à l'étranger sera supérieur à l'impôt qu'il aurait payé si le bien immobilier avait été situé sur le territoire Français. La situation est donc moins favorable qu'en présence d'une convention éliminant la double imposition.

On préconise, eu égard au risque éventuel de contestation de la part de l'administration fiscale, d'avertir le contribuable de la possibilité de redressement et du complément de droit susceptible de lui être appelé ainsi que les intérêts et les éventuelles pénalités. Il est conseillé d'informer le vendeur de l'existence de cette incertitude et de sécuriser le dossier en préconisant l'usage du rescrit. À défaut, il faudra impérativement obtenir une reconnaissance d'avis donné sur ce point particulier.

<strong>On s'est également interrogé quant aux termes de la notice explicative à la déclaration n° 2047.</strong> En pratique, outre la déclaration n° 2048-IMM, une déclaration des revenus étrangers en annexe à la déclaration annuelle de revenus (déclaration n° 2047) doit être complétée par le contribuable. Or la notice de la déclaration n° 2047 mentionne sous le paragraphe «Explications des lignes de la déclaration», cadre 3, ce qui suit littéralement rapporté : «Si vous avez réalisé une plus-value de cession d'immeuble ou de bien meuble à l'étranger et si ce revenu n'est pas exonéré d'impôt en France en application d'une convention fiscale internationale (…). Vous pourrez, si ce revenu a été imposé à la source, déduire de l'impôt français, calculé sur ces déclarations, un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt français calculé sur cette plus-value ou de l'impôt étranger sans que celui-ci ne puisse dépasser le montant de l'impôt français».

<strong>Comment faut-il lire ce texte et l'interpréter ?</strong>Les commentaires qui figurent dans la notice de la déclaration n° 2047, relative aux revenus encaissés à l'étranger, traitent des obligations déclaratives concernant les personnes physiques domiciliées en France qui réalisent des plus-values immobilières hors de France et qui, en l'application d'une convention fiscale, n'exonèrent pas cette plus-value d'imposition en France. Or, en l'espèce, l'absence de convention fiscale entre la France et l'Uruguay rend ces commentaires inapplicables.

Précisons que cette notice, qui est un document visant à aider les contribuables dans l'accomplissement de leurs obligations déclaratives, n'est pas opposable à l'administration. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il est écrit sur le formulaire : «Cette notice n'a qu'une valeur indicative. Elle ne se substitue pas à la documentation officielle de l'administration».

Cas pratique n° 2 : Liquidation d'une plus-value en présence d'une convention fiscale

Conseil

Il serait parfois judicieux de conseiller aux non-résidents souhaitant venir s'installer en France de vendre leurs résidences situées hors de France avant de déménager. Une étude de cette imposition doit être conseillée et réalisée préalablement à une délocalisation.