Cas pratique n° 2 : Liquidation d'une plus-value en présence d'une convention fiscale

RÉDIGER : L’acte notarié français dans un contexte international

L'acte authentique et l'institution de l'authenticité

Le statut du notaire et de l'acte authentique notarié selon le droit européen

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Cas pratique n° 2 : Liquidation d'une plus-value en présence d'une convention fiscale

Conseil

Il serait parfois judicieux de conseiller aux non-résidents souhaitant venir s'installer en France de vendre leurs résidences situées hors de France avant de déménager. Une étude de cette imposition doit être conseillée et réalisée préalablement à une délocalisation.

France-Italie

M<sup>me</sup>de Vito a hérité, suite au décès de son père le 5 août 1997, de la moitié indivise en nue-propriété d'un bien immobilier sis en Italie, le surplus de la nue-propriété revenant à sa sœur. La valeur cadastrale en pleine propriété du bien reçu en nue-propriété était de 212 780 €. M<sup>me</sup>de Vito devient pleine propriétaire de la moitié indivise du bien immobilier suite au décès de sa mère le 9 août 2006. Ce bien constitue dès lors une résidence secondaire de M<sup>me</sup>de Vito. En 2015, elle se domicilie en France et devient résidente fiscale de ce pays. M<sup>me</sup>de Vito, domiciliée en France, vend son bien immobilier sis en Italie pour 1 300 000 € et dont la valeur cadastrale est de 255 024 €.

<strong>Remarques générales</strong>

 1) En principe, la convention donne ou retire à l'un des États contractants le droit d'imposer.

Elle n'est pas le fondement de cette imposition. C'est-à-dire que le pays en droit d'imposer la plus-value immobilière fondera l'impôt sur son droit interne. Or, certains pays n'imposent pas les plus-values réalisées par les non-résidents.

Cette non-imposition peut être soit générale, soit limitée, notamment lorsque les gains ne sont pas de nature professionnelle ou spéculative.

En quelque sorte, la convention fiscale donne une simple faculté à l'État désigné d'imposer. Elle n'oblige pas cet État à prélever un impôt si son droit interne ne le prévoit pas
<sup class="note" data-contentnote=" Par ex. : la convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008 donnait au Royaume-Uni le droit d&#039;imposer les gains immobiliers réalisés sur son territoire par des non-résidents, mais en réalité elle ne les imposait pas.">1524840033607</sup>.

 2) Contrairement à ce que les conventions prévoient (normalement pour les redevances dividendes, et intérêts), elles ne fixent pas de taux plafonds, ni d'imposition sur une base nette, ni la prise en compte de divers correctifs (par ex., correctifs qui seraient liés à l'inflation).

 3) C'est le droit interne de l'État et non la convention qui précise les modalités de recouvrement de cette imposition (recouvrement par retenue de l'impôt à la source ou autre, imposition comme un revenu ordinaire ou selon un mécanisme spécial et à un taux spécifique).

<strong>À ce propos, que prévoit le droit interne italien ?</strong>

<strong>I. Fiscalité italienne</strong>

À titre liminaire, il convient de noter qu'à ce stade, il faut se rapprocher d'un fiscaliste italien pour connaître en détails les modalités d'imposition locale. En principe, le droit fiscal italien exonère d'impôt de plus-values immobilières la cession d'immeuble reçu par succession. Il en est de même en cas de vente de la résidence principale, ou d'immeubles dès lors qu'ils sont détenus depuis plus de cinq ans (sauf s'il s'agit de terrains à bâtir).

En l'espèce, sous réserve de valider les exonérations de plus-values en Italie exposées<em>supra</em>, la plus-value de cession de l'immeuble détenu en indivision par M<sup>me</sup>Vito sera exonérée à double titre : d'une part, parce que l'immeuble a été reçu par succession et, d'autre part, parce que l'immeuble est sa propriété depuis plus de cinq ans.

Il n'y aurait donc pas d'impôt de plus-value immobilière à acquitter auprès de l'administration fiscale italienne.

<strong>II. Convention fiscale franco-italienne</strong>

En France, le droit fiscal soumet les plus-values réalisées lors de la cession d'immeuble ou de droits relatifs à un immeuble au régime d'imposition des plus-values des particuliers prévu aux articles 150 U à 150 VH et 200 B du Code général des impôts lorsqu'elles sont réalisées par des personnes physiques domiciliées en France dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé, soit directement, soit au travers de sociétés de personnes.

En conséquence de la hiérarchie des normes en droit interne français et de l'application de l'article 55 de la Constitution française du 4 octobre 1958 : «Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie».

Le droit interne français précité s'applique donc sous réserve des conventions internationales ratifiées par la France.

Or, une convention en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune a été signée à Venise le 5 octobre 1989 entre le gouvernement de la République française et celui de la République italienne. Elle est assortie d'un protocole formant partie intégrante de la convention. Elle se substitue à la précédente convention signée le 29 octobre 1958 (sauf pour ses articles 25 et 26 qui continuent à s'appliquer). Elle est entrée en vigueur le 1<sup>er</sup> mai 1992.

Aux termes du § 1 de l'article 13 de cette convention
<sup class="note" data-contentnote=" «1. Les gains provenant de l&#039;aliénation des biens immobiliers visés à l&#039;article 6 sont imposables dans l&#039;État où ces biens sont situés.»">1524840305359</sup>, les plus-values sont imposables dans l'État de situation de ces biens.

En outre, cette plus-value est également imposable en France : en conséquence, le droit d'imposer la plus-value immobilière consécutive à la cession d'un immeuble en Italie revient à l'Italie et la France doit donc mettre en œuvre un système d'élimination de la double imposition. La méthode d'élimination de la double imposition est prévue à l'article 24 de la convention sous le titre : «Dispositions pour éliminer les doubles impositions»
<sup class="note" data-contentnote=" Art. 24.1, &lt;em&gt;a)&lt;/em&gt; : «La double imposition est évitée de la manière suivante : 1. Dans le cas de la France : a) Les bénéfices et autres revenus positifs qui proviennent d&#039;Italie et qui y sont imposables conformément aux dispositions de la Convention, sont également imposables en France lorsqu&#039;ils reviennent à un résident de France. L&#039;impôt italien n&#039;est pas déductible pour le calcul du revenu imposable en France. Mais le bénéficiaire a droit à un crédit d&#039;impôt imputable sur l&#039;impôt français dans la base duquel ces revenus sont compris. Ce crédit d&#039;impôt est égal : – pour les revenus visés aux articles 10, 11, 12, 16 et 17 et au paragraphe 8 du protocole annexé à la Convention au montant de l&#039;impôt payé en Italie, conformément aux dispositions de ces articles. Il ne peut toutefois excéder le montant de l&#039;impôt français correspondant à ces revenus : – pour tous les autres revenus, au montant de l&#039;impôt français correspondant».">1524840426711</sup>.

Elle s'opère selon la méthode de l'imputation : elle consiste pour la France à appliquer un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt dû en France.

Toutefois, comme l'indique la mention figurant en tête de l'article 24, celui-ci ne s'applique qu'en cas de double imposition. En l'absence d'imposition en Italie, il n'y aurait donc pas lieu de faire application des dispositions du paragraphe 1 de l'article 24
<sup class="note" data-contentnote=" BOI-INT-CVB-ITA-10-50, n&lt;sup&gt;os&lt;/sup&gt; 1 et 10.">1545383336314</sup>.

De plus le Protocole additionnel formant partie intégrante de la convention précise en son article 15 que : «Dans les cas où, conformément aux dispositions de la présente Convention, un revenu doit être exempté de la part de l'un des deux États, l'exemption sera accordée si et dans la mesure où ce revenu est taxable dans l'autre État».

Cet article n'a pas vocation à s'appliquer puisque la France impose en tant qu'État du domicile et que l'Italie, qui a le droit d'imposer théoriquement en application de la convention, ne le fait pas en raison de ses règles internes. L'exemption n'aurait d'effet que si la France n'avait pas le droit d'imposer, ce qui n'est pas le cas.<strong>La France retrouve donc son droit d'imposer dans les conditions de droit commun</strong>.

<strong>III. Régime fiscal d'imposition de la plus-value en France</strong>

Il conviendra de faire application des dispositions de l'article 150 U du Code général des impôts.

M<sup>me</sup>Vito cède sa résidence secondaire. Elle pourrait bénéficier du régime d'exonération de plus-value si elle décidait de remployer le prix de vente dans l'acquisition d'une résidence principale dans les conditions prévues à l'article 150 U-II-1° <em>bis</em>du Code général des impôts, ou bien encore si elle répondait aux conditions prévues à l'article 150 U III du Code général des impôts pour les retraités ou invalides de condition modeste.

La difficulté consistera pour le conseil français à faire insérer au notaire italien chargé de cette vente les déclarations d'usage dans l'acte de vente. Or, par expérience, on constate parfois une réticence pour insérer lesdites clauses, au risque de faire perdre l'exonération au contribuable.

La plus-value immobilière ayant pour assiette la différence entre le prix d'acquisition et le prix de cession, il convient de s'arrêter sur les valeurs à prendre en compte.

<strong>
<em>a)</em>Détermination du prix de cession :</strong>le prix à retenir dans la déclaration de plus-value est le prix réel tel qu'il est stipulé dans l'acte indépendamment de ses modalités de paiement. La plus-value est imposée au nom de chaque indivisaire à raison de la fraction du prix de vente correspondant à ses droits dans l'indivision. Chaque indivisaire est réputé recevoir une fraction du prix de vente correspondant aux droits qu'il détenait sur le bien cédé à la date de la vente.

<strong>
<em>b)</em>Détermination du prix d'acquisition :</strong>en cas d'acquisition par succession ou donation, le prix d'acquisition s'entend de la valeur retenue pour la détermination des droits de mutation à titre gratuit. À défaut, la plus-value est calculée à partir de la valeur vénale réelle à la date d'entrée dans le patrimoine du cédant d'après une déclaration détaillée et estimative des parties
<sup class="note" data-contentnote=" CGI, art. 150 VB, I.">1545383428378</sup>. Lorsque la succession n'a donné lieu à aucune imposition ou lorsqu'elle n'était pas imposable en France, l'administration permet de retenir la valeur qui figure dans l'attestation immobilière à la condition que celle-ci corresponde à la valeur du bien au jour de la mutation à titre gratuit
<sup class="note" data-contentnote=" BOI-RFPI-PVI-20-10-20-10, n° 290.">1545383454168</sup>. Afin d'éviter que ne soit pas prise en compte la valeur cadastrale
<sup class="note" data-contentnote=" La valeur cadastrale est retenue dans certains pays, notamment en Italie et en Espagne. Elle ne correspond pas à la valeur vénale. En Espagne, à l&#039;occasion du règlement d&#039;une succession, l&#039;administration fiscale applique à cette valeur cadastrale un coefficient de pondération différent selon les régions pour déterminer une valeur la plus proche possible de la valeur vénale.">1524841057903</sup>mentionnée dans la déclaration de succession pour calculer l'assiette de la plus-value,<strong>nous vous recommandons de</strong> :