La pratique notariale internationale peut-elle devenir source de droit ? Un parallèle peut être fait avec une autre source de droit international, la lex mercatoria
1542028713502.
La lex mercatoria est définie par B. Goldman
1539416892438par les « règles transnationales que les partenaires des échanges économiques internationaux se donneraient progressivement à eux-mêmes, notamment dans le cadre de leurs organismes professionnels, et que les arbitres, contractuellement désignés pour résoudre leurs litiges, constatent et, par là même précisent, voire élaborent à leur intention ».
D'après cette analyse, la lex mercatoria est issue d'un fonds commun propre au milieu du commerce international et non de tel ou tel droit étatique ou interétatique. Elle accède à la « dignité » de règles de droit
1539416615211. Elle est parfois contestée par une partie de la doctrine, telle que M. Paul Lagarde qui ne voit dans ces « clauses » ou ces « combinaisons contractuelles » que « le simple usage par les parties de leur liberté contractuelle »
1539416639702.
Pour trancher cette question, il faut définir si la contrainte du milieu est forte. C'est le cas pour la lex mercatoria. Il faut aussi noter qu'elle a fait l'objet d'une reconnaissance prétorienne, notamment par l'arrêt Valenciana
1539416656746.
La pratique notariale internationale, comme la lex mercatoria, peut également être considérée comme une source. Ainsi, une généralisation des bonnes pratiques, uniformisées et diffusées par les instances notariales permet de constituer un « fonds commun propre au milieu notarial ». Elle répond à un besoin lié à la mondialisation de notre société et des échanges internationaux. Elle doit répondre aux besoins de nos clients, sans nécessiter l'intervention de l'ordre étatique ou interétatique. La pratique notariale est un formidable outil pour mettre en place des mécanismes facilitant l'accès des personnes à la justice. C'est aussi un des objectifs de la Commission européenne
1539416695338.
L'européanisation est un véritable défi pour la pratique notariale et le notaire doit être au centre de la relation entre la justice et le citoyen européen. Il doit développer une pratique notariale internationale. Il doit apprivoiser le droit de l'Union et le droit international et prendre sa place dans cet espace juridique. C'est non seulement une obligation, c'est aussi une véritable opportunité. Il a la possibilité de faire fonctionner les règles de l'Union comme il l'a fait depuis toujours pour les règles nationales.
Certains règlements européens mettent d'ores et déjà le notaire au centre de la relation et demandent son accompagnement. C'est le cas pour le règlement « Successions » du 4 juillet 2012, pour le règlement du 14 juin 2016 sur les régimes matrimoniaux ou encore pour le règlement Rome III sur les divorces, qui permettent aux parties de retrouver une certaine liberté contractuelle.
Le notaire est un atout pour l'Union, par sa faculté de divulguer auprès des citoyens des textes européens et mondiaux, par la mise en œuvre et la diffusion d'une pratique notariale au niveau européen et mondial, par sa façon de proposer une application concrète des textes, tout en tenant compte du principe de proximité. Le développement des réseaux entre notaires de différents pays favorisera la généralisation de la bonne pratique. Les instances pourront l'encourager. Ce sera surtout le cas lorsque le notaire devra s'adapter devant des pratiques ou des législations inconnues de lui. Le droit international privé est un droit d'adaptation. Les bonnes pratiques devront être partagées entre notaires et divulguées au niveau international afin de mettre en place une pratique qui, comme la lex mercatoria, pourra prendre une place stratégique dans les sources de droit.
Le développement d'une pratique notariale internationale est donc une véritable opportunité pour renforcer le rôle du notaire. La détermination de chacun est nécessaire, à titre individuel, par son implication dans la formation puis dans la mise en œuvre au quotidien des règles de droit international privé.
Cette perspective est confortée par des réalisations notariales qui ont d'ores et déjà abouti. En effet, le règlement « Successions » du 4 juillet 2012, et plus particulièrement le certificat successoral européen, met en avant le rôle du notaire au niveau international. Par ailleurs, la réglementation sur le titre exécutoire européen et la mise en place du sceau notarial sécurisé démontrent la capacité du notariat à apporter des solutions concrètes et pratiques pour appuyer et sécuriser la réglementation européenne.