Avant-propos de Marc CAGNIART, Président du 115e Congrès des notaires de France
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Président du 115 e Congrès des notaires de France
Dans le panthéon grec, Dionysos est un dieu à part.
Il erre, il est de partout et de nulle part à la fois, il incarne aussi bien le vagabond que le sédentaire. Dionysos représente la figure de l’autre, de ce qui est différent, déroutant, déconcertant, anomique.
« Le retour de Dionysos chez lui à Thèbes, s’est heurté à l’incompréhension et a suscité le drame aussi longtemps que la cité est demeurée incapable d’établir le lien entre les gens du pays et l’étranger, entre les autochtones et les voyageurs, entre sa volonté d’être toujours la même, de demeurer identique à soi, de se refuser à changer, et, d’autre part, l’étranger, le différent, l’autre. »
Comme bien souvent, la mythologie grecque révèle des thèmes universels et intemporels qu’il nous faut aborder. Il en est ainsi de l’altérité qui se présente comme un défi pour toute société.
Et il m’est apparu, quand il m’a été confié la responsabilité de présider le Congrès de 2019, que ce thème de l’altérité connaissait une vigueur, une ampleur et une actualité, renouvelées et amplifiées au cœur même de l’activité du notaire. Dit autrement, il était temps d’organiser un congrès exclusivement consacré au droit international privé. Cette matière, autrefois élitiste et rare dans les études notariales, est devenue en quelques années une composante de plus en plus fréquente des situations que le notaire doit traiter.
Il n’est pas suffisant d’expliquer ce phénomène par la seule mondialisation. Si cette dernière intervient au niveau global et impose aux États souverains la loi du marché, son intervention se conjugue avec celle de la fondamentalisation du droit qui œuvre au niveau individuel. Tout un chacun peut désormais imposer aux États souverains que soit reconnue sa
situation personnelle, même irrégulièrement constituée à l’étranger.
À ce double mouvement de la mondialisation et de fondamentalisation du droit, s’ajoute le développement de la régionalisation du droit. Alors que le droit international privé « classique » édictait des règles neutres de répartition des situations entre les ordres juridiques nationaux, des ensembles dépassant les États produisent des normes juridiques internatio-
nales.
Et aujourd’hui, le notaire confronté à une situation internationale n’applique plus uniquement un droit international privé forgé par la jurisprudence et la doctrine au fil des siècles, mais aussi un droit textuel totalement renouvelé en l’espace de 20 ans.
L’évolution de la matière se caractérise par son illisibilité, son manque de cohérence, et son approche fragmentaire des situations.
Il est tentant de s’en plaindre et de regretter le monde d’hier.
N’est-il pas au contraire plus intéressant d’analyser ces bouleversements, de faire le point sur des pratiques adaptées pour répondre au défi de l’altérité, et de livrer une réflexion de nature à influer sur l’avenir ?
C’est l’ambition de l’équipe du Congrès de Bruxelles. Et le rapport que vous tenez entre vos mains vous propose de comprendre ces bouleversements et de maîtriser les pratiques qui en découlent.
Mais ne vous arrêtez pas en si bon chemin ! Poursuivez votre route et rejoignez-nous à Bruxelles du 2 au 5 juin 2019 pour participer à la réflexion sur l’avenir de la pratique notariale du droit international privé.
Vous aurez le plaisir d’y rencontrer cette brillante équipe dont le talent et la passion ne cessent de m’impressionner. Ils sont l’Autre, Dionysos et non Penthée, ils sont prêts à la rencontre de l’autre, pour le plus grand bonheur de leurs clients et de leurs confrères.