Le notaire, de par son activité quotidienne, contribue à ce que l'on appelle la pratique notariale. Cette notion a été très largement évoquée par Mme Sarah Torricelli-Chrifi, dans son ouvrage La pratique notariale, source du droit
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Les usages et une certaine standardisation des actes donnent naissance à la pratique notariale. Elle trouve son origine dans la formation notariale initiale et continue, mais aussi dans « une inspiration identique, issue de préoccupations communes »
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Ce terme peut être critiqué, car l'idée de standardisation est parfois rejetée. Cependant, il a le mérite d'induire une certaine consolidation, une cohérence et une sécurité juridique. Cette notion doit être distinguée de la rédaction, qui est un travail de précision apporté par chaque notaire sur le dossier qu'il gère. La pratique notariale est diffusée, portée par les instances de la profession et plus particulièrement par le Conseil supérieur du notariat, et aujourd'hui au niveau international par l'Union internationale du notariat (UINL), organisation non gouvernementale qui a pour but de « promouvoir, coordonner et développer la fonction et l'activité notariale dans le monde ». Elle sera présentée plus en détail dans la partie III
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La pratique notariale a une influence certaine sur la loi. Elle figure au rang des « forces créatrices du droit »
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Elle bénéficie de ces propres vecteurs, tels que le Congrès des notaires de France, pour faire remonter les propositions de la profession au législateur. Cette instance permet de produire une réflexion annuelle d'intérêt général issue de la pratique notariale, en contact quotidien avec les citoyens. Après approbation des notaires congressistes, les propositions sont relayées aux pouvoirs publics et nombre d'entre elles sont adoptées par le législateur
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D'autres encore encouragent la profession à une meilleure homogénéité dans sa pratique quotidienne. À titre d'exemple, l'acte de notoriété est souvent mis en avant. Dès la fin du XIX
e siècle, la pratique notariale a mis en place des actes destinés à identifier les successeurs et à préserver la preuve des qualités d'héritier pour une meilleure sécurité juridique. À l'origine, les notaires les dressaient en l'absence d'intitulé d'inventaire. Puis la jurisprudence relaya cette pratique. La Cour de cassation
1539272604683imposa systématiquement l'acte de notoriété, même en présence d'intitulé d'inventaire. Cette pratique a été consolidée par la loi et les articles 730-1 et suivants du Code civil qui permettent au notaire d'établir cet acte à la demande d'un ou plusieurs héritiers. Enfin, la loi du 20 décembre 2007
1539272623933réserve aujourd'hui aux seuls notaires la compétence pour dresser cet acte.
Une autre illustration significative est celle de la copropriété. Face au développement de l'urbanisme, il a fallu trouver une nouvelle technique juridique pour sécuriser le droit de propriété. Le notariat a mis en place le règlement de copropriété, fruit de la concertation, de la mise en commun et de l'uniformisation par les instances notariales. Les techniques ont été évoquées lors du 55e Congrès des notaires de France à Bordeaux, en 1957. La loi qui consacra cette pratique a été adoptée le 10 juillet 1965
1544355640073. De nombreux exemples pourraient être cités, comme la consécration de la clause alsacienne, la mise en place de la vente en l'état futur d'achèvement
1539272675851ou la modification législative intervenue en 2007 sur le pacte civil de solidarité.
Le notaire a une obligation d'instrumenter, une obligation d'efficacité. Il doit proposer une solution et la bâtir face au silence de la loi. Cette obligation a une influence certaine sur la pratique notariale. Face aux demandes des parties, aux textes de droit parfois ambigus ou sujets à interprétation, le praticien a l'obligation de prendre parti. Il doit s'adapter aux besoins juridiques demandés par le client, en lui proposant une réponse juridique claire et sécurisante. Il utilise le pouvoir issu de la liberté contractuelle pour innover. Sa seule limite est l'ordre public.
Le notaire doit également faire face aux lois nouvelles en les interprétant si nécessaire. L'inflation législative et la multiplication exponentielle des textes de loi s'accompagnent souvent d'un manque de lisibilité et d'accessibilité. Le destinataire et le praticien sont parfois confrontés à leurs lots d'incertitudes. Il revient alors au notaire, et par l'uniformisation possible à travers les instances – à la pratique notariale – de trouver des solutions afin d'assurer l'efficacité et l'effectivité de la norme. Bruno Oppetit affirme dans son ouvrage sur la philosophie du droit que « l'enjeu ne réside pas dans un modèle idéal à réaliser, mais plutôt un ordre convenable à établir, de nature à régir le plus correctement possible les relations entre les hommes »
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La pratique notariale a une influence sur l'élaboration du droit, par sa collaboration avec le législateur et par l'obligation qu'il a d'appliquer au quotidien des dispositions législatives. Elle va parfois plus loin en palliant les textes lacunaires. Elle peut améliorer le droit existant afin d'apporter aux clients une réponse plus adaptée à leurs aspirations, le tout dans les limites de l'ordre public.