CGV – CGU

2021 – Rapport du 117e congrès – Commission 3 – Chapitre I – La conservation conforme : les questions soulevées par la numérisation

PARTIE II – La sécurisation de la pratique du contrat numérique
Titre 4 – La conservation
Sous-titre 1 – La conservation du contrat dans le monde numérique

Chapitre I – La conservation conforme : les questions soulevées par la numérisation

3635 La numérisation est l’action de numériser consistant à convertir une information analogique sous forme numérique1394. Il s’agit plus précisément de transformer des informations d’un support (texte, image, audio, vidéo) en données numériques que des dispositifs informatiques pourront traiter. L’analyse de la fiabilité de ce procédé nécessite d’aborder ses effets juridiques (Section I) et ses limites pratiques (Section II).

Section I – Les effets juridiques de la numérisation

3636 – La force probante de la copie numérique. – C’est le premier alinéa de l’article 1379 du Code civil, dans sa version issue de la réforme du droit des obligations du 10 février 2016, qui apporte les premiers éléments de réponse à la question de la valeur probatoire des copies numériques1395. La copie fiable a la même force probante que l’original. Cette fiabilité reste toutefois à l’appréciation souveraine des juges du fond. L’alinéa 2 précise que pour être présumée fiable (présomption simple et non irréfragable), la copie doit résulter d’une reproduction à l’identique de la forme et du contenu de l’acte, et dont l’intégrité est garantie dans le temps par un procédé conforme à des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Le décret qui s’en est suivi, en date du 5 décembre 2016, est venu préciser que la présomption de fiabilité résulte de l’usage d’un procédé qui répond aux conditions prévues aux articles 2 à 6 dudit décret1396. Parmi ces exigences figurent celles de la qualité du procédé de numérisation, de la date de sa création, de la conservation pérenne du document numérisé, et surtout de son intégrité. Ce dernier élément est attesté par une empreinte électronique qui garantit contre toute modification ultérieure de la copie à laquelle elle est attachée. Cette condition d’intégrité est présumée remplie par l’usage d’un horodatage qualifié, d’un cachet électronique qualifié ou d’une signature électronique qualifiée, au sens du règlement (UE) no 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur. En d’autres termes, tout procédé de numérisation ne respectant pas ces prescriptions ne permet pas de présumer fiable la copie ainsi établie. La copie non fiable, dite « copie simple », n’a aucune valeur probatoire en cas d’impossibilité de présenter l’original.
3637

Section II – Les limites pratiques de la numérisation

3638 – L’usage de la copie numérique. – Lors de la numérisation d’un document papier, les conditions imposées par le décret du 5 décembre 2016 sont-elles respectées et contrôlables ? La fourniture par un bureau de contrôle indépendant d’une attestation garantissant le respect de la norme NF Z42-026 semble être l’une des rares solutions pour justifier du respect de la règle. Ceci étant, en réalité, la pertinence des questions relatives à la validité juridique et la force probante de la copie numérisée va se réduire au fil du temps, pour les raisons suivantes :

dans le monde numérique d’aujourd’hui, la plupart des documents sont créés ab initio sous forme numérique et seront utilisés tels quels sous ce même format dans le contrat final ;

plus la technologie va évoluer et les échanges se multiplier sous forme dématérialisée, moins cette question de la copie d’un document analogique aura d’importance ;

surtout, le déploiement de la signature électronique va permettre de conserver au document numérique toute son intégrité, puisqu’ayant été créé ab initio sous ce même format1398. En effet, les documents signés électroniquement nécessitent une validation de la signature en amont. Cela implique une veille technologique avec différentes actions à mener pendant la phase de conservation pouvant aller jusqu’à une sur-signature du document concerné grâce à un nouvel algorithme plus sûr et plus performant.

3639 – La conservation de l’original. – Comme on vient de le voir, pour les acteurs du monde numérique, la numérisation ne pose pas fondamentalement de difficultés spécifiques. Ceci étant, lorsqu’ils y ont recours, se pose la question de la conservation des originaux. La formulation du dernier alinéa de l’article 1379 du Code civil suggère que l’original peut être détruit, quelles que soient les modalités de la copie numérisée et qu’elle soit réalisée dans le respect des exigences du décret de 2016 ou en dehors. Mais si l’original subsiste, sa présentation peut toujours être exigée. Il faut donc en assurer la conservation fiable et pérenne pour faire face à toute procédure éventuelle ultérieure. Il n’est dès lors pas certain que les acteurs du monde numérique les conservent dans de bonnes conditions. Dès lors, une destruction des originaux sans l’autorisation expresse des parties contractantes leur ôterait un mode de preuve et pourrait justifier un recours en dommages et intérêts contre le professionnel négligent, au titre de la perte d’une chance1399. C’est la raison pour laquelle la plupart des professionnels prévoient des clauses autorisant la destruction des originaux pour éviter d’avoir à les fournir en cas de contentieux.

1395) C. civ., art. 1379, al. 1 : « La copie fiable a la même force probante que l’original. La fiabilité est laissée à l’appréciation du juge. Néanmoins est réputée fiable la copie exécutoire ou authentique d’un écrit authentique ».
1396) D. no 2016-1673, 5 déc. 2016, relatif à la fiabilité des copies et pris pour l’application de l’article 1379 du code civil (www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000033538124&categorieLien=id).
1398) Toutes conditions sur la validité et la fiabilité de la signature électronique étant par ailleurs remplies.
1399) C. civ., art. 1231-2.


Aller au contenu principal