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2021 – Rapport du 117e congrès – Commission 3 – Chapitre II – La rencontre des volontés

PARTIE I – L’adaptation du droit des contrats au monde numérique
Titre 1 – La formation du contrat dans le monde numérique
Sous-titre 1 – Le processus de conclusion numérique du contrat

Chapitre II – La rencontre des volontés

3100 La rencontre des volontés permettant la formation du contrat nécessite l’échange d’une offre et d’une acceptation (Section I), qui peut se matérialiser par la rédaction et la signature de la convention (Section II). La voie électronique et les outils numériques utilisés lors de cette rencontre des volontés génèrent certaines spécificités.

Section I – L’échange d’une offre et d’une acceptation par voie électronique

3101 L’échange d’une offre et d’une acceptation par voie électronique pose la question spatio-temporelle de la rencontre des volontés (Sous-section I), ainsi que la question de la protection du consentement par le développement des délais de rétractation et de réflexion (Sous-section II).
Sous-section I – La rencontre des volontés : regard spatio-temporel
3102 L’article 1113 du Code civil (C. civ., art. 1113) dispose que « le contrat est formé par la rencontre d’une offre et d’une acceptation par lesquelles les parties manifestent leur volonté de s’engager ». Dans un univers dématérialisé, cet échange des consentements interroge sur la date et le lieu du contrat dans son environnement numérique (§ I), lesquels permettent ensuite d’identifier la loi applicable au contrat numérique (§ II).

§ I – La date et le lieu du contrat dans son environnement numérique

3103 – Le moment de conclusion du contrat « entre absents »149. – Un contrat peut parfaitement se former sans la présence simultanée des parties dans un même lieu, sauf exception150. Cet échange des volontés peut par ailleurs être formalisé sous forme électronique, comme l’autorise l’article 1174 du Code civil151 (C. civ., art. 1174). La convention ainsi établie sous forme numérique présente donc la particularité de pouvoir être conclue entre des parties présentes en un même lieu et un même instant, mais aussi et surtout entre des parties absentes. Il en va par exemple ainsi pour toutes les ventes conclues par correspondance sur des sites internet, ou encore par un simple échange d’e-mails. Le contrat est alors dit « entre absents ». Celui-ci a fait l’objet de très nombreux échanges avant la réforme du droit des obligations152, avec l’opposition de deux grandes théories. D’une part, celle de l’émission153 : l’accord de volonté intervient dès que l’acceptation de l’offre est envoyée, sans attendre donc que le pollicitant en ait connaissance. D’autre part, celle de la réception154 : le contrat est alors conclu lors de la réception par l’offrant de l’acceptation de son offre par son cocontractant. L’ordonnance du 10 février 2016155 introduit un nouvel article 1121 du Code civil (C. civ., art. 1121) disposant que : « Le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant. Il est réputé l’être au lieu où l’acceptation est parvenue ». La théorie de la réception est donc consacrée, le droit français s’alignant sur les Principes Unidroit156, les Principes du droit européen des contrats157, ou encore la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises158.
3104 – L’accusé de réception électronique. – La directive européenne du 8 juin 2000159 impose (art. 11) concernant la passation de commandes par voie électronique l’obligation, à l’égard des consommateurs, d’en accuser réception sans délai et par voie électronique. Cet accusé de réception est en revanche optionnel dans les relations B to B160 et C to C161. Il suffit simplement que l’auteur de la commande ait accès à cette confirmation, sans que le professionnel ait à prouver sa prise de connaissance. Certains auteurs ont pu déduire de cette rédaction que le contrat est conclu après la prise de connaissance par l’offrant de l’acceptation de son cocontractant162. Il s’agit de la théorie de l’information de l’offrant, connue du droit américain et de certains pays européens, notamment le droit anglais.
3105 La transposition en droit français de l’obligation de l’accusé de réception électronique est réalisée à l’article 1127-2 du Code civil (C. civ., art. 1127-2) créant la règle dite du « double clic »163. Ledit article précise que : « Le contrat n’est valablement conclu que si le destinataire de l’offre a eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande et son prix total et de corriger d’éventuelles erreurs avant de confirmer celle-ci pour exprimer son acceptation définitive ». La même disposition impose ensuite à l’auteur de l’offre d’en accuser réception sans délai et par voie électronique. Le moment de la conclusion du contrat est donc précisé par l’alinéa 1, c’est-à-dire lors de la validation par le destinataire de l’offre de son acceptation164. L’alinéa 2 prévoyant l’accusé de réception ne suspend pas la conclusion du contrat mais impose simplement une obligation, sans en préciser la sanction165. Le non-respect de cet impératif semble donc uniquement réparable par des dommages-intérêts.
3106 S’agissant du lieu de formation du contrat sous forme électronique, lorsque celui-ci est conclu entre absents, le nouvel article 1121 du Code civil prévoit qu’« il est réputé l’être au lieu où l’acceptation est parvenue ». C’est donc le lieu de situation du pollicitant qui importe pour la détermination du lieu de conclusion du contrat.
3107 – Les règles liées à la date et au lieu de conclusion du contrat numérique ont des applications pratiques importantes. – Elles permettent par exemple d’apprécier la possible rétractation de l’offre tant que le contrat n’est pas conclu166, les conditions de formation du contrat, notamment la capacité des cocontractants et la réalité du consentement exprimé, ainsi que le moment de la formation du contrat lorsque l’une des parties décède. Surtout, ces règles vont permettre de déterminer la loi applicable au contrat, tant temporellement que spatialement.

§ II – La loi applicable au contrat numérique

3108 Le contrat numérique est une convention classique, ne faisant pas l’objet d’une réglementation particulière, notamment dans un contexte international pour ce qui concerne la loi applicable au contrat. En effet, il ne présente pas de spécificités justifiant un traitement différent167. Le droit international privé en matière contractuelle s’applique donc pleinement, notamment s’agissant de la protection du consommateur.
3109 Dans les relations B to B et C to C dans un premier temps, les principaux textes applicables au niveau européen168 sont la convention de Rome du 19 juin 1980169 et le règlement Rome I du 17 juin 2008170. Le premier texte régit les contrats conclus avant le 17 décembre 2009, et le second ceux conclus à partir de cette date. Le principe gouvernant ces deux textes est l’autonomie de la volonté.
3110 – Le principe de l’autonomie de la volonté. – Les articles 3 du règlement Rome I et de la convention de Rome disposent que la loi applicable au contrat est celle choisie expressément ou tacitement par les parties.
Ce choix n’est pas nécessairement global et peut différer selon les dispositions du contrat171 afin de soumettre ses éléments à des lois nationales variées.
Le choix peut être fait lors de la conclusion du contrat ou postérieurement.
N’importe quelle loi nationale peut être choisie par les parties, même si elle n’a aucun rapport avec ces dernières, ou avec le lieu d’exécution ou de conclusion du contrat. Toutefois, les deux articles 3 précités limitent ce choix en précisant qu’il ne peut avoir pour effet d’évincer les règles impératives de l’autre pays dans lequel « tous les autres éléments de la situation sont localisés au moment de ce choix ». L’objectif de cette limitation au libre choix de la loi applicable est d’éviter que des parties choisissent une autre loi nationale dans l’unique but d’échapper aux dispositions impératives de l’État avec lequel le contrat a tous ses liens. Il en va de même pour les dispositions d’ordre public du droit européen pour le contrat dont tous les éléments sont localisés dans un État membre172.
3111 À défaut de choix de loi, la logique diffère entre les deux textes. La convention établit des présomptions simples visant à déterminer la loi avec laquelle la convention a les liens les plus étroits173, alors que le règlement détermine la loi applicable par catégorie de contrat174. Ce n’est que si le contrat n’entre pas dans le champ de l’une des classifications ci-dessus, ou s’il entre au contraire dans plusieurs de ces qualifications que le règlement soumet le contrat « à la loi du pays dans lequel la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a sa résidence habituelle »175. Cette prestation caractéristique, visée tant par la convention que le règlement, est celle qui permet de distinguer le contrat d’un autre.
Les présomptions de la convention de Rome et la détermination de la loi applicable par catégorie de contrat du règlement Rome I sont écartées s’il « résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays »176.
Le critère de rattachement se dégageant de ces deux textes est celui du lien le plus étroit, comme le précise le point 4 de l’article 4 du règlement Rome I qui dispose que : « Lorsque la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 1 ou 2, le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits ».
3112 Dans les relations B to C dans un second temps, la convention de Rome177 et le règlement Rome I178 ont la même inspiration. Le principe ici encore est le choix de la loi applicable. Ce choix ne doit toutefois pas avoir pour effet de priver le consommateur de la protection qui lui est accordée par les dispositions impératives de sa loi nationale179. À défaut de détermination par les parties, le principe est l’application de la loi de l’État dans lequel le consommateur a sa résidence habituelle.
Le consommateur reçoit la même définition dans les textes, il s’agit de celui qui agit « pour un usage pouvant être considéré comme étranger à son activité professionnelle ». Il suffit donc de conclure un contrat ayant un lien avec son activité professionnelle pour sortir de la définition, même si le contrat n’a rien à voir avec la spécialité du professionnel180.
3113 S’agissant de la loi applicable à la validité au fond, l’article 8 de la convention et l’article 10 du règlement soumettent le contrat à la loi qui lui serait applicable en vertu de chacun de ces textes si le contrat était valable. Il s’agit donc des mêmes règles de détermination que celles ci-dessus exposées. Une exception est faite pour l’appréciation du consentement s’il n’est pas « raisonnable » de déterminer son existence selon la loi ci-dessus fixée. La loi de la résidence habituelle est alors retenue. Cette notion de raison figurant tant dans la convention que dans le règlement laisse une porte ouverte à une appréciation judiciaire et instaure une certaine insécurité juridique.
3114 S’agissant de la loi applicable à la forme, l’article 9 de la convention et l’article 11 du règlement distinguent entre le contrat conclu entre des parties se trouvant dans un même pays et celui conclu entre des parties se trouvant dans des États différents.
Lorsque les parties sont dans un même pays, le contrat est valable en la forme s’il respecte les conditions de la loi applicable au contrat déterminée selon les règles ci-dessus, ou celles de l’État dans lequel les parties se trouvent.
Si les parties ne se trouvent pas dans le même pays, la forme est soumise à la loi du contrat, ou à la loi de l’un des pays dans lequel les parties se trouvent. Cette situation est courante en matière de contrat électronique conclu entre absents. On la retrouve notamment pour toutes les transactions réalisées sur les plateformes en ligne lorsque leurs utilisateurs sont dans un autre État que leur siège social.
Lorsque le contrat est conclu par l’intermédiaire d’un représentant, la loi du pays devant être prise en compte est celle de l’État du représentant, et non celle de la personne représentée.
Des dispositions particulières s’appliquent au consommateur, pour lequel la forme du contrat est régie par la loi du pays dans lequel il a sa résidence habituelle.
S’agissant des contrats portant sur un immeuble (droit réel ou droit d’utilisation), la loi applicable à la forme est celle de l’État où le bien est situé. Cela sera notamment le cas pour toutes les plateformes en ligne proposant des locations courte ou longue durée et de meublé touristique.
Lorsque les parties décident, conformément aux deux articles 3 de la convention et du règlement181, de modifier la loi applicable au fond du contrat après sa conclusion, la forme ne peut être remise en cause.
Une question se pose à propos du dépeçage du contrat et des conséquences sur l’appréciation de la validité sur la forme. Trois solutions semblent envisageables :

la première est de considérer que le contrat est valable en la forme s’il respecte les règles de l’une au moins des lois applicables aux différentes stipulations du contrat ;

la deuxième est « d’appliquer la loi de fond applicable à la partie du contrat à laquelle la condition de forme litigieuse se rattache le plus étroitement »182 ;

la troisième est de retenir la loi de la résidence habituelle des parties183.

Il n’y a pas à ce jour de jurisprudence permettant de trancher entre ces différentes possibilités. Il semble toutefois opportun de retenir la solution conduisant à minimiser les risques de remise en cause de la validité du contrat afin de rassurer les cocontractants184.
3115 La loi applicable au contrat numérique étant déterminée, il y a lieu d’analyser comment la protection du consentement est organisée lors de la conclusion des conventions. Cette protection du consentement est notamment assurée par des délais légaux de réflexion et de rétractation.
Sous-section II – La protection du consentement par le développement des délais de réflexion et de rétractation
3116 L’article 1122 du Code civil (C. civ., art. 1122) issu de la réforme du droit des obligations intègre une définition des délais de réflexion et de rétractation. Le premier est défini comme « le délai avant l’expiration duquel le destinataire de l’offre ne peut manifester son acceptation ». Le second est « le délai avant l’expiration duquel son bénéficiaire peut rétracter son consentement ». Le contrat numérique bénéficie déjà sous certaines conditions d’un délai de rétractation. Pour autant, cette protection est-elle suffisante ? Ne faut-il pas envisager une extension de ce délai de rétractation à tous les contrats conclus à distance (§ I), voire imposer un délai de réflexion à ce type de contrat (§ II) ?

§ I – Le délai de rétractation : une extension ?

3117 La consumérisation du droit des contrats se manifeste par l’introduction du nouvel article 1122 dans le Code civil (C. civ., art. 1122), qui porte sur deux types de délais ayant vu le jour dans les contrats de consommation185, à savoir les délais de réflexion et de rétractation186. Ces modes de protection du consentement demeurent toutefois réservés à des contrats déterminés puisque ce texte, issu de l’ordonnance du 10 février 2006, définit ces délais et en précise la source – « la loi ou le contrat » – sans les ériger en mécanismes de droit commun : la volonté des parties ou une loi spéciale continuent de subordonner leur existence.
3118 – Actuellement, il n’existe aucun délai de rétractation spécifique au contrat conclu électroniquement. – Le format numérique n’appelle pas de protection particulière s’il est utilisé en présentiel. En effet, la conclusion en présentiel d’un contrat au format numérique ne présente guère de différence avec la conclusion d’un contrat au format papier187 qui justifierait un régime particulier de protection. Reconnaître une protection particulière au contrat conclu au format numérique consacrerait d’ailleurs la reconnaissance par le législateur que ce type de contrat est moins fiable ou plus dangereux que le contrat au format papier. En revanche, les contrats conclus entre absents, notamment par le biais des sites internet et très nombreuses plateformes en ligne, marketplaces ou autres, génèrent certains dangers méritant une protection particulière. En effet, contrairement à un achat en magasin, celui en ligne ne permet pas d’essayer, de prendre le temps de la réflexion, d’aller et venir entre les rayons en réfléchissant au produit que l’on a pu voir et vers lequel on revient finalement. Certains sites jouent même sur ce court délai de réflexion pour précipiter les achats en proposant des promotions disponibles pendant une très courte durée188. Les paniers virtuels constitués sur les sites de vente en ligne ne sont par ailleurs disponibles que quelques minutes au-delà desquelles les produits ne sont plus réservés. Le paiement dématérialisé est banalisé : il n’est même plus nécessaire de sortir une carte bancaire pour effectuer un règlement sur internet. Soit les cartes sont préenregistrées, soit des modes alternatifs peuvent être utilisés, nécessitant un simple mot de passe189 ou une empreinte digitale ou faciale190. Les utilisateurs achètent donc, sans même se rendre compte de l’engagement pris ou du paiement réalisé. Le véritable danger est donc davantage lié au fait que le contrat est conclu à distance qu’à la forme électronique elle-même, qui n’est qu’un moyen de fluidifier ce processus.
3119 S’agissant de ces contrats conclus à distance ou hors établissement, une protection est offerte au consommateur191. Elle résulte de l’article L. 221-18 du Code de la consommation (C. consom., art. L. 221-18), transposition de la directive européenne du 25 octobre 2011192. Cette protection consiste en un délai de rétractation de quatorze jours, permettant au consommateur de retirer son consentement, après la conclusion du contrat, et parfois même après son exécution totale ou partielle, sans motif et sans frais193. La directive du 25 octobre 2011 avait pour objectif une harmonisation des droits de rétractation pratiqués par les États membres dans les contrats conclus à distance et hors établissement. En effet, auparavant, les législations nationales prévoyaient des protections de degrés très différents, tant en termes de délai que de modalités d’exercice. Ces variations généraient une insécurité juridique, des inégalités entre les sociétés et des coûts d’adaptation pour ces dernières, entravant le marché européen194.
3120 Le délai de rétractation bénéficiant au consommateur195 dans les contrats à distance, souvent conclus au moyen d’un procédé électronique, est de quatorze jours calendaires commençant à courir :

pour les contrats de vente : dès la réception du bien par le consommateur ou un tiers, à l’exclusion du transporteur. Le professionnel exécute donc son obligation de délivrance alors même que le consommateur peut encore se rétracter. Il semblerait plus efficace, tant juridiquement qu’économiquement, que le consommateur puisse rétracter son consentement avant que le professionnel n’exécute son obligation. Cela permettrait notamment des économies sur les frais d’envoi, et de ne pas immobiliser le stock pour une vente qui, à la connaissance du consommateur, est déjà vouée à ne pas aboutir. Afin toutefois de ne pas affaiblir la protection du consommateur, il pourrait être envisagé une rétractation à partir de la commande et jusqu’à quatorze jours après la livraison ;

de la conclusion du contrat, pour les prestations de services. Le professionnel peut ici commencer à exécuter son obligation pendant le délai de rétractation, mais il ne sera payé des services déjà fournis, en cas de rétractation, qu’à condition d’avoir obtenu au préalable l’accord du consommateur sur le commencement d’exécution.

Dans l’hypothèse où le consommateur n’a pas été averti de l’existence de son délai de rétractation, celui-ci ne commence à courir qu’à compter de la transmission de l’information par le professionnel, et au plus tard douze mois après l’expiration du délai initial (C. consom., art. L. 221-20).
Le consommateur doit avertir le professionnel pendant le délai de quatorze jours de sa volonté de se rétracter. Il peut le faire soit par l’utilisation du formulaire-type196, soit par tout autre moyen tant qu’il manifeste clairement la volonté de se rétracter. La charge de la preuve de la rétractation incombe au consommateur, qui aura donc tout intérêt à se rétracter par écrit et se préserver un justificatif de l’envoi. Le professionnel peut aussi décider de mettre à la disposition de ses clients un formulaire de rétractation en ligne, dont il doit accuser réception sans délai. Une fois sa rétractation transmise, le consommateur doit retourner le produit dans un délai de quatorze jours (C. consom., art. L. 221-23). Le professionnel est quant à lui contraint de rembourser la totalité du prix et des frais engagés par le consommateur, y compris ceux de livraison (C. consom., art. L. 221-24). Ce remboursement intervient selon le même mode de paiement que celui utilisé pour la transaction initiale, le but étant d’éviter d’éventuels bons d’achat contraignant le client. Le professionnel dispose de quatorze jours pour rembourser le consommateur. Il peut toutefois différer ce remboursement à la réception du bien retourné, ou à la preuve de l’envoi par le consommateur197.
3121 – L’extension du délai de rétractation à tous les contrats conclus entre consommateurs ? – Le délai de rétractation bénéficie donc à tout consommateur, dans tout contrat conclu à distance ou hors établissement avec un professionnel198. La question peut légitimement se poser de l’extension de ce délai de rétractation à tous ces contrats conclus entre consommateurs. En effet, de nombreuses plateformes en ligne permettent désormais la mise en relation de non-professionnels199 qui contractent ensuite directement. Se retrouvent dans cette hypothèse les mêmes problématiques que celles justifiant l’existence d’un délai de rétractation au bénéfice des consommateurs : la facilité d’acheter, l’absence de réflexion, l’impossibilité d’essayer les produits… il semblerait donc opportun d’étendre l’actuel délai de rétractation du Code de la consommation à tous les contrats conclus à distance, en donnant la possibilité aux professionnels de l’écarter conventionnellement afin de ne pas entraver les relations d’affaires.
3122
3123 Au-delà du délai de rétractation, une protection alternative peut être offerte à un cocontractant en l’obligeant à faire mûrir son consentement avant de l’exprimer définitivement : il s’agit du délai de réflexion.

§ II – Le délai de réflexion : vertus et limites

3124 – Un consentement précipité. – Les contrats conclus à distance, souvent sous forme électronique, peuvent être précipités. Le consentement est alors également hâtif, ce qui ne garantit pas sa pleine existence lors de l’échange des volontés formant l’engagement définitif des parties201. Dans ce contexte, le législateur impose parfois aux parties un délai pendant lequel l’offre ne peut être ni rétractée (sous peine de dommages et intérêts à l’encontre du pollicitant), ni acceptée. Le destinataire de cette offre est contraint de réfléchir avant de manifester efficacement son consentement. Ce délai lui permet également de comparer et mettre en concurrence sans pression particulière.
3125 – Ce procédé du délai de réflexion s’inscrit dans la logique du consensualisme. – En effet, par principe, un contrat est conclu par la rencontre d’une offre et d’une acceptation, manifestant la volonté de s’engager (C. civ., art. 1113). Sauf exception, il n’y a donc pas de forme particulière à respecter. La rencontre des consentements forme le contrat. Contraindre les parties à réfléchir avant d’exprimer un consentement libre et éclairé traduit sans doute une prudence du législateur à leur égard, mais respecte la logique du consensualisme.
3126 C’est dans cet esprit que le législateur a créé divers délais de réflexion propres à des contrats spéciaux. Ce mécanisme est particulièrement présent en matière de crédits, qu’ils soient à la consommation (C. consom., art. L. 312-18) ou encore destinés à acquérir de l’immobilier (C. consom., art. L. 313-34). On le retrouve également en matière de transactions immobilières, au bénéfice des acquéreurs non professionnels de biens à usage d’habitation (CCH, art. L. 271-1). Le délai de réflexion a fait officiellement son entrée dans le Code civil à l’occasion de l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 : l’article 1122 en fournit une définition et en rappelle la source – la loi, sous-entendu spéciale, ou le contrat – sans ériger le délai de réflexion au rang de mécanisme de droit commun.
3127 – En pratique, l’instauration conventionnelle d’un délai de réflexion se heurte aux exigences économiques. – En particulier, l’instauration d’un délai de réflexion pour tous les contrats conclus à distance, notamment sur les plateformes en ligne, aurait pour effet de pénaliser la fluidité des échanges et des transactions commerciales. Il y a donc un choix à faire entre protection et économie :

la protection de l’utilisateur en le forçant à réfléchir avant d’acheter ;

l’économie qui repose sur l’instantanéité des relations commerciales, laquelle instantanéité pousse à la consommation (voire à une surconsommation).

La question est de savoir quelle importance accorde la société à la protection du consentement de la partie faible face à un marché efficient et des prix que l’on souhaite de plus en plus bas. Car imposer par exemple aux consommateurs de réfléchir, ne serait-ce que quelques jours, avant d’acheter sur internet, entraîne du côté du vendeur une paralysie de son stock, et occasionne des coûts en conséquence. Par ailleurs, la pratique du délai de réflexion dans les secteurs où il a déjà été instauré est souvent vécue par les personnes protégées comme une charge à laquelle elles souhaiteraient renoncer.
3128 – Une entrave au marché ? – Le délai de réflexion, bien que théoriquement efficace pour assurer un consentement de bonne qualité, apparaît en pratique comme une entrave disproportionnée au marché. Le délai de rétractation semble une protection plus adaptée tant aux attentes de la société qu’aux besoins d’un marché fluide et efficace. Ce mécanisme mériterait d’être étendu à tous les contrats à distance, et non réservé uniquement aux consommateurs, avec la possibilité pour les professionnels d’y renoncer.
3129 Les nouvelles technologies ont également une incidence importante en matière de rédaction et de signature du contrat.

Section II – La rédaction et la signature du contrat

3130 L’intelligence artificielle est de plus en plus présente dans le domaine de la rédaction des contrats. De nombreuses entreprises de services du numérique (ESN)202 développent des logiciels conduisant à une standardisation de la rédaction (Sous-section I). Une fois la convention rédigée, se pose la question de son acceptation par les parties et donc de sa « signature » manifestant l’expression du consentement (Sous-section II).
Sous-section I – La standardisation de la rédaction
3131 Les nouvelles technologies venant au soutien de la rédaction des contrats permettent-elles une optimisation de la rédaction (§ I) et conduisent-elles à une généralisation du contrat d’adhésion (§ II) ?

§ I – Une optimisation de la rédaction ?

3132 – La rédaction des contrats est aujourd’hui assistée par de nombreux logiciels d’aide. – Deux types se distinguent :

les robots se rapprochant de simples bibles de clauses prérédigées et organisées dans un ordre logique. L’intelligence artificielle derrière ces technologies est faible dans la mesure où la machine ne produit aucun choix, entièrement réalisé par l’utilisateur. L’humain choisit ici les clauses adaptées à la situation juridique qu’il a préalablement analysée. Ce type de robot se rapproche davantage de la banque de données que d’une technologie intelligente203 ;

et les robots qui automatisent la rédaction des actes204. En partant des réponses fournies par l’utilisateur à des questions posées par le logiciel, celui-ci génère un contrat adapté à la situation présentée. Les réponses peuvent être apportées par le professionnel, mais parfois aussi par un simple particulier qui peut donc désormais rédiger seul une convention205.

3133 Le premier type de robot a certaines vertus, notamment celle de permettre une mise à jour des clauses au fur et à mesure des évolutions législatives, réglementaires et jurisprudentielles. En plus de la sécurité apportée par cette veille juridique, les robots ont pour avantage de faire gagner un temps précieux. Encore faut-il que celui-ci soit utilisé pour l’analyse du contexte contractuel. L’idée est donc de faire gagner du temps par l’automatisation de certaines tâches que peut également faire la machine, en permettant à l’Homme de se concentrer sur celles qu’il est le seul à pouvoir accomplir. Ces bibles de clauses ont donc des avantages, qui pourraient toutefois se transformer206 en défauts. L’un des principaux effets pervers est de faire perdre aux professionnels du droit leur qualité de rédacteur. Comme le fait justement remarquer le professeur Mekki207 : « Il ne faudrait pas que l’assistance se transforme en assistanat ». En effet, l’automatisation de la rédaction des contrats et le développement des bibles de clauses conduisent à une meilleure maîtrise de la technique du « copier/coller » que de la rédaction, en laissant avec celle-ci la réflexion. Or la plus-value que peuvent apporter les juristes se situe notamment dans cette capacité à rédiger des clauses adaptées aux situations de fait rencontrées.
3134 S’agissant des robots plus intelligents pouvant proposer des contrats rédigés en fonction des réponses données par l’Homme à des questions posées par la machine, ils présentent également des avantages et des inconvénients. On pourrait tout d’abord imaginer, pour commencer par les avantages, un gain d’efficacité des contrats et de sécurité juridique. En effet, les robots peuvent déjà améliorer la qualité des contrats en détectant des clauses contradictoires208. Il est fort probable que l’on voie bientôt des logiciels capables de bloquer la rédaction, ou du moins avertir intelligemment son utilisateur de l’incohérence de certaines clauses209, notamment au regard de la législation en vigueur ou d’une situation de fait210. Les conventions pourraient ainsi être rédigées par un ordinateur, selon les instructions données par les professionnels du droit, chargés ensuite simplement d’en contrôler le contenu. Le rôle de certains acteurs du monde juridique risquerait de perdre sérieusement en utilité, si le travail de rédaction n’est plus à réaliser211. Les professionnels du droit doivent donc utiliser ces nouveaux outils dans la mesure où ils présentent un gain de temps, de productivité et de qualité s’ils sont bien maîtrisés et contrôlés. Toutefois une certaine prudence doit être conservée, en gardant la maîtrise des contrats et en y apportant une plus-value que seule l’intelligence humaine est à ce jour capable de fournir. Il est par exemple surprenant que le notariat, au lieu de communiquer sur les avantages du bail authentique, très méconnus du grand public, développe un logiciel de rédaction automatique de baux sous seing privé212.
3135 Les robots d’aide à la rédaction des contrats ont pour effet de distribuer à de nombreux professionnels du droit des modèles de clauses. Leur utilisation à grande échelle conduit à trouver des conventions harmonisées, quel qu’en soit le rédacteur. Dans ces conditions, il est permis de s’interroger sur la nature de ces contrats et leur qualification en contrat d’adhésion.

§ II – Une généralisation du contrat d’adhésion ?

3136 Le contrat d’adhésion213, longtemps absent du Code civil, y a fait son entrée lors de la réforme du droit des obligations214 aux termes d’un nouvel article 1110 (C. civ., art. 1110), retravaillé par la loi de ratification215. Il y est opposé au contrat de gré à gré comme étant « celui qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l’avance par l’une des parties ». Il est important de distinguer le caractère « non négociable » de « non négocié »216. En effet, il suffit que les clauses soient négociables pour que le contrat soit qualifié de gré à gré, et ce même si les parties n’ont pas utilisé cette possibilité. Le contrat d’adhésion est donc celui rédigé par une partie, souvent la plus forte économiquement et socialement, et proposé à une autre partie, qui n’a qu’un seul choix : l’accepter en l’état et s’engager contractuellement, ou non.
3137 La qualification de contrat d’adhésion entraîne l’application du régime particulier qui lui a été créé par l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations.
Ce régime se distingue de celui du contrat de gré à gré sur deux points :

d’une part, la sanction des clauses abusives, qui complète celle déjà existante dans le droit de la consommation217 et le Code de commerce218. L’article 1171 intègre ainsi dans le Code civil de manière timide, car limitée au contrat d’adhésion, cette interdiction. Toute clause non négociable qui crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties peut ainsi être réputée non écrite. Deux exceptions importantes sont prévues, s’agissant de l’objet principal du contrat et de l’adéquation entre le prix et la prestation. L’interprétation de la notion de « déséquilibre significatif » est laissée entre les mains des juges ;

d’autre part, l’interprétation du contrat d’adhésion est encadrée par l’article 1190 du Code civil (C. civ., art. 1190) disposant que celui-ci s’interprète « contre celui qui l’a proposé ». Cette règle est dictée par la présomption de force en faveur de la partie qui a rédigé le contrat et en a « imposé » son contenu à la partie faible. On retrouve une fois encore dans le Code civil une influence du droit consumériste et une prise en compte de la réalité économique et sociale des relations contractuelles actuelles.

3138 – Les conventions conclues sur internet. – La qualification de contrat d’adhésion dans le monde numérique est évidente pour les conventions conclues sur internet, notamment les très nombreuses ventes en ligne. Dans cette hypothèse, l’internaute ne peut négocier les clauses contractuelles, imposées par les sites et consultables sous la forme de conditions générales. Il en va différemment lorsqu’internet ne sert qu’à la mise en relation de parties, qui vont ensuite négocier ensemble et rédiger la convention qui les unit.
S’agissant de la rédaction de plus en plus automatisée des contrats, qui peuvent ne pas prendre la forme d’une convention électronique, la question est plus délicate. La standardisation des contrats n’entraîne pas leur qualification automatique en contrats d’adhésion dans la mesure où ils peuvent tout à fait rester négociables entre les parties. Une rédaction peut être proposée, sans qu’elle soit imposée. À partir du moment où chaque partie garde la possibilité de négocier les stipulations de la convention, la qualification reste celle d’un contrat de gré à gré. L’automatisation et la standardisation de la rédaction n’entraînent donc pas une généralisation du contrat d’adhésion.
En réalité, ce sont davantage les parties et leur poids dans l’équilibre, ou le déséquilibre contractuel, qui conduisent à une qualification en contrat d’adhésion. Par exemple, il est courant de voir en matière immobilière des conventions rédigées par des promoteurs et sur lesquelles les acquéreurs n’ont aucun pouvoir de négociation. Ce genre de contrat semble devoir être qualifié « d’adhésion », non pas en raison de la standardisation de sa rédaction, mais en raison de son caractère non négociable.
3139 Une fois le contrat rédigé, les parties doivent manifester leur consentement pour l’acceptation de toutes les clauses et la conclusion du contrat. La forme numérique a démultiplié les moyens d’expression de ce consentement, posant parfois la question de leur validité.
Sous-section II – L’expression du consentement
3140 Le consentement dans le contrat conclu électroniquement ne peut s’exprimer de la même manière que dans un contrat conclu entre personnes présentes physiquement. Le contenu de la convention numérique peut faire l’objet d’une négociation et d’un choix par les parties. La technologie de l’opt-in et de l’opt-out est utilisée pour cette manifestation de volonté (§ I). Une fois le contrat négocié et ses clauses acceptées, se pose la question de la conclusion du contrat électronique et de la règle du double clic (§ II).

§ I – La technologie opt-in et opt-out

3141 Les plateformes et divers sites internet proposant la conclusion de contrats électroniques utilisent généralement la technologie de l’opt-in et de l’opt-out pour permettre aux utilisateurs de manifester leur consentement sur le contenu du contrat.
3142 L’opt-in peut se traduire en français par « option d’adhésion à ». Il s’agit du système par lequel l’utilisateur doit faire la démarche active de cocher une case et/ou de faire défiler une liste déroulante pour manifester son consentement.
Le consentement peut être doublé par l’envoi d’un e-mail destiné à faire confirmer son consentement par l’utilisateur, notamment par la validation d’un lien. Ce même système est utilisé pour la manifestation du consentement en vue d’intégrer des listes de diffusion et de démarchage électronique219.
3143 L’opt-out peut se traduire en français par « option de retrait ». Cette fois, l’utilisateur fait face à des choix préétablis. Ils se manifestent par des cases déjà cochées, qu’il peut décocher pour manifester sa volonté de ne pas adhérer à leur contenu.
3144 – L’acceptation des conditions générales. – L’article 1119 du Code civil (C. civ., art. 1119) dispose que : « Les conditions générales invoquées par une partie n’ont effet à l’égard de l’autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées ». L’article 1120 du même code (C. civ., art. 1120) ajoute que « le silence ne vaut pas acceptation », sauf exception.
La conjugaison de ces dispositions avec les technologies opt-in et opt-out conduit à privilégier la première à la seconde. En effet, l’opt-out n’emporte pas une manifestation expresse de volonté et pourrait s’apparenter à un silence, ne valant donc pas acceptation. Au contraire, l’opt-in nécessite une action de l’utilisateur, et non pas uniquement une attitude passive. Elle permet donc d’apporter la preuve de l’approbation des conditions générales, et éventuellement de certaines options délibérément choisies220.
Un débat221 porte sur la réalité du consentement dans la mesure où, dans une très grande majorité de cas, les conditions générales sont acceptées sans être lues. Il en revient ensuite à la responsabilité de chacun de prendre connaissance du contrat qu’il conclut.
3145 Une fois le contenu du contrat établi, se pose la question de la méthode de conclusion sous sa forme électronique. Celle-ci est déterminée par l’article 1127-2 du Code civil instaurant la règle du double clic.

§ II – La règle du double clic

3146 L’article 1127-2 du Code civil (C. civ., art. 1127-2) dispose que : « Le contrat n’est valablement conclu que si le destinataire de l’offre a eu la possibilité de vérifier le détail de sa commande et son prix total et de corriger d’éventuelles erreurs avant de confirmer celle-ci pour exprimer son acceptation définitive ».
3147 La notion d’offre au sens de l’article 1127-2 du Code civil (C. civ., art. 1127-2) est, pour certains auteurs, différente de la définition qui lui est habituellement donnée dans le même code222. En effet, les offres disponibles sur internet sont parfois assorties de réserves. Si les destinataires les acceptent et que les commerçants lèvent ensuite les réserves, les destinataires deviennent les auteurs d’une offre ferme et définitive acceptée par les commerçants. Les obligations mises à la charge de l’offrant par le Code civil perdent alors tout leur sens. Aussi Philippe Stoffel-Munck définit-il l’offre au sens de l’article 1127-2 comme « toute proposition de contracter (ferme ou indécise ; complète ou partielle ; précise ou vague) que met en ligne le professionnel, éventuel fournisseur de la prestation caractéristique du contrat ». Cette définition a pour vertu de conserver l’esprit de la directive du 8 juin 2000223 transposée à l’article 1127-2 du Code civil.
3148 La conclusion du contrat sous forme électronique nécessite donc le respect de deux étapes :

après avoir effectué un choix, l’utilisateur doit pouvoir vérifier sa commande, le prix total et corriger les éventuelles erreurs qu’il a détectées, ou invalider la commande. Le prix total doit inclure les frais de livraison mais non les éventuels frais de douane. Le consentement du destinataire de l’offre est renforcé par cette étape intermédiaire destinée à lui donner un temps de réflexion complémentaire malgré la spontanéité du marché numérique ;

une fois ces vérifications faites, le destinataire de l’offre peut la valider. L’auteur de l’offre « doit accuser réception sans délai injustifié, par voie électronique, de la commande qui lui a été adressée » (C. civ., art. 1127-2, al. 2).

Il y a donc un premier « clic » constituant une première acceptation ouvrant une page permettant de corriger sa commande, de la vérifier, de la modifier… et ensuite un second « clic » une fois ces vérifications faites manifestant le consentement de l’utilisateur.
Le Code civil ne reprend pas ici le système de la punctation du droit allemand. En effet, seul le second clic rend le contrat parfait en manifestant la volonté du destinataire de l’offre de l’accepter.
La rencontre des volontés ayant lieu lors du second clic, il y a lieu de considérer que le contrat est formé à compter de ce dernier. Toutefois, lorsque l’offre est assortie de réserves224, il y a plutôt lieu de considérer que le contrat se forme lors de l’émission de l’accusé de réception par l’auteur de l’offre. Par cet accusé de réception, il manifeste sa volonté de lever les réserves, et donc de conclure la convention225.
3149 Dans les relations entre professionnels, la règle du double clic peut être écartée d’un commun accord entre les parties (C. civ., art. 1127-3). La formation du contrat électronique n’est alors encadrée par aucune forme particulière. Il revient aux cocontractants de déterminer les règles applicables à l’expression de leur consentement.
3150 S’agissant des contrats conclus exclusivement par voie de courriers électroniques, ils sont exclus de la règle du double clic (C. civ., art. 1127-3). Cette exception ne concerne pas les offres faites au public, lesquelles ne peuvent être acceptées par simple courrier électronique. Elle ne s’applique pas non plus aux transactions réalisées entre deux particuliers s’étant rencontrés via une plateforme. L’intervention de cette dernière rend l’offre publique, et donc soumise au formalisme de l’article 1127-2 du Code civil226.
3151 Une fois le contrat numérique formé, se posent les questions de sa validité et de sa force probante. Comment le droit commun des contrats, tel qu’il a été récemment réformé, s’applique-t-il aux conventions numériques ? Quelle place accorde le Code civil aux contrats électroniques ?

149) V. sur le moment de la conclusion du contrat dans l’univers du numérique : C. Mangin, L’expression numérique du consentement contractuel, thèse, Université Toulouse 1 Capitole, 2020, nos 343 à 406.
150) Illustre cette exception le contrat de mariage qui nécessite la présence simultanée des deux conjoints (C. civ., art. 1394).
151) Sur les conditions de fond et de forme de la conclusion du contrat sous forme électronique, V. infra, nos 3153 et s.
152) Ord. no 2016-131, 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
153) C. Demolombe, Cours de Code Napoléon, t. XII, Stenion, 1868, no 75. – L. Grynbaum, Contrats entre absents : les charmes évanescents de la théorie de l’émission de l’acceptation : D. 2001, chron. p. 1706.
154) G. Ripert et J. Boulanger, Traité de droit civil, t. II, LGDJ, 1957, no 354. – L. Larombière, Théorie et pratique des obligations, t. 1, Durand et Pedone-Lauriel, 1885, art. 1101, no 19.
155) Ord. no 2016-131, 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
156) « L’Institut international pour l’unification du droit privé (Unidroit) est une organisation intergouvernementale indépendante (…). Son objet est d’étudier des moyens et méthodes en vue de moderniser, harmoniser et coordonner le droit privé – en particulier le droit commercial – entre des États ou des groupes d’États et, à cette fin, d’élaborer des instruments de droit uniforme, des principes et des règles » (https://www.unidroit.org/fr/presentation-dunidroit/presentation/).
157) Principes du droit européen des contrats, art. 2 :205 (www.unisob.na.it/universita/facolta/giurisprudenza/age/pecl_part1e2_francese.pdf).
158) CVIM, 11 avr. 1980, art. 15.
159) PE et Cons. UE, dir. 2000/31/CE, 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »).
160) B to B : Business to Business, visant les relations entre professionnels.
161) C to C : Consumer to Consumer, visant les relations entre consommateurs, ou non professionnels.
162) En ce sens : E. Grimaux, La détermination de la date de conclusion du contrat par voie électronique : Contrats, conc. consom. avr. 2004, no 4, chron. 10.
163) V. infra, no 3146.
164) En ce sens : F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 2018, p. 253 et s.
165) Sur l’opportunité d’introduire une exception à la théorie de la réception pour les contrats conclus par voie électronique entre absents, V. C. Mangin, L’expression numérique du consentement contractuel, thèse, Université Toulouse 1 Capitole, 2020, nos 404 et 405.
166) Cette rétractation peut être fautive et engager la responsabilité extracontractuelle de son auteur, mais ne peut conduire à une conclusion forcée du contrat en vertu de l’article 1116 du Code civil.
167) En ce sens : J. Passa, Contrat électronique international. Le contrat électronique international : conflits de lois et de juridictions : Comm. com. électr. mai 2005, no 5, étude 17.
168) S’agissant du droit international privé avec des États hors Union européenne, la jurisprudence française a déterminé des règles jurisprudentielles, auxquelles s’ajoutent quelques conventions internationales dans des domaines particuliers, notamment la Convention de Vienne du 11 avril 1980 sur la vente internationale de marchandises, ou la Convention de La Haye du 15 juin 1955 sur la loi applicable aux ventes internationales d’objets mobiliers corporels. En ce qui concerne la jurisprudence française, l’arrêt de la chambre civile de la Cour de cassation du 5 décembre 1910, American Trading Comp., établit que « la loi du lieu où le contrat est intervenu est en principe celle à laquelle il faut s’attacher, ce n’est donc qu’autant que les contractants n’ont pas manifesté une volonté contraire ».
169) Conv. Rome, 19 juin 1980, sur la loi applicable aux obligations contractuelles.
170) PE et Cons. UE, règl. (CE) no 593/2008, 17 juin 2008, sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Rome I).
171) Ce que l’on appelle le « dépeçage » du contrat.
172) Règl. Rome I, art. 3.4.
173) Conv. Rome, art. 4.2 : « Il est présumé que le contrat présente les liens les plus étroits avec le pays où la partie qui doit fournir la prestation caractéristique a, au moment de la conclusion du contrat, sa résidence habituelle ou, s’il s’agit d’une société, association ou personne morale, son administration centrale ». La convention prévoit ensuite des exceptions pour certains contrats, comme ceux portant sur des biens immobiliers présumés avoir leurs liens les plus étroits avec le lieu de situation du bien.
174) Par ex. : le contrat de vente de biens est régi par la loi du pays dans lequel le vendeur a sa résidence habituelle ; le contrat de prestation de services est régi par la loi du pays dans lequel le prestataire de services a sa résidence habituelle.
175) Règl. Rome I, art. 4. 2.
176) Conv. Rome, art. 4.5, le règlement Rome I présentant une rédaction quasi équivalente en son art. 4.3.
177) Conv. Rome, 19 juin 1980, art. 5.
178) Règl. Rome I, art. 6.
179) Sous certaines conditions précisées dans les articles 5 de la convention de Rome et 6 du règlement Rome I.
180) Nombreux arrêts en ce sens, not. Cass. 1re civ., 24 janv. 1995, no 92-18.227 : Bull. civ. 1995, I, no 54, p. 38.
181) V. supra, no 3110.
182) En ce sens : V. M. Giuliano et P. Lagarde, Rapport concernant la convention sur la loi applicable aux obligations contractuelles : JO no C 282, 31 oct. 1980, p. 0001-0050.
183) Sur la loi applicable au contrat, V. not. JCl. Droit international, Fasc. 552-15, Convention de Rome du 19 juin 1980 et règlement « Rome I » du 17 juin 2008. Détermination de la loi applicable. Domaine de la loi applicable, par H. Gaudemet-Tallon.
184) En ce sens : Portalis in Les travaux préparatoires du Code civil (Fenet, Recueil complet des travaux préparatoires du Code civil, t. VI, 1827, p. 51).
185) Le mécanisme de la rétractation est d’abord apparu dans les contrats relatifs à l’enseignement à distance (L. no 71-556, 12 juill. 1971), puis dans le démarchage financier (L. no 72-6, 3 janv. 1972), le démarchage à domicile (L. no 72-1137, 22 déc. 1972), pour s’étendre ensuite à d’autres secteurs comme les crédits à la consommation, les contrats à distance, le courtage matrimonial.
186) Pour une analyse juridique du délai de rétractation, V. not. R. Baillod, Le droit de repentir : RTD civ. 1984, 226. – L. Bernardeau, Le droit de rétractation du consommateur : JCP G 2000, I, 218. – P. Brun, Le droit de revenir sur son engagement : Dr. et patrimoine 1998, no 60, p. 78.
187) V. infra, nos 3581 et s.
188) Par ex., la plateforme Wish « acheter en s’amusant » propose des « jeux » pour obtenir des réductions et débloquer des articles en promotion. Lesdites promotions ne sont valables que pendant de courtes durées (par ex., dix, vingt ou trente minutes) et le produit, s’il n’est pas acheté immédiatement, apparaîtra à un prix supérieur les jours suivants.
189) Par ex., les comptes PayPal, directement liés aux comptes bancaires et/ou aux cartes bleues.
190) La technologie ApplePay permet, une fois la carte bancaire enregistrée, de procéder à des paiements sans mot de passe, avec le même mécanisme que celui utilisé pour déverrouiller le téléphone.
191) À l’exclusion des contrats visés à l’article L. 221-28 du Code de la consommation.
192) Cons. UE, dir. 2011/83/UE, 25 oct. 2011, relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil.
193) À l’exclusion des frais de retour (sauf si le professionnel n’avait pas informé le consommateur que ces frais seraient à sa charge en cas de rétractation) ; des éventuelles compensations du résultat d’une manipulation excessive des biens entraînant une dépréciation de ceux-ci (une manipulation excessive étant celle dépassant une utilisation qui pourrait être faite en magasin – à titre d’exemple : un vêtement est porté et non seulement essayé) ; pour les contrats de prestation de services, l’équivalent de la prestation déjà fournie lors de la rétractation, si le consommateur avait donné son accord à une exécution pendant la période du délai de rétractation.
194) Dir. 2011/83/UE, 25 oct. 2011, consid. 4 à 7.
195) Le consommateur bénéficiant de ce délai de rétractation est défini par l’article 2 de la directive 2011/83/UE du 25 oct. 2011 comme « toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale ».
196) Ce formulaire-type est identique pour tous les États européens et visé à l’article R. 221-1 du Code de la consommation comme lui étant annexé.
197) Une réponse est ici donnée aux craintes des professionnels de devoir rembourser le consommateur dans ce délai de quatorze jours après la rétractation, alors qu’il n’a peut-être pas encore reçu le bien retourné.
198) Sauf quelques exceptions énumérées à l’article L. 221-28 du Code de la consommation.
199) La plateforme de vente en ligne Vinted permet ainsi à des non-professionnels de proposer à la vente des produits d’occasion, achetés par d’autres non-professionnels.
200) Sur la confusion entre la formation et l’exécution du contrat dans l’univers du numérique, notamment des smart contracts, V. C. Mangin, L’expression numérique du consentement contractuel, thèse, Université Toulouse 1 Capitole, 2020, nos 424 et s.
201) Selon le principe du consensualisme en droit français.
202) Auparavant appelées « SSII ».
203) Les logiciels utilisés par le notariat proposés par Fichorga, Fiducial et Genapi incluent des clausiers adaptés au type de contrat choisi par l’utilisateur, lequel doit ensuite sélectionner les clauses à insérer dans son acte. Quelques choix de clauses ou de comparants entraînent l’intégration automatique d’autres clauses, mais ces cas sont peu nombreux (par ex., le fait d’intégrer une banque comme partie à l’acte de vente ouvre des choix de clauses liées aux prises de garantie). V. infra, no 3491.
204) À ce jour l’automatisation semble davantage adaptée à des actes très encadrés par la loi, comme le bail d’habitation pour lequel la liberté rédactionnelle est très restreinte. S’agissant des actes plus complexes, comme les promesses de vente, il est souvent constaté en pratique que ces rédactions automatiques sont adaptées aux dossiers sans aucune difficulté. Ces modèles prérédigés et non adaptés aux situations particulières conduisent souvent à des situations très compliquées à gérer une fois ces avant-contrats signés et les parties engagées sans que les difficultés aient été vues, communiquées aux clients, et surtout réglées. V. infra, nos 3521 à 3524.
205) Par ex., le site internet BailMyself développé par le notariat permet aux particuliers de rédiger leurs baux d’habitation. Le site MyNotary propose lui aussi un logiciel d’aide à la rédaction des avant-contrats.
206) Si ce n’est déjà le cas….
207) M. Mekki, Notaire. L’intelligence artificielle et le notariat : JCP N 4 janv. 2019, 1001.
208) Certains logiciels sont capables de faire des contrôles de cohérence entre les clauses d’un contrat-cadre et les clauses des contrats d’application.
209) H. Bosvieux imaginait déjà en 1993 ce type de technologie : Informatique et sécurité juridique (De l’apport de l’intelligence artificielle dans la rédaction des actes notariés) : JCP N 2 avr. 1993, no 13, 100530.
210) Par ex., dans un contrat de vente portant sur la résidence principale du vendeur marié sans l’intervention de son conjoint, le logiciel pourrait avertir l’utilisateur des dispositions du Code civil en matière de protection du logement familial ; ou encore une prise de garantie inadaptée aux conditions du contrat, comme un privilège de prêteur de deniers portant sur tout le prix de vente, alors que des meubles valorisés sont inclus dans ce prix.
211) Il est même imaginable que les clients remplissent seuls les questionnaires générant ensuite les contrats, simplement contrôlés par les professionnels du droit.
212) BailMyself.
213) Ainsi nommé par R. Saleilles, De la déclaration de volonté. Contribution à l’étude de l’acte juridique dans le Code civil allemand, éd. F. Pichon, 1901, nos 89 et s., p. 299 et s.
214) Ord. no 2016-131, 10 févr. 2016.
215) L. no 2018-287, 20 avr. 2018, applicable aux contrats conclus à partir du 1er octobre 2018.
216) V. sur la qualification du contrat d’adhésion : F. Terré, P. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 2018, no 109, p. 128 et s. et nos 261 et s., p. 294 et s.
217) C. consom., art. L. 212-1.
218) C. com., art. L. 442-1.
219) C. P et CE, art. L. 34-5. Pour des explications en vidéo de la différence entre l’opt-in et l’opt-out dans le cadre de l’e-mailing : www.bing.com/videos/search?q=opt%27in&&view=detail&mid=903246DC86F0189E4015903246DC86F0189E4015&&FORM=VRDGAR&ru=%2Fvideos%2Fsearch%3Fq%3Dopt%2527in%26FORM%3DHDRSC3
220) Les divers sites marchands invitent systématiquement les utilisateurs à cocher une case manifestant que les conditions générales ont été lues et acceptées, ce qui leur permet ensuite de les opposer. Les commandes sont bloquées et ne peuvent être validées sans que les conditions soient acceptées. Parfois les sites proposent également des choix portant notamment sur des newsletters ou des offres promotionnelles par e-mails.
221) E. Netter, Numérique et grandes notions du droit privé, Ceprisca, coll. « Essais », 2019, nos 271 et s. ; V. infra, nos 3164 et s.
222) En ce sens, P. Stoffel-Munck, La réforme des contrats du commerce électronique : JCP E 16 sept. 2004, no 38, 1341.
223) PE et Cons. UE, dir. 2000/31/CE, 8 juin 2000, relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »).
224) Comme une réserve d’agrément de la personne acceptant l’offre.
225) Sur la règle du double clic, V. C. Mangin, L’expression numérique du consentement contractuel, thèse, Université Toulouse 1 Capitole, 2020.
226) Sur le champ d’application de la règle du double clic, V. L. Grynbaum, C. Le Goffic et L. Morlet-Haïdara, Droit des activités numériques, Précis Dalloz, 1re éd., 2014, nos 134 et s.


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