20 Mai 2021 – Rapport du 117e congrès – Commission 3 – Chapitre II – Maîtriser les outils de contrôle du contenu du contrat
Chapitre II – Maîtriser les outils de contrôle du contenu du contrat
Section I – Les outils en cours d’élaboration
Les huissiers de justice ne disposent pas de bases de données propres suffisantes pouvant entraîner une IA. Ils réfléchissent actuellement à l’usage et l’objet qu’ils pourraient trouver à l’exploitation de leur Minutier central. Ils devront préalablement régler diverses questions juridiques liées à l’anonymisation des données et au secret des affaires. En attendant, leur incubateur Syllex a investi dans une société utilisant l’IA pour exploiter les décisions de justice disponibles sur l’open data du ministère de la Justice. Cet investissement, à l’origine purement intuitif, a permis à la profession d’identifier quelques besoins qu’elle n’a pas souhaité divulguer à ce jour.
Pour les avocats, il semble que le CNB n’ait pas initié de projet spécifique, car ne disposant pas directement de bases de données pouvant l’alimenter. Cependant, l’open data judiciaire et l’open data des décisions de l’ordre administratif pourraient constituer demain des données largement suffisantes pour être traitées par une IA. Ces bases de données étant aujourd’hui sous le contrôle de l’État et la responsabilité de la Cour de cassation et du Conseil d’État, il conviendra préalablement de définir avec ces derniers les termes de leur exploitation1377.
Pour les notaires et son instance représentative (CSN), si l’IA répond à un besoin, alors la profession doit promouvoir les idées innovantes provenant de startups labellisées1378. Certaines des suggestions d’usage développées par l’Assemblée de liaison dans son rapport de 2018 doivent être encouragées1379. Peuvent être cités la valorisation de certaines données figurant dans les actes déposés au Micen pour déceler des incohérences relatives au bien, le traitement des données clients pour améliorer le suivi de la clientèle1380. Plus précisément, l’IA permettra d’accroître le traitement des informations nécessaires à la rédaction d’un acte. Ces dernières proviennent tantôt des registres numériques existants (Micen, FCDDV…), tantôt des documents obtenus d’administrations diverses (DIA, CU, Safer…). Toutes ces informations dûment identifiées et croisées grâce à l’IA permettront de déceler d’éventuelles erreurs, incohérences, voire contradictions lors de la rédaction de l’acte. La Chambre des notaires de Paris a, quant à elle, lancé deux projets à l’aide d’un fonds d’innovation créé en 2018 doté originairement de 6,2 millions d’euros. Ce fonds a pour objectif de développer de nouveaux outils numériques – notamment avec l’IA et la technologie blockchain – pour enrichir son offre de services, améliorer sa qualité de service et les outils mis à disposition de ses clients.
Le premier projet a été communément appelé AVM (Automated Valuation Model). Un partenaire a développé un algorithme d’intelligence artificielle s’appuyant sur les données immobilières notariales d’Île-de-France (données ADSN-BIEN, exploitées par Paris Notaires Services), qui regroupent les actes de vente enregistrés en Île-de-France depuis plus de vingt-cinq ans. Ce nouvel outil offrira à terme des estimations instantanées et fiables pour toutes les typologies de logements anciens en Île-de-France. Il devrait être opérationnel en juin 2021. À son lancement, cet outil sera réservé à l’usage exclusif des notaires. Il pourrait potentiellement être ouvert à d’autres professionnels en fonction de l’évolution de la stratégie et du modèle économique. À ce jour, il n’est pas envisagé d’ouvrir ce service au grand public.
Le second projet « VictorIA »1381 a été présenté officiellement le 11 février 2020. Ce projet a pour ambition d’explorer tout le potentiel de cette technologie pour développer de nouveaux outils numériques1382. Le projet est actuellement en phase test et le modèle économique n’est pas encore établi. Ce projet va s’appuyer sur l’Espace Notarial contenant des terras de données archivées et stockées (titres de propriété, EDD/RC, diagnostics, autorisations d’urbanisme, procès-verbaux d’assemblées générales…). Le projet comporte trois phases. La première consiste à reconnaître les divers documents (environ quinze types de documents). La deuxième consiste à les classer. La troisième et dernière sera le pré-audit ou contrôle. Aujourd’hui, le projet en est à sa première étape qui va durer plusieurs mois. En recoupant les données ainsi archivées, cet outil permettra un contrôle plus précis des informations relatives à un bien immobilier révélant d’éventuelles incohérences.
Section II – Les difficultés à surmonter
La profession de notaire alimente et/ou gère déjà dans l’exercice de ses missions, directement ou indirectement, de nombreux registres (FCDDV, Micen, Vidoc, SPF, Pacsen…). Une fois l’interopérabilité de ces registres mise en place, des logiciels basés sur l’IA apporteront toute la fiabilité attendue en termes d’alimentation1383.
Les professions d’avocat et d’huissier de justice ne gèrent pas, seules, des registres interopérables. Elles utilisent l’open data du ministère de la Justice et sont donc tributaires de leur fiabilité. À titre d’exemple, le mauvais référencement des mots résumant une décision judiciaire peut fausser le résultat attendu si l’erreur se multiplie. Le défaut d’alimentation par une région tout entière de la data judiciaire aura un impact sur le résultat national. Admettons pour les besoins du raisonnement que les bases de données alimentant l’IA soient en quantité et qualité suffisantes. Par qui et comment doivent-elles être exploitées ?