CGV – CGU

2021 – Rapport du 117e congrès – Commission 3 – Chapitre I – L’accessibilité du droit

PARTIE II – La sécurisation de la pratique du contrat numérique
Titre 2 – Le conseil
Sous-titre 1 – Le conseil standardisé du monde numérique

Chapitre I – L’accessibilité du droit

3484 Faciliter l’accessibilité du droit permet de répondre aux exigences des consommateurs du monde numérique actuel. Cet objectif trouve sa source dans la volonté de pouvoir répondre au plus grand nombre, à moindre coût et de façon rapide, pour ne pas dire instantanée. Mais cette recherche d’un meilleur accès à la règle de droit nécessite de cantonner la connaissance du droit et son application aux cas les plus fréquents en faisant largement abstraction des spécificités d’un dossier. Le conseil indispensable à la sécurité juridique est donc au pire inexistant (Section I), au mieux insuffisamment personnalisé (Section II).

Section I – De la simple information…

3485 L’essor des nouvelles technologies et du numérique impacte tous les secteurs professionnels. Celui de la santé est particulièrement touché1040. Le monde du droit l’est également fortement, le thème de ce congrès en étant une illustration. Les technologies numériques connaissent un succès grandissant. Des LegalTech1041 modernisent l’offre traditionnelle de services juridiques en la rendant commercialement plus lisible et plus attractive. C’est ce qu’un auteur appelle la « démocratisation de l’information juridique », où le justiciable devient proactif dans la détermination de son destin juridique1042. Le justiciable cherche à résoudre lui-même des problèmes de droit. Il met ainsi volontairement de côté les juristes anciennement consultés. De multiples LegalTech et autres startups sont en mesure d’apporter aux consommateurs une information juridique en quelques clics1043. Elles se multiplient d’année en année1044. Elles permettent tantôt de consulter des forums animés par des particuliers, tantôt d’offrir des informations juridiques en open source, librement accessibles et gratuites, Tous les domaines juridiques sont aujourd’hui impactés, toutes les professions du droit sont aujourd’hui concernées. Certains sites se veulent généralistes, tels que Le Droit Pour Moi1045, Undeuxdroit1046. D’autres se spécialisent. Le Coin du Salarié1047 renseigne en droit social.
3486 Toutes ces LegalTech contribuent à rendre la règle de droit plus accessible1048. Pour autant, les juristes savent à quel point le droit en général peut être difficile à comprendre et qu’il est aisé d’appliquer une règle de droit à la place d’une autre pour un novice. Trier les articles aux termes le plus souvent abscons et choisir celui qui s’applique au cas précis peut relever de la gageure notamment en matière fiscale. Ceci étant, quand bien même la règle de droit serait connue, la sécurité juridique serait-elle effective si elle n’est pas comprise ? En effet, nombre de sites transmettent des informations le plus souvent simplifiées, voire vulgarisées1049, au risque d’en dénaturer le contenu1050. Il existe aussi un autre écueil. La plupart des sites ne proposent pas la contextualisation d’une règle considérée isolément. Ainsi par exemple, un permis de construire obtenu et purgé de tous recours et retrait ne signifie pas pour autant que les voisins n’auront aucun recours contre le titulaire de l’autorisation (sur le fondement du trouble anormal de voisinage). Ou encore dans le cadre d’une copropriété horizontale, le droit de l’urbanisme peut autoriser la délivrance d’un permis de construire, alors même que les règles de la copropriété l’interdisent. Malgré ces inconvénients, les gains temporel et financier recherchés par les utilisateurs sont réels. Mais de tels gains peuvent alors conduire à évincer les juristes compétents et, par là même, à réduire considérablement la sécurité juridique.

Section II – … au conseil dépersonnalisé

3487 D’autres sites permettent aux usagers de fournir des précisions sur les spécificités de leur situation. Les sites tels que MaFiscalité.com1051 ou TacoTax1052 permettent au contribuable de trouver le dispositif fiscal le plus adapté à ses besoins par le biais de formulaires à renseigner en ligne. Il est alors indiqué qu’un professionnel de la matière s’engage à y répondre dans un délai défini. Toutefois, là encore, compte tenu de la simplification recherchée et de la vulgarisation opérée, le niveau de personnalisation reste souvent insatisfaisant et nuit ainsi à la sécurité juridique recherchée.
3488 Les nouvelles technologies excellent dans l’art de déshumaniser1053, rendant par là même le conseil personnalisé impossible. Un nouvel outil tente pourtant de répondre à ces deux objectifs, à ce jour contradictoires : le chatbot. Le chatbot est un logiciel programmé pour simuler une conversation en langage naturel remplaçant l’être humain. L’objectif de cette nouvelle technologie est de faire oublier l’interface de la machine. Elle veut donner l’impression aux questionneurs que l’agent conversationnel est un prolongement d’eux-mêmes1054. Cet outil repose sur des algorithmes très développés, capables de répondre à certaines questions simples posées par les internautes. À titre d’exemples, peuvent être cités les chatbots juridiques mis à disposition du grand public et proposés par Village-justice1055, Dailydroits1056, ou bien encore celui répondant aux questions sur le volet anticorruption de la loi Sapin 21057. Mais les chatbots les plus nombreux s’adressent à des professionnels1058. Il convient toutefois de préciser que certains chatbots présentés en tant que tels, ne le sont en réalité pas. Certains d’entre eux ne fournissent pas les services attendus. À la place d’une simulation d’une conversation en langage naturel, on peut y lire une succession de questions sans réelle discussion, voire même des codes promotionnels. Sans parler de publicité mensongère, on préférera indiquer que l’outil récent constitue un vecteur de communication important pour les entreprises qui s’en prévalent, alors même qu’il n’est pas encore tout à fait parfaitement conçu et réalisé.
3489 À vrai dire, il s’agit aujourd’hui de réponses stéréotypées, apportées aux questions les plus fréquentes et les plus simples par un robot intelligent. Cette technologie n’est pas à ce jour à même de formaliser des réponses précises sur le plan juridique et adaptées à chaque situation. Tout au plus peut-on parler d’amorce de conseil puisque le chatbot utilise le mode questions/réponses, un des éléments constitutifs du conseil. Ceci dit, le chatbot dans sa configuration actuelle satisfait déjà certains usagers professionnels1059. De toute évidence, il est voué à un bel avenir avec le développement de sa technologie, en phase avec les attentes de rapidité et de moindres frais des consommateurs. Dans la mesure où la technologie se développe avec l’appui de l’IA, le chatbot peut rapidement rendre le droit plus accessible et donc accroître la sécurité juridique contractuelle. En effet, le recoupement des informations transmises par l’usager avec la base de données dont dispose l’IA permettra la délivrance d’un conseil de plus en plus personnalisé1060. Les informations transmises et le conseil délivré transiteront par la technologie du chatbot. Encore faudra-t-il pouvoir répondre aux questions juridiques que pose l’usage du chabot et qui restent aujourd’hui sans réponse (preuve de l’information, responsabilité en cas d’erreur…).

1041) V. Glossaire des termes numériques & juridiques complexes : « LegalTech ».
1042) M. Blanchard, La révolution du marché du droit – Les nouveaux acteurs du droit : CDE 2018, dossier 15.
1043) Il convient de distinguer ces LegalTech des bases de données officielles constituant l’open data juridique et judiciaire telles que Légifrance ou le Journal officiel (www.legifrance.gouv.fr ; www.journal-officiel.gouv.fr).
1044) https://www.village-justice.com/articles/Les-start-up-droit,18224.html. Le Guide et observatoire permanent de la LegalTech et des startups voit le nombre de sociétés se référençant volontairement croître régulièrement (120 à son lancement, le nombre est de 203 en janvier 2021).
1045) https://ledroitpourmoi.fr ; information délivrée sous forme vidéo.
1046) https://un2droit.fr/ : information délivrée sous forme de questions/réponses.
1047) https://www.coindusalarie.fr/ ; information délivrée sous forme de fiches pratiques.
1048) V. supra, nos 3001 et 3003.
1049) Par ex., lorsqu’un site propose à l’onglet « Régime matrimonial », trois régimes matrimoniaux (séparation de biens, communauté réduite aux acquêts, communauté universelle) en omettant celui de la participation aux acquêts, trop compliqué à résumer en une phrase comme les trois précédents, et en passant sous silence les avantages matrimoniaux (clause de préciput par exemple).
1050) Par ex., lorsqu’il est suggéré que seul le nu-propriétaire dispose du droit de vendre un bien démembré (« ATTENTION : la personne qui détient l’usufruit, l’usufruitier, ne peut pas se séparer du bien comme le vendre ou le donner. Ce pouvoir est conservé par le “nu-propriétaire” ») ; ou bien encore lorsqu’une présentation du cautionnement laisse faussement croire que le montant de l’engagement d’une caution est susceptible d’être supérieur à celui de la dette principale (« D’une manière générale, votre engagement de caution est dans la plupart des cas équivalent au montant du prêt demandé, majoré de 20 % »).
1053) V. supra, no 3408.
1054) T. Attia, C. Gijsbers, L. Guyot, L. Leguil, F. Paul et O. Vix, Les fondamentaux du notariat confrontés à l’intelligence artificielle : JCP N 2018, no 10, p. 1111.
1056) www.dailydroits.fr/
1057) https://justlab.fr/


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