CGV – CGU

2021 – Rapport du 117e congrès – Commission 3 – Titre 2 – Le conseil

PARTIE II – La sécurisation de la pratique du contrat numérique

Titre 2 – Le conseil

3481 Lorsqu’une relation contractuelle s’établit directement entre les parties, chaque contractant est tenu à l’égard de son cocontractant d’une obligation précontractuelle d’information1033 et de bonne foi1034. Le contenu de cette obligation d’information dépend de la complexité du bien, du service ou de la prestation vendue ainsi que des compétences respectives des contractants. Ainsi, depuis de nombreuses années, s’est développée une très large jurisprudence en la matière1035. Ces multiples décisions permettent de différencier divers degrés quant à l’information transmise allant du simple renseignement, à la mise en garde, jusqu’au devoir de conseil. La plupart des vendeurs de biens ou de produits (voitures, électroménager, placements…) oscillent entre la simple information et la mise en garde lorsque le contrat présente un danger pour le contractant ou son patrimoine. Les professionnels vendant un service ou une prestation se voient imposer par la Cour de cassation un véritable devoir de conseil (banquier prêteur, assureur, garagiste…). Ce devoir de conseil est, dans ces cas, l’accessoire de l’obligation principale de délivrance d’un service ou d’un produit. Le conseil n’est donc pas alors tout à fait désintéressé. Mais le conseil peut aussi résulter d’une convention de consultation d’assistance ou de représentation spécifique. Le conseil n’est alors plus un devoir, mais l’objet même du contrat. C’est le cas des professionnels du droit lorsqu’ils sont interrogés sur une question juridique en particulier. Le conseil délivré est alors normalement désintéressé puisque indépendant de l’exécution des éventuelles préconisations. Et c’est peut-être là que se situe le « vrai » conseil.
3482 D’une façon générale, le conseil est défini comme le devoir (ou l’obligation contractuelle) d’assister une personne dans la conduite de ses affaires ou dans la défense de ses intérêts incombant à une autre personne1036. La délivrance du conseil consiste pour le professionnel à connaître les spécificités d’un dossier et à en analyser les tenants et aboutissants. Puis le même professionnel explique les éventuelles problématiques, pour enfin conseiller en proposant une ou des solutions personnalisées. Le professionnel doit donc prendre en considération les intérêts des parties et les éclairer de manière désintéressée, voire même contre son propre intérêt quitte à déconseiller une opération qui aurait pourtant pu être source de revenus. Pour y arriver, les professionnels du droit doivent rendre la règle de droit intelligible et accessible à leurs interlocuteurs pour la leur faire bien comprendre. Ces mêmes professionnels doivent ensuite délivrer une réponse la mieux adaptée à la situation de façon tout aussi intelligible et accessible. Ce conseil ainsi délivré participe au renforcement de la sécurité juridique de la relation contractuelle1037.
Ceci étant, aujourd’hui les nouvelles technologies numériques influent fortement sur la relation contractuelle. Basée initialement sur l’écrit et l’humain, la relation contractuelle est désormais fréquemment dématérialisée et déshumanisée. Plusieurs questions se posent alors en lien avec la sécurité juridique. Le devoir de conseil dévolu aux prestataires habituels est-il transposable aux nouveaux acteurs du monde numérique ? À défaut de pouvoir parler de devoir, peut-on réellement parler de conseil ? Et si conseil il y a, est-il réellement adapté à la situation envisagée par l’internaute ? Deux réponses peuvent être apportées à ces interrogations. La révolution numérique perturbe la sécurité juridique en offrant au contractant internaute un conseil standardisé (Sous-titre I). Les professionnels du droit doivent continuer de délivrer un conseil personnalisé tout en adaptant leurs pratiques aux nouvelles technologies. Le conseil enrichi des professionnels répondra à l’attente légitime de sécurité juridique des contractants (Sous-titre II).

1033) C. civ., art. 1112-1.
1034) C. civ., art. 1104.
1035) P. Malaurie, L. Aynès et P. Stoffel-Munck, Droit des obligations, LGDJ, 10e éd., 2018, § 778, p. 426 et s.
1036) G. Cornu, Vocabulaire juridique, PUF, coll. « Quadrige », 13e éd., 2020, Vo Conseil, p. 236.
1037) V. supra, nos 3001 et s ; il est aisé d’imaginer les conséquences que peut avoir l’oubli du rappel d’une solidarité à la dette en cas de divorce (Cass. 1re civ., 6 juill. 2004, no 02-20.388 : JCP N 2005, 1072) ou de l’usage inapproprié d’une exonération fiscale par exemple (Cass. 1re civ., 20 déc. 2017, no 16-13.073).


Aller au contenu principal