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2021 – Rapport du 117e congrès – Commission 3 – Chapitre I – Les obstacles au smart contract en droit positif

PARTIE I – L’adaptation du droit des contrats au monde numérique
Titre 2 – L’exécution du contrat dans le monde numérique
Sous-titre 2 – Les limites de l’automatisation de l’exécution du contrat

Chapitre I – Les obstacles au smart contract en droit positif

3300 Confronter l’inflexibilité du smart contract à la souplesse du droit des contrats permet d’en percevoir certaines limites en droit positif (Section I). D’autres obstacles proviennent du droit de la défaillance, c’est-à-dire des règles gouvernant les procédures civiles d’exécution et les procédures d’insolvabilité (Section II).

Section I – Le smart contract versus le droit des contrats

3301 – Des moyens différents pour un objectif commun. – L’objectif de conforter l’efficacité du contrat est commun à l’ordonnance du 10 février 2016554 et au smart contract. En revanche, les moyens pour y parvenir sont différents. Pour le smart contract, le facteur d’efficacité prépondérant réside dans sa principale caractéristique : l’automaticité, moyen objectif, simple et rapide. La mettre à profit pour éviter ou sanctionner l’inexécution d’une obligation contractuelle séduit. Cependant cette automaticité est difficilement compatible avec les règles du Code civil – luttant contre les entraves à l’exécution du contrat –, qui reposent sur des notions subjectives et appellent des appréciations nuancées (Sous-section I). L’ordonnance du 10 février 2016 conforte quant à elle la réalisation des attentes des parties au contrat en reconnaissant amplement la liberté contractuelle ainsi que la force obligatoire du contrat555, mais entend concilier cet objectif d’efficacité avec celui d’éthique contractuelle. Pour cela, des standards juridiques tournés vers la moralisation du contrat sont employés et des pouvoirs de contrôle sont attribués au juge, particulièrement au stade de l’exécution ou de l’inexécution du contrat. À l’aune de la place faite au juge dans le contrat par la réforme de 2016, la dissonance entre le smart contract et le droit positif est manifeste (Sous-section II).
Sous-section I – Les entraves à l’exécution du contrat
3302 L’exécution est la raison d’être du contrat, l’expression de son efficacité. L’inexécution justifie donc des sanctions (§ I). Les entraves à l’exécution extérieures au débiteur appellent des remèdes différents (§ II). Le smart contract mérite d’être confronté aux unes et aux autres.

§ I – L’inexécution imputable au débiteur

3303 – L’inexécution. – L’inexécution est une notion large. Elle peut être volontaire ou non, totale ou partielle, le résultat d’une non-conformité aux conventions des parties. Pour le smart contract, la première difficulté est de la découvrir. L’utilisation d’un smart contract pour sanctionner l’inexécution nécessite une définition précise de celle-ci dans le contrat fiat. Tout fait non défini exclut sa mise en œuvre.
3304 – Les sanctions de l’inexécution. – La mise en œuvre des sanctions de l’inexécution est d’abord l’apanage du créancier. Le pouvoir lui revient de choisir unilatéralement la sanction et le moment pour la mettre à exécution. La question ne se pose pas de la parole donnée par le débiteur mais des attentes légitimes du créancier. Sauf stipulations contraires du contrat, le créancier a le choix de rechercher une sanction ou un remède. L’article 1217 du Code civil (C. civ., art. 1217) énonce le panel mis à sa disposition. Il peut refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation, poursuivre l’exécution forcée en nature, obtenir une réduction du prix, provoquer la résolution du contrat ou exiger réparation du dommage subi du fait de l’inexécution du contrat.
Automatiser les sanctions de l’inexécution nécessite de définir le choix de la sanction de l’inexécution dès la conclusion du contrat. Lorsque l’on conclut un contrat, c’est pour qu’il soit exécuté. Il peut se passer beaucoup de temps entre le jour de la conclusion du contrat et son exécution. La projection peut être complexe.
3305 – Avantages et inconvénients de l’automatisation de la sanction. – Le contrat est conçu comme un instrument de coopération entre les parties. À ce titre, il est propice au développement des concepts de bonne foi et de loyauté et à l’interventionnisme du juge pour faire respecter ceux-ci. Les conséquences d’une inexécution par le débiteur peuvent être atténuées s’il est de bonne foi (C. civ., art. 1221). Appliquer les sanctions de l’inexécution nécessite donc une faculté de discernement de la part du créancier (C. civ., art. 1219, 1220 et 1226) et, le cas échéant, du juge, absente du smart contract. Mode d’exécution automatique, il est basé sur une logique binaire : soit le contrat est exécuté, soit il ne l’est pas556. Sauf défaillance technique, le contrat augmenté d’un smart contract s’exécute inéluctablement dès lors que les conditions sont remplies. Utilisé comme sanction de l’inexécution, le smart contract présente l’avantage d’être prévisible. Les parties se sont mises d’accord en amont sur la sanction applicable en cas d’inexécution. Il est également dissuasif. Le smart contract est sourd à tout argument du débiteur pour justifier son inexécution. Ce dernier a accepté la sanction ab initio, il ne peut pas la contester, nonobstant les textes le lui permettant (not. C. civ., art. 1223). Mais prévoir dès l’origine du contrat une sanction adaptée et proportionnée à une inexécution éventuelle dans un contexte encore inconnu semble hasardeux. La proportionnalité est pourtant omniprésente dans le Code civil. Conséquence du principe général de bonne foi (C. civ., art. 1104), elle rayonne dans tout le droit de l’inexécution du contrat. L’exception d’inexécution ne peut être mise en œuvre par le créancier que si l’inexécution est suffisamment grave (C. civ., 1219et 1220). Il en est de même pour la résolution du contrat (C. civ., art. 1224et 1226). L’exécution en nature ne peut être poursuivie s’il existe une disproportion manifeste entre le coût engendré pour le débiteur de bonne foi et l’intérêt retiré de l’opération par le créancier (C. civ., art. 1221). Au stade de la réparation du préjudice, la proportionnalité est toujours présente. Le pouvoir du juge de modérer ou augmenter la clause pénale si elle est manifestement excessive ou dérisoire en est encore un exemple (C. civ., art. 1231-5).
Enfin, le smart contract, outil numérique, est lié à la quantification. Cela pose plusieurs problèmes. Les inexécutions liées à la qualité de la prestation pourront difficilement être prises en considération dans le processus. Échelonner les sanctions ab initio sans adaptation possible au stade de l’exécution est susceptible de créer un fossé entre la réalité de l’inexécution et ses conséquences au regard des attentes du créancier.
Le smart contract n’échappant pas à la loi, il est également menacé d’inefficacité s’il ne respecte pas les exigences légales afférentes aux sanctions de l’inexécution du contrat. Le juge pourra alors être saisi par le débiteur.
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§ II – Les entraves non imputables au débiteur

3307 – Indifférence du smart contract aux causes des difficultés ou de l’impossibilité d’exécution. – Dans le mécanisme du smart contract, l’automatisation porte soit sur l’exécution du contrat, soit sur la sanction de son inexécution. Personne n’intervient pour apprécier l’imputabilité de la violation contractuelle. Le smart contract applique la boucle conditionnelle prévue initialement. Un contrat ne peut donc rester inexécuté sans conséquence pour le débiteur défaillant. Peu importe que cette défaillance lui soit ou non imputable. Pourtant, l’inexécution peut être due à une cause étrangère au contrat, à un cas fortuit, au fait d’un tiers, voire du créancier lui-même.
Deux situations extérieures au débiteur méritent notre attention : l’imprévision (A) et la force majeure (B).
A/ L’imprévision
3308 L’ordonnance du 10 février 2016 introduit la théorie de l’imprévision dans le Code civil. Trois conditions cumulatives sont exigées. Il s’agit d’un changement de circonstances rendant l’exécution du contrat excessivement onéreuse pour une partie n’ayant pas accepté d’en assumer le risque. Si les conditions sont réunies, la partie lésée demande une renégociation à son partenaire contractuel. En cas de refus ou d’échec de la renégociation, les parties peuvent convenir de la résolution du contrat, à la date et aux conditions qu’elles déterminent, ou demander d’un commun accord au juge de procéder à son adaptation. À défaut d’accord dans un délai raisonnable, le juge peut, à la demande d’une partie, réviser le contrat ou y mettre fin, à la date et aux conditions qu’il fixe (C. civ., art. 1195). La révision pour imprévision n’est pas d’ordre public. Elle peut être écartée par les parties.
3309 – L’incompatibilité du smart contract avec la théorie de l’imprévision. – La théorie de l’imprévision consiste à prendre en considération le déséquilibre du contrat consécutif au changement de circonstances en cours d’exécution du contrat. L’excessive onérosité devant en résulter varie d’un contrat à un autre. Un autre élément subjectif caractérise le mécanisme de l’imprévision. Il s’agit de la bonne foi567 dont les parties doivent faire preuve pendant toute la vie du contrat (C. civ., art. 1104). Une fois le déséquilibre avéré, le fait pour les parties d’en tenir compte dans leurs relations contractuelles relève de la bonne foi568. Elle commande de renégocier le contrat profondément déséquilibré par suite de modifications extérieures. La renégociation est cruciale. Elle est imposée avant toute action en justice (C. civ., art. 1195)569 sur le fondement de la bonne foi et avec l’objectif de sauver le contrat. Le Code civil envisage le contrat comme un instrument de coopération. Pour les promoteurs du smart contract, la sécurité juridique ne s’obtient que par une exécution inévitable de la convention initiale des parties. La confiance des parties dans l’institution contractuelle dépend de leur conviction à voir leurs engagements s’exécuter. L’incertitude est une source d’instabilité à éviter. Le contrat est un instrument de prévision. Le smart contract est à son service. L’utiliser, c’est opter pour une exécution infaillible du contrat en restant aveugle aux circonstances extérieures. Au stade de l’exécution, seule l’obligation d’exécution demeure570. Dès la réunion des conditions, l’algorithme s’applique sans rechercher si l’opération conserve un intérêt au moment de son exécution. Le Code civil a une vision moins réductrice. Garantir aux parties la révision du contrat excessivement déséquilibré apporte une forme de sécurité juridique et une pérennité au contrat571.
Le smart contract apparaît incompatible avec l’article 1195 du Code civil (C. civ., art. 1195), car renégocier le contrat devient impossible une fois la boucle conditionnelle mise en place. Son exécution devient inéluctable. Mais il est possible de prévoir et d’automatiser une obligation de renégociation du contrat dès la conception du smart contract.
3310 – Le smart contract et les clauses de hardship. – Dans le monde des affaires, les clauses de hardship sont usuelles. Insérées dans les conventions à long terme, elles permettent d’ouvrir une nouvelle négociation lorsque des circonstances extérieures au contrat viennent en bouleverser l’économie générale. Des possibilités de fallback572 sont mises en place dans certains logiciels sous le nom de selfdestruct function ou suicide clause. Il s’agit de sorties de secours permettant de stopper un code algorithmique en cours d’exécution. Transposer cette technologie au smart contract est envisageable573. Un smart contract pourrait s’interrompre si le déséquilibre entre les prestations délivrées devenait trop important574.
3311 En revanche, il s’agit de smart contractualiser les conséquences de l’imprévu mais pas l’imprévu lui-même. Le smart contract n’est pas intelligent. Il n’est pas doté de conscience. Il n’a aucune faculté d’étonnement. Le changement de circonstances doit être prévu. Il doit être évalué par les parties par avance. Le déséquilibre produit par ce nouveau paradigme sur le contrat doit donc être quantifiable par les parties. Elles doivent déterminer, au sein du contrat fiat, les événements constituant un changement de circonstances et à partir de quel moment ils rendent le contrat excessivement onéreux.
Le smart contract ne peut appréhender le déséquilibre non acceptable que s’il a été quantifié de manière chiffrée. L’imprévu n’ayant pas été pressenti ne sera pas pris en considération. Or, à la lecture de l’article 1195 du Code civil (C. civ., art. 1195), l’événement imprévu est celui ne pouvant être raisonnablement imaginé au moment de la conclusion du contrat.
Aucune marge d’appréciation n’est laissée aux parties au stade de l’exécution du contrat.
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B/ La force majeure
3313 – Définition. – L’ordonnance du 10 février 2016 épouse la conception classique de la force majeure. Elle se définit comme un événement irrésistible et imprévisible dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées (C. civ., art. 1218). L’événement n’est pas nécessairement extérieur aux parties (la maladie a déjà été reconnue comme un cas de force majeure)583. Il doit néanmoins échapper au contrôle du débiteur.
3314 – « À l’impossible, nul n’est tenu ». – L’événement doit être « insurmontable » et « inévitable »584. Contrairement à l’imprévision, l’exécution du contrat ne doit pas être seulement plus difficile. Elle doit devenir impossible. Peu importe qu’elle soit plus onéreuse. Tant qu’elle ne ruine pas le débiteur, dès lors empêché d’exécuter, il ne s’agit pas d’un cas de force majeure. Certains ont soutenu que cette condition d’irrésistibilité suffirait à elle seule à caractériser la force majeure585. Avant l’ordonnance de 2016, la Cour de cassation l’a parfois admis586.
3315 – Un événement imprévisible. – L’imprévisibilité est le second élément indispensable pour qualifier la force majeure. Si l’événement était prévisible lors de la formation du contrat, cela signifierait que le débiteur a accepté d’en supporter le risque587. La force majeure devrait donc être écartée.
3316 – Les effets de la force majeure. – La force majeure entraîne l’exonération de responsabilité du débiteur défaillant (C. civ., art. 1231-1). Elle suspend l’exécution du contrat ou en entraîne la résolution selon que l’empêchement est temporaire ou définitif (C. civ., art. 1218, al. 2).
3317 – Le smart contract et la force majeure. – S’agissant d’un événement extérieur au processus, le smart contract connaît les mêmes écueils qu’en matière d’imprévision588. Mais l’événement peut également être interne au smart contract sans intervention fautive de l’une ou l’autre partie. Une interruption provisoire de réseau, une cyberattaque ou une corruption des données ont pu être qualifiées d’événements de force majeure589. Provoquant un arrêt de l’exécution du contrat, deux situations peuvent s’ensuivre :

soit les conditions prévues au smart contract ne sont pas réalisées. La seconde variable du programme s’active590 et le débiteur considéré comme défaillant est sanctionné automatiquement ;

soit les conditions prévues au smart contract sont réalisées mais le dysfonctionnement suspend l’exécution du programme. La continuation automatique du contrat à la fin de l’incident peut avoir lieu alors qu’elle n’est plus souhaitée par les parties.

Neutraliser le bug informatique semble possible par des stipulations contractuelles au sein du contrat fiat. Deux smart contracts doivent être prévus en plus de celui programmé initialement. En cas de défaillance technique du premier, un autre contrecarre son exécution au moyen d’une selfdestruct function591. Le troisième poursuit l’exécution du contrat fiat. L’ensemble est totalement automatisé. Un tel montage démontre la possibilité technique de pallier les défaillances d’un système, même immuable et inarrêtable. Néanmoins, il interroge sur la qualification de force majeure. L’anticipation sous-jacente laisse à penser que la situation n’est ni irrésistible ni imprévisible. Elle peut être évitée par des mesures appropriées. Par définition, un réel cas de force majeure ne sera pas prévu au contrat. Il ne sera pas prévu par le smart contract.
Le smart contract apparaît comme le bras armé du contrat en tant qu’acte de prévision592. Mais le contrat est également un acte social demandant une grande flexibilité. L’aspect relationnel a une importance croissante, à l’image des pouvoirs accordés au juge par l’ordonnance du 10 février 2016.
Sous-section II – La place du juge dans le contrat
3318 L’ordonnance du 10 février 2016593 fait une place prépondérante au juge. Sa mission de maintenir l’équilibre voulu initialement par les parties au cours de l’exécution du contrat requiert une certaine objectivité. Mais le juge forge sa conviction au moyen d’outils subjectifs. À cet effet, il utilise les standards contractuels. Ce sont des notions à contenu variable en grande partie développées par la jurisprudence. La réforme du droit des contrats leur fait la part belle en multipliant les références à ces concepts. Ils sont autant de moyens pour le juge de sécuriser et/ou de moraliser la relation contractuelle (§ I). À l’inverse, l’utilisation du smart contract remet en cause l’office du juge, considérant que le contrat est exclusivement la chose des parties594. Annihiler la composante humaine au stade de l’exécution est un argument fort du smart contract pour garantir l’efficacité du contrat (§ II).

§ I – Le smart contract et les standards juridiques

3319 – Définition. – Le standard est un étalon. C’est une norme souple fondée sur un critère intentionnellement indéterminé que le juge applique espèce par espèce à la lumière de données extralégales, voire extrajuridiques595. Le droit des contrats est riche de ces notions à contenu variable, telles que la bonne foi (C. civ., art. 1104), l’importance déterminante (C. civ., art. 1112-1), le raisonnable (C. civ., art. 1116, 1211, 1222 et 1231), les circonstances particulières (C. civ., art. 1120), l’avantage manifestement excessif (C. civ., art. 1130), l’obligation essentielle (C. civ., art. 1170), le déséquilibre significatif (C. civ., art. 1171), la disproportion manifeste (C. civ., art. 1221), ou encore la gravité suffisante (C. civ., art. 1219, 1220 et 1226), la force majeure (C. civ., art. 1218)… Le standard permet au juge du fond, dans son pouvoir souverain, de replacer un contrat dans son contexte factuel et d’apprécier le comportement des parties dans ce cadre, de manière pragmatique. Positionner le contrat face à la réalité d’une situation, en analysant les nuances propres à chaque espèce, peut favoriser la sécurité juridique et l’efficacité du contrat. L’application du contrat n’est pas la seule fin. Le contrat est un acte de prévision servant des objectifs humains. L’appréciation du juge peut conforter cette part d’humanité.
3320 – Le smart contract face aux standards contractuels. – Le smart contract tend à objectiver le processus contractuel. Il applique le contrat, rien que le contrat. Sauf à objectiver le comportement des parties afin de l’inscrire dans la boucle conditionnelle, il est exclu du processus596.
Enfermer des comportements dans des statistiques aboutirait nécessairement à des injustices. L’automaticité du mécanisme tend également à évincer le juge. L’opération programmée initialement ne supporte pas les référentiels de valeur subjectifs des standards contractuels. Les conditions sont convenues à l’avance. Si une condition est prévue, elle doit être exécutée. Peu importe la gravité de son inexécution. Si un délai est stipulé, il doit être respecté. S’il n’était pas raisonnable, il n’aurait pas été accepté597. Le smart contract prend le contre-pied des standards juridiques. La sécurité offerte résulte de l’invariabilité du mécanisme.
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3323 « La liberté contractuelle ne doit pas être un moyen d’asservissement économique des plus faibles aux plus forts, elle doit donc nécessairement comporter des limites »609. La souplesse du droit des contrats permet d’avoir un outil pragmatique permettant de maintenir un équilibre dans les conventions lors de sa formation, son exécution et son extinction. Les standards juridiques donnent une marge de manœuvre importante au juge jusqu’à forcer le contrat, pouvoir créateur de droits et d’obligations peu compatible avec le smart contract.

§ II – Le smart contract et l’office du juge

3324 – L’opposition de deux philosophies. – Volontariste et libéral, le smart contract propose de trouver la confiance nécessaire au contrat dans l’efficacité de son mécanisme. La négociation a donné lieu à l’engagement des parties car chacune y trouvait son intérêt. L’exécution inéluctable de cet accord est le seul aboutissement possible. Théoriquement, il s’agit d’un constat sans appel. Dans ce contexte, nul besoin d’une autorité régulatrice. La fin de l’immixtion du juge dans le contrat est heureuse.
L’ordonnance du 10 février 2016 consacre l’interventionnisme du juge. De ce point de vue, elle est bien une loi de codification du droit. Le constat est ancien qu’« entre de tels contractants, les uns colossaux, les autres infimes, la liberté contractuelle dev[ient] en réalité unilatérale, ne fonctionnant qu’au profit des forts, réalisant à coup sûr l’écrasement du plus faible. À l’égalité théorique, désormais rompue dans les faits, il fa[ut] substituer l’égalité effective en instituant une politique de réglementation et d’interventionnisme »610. Lorsque la relation contractuelle s’effrite, un tiers de confiance, le juge, garantit la sécurité juridique des parties en restituant un équilibre au contrat. Il sanctionne les abus dans la relation des parties (C. civ., art. 1164, 1165 et 1171 ; C. consom., art. L. 212-1). Il s’assure de la loyauté dans l’exécution du contrat. Il applique le droit de manière pragmatique, au regard des faits de chaque espèce.
3325 – La flexibilité de la décision judiciaire. – Au soutien de la justice et de l’éthique contractuelles, l’interprétation du contrat dans la limite de la dénaturation611 (C. civ., art. 1188 et s.) voire le « forçage du contrat »612, au nom de la bonne foi (C. civ., art. 1104) et de l’équité (C. civ., art. 1194), sont des moyens forts à la disposition du juge.
Deux manières d’interpréter le contrat d’après la commune intention des parties s’ouvrent au juge (C. civ., art. 1188). De manière subjective, il se met à la place de chacune des parties pour déterminer ce qu’elles attendaient du contrat. La volonté réelle prime sur celle exprimée613. De manière objective, il recherche ce qu’attendrait une personne raisonnable en pareil cas.
Toutes les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres ; chacune doit être cohérente avec l’acte dans sa globalité (C. civ., art. 1189, al. 1er). Si plusieurs contrats concourent à une même opération, ils s’interprètent en fonction de celle-ci (C. civ., art. 1189, al. 2). Lorsqu’une clause peut être comprise de deux manières différentes, le juge doit privilégier le sens la rendant utile (C. civ., art. 1191).
Mais toutes ces directives d’interprétation ne sont que des conseils. La Cour de cassation ne sanctionne que l’interprétation de la clause claire et précise dans le cadre de son contrôle de dénaturation (C. civ., art. 1192). Le juge du fond a donc une importante latitude pour interpréter le contrat.
Dans le silence des parties, le juge a même un pouvoir créateur lui permettant de compléter le contrat en se fondant sur l’équité, l’usage ou la loi (C. civ., art. 1194). Au premier abord contestable, cette pratique s’avère protectrice. Elle a notamment permis de découvrir une obligation de sécurité dans les contrats de transport de personnes. Il ne suffit pas d’arriver à bon port, il faut l’être sain et sauf, même si cela n’est pas inscrit dans le contrat, et ce sans avoir à prouver une faute du transporteur. Le juge découvre cette obligation de sécurité de résultat sur le fondement de l’équité614. De même, lorsque l’obligation d’information en cours d’exécution est absente du contrat, l’équité et la bonne foi la commandent. Les cocontractants se doivent mutuellement les informations nécessaires à la bonne exécution du contrat.
3326 – La rigidité du code informatique. – Le smart contract ne reflète pas les attentes des parties à l’origine de la conclusion du contrat. Il traduit uniquement de manière opérationnelle les décisions prises. La condition booléenne615 propose deux solutions. Les conditions sont réunies : le code s’applique intégralement. Dans le cas contraire, il reste sans effet. Le cas échéant, une sanction peut être automatisée. Le smart contract est constitué de conditions objectives. Claires et précises, elles tendent à évincer le juge. Alors que les articles 1188 à 1192 du Code civil (C. civ., art. 1188 à 1192) donnent des directives d’interprétation en cas de doute sur le sens du contrat, le smart contract s’exécute indubitablement. Il ne sait pas ce qu’est le doute. La volonté exprimée est nécessairement la volonté réelle. L’interprétation ou le « forçage du contrat » sont écartés. Cette exclusion est présentée comme un point fort du processus. Le contrat est restitué aux parties. Au stade de l’exécution, il leur est pourtant confisqué. Dans le processus smart contractuel, l’interprétation est celle du programmeur codant le contrat fiat616. Elle se situe donc au moment de la conception du code et non de son exécution. Non modifiable, le smart contract est intangible au stade de l’exécution. Seul ce qui a été prévu s’applique, ni plus ni moins.
Toute faculté d’étonnement est exclue. Le smart contract n’est pas libre. Il n’a pas d’appréciation sur l’opportunité d’une clause. Il est aveugle aux vices de conception. Si un bug se produit, le smart contract applique le code même si le résultat n’est pas celui souhaité par les parties. Ajouté au fait que le résultat obtenu est irréversible et que la blockchain enregistre des informations sans vérifier l’exactitude de leur contenu, les conséquences peuvent être graves. Le code confond la volonté exprimée et l’intention réelle des parties. Si le code est faussé, il est difficile de rechercher la volonté de son créateur, sauf à se référer au contrat fiat. Il représente le seul lien entre le monde réel et le code informatique. Si le smart contract n’est pas un contrat à part entière617, il ne s’interprète pas. En revanche, le juge peut interpréter le contrat fiat618.
Le code s’exécute objectivement, mais il est partial. En raison des moyens à mettre en œuvre, écrire un smart contract est généralement ouvert à la partie forte dans le contrat. La partie faible peut ne pas être en mesure de déchiffrer le code. Le contrat d’adhésion redouble le risque d’arbitraire et d’insuffisante réciprocité.
En l’état de la technologie, le smart contract est peu compatible avec les principes du droit positif. Le « tout smart contractuel » n’est pas envisageable.
Le droit de la défaillance ne fait pas exception à ce constat. Le smart contract pourrait offrir la possibilité de simplifier les procédures en les automatisant. Mais le processus présente également des incompatibilités avec le droit positif.

Section II – Le smart contract versus le droit de la défaillance

3327 L’étude du smart contract à l’aune du droit de la défaillance met en exergue deux idéologies opposées.
Les clauses automatisées s’imposent de plein droit sans tenir compte des mécanismes procéduraux mis en place par l’autorité étatique619 ni des éventuelles résonances de l’exécution automatisée au-delà de la relation contractuelle. Une justice privée se met en place.
Cette conception, éminemment libertarienne et individualiste, semble strictement opposée au droit de la défaillance organisé au sein de deux corps de règles : le droit des procédures civiles d’exécution (Sous-section I) et le droit des procédures collectives (Sous-section II).
Sous-section I – Les atteintes aux procédures civiles d’exécution
3328 Le smart contract symbolise la liberté individuelle des cocontractants dans l’organisation de leur relation. Dans cette logique, son automaticité force l’exécution en ce qu’une fois programmé, il ne peut plus être stoppé, rendant sa réalisation inéluctable. Un tel processus favorise l’exécution forcée du contrat, mais la soustrait aux tiers auxquels l’État confie traditionnellement la force exécutoire (juges et huissiers en tête). Il interroge sur la contractualisation de la contrainte (§ I) et, plus fondamentalement, sur la souveraineté de l’État (§ II).

§ I – Le smart contract et la contractualisation de la contrainte

3329 Les procédures d’exécution sont d’ordre public. « L’État a le monopole de la violence légitime »620. Il existe peu de possibilités de déroger à cette règle. Toutefois, le créancier a l’initiative de la procédure (A) et certaines clauses permettent aux parties d’organiser une justice privée (B).
A/ L’initiative du créancier dans les procédures d’exécution forcée
3330 – Le discernement du créancier à l’origine des procédures d’exécution forcée. – Les procédures d’exécution ont pour objet de permettre au créancier d’obtenir le paiement sans le concours du débiteur. En revanche, le créancier a un rôle important à jouer, car c’est lui qui impulse la procédure. Sans son intervention, l’absence d’exécution est sans conséquence pour le débiteur. Le créancier est juge de l’opportunité des poursuites civiles. Une nouvelle fois, le discernement humain est mis en avant pour déterminer la pertinence de mobiliser telle règle ou sanction.
Le mécanisme du smart contract s’oppose de nouveau au droit positif. Utiliser le smart contract dans le cadre des procédures d’exécution consiste à programmer l’envoi de la mise en demeure préalable. L’automatisation écarte le créancier de cette phase, l’obligeant à se prononcer sur la suite à donner en cas d’inexécution dès la conclusion du contrat. L’idéologie smart contractuelle ne conçoit l’absence d’envoi de la mise en demeure que comme le résultat de la négligence humaine. La réalité est souvent différente. Le créancier peut seulement vouloir adapter sa réaction à la non-exécution en termes de délai comme d’intensité621.
B/ Les clauses contractuelles organisant une justice privée
3331 Les parties peuvent mettre en place une forme de justice privée par la stipulation de clauses organisant la sanction du contractant défaillant. Toutefois, ces clauses ont souvent une portée limitée. La clause pénale est révisable en justice (C. civ., art. 1231-5). En matière de sûretés, l’encadrement du pacte commissoire est très important (C. civ., art. 2348, 2459, 2460 et 2365 ; C. com., art. L. 622-7, L. 631-14 et L. 641-3) et la clause de voie parée est interdite (C. civ., art. 2346 et 2458 ; CPC ex., art. L. 311-3).
3332 Le contrat est l’accord des parties. Le smart contract en soustrait l’exécution à leur volonté. Son automaticité est sa force. L’exécution du contrat ne relève pas du bon vouloir du débiteur ni même du créancier, mais de l’accomplissement de conditions prédéfinies. Soutenue par la blockchain, l’opération ne peut pas être validée en cas d’insolvabilité de l’une des parties. En effet, la chaîne de blocs permet la confirmation du contenu du porte-monnaie électronique avec les transactions réalisées, et le smart contract ne peut être implémenté que si la somme engagée est disponible. Cette fonction autoexécutante est à l’origine de l’effet disruptif du smart contract. Le tiers séquestre n’est plus indispensable. La somme nécessaire à l’exécution du contrat est captée par le smart contract. Elle est libérée lors de la réunion des conditions624. À l’inverse, l’absence de réunion des conditions permet de rétablir les parties dans leur état initial et d’automatiser les sanctions prévues conventionnellement. Un tel contexte est propice à l’organisation d’une justice privée dont l’exercice est encadré dans le contrat.
3333

§ II – Le smart contract et la souveraineté de l’État

3334 – La liberté contractuelle et la souveraineté. – En vertu de la liberté contractuelle, le smart contract fixe les conditions d’exécution du contrat dès sa conclusion. Le processus étant inarrêtable, l’adopter revient à substituer la volonté des parties aux procédures civiles d’exécution. Partant de la thèse libertarienne selon laquelle l’équilibre du contrat résulte de la seule rencontre des volontés, la présence de l’État dans les relations privées est inutile. Le consentement des parties suffirait à mettre en place un système alternatif. Toutefois, l’attribution au contrat de la force exécutoire637 est un acte d’autorité et de souveraineté appartenant à l’État. L’article 3 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789 l’énonce clairement : « Le principe de toute Souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d’autorité qui n’en émane expressément ». L’État exerce sa mission régalienne au titre de la sécurité qu’il doit à chaque citoyen638.
3335 – La dimension collective de la souveraineté. – L’État est omniprésent tout au long de la procédure d’exécution. Le titre exécutoire délivré préalablement s’analyse en un permis d’exécuter sans lequel le créancier ne peut pas agir en exécution forcée (CPC ex., art. L. 111-2). Il ne peut être délivré que par un représentant de l’État, juge, officier public, administration publique ou délégataire d’une mission de service public. L’huissier de justice prête son concours à la mise en œuvre de la procédure d’exécution. La présence de l’État a vocation à contrôler l’usage de l’exécution forcée. Chacun des représentants de l’État incarne la nation. À ce titre, il est l’autorité de confiance protégeant l’intérêt public.
Le smart contract défend quant à lui l’efficacité du contrat dans l’intérêt privé du créancier. Son indépendance par rapport aux parties au stade de l’exécution du contrat garantit la réalisation des obligations prévues initialement. Le processus rend le paiement inévitable même si elles ne le souhaitent plus. L’absence de volonté dans cet intervalle s’apparente à une exécution forcée. En revanche, la collectivité des participants à la blockchain détient un rôle différent de la nation. L’État souverain sollicité par le créancier a le devoir d’intervenir. Mais cela ne se fait pas sans contrôle. Les représentants ou délégataires de l’État vérifient le respect de la sécurité des parties et la conformité à l’ordre public. Le smart contract n’opère pas d’autre vérification que la réunion des conditions prévues initialement. Les garanties proposées sont notamment distinctes de celles que procure l’authenticité.
3336 – L’unicité de la souveraineté. – La souveraineté s’apparente à un pouvoir central unique. La souveraineté est déléguée mais pas concurrencée. Elle s’oppose à la « féodalité ». Désignant le démembrement de la puissance publique, la féodalité se manifeste à la fin de l’Empire carolingien par la décentralisation des prérogatives de puissance publique. Le commandement, la perception de l’impôt, le monopole de la monnaie, la justice se répartissent alors entre le pouvoir central et les seigneuries. Cette dissociation de la mission régalienne de l’État n’est pas sans rappeler la promesse faite par la blockchain. S’érigeant en autorité de confiance, elle vise à réaliser des transactions en dehors de tout contrôle étatique. Elle apparaît comme une résurgence de la décomposition politique639 tendant à affaiblir le rôle de l’État. Elle est une forme de féodalité.
L’idéologie smart contractuelle procède de la même logique libertarienne640. À l’image du suzerain qui, détenant les terres, détient les prérogatives de puissance publique, aucune séparation n’est établie entre le fait et le droit. La partie faible donne sa confiance à un code informatique créé par la partie forte. Le smart contract entérine le rapport de force établi naturellement entre le créancier et le débiteur. La puissance économique supplante la puissance publique.
« La féodalité désigne un double phénomène d’atomisation de la puissance publique et de contractualisation du lien social »641. Mais les seules volontés privées ne peuvent pas contractualiser la contrainte. Elles peuvent tout au plus prévoir un système alternatif lorsque la loi le permet642.
Au premier abord attrayante, la justice privée résultant de l’automaticité du smart contract doit être observée avec de la hauteur. La situation de fragilité imposée au débiteur peut avoir des incidences au-delà du contrat lui-même, lesquelles s’observent dans les procédures d’insolvabilité.
Sous-section II – Les atteintes aux procédures d’insolvabilité
3337 Parmi les principes et objectifs gouvernant les procédures d’insolvabilité, deux paraissent ériger de sérieux obstacles à l’utilisation d’un smart contract : d’une part, le principe d’égalité des créanciers (§ I) et, d’autre part, la protection des intérêts économiques et sociaux du débiteur en difficulté (§ II).

§ I – Le principe d’égalité entre les créanciers

3338 – Changement de paradigme. – Le principe d’égalité se traduit par la dimension collective de la procédure. À l’origine, le droit de la défaillance ne connaissait pas le règlement collectif du passif. Le paiement se faisait au prix de la course. Seule la notion de déconfiture, encore présente dans le Code civil643, prenait en compte la situation du débiteur insolvable à l’égard de chacun de ses créanciers. Qu’elles concernent le surendettement des particuliers ou l’entreprise en difficulté, les procédures d’insolvabilité ont pris une dimension collective. Elles privent les créanciers du droit d’obtenir individuellement le paiement de leur produit ou service. À l’exception des sûretés établissant un ordre entre les créanciers, la procédure privilégie l’égalité de paiement.
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3340 – Finalités antagonistes du smart contract et des procédures collectives. – Le règlement collectif du passif est subordonné à la paralysie des créances individuelles. Le smart contract répond à une logique individuelle. Il consiste à automatiser le « prix de la course ». Le mécanisme smart contractuel a vocation à anticiper le risque pour le créancier de ne pas recouvrer sa créance. Il permet l’anticipation de son éventuelle négligence et, par là même, lui retire le pouvoir de décision face à la défaillance de son débiteur. Lui assurant dès la conclusion du contrat la solvabilité du débiteur grâce à la fonction de registre de la blockchain, le créancier est garanti de l’exécution de l’obligation. En revanche, le processus a vocation à protéger exclusivement le paiement de la prestation convenue. Le contrat, rien que le contrat. Le smart contract se désintéresse de l’environnement économique du débiteur. Le smart contract programmé exécutera invariablement le contrat en dépit d’une procédure collective, rompant l’égalité entre les créanciers. En tout état de cause, il ne tiendra pas compte de l’ordre des créanciers pour s’exécuter.
3341
3342 La rigidité du smart contract due à l’automaticité du processus contredit également le besoin de pérennité et de stabilité du débiteur.

§ II – La sauvegarde des intérêts économiques et sociaux du débiteur en difficulté

3343 – Droit de l’entreprise en difficulté. – La finalité affichée des procédures d’insolvabilité professionnelles est d’assurer la pérennité de l’entreprise (C. com., art. L. 620-1), de faciliter sa réorganisation et de permettre la poursuite de l’activité (C. com., art. L. 631-1, al. 2). Historiquement, l’objectif des procédures collectives était avant tout l’apurement du passif. Aujourd’hui il vient en dernier lieu (C. com., art. L. 640-1). La « faillite » n’est plus une punition. Tout doit être mis en œuvre pour l’éviter et conforter le « rebond » du débiteur.
3344 – Procédure de surendettement du particulier. – Cette procédure a pour finalité d’organiser l’apurement du passif de la personne physique manifestement hors d’état de faire face à ses dettes non professionnelles. Il s’agit d’une procédure éminemment personnelle, prenant en considération la situation individuelle, familiale et professionnelle du débiteur. Le paiement de ses dettes par le débiteur doit lui laisser un minimum de ressources pour vivre et faire face à ses charges quotidiennes. L’objectif poursuivi par la commission de surendettement des particuliers est de permettre au débiteur de retrouver dans l’avenir une situation financière stable et pérenne. L’étude de chacune des situations se fait au cas par cas.
3345 – La finalité économique et sociale et le smart contract. – Le smart contract est le résultat de la négociation des parties. Peu importe ce qui a amené une partie à contracter. Si elle a donné son accord, c’est qu’elle y avait intérêt. Le smart contract peut être un facteur d’accélération des difficultés de l’entreprise648 ou du débiteur particulier. En effet, si les conditions convenues sont réunies, il s’exécute automatiquement quelle que soit la situation du débiteur. Il ignore les intérêts supérieurs au contrat tels que la sauvegarde de l’emploi ou la stabilité de l’équilibre économique pour l’entreprise, ou le maintien d’une vie décente pour le particulier. La sécurité est apportée à l’exécution du contrat indépendamment des conséquences pour les contractants et leur entourage.

554) Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations : JO 11 févr. 2016, no 0035, no 25.
555) V. supra, no 3290.
556) A. Saint-Paul, Smart contracts et droit commun des contrats, ss dir. M. Bourassin, Mémoire de recherche soutenu le 5 juill. 2019 : non publié.
557) V. infra, no 3335.
558) A. Saint-Paul, Smart contracts et droit commun des contrats, ss dir. M. Bourassin, Mémoire de recherche soutenu le 5 juill. 2019 : non publié, no 70.
559) V. infra, nos 3333 et s.
560) Dans le cas où le prix a déjà été payé, la réduction doit être demandée en justice (C. civ., art. 1223, al. 2).
561) V. supra, no 3253.
562) R. Blough, Le forçage, Du contrat à la théorie générale, PUAM, 2011, no 393.
563) C. Couzin, H. Guiziou, M. Leveneur-Azemar, B. Moron-Puech et A Stevignon, Regards comparatistes sur l’avant-projet de réforme de droit des obligations : D. 2015, no 19.
564) A. Parent, L’imprévision en droit comparé : une analyse normative économique, thèse, 2014, ss dir. J.-G. Belley, Faculté de droit, Université McGill, Montréal, p. 64 et s. (https://escholarship.mcgill.ca/concern/theses/0z709076j, consulté le 25 avr. 2020).
565) Paradine v. Jane, Aleyn 26 [Paradine].
566) A. Parent, L’imprévision en droit comparé : une analyse normative économique, préc., p. 81 et s.
567) Ph. Stoffel-Munck, L’abus dans le contrat, essai d’une théorie, LGDJ, 2000, nos 114 et s.
568) R. Blough, Le forçage, Du contrat à la théorie générale, PUAM, 2011, no 400.
569) Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 : JO 11 févr. 2016, no 35, texte no 25, p. 25.
570) V. supra, no 3298.
571) G. Paisant, Introduction au colloque sur l’intangibilité du contrat : Dr. et patrimoine 1998, no 58.
572) En français : retrait.
573) A. Bayle, Analyse prospective des smart contracts en droit français, Mémoire ss dir. J. Roque, Maître de conférence à la Faculté de droit de Montpellier, 2016-2017, no 156.
574) M. Mekki, Le smart contract, objet du droit (Partie 2) : Dalloz IP/IT 2019, p. 27.
575) Cass. com., 17 févr. 2015, nos 12-29.550, 13-18.956 et 13-20.230, inédits.
576) Une convention ne peut rester valable que si les choses demeurent en l’état.
577) Cass. civ., 6 mars 1876, Canal de Craponne : D. 1876, I, 193, note Giboulot.
578) R. Blough, Le forçage, Du contrat à la théorie générale, PUAM, 2011, no 391.
579) Cass. com., 3 nov. 1992, Huard : Bull. civ. 1992, IV, no 338. – J. Mestre, Une bonne foi franchement conquérante… au service d’un certain pouvoir judiciaire de révision du contrat : RTD civ. 1993, p. 124.
580) Cass. com., 24 nov. 1998, Chevassus Marche : Bull. civ. 1998, IV, no 277.
581) Cass. 1re civ., 16 mars 2004 : Bull. civ. 2004, I, no 86. – D. Mazeaud, Du nouveau sur l’obligation de renégocier : D. 2004, p. 1754.
582) Cass. com., 29 juin 2010, no 09-67.369, Sofimat, non publié au bulletin.
583) Cass. 1re civ., 10 févr. 1998 : JCP G 1998, I, 185, no 16, obs. G. Viney.
584) F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénedé, Droit civil, Les obligations, Dalloz, 12e éd. 2019, no 749.
585) P.-H. Antonmattei, Contribution à l’étude de la force majeure, LGDJ, 1992, nos 33 et s.
586) Cass. 1re civ., 9 mars 1994 : JCP G 1994, I, 3773, no 6, obs. G. Viney. – Cass. 1re civ., 6 nov. 2002 : JCP G 2003, I, 152, no 32, obs. G. Viney.
587) Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance no 2016-131 du 10 février 2016 : JO 11 févr. 2016, no 35, texte no 25.
588) V. supra, no 3308.
589) M. Mekki, Le smart contract, objet du droit (Partie 2) : Dalloz IP/IT 2019, p. 27.
590) V. supra, no 3240.
591) V. supra, no 3310.
592) V. supra, no 3003.
593) Ord. no 2016-131, 10 févr. 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations : JO 11 févr. 2016, no 35, texte no 26.
594) V. supra, no 3288.
595) Assoc. H. Capitant, G. Cornu (ss dir.), Vocabulaire juridique, PUF, 13e éd., 2020, p. 979.
596) V. supra, no 3298.
597) V. supra, nos 3281 et s.
598) V. supra, nos 3269 et 3303.
599) F. Viney, L’expansion du raisonnable dans la réforme du droit des contrats : un usage déraisonnable : D. 2016, p. 1940 et s., no 10.
600) Assoc. H. Capitant, G. Cornu (ss dir.), Vocabulaire juridique, PUF, 13e éd., 2020, p. 839.
601) A. Saint-Paul, Smart contracts et droit commun des contrats, ss dir. M. Bourassin, Mémoire de recherche soutenu le 5 juill. 2019, non publié, no 80.
602) Assoc. H. Capitant, G. Cornu (ss dir.), Vocabulaire juridique, PUF, 13e éd., 2020, p. 413.
603) V. supra, no 3003.
604) V. supra, no 3295.
606) M. Mekki, Le smart contract, objet du droit (Partie 2) : Dalloz IP/IT 2019, p. 27.
607) Le langage Michelson sur la blockchain Tezos se prête à une vérification formelle, permettant de contrôler à tout moment s’il se comporte comme les parties l’ont souhaité. De type interpréteur (V. supra, no 3241), cela veut dire que le code peut être corrigé sans avoir recours à un hard fork comme cela fut le cas sur Ethereum au moment du bug de The DAO en 2016 (V. infra, no 3373). Pour aller plus loin : www.contrepoints.org/2016/11/15/271038-entretien-arthur-breitman-projet-de-blockchain-tezos, consulté le 14 avr. 2020.
608) V. supra, no 3303.
609) R. Blough, Le forçage, Du contrat à la théorie générale, PUAM, 2011, no 154.
610) L. Josserand, Aperçu général des tendances actuelles de la théorie du contrat : RTD civ. 1937, no 1.
611) Cass. civ., 15 avr. 1872 : DP 1972, 1, 176.
612) Par une fiction, le juge peut faire produire au contrat des obligations ayant un lien avec sa finalité et permettant de l’adapter même si elles n’ont pas été voulues par les parties. Cette notion, mise en exergue par Josserand dans les années 1920, permet au juge de découvrir des obligations d’information, de sécurité, de surveillance. Pour aller plus loin : R. Blough, Le forçage, Du contrat à la théorie générale, PUAM, 2011.
613) Cass. req., 6 févr. 1945 : Gaz. Pal. 1945, 1, 116.
614) Cass. civ., 21 nov. 1911 : DP 1913, 1, 249, note Sarrut.
615) V. supra, no 3240.
616) V. supra, no 3242 et infra, no 3350.
617) V. supra, nos 3252 et s.
618) V. supra, nos 3318 et s.
619) H. Christodoulou, Les nouvelles technologies à l’origine de l’évolution contractuelle : Comm. com. électr. 2020, 20, no 6.
620) C. Brenner, La présence de l’État dans les rapports contractuels entre les citoyens : l’exécution forcée des contrats : JCP N 2019, 1092, no 1.
621) V. supra, no 3306.
622) CEDH, 19 mars 1997 : D. 1998, jurispr. p. 74, note N. Fricero.
623) C. Brenner, La présence de l’État dans les rapports contractuels entre les citoyens : l’exécution forcée des contrats : JCP N 2019, 1092, no 2.
624) V. supra, no 3244.
625) F. Guerchoun, Astreinte : Rép. proc. civ. Dalloz, avr. 2017, no 160.
626) Cass. com., 29 juin 2010, no 09-14.123.
627) Cass. 3e civ., 6 nov. 1986 : Bull. civ. 1986, III, no 150. À l’époque, sur le fondement de l’art. 1152 du Code civil.
629) V. supra, nos  et s.
630) V. supra, no 3321.
631) Assoc. H. Capitant, G. Cornu (ss dir.), Vocabulaire juridique, PUF, 13e éd., 2020, p. 1071.
632) Assoc. H. Capitant, G. Cornu (ss dir.), Vocabulaire juridique, PUF, 13e éd., 2020, p. 1071.
633) Ord. no 2006-346, 23 mars 2006, relative aux sûretés : JO 24 mars 2006, no 71, p. 4475, texte no 29.
634) Rapport du 107e Congrès des notaires de France, Cannes, 2011, Le financement : les moyens de ses projets, la maîtrise des risques, no 3187.
635) Facultative en matière de gage, l’absence de dépossession est nécessaire dans le cadre d’un nantissement ou d’une hypothèque.
636) V. supra, no 3321.
637) Tout contrat valablement formé a une force obligatoire. En revanche, la force exécutoire permettant de recourir à la force publique résulte de l’un des titres visés par l’art. L. 111-3 du Code des procédures civiles d’exécution, notamment un acte notarié ou un jugement.
638) C. Brenner, La présence de l’État dans les rapports contractuels entre les citoyens : l’exécution forcée des contrats : JCP N 2019, 1092, no 15.
639) N. Laurent-Bonne, La reféodalisation du droit par la blockchain : Dalloz IP/IT 2019, p. 416.
640) V. supra, no 3287.
641) N. Laurent-Bonne, La reféodalisation du droit par la blockchain : Dalloz IP/IT 2019, p. 416.
642) V. supra, nos 3331 et s.
643) Exemples d’effets produits par la déconfiture : la révocation du mandat (C. civ., art. 2003), l’exception d’inexécution (C. civ., art. 1613), le recours immédiat à la caution (C. civ., art. 2309), l’exigibilité du capital de la rente perpétuelle (C. civ., art. 1913), la déchéance du terme en cas de perte de sûreté (C. civ., art. 1305-4).
644) D. no 2015-1009, 18 août 2015, relatif à la mise en œuvre du portail électronique prévu aux art.s L. 814-2 et L. 814-13 du Code de commerce : JO 20 août 2015, no 0191, p. 14547, texte no 15.
645) https://creditors-services.cnajmj.fr, consulté le 27 décembre 2020.
646) https://creditors-services.cnajmj.fr, consulté le 27 décembre 2020.
647) Dir. (UE) 2019/1023, relative aux cadres de restructuration préventive, à la remise de dettes et aux déchéances, et aux mesures à prendre pour augmenter l’efficacité des procédures en matière de restructuration, d’insolvabilité et de remise de dettes, et modifiant la directive (UE) 2017/1132, Parlement européen et Conseil, 20 juin 2019 : JOUE 26 juin 2019.
648) J.-C. Roda, Smart contracts, dumb contracts ? : Dalloz IP/IT 2018, p. 397.


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