CGV – CGU

PARTIE II – Transmettre son logement
Titre 1 – Transmettre son logement à titre onéreux
Sous-titre 1 – Les freins liés au droit des personnes

Chapitre II – Transmettre son logement dans le cadre d’une mesure de protection

30532 – Historique. – Les trois degrés de la protection judiciaire des personnes, conçus par la loi du 3 janvier 1968 – en fonction de la gravité de l’atteinte aux facultés –, ont été maintenus par la loi du 5 mars 2007 : sauvegarde de justice, curatelle et tutelle (Section I). Le législateur de 2015940 y a ajouté l’habilitation familiale, laquelle, par son caractère hybride, mérite d’être examinée de manière distincte (Section II). Nous terminerons par un rappel de la mesure conventionnelle de protection que représente le mandat de protection future (Section III).

Section I – Le logement sous l’empire du triptyque classique des mesures judiciaires

30533 Comme les comptes bancaires nécessaires à la vie courante, le logement du majeur en tutelle (Sous-section III), curatelle (Sous-section II) ou placé sous sauvegarde de justice (Sous-section I) fait l’objet d’une protection renforcée, prévue aux articles 426941 et 427942 du Code civil. Tout acte le concernant peut être qualifié d’acte « mixte », c’est-à-dire dont les conséquences se déploient tant sur le plan personnel que patrimonial. Faisons d’abord le point sur cette protection particulière dans chacun de ces trois régimes.

Sous-section I – Le logement et la sauvegarde de justice

30534 – Évolution historique. – La loi du 3 janvier 1968 cantonnait la sauvegarde de justice dans un rôle transitoire. Elle n’était vue que comme l’antichambre provisoire de la tutelle ou de la curatelle, et ne comportait pas d’autre intervention que celle du juge.
La loi du 5 mars 2007, au contraire, apporte à la sauvegarde de justice deux aménagements stratégiques, dont on a pu regretter le faible écho dans la pratique943 :
D’une part, elle ouvre au juge la possibilité de désigner un mandataire spécial pour représenter la personne protégée dans l’accomplissement des actes d’administration ou de disposition qu’il détermine (§ I).
D’autre part, elle en fait une mesure de protection à part entière, dont la caractéristique essentielle est de répondre à une incapacité ponctuelle, et non d’accompagner durablement une situation (§ II). Il s’ensuit une durée maximale que la loi a voulue brève : un an, renouvelable une seule fois et pour la même durée944.
L’une et l’autre de ces dispositions peuvent impacter le logement de la personne confrontée à une incapacité temporaire. Redécouvrons-les successivement.

§ I – Premier aménagement apporté par la réforme du 5 mars 2007 au régime de la sauvegarde de justice : la possibilité de l’assortir d’une désignation de mandataire spécial

A/ Conséquences et limites de la sauvegarde de justice sans mandataire spécial
30535 – Principe général. – Placer un majeur sous sauvegarde de justice sans désignation d’un mandataire équivaut à maintenir la pleine capacité contractuelle de la personne945 tout en prenant acte de sa vulnérabilité. Pour cette raison, des recours sont ouverts contre les contrats auxquels le majeur vulnérable a pu souscrire, et qui s’avéreraient préjudiciables à ses intérêts946. Selon la nature de l’acte accompli, il peut agir en nullité, rescision ou réduction. Les mêmes recours sont ouverts au tuteur ou au curateur ultérieurement désigné. Enfin, après le décès du sauvegardé, l’article 414-2, 2o du Code civil confère à ses héritiers une action en nullité pour altération des facultés mentales de leur auteur. Il en résulte une fragilisation potentielle de tous les actes accomplis par le majeur placé sous sauvegarde de justice. Peu de cocontractants étant prêts à braver le risque de tels recours947, la protection recherchée se mue, en pratique, en une restriction de sa liberté contractuelle.
30536 – Cas particulier des actes relatifs au logement. – S’agissant spécifiquement du logement du protégé, l’article 426 du Code civil, applicable sans distinction à tous les régimes de protection des majeurs, soumet à autorisation judiciaire tout acte de gestion (bail d’habitation, par exemple) ou de disposition (mutation de propriété, constitution de garantie) dont il serait l’objet. Conclu sans ce sésame, l’acte accompli est nul, de plein droit et même en l’absence de tout préjudice948. Sont seules dispensées de cette autorisation judiciaire préalable les conventions qui, par hypothèse, se doivent de rester précaires (convention d’occupation précaire, prêt à usage de très courte durée…). La notion est à apprécier par le praticien avec une extrême prudence.
30537 – Effet pervers. – Il en résulte que, lorsque certaines décisions graves deviennent nécessaires en raison de l’état, certes temporaire, du sauvegardé, la sauvegarde de justice sans désignation d’un mandataire est un outil inadéquat. C’est d’ailleurs pourquoi, avant que la loi de 2007 n’autorise la désignation d’un mandataire spécial, il n’y avait guère d’autres solutions pour l’entourage du protégé que de solliciter la mise en œuvre d’une procédure plus lourde de curatelle ou de tutelle, afin qu’un curateur ou un tuteur puisse se charger de réaliser ces démarches. Passage obligé, générateur de contraintes parfois disproportionnées, tant pour l’intéressé que pour le tribunal, en présence d’une situation purement transitoire appelée à cesser à court ou moyen terme.
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B/ Avantages de la désignation d’un mandataire spécial, en matière de gestion du logement
30539 – Avantages de la formule. – Le juge des contentieux de la protection dispose, depuis la réforme de 2007, de la faculté de désigner un mandataire spécial en même temps qu’il prononce l’ouverture de la sauvegarde de justice. Ce mandataire est chargé de représenter la personne protégée, et investi des pouvoirs que le juge détermine. Il peut s’agir d’actes personnels, patrimoniaux, ou se situant à la lisière des deux concepts, comme ceux relatifs au logement. Il peut s’agir encore d’actes de simple administration ou d’actes de disposition949. Le magistrat peut donc, dès l’ordonnance institutive, autoriser le mandataire à vendre un bien immobilier constituant le logement ; il doit seulement prendre soin de viser l’article 426 du Code civil, pour les motifs cités plus haut. Voilà une mesure ponctuelle, rapide à mettre en œuvre, chirurgicale dans sa réalisation, propre à éviter à la fois la surcharge des tribunaux par l’instruction puis le contrôle d’une tutelle ou d’une curatelle, et, pour le majeur protégé, la perte d’une chance de trouver rapidement de nouvelles conditions d’hébergement, souvent urgentes.
30540 – Faible impact pratique de la réforme. – Malgré ces avantages, dans leur bulletin d’information statistique publié en juin 2018950, les services du ministère de la Justice indiquaient une baisse du nombre de sauvegardes prononcées en 2015 (1 500) par rapport à celui de l’année précédente (1 800). Ils y confessaient en outre que « l’entrée dans le dispositif juridique de protection s’opère le plus souvent par le degré le plus important, celui de la tutelle (55 %), sachant que très rares sont les cas de sauvegarde autonome précédant l’ouverture d’une de ces deux mesures (moins de 0,5 % des cas) ».
30541 On regrettera la faiblesse de ce ratio avec le Défenseur des droits qui, dès septembre 2016, écrivait au sujet de la sauvegarde de justice : « Cette mesure permet, dans un temps assez court (en moyenne moins d’un an), au mandataire désigné (familial ou non) d’aider à la mise en place des nouvelles conditions de vie du majeur hors d’état d’exercer seul ses droits et de restructurer son patrimoine. Après ces démarches, le maintien d’une mesure d’assistance (à part un accompagnement personnel qui peut être accompli par des proches) ou de représentation n’est, le plus souvent, plus nécessaire »951. Les conclusions du Défenseur des droits appelaient aussi à une utilisation plus large de la sauvegarde de justice en tant que mesure autonome, et non pas seulement comme un tremplin provisoire en direction d’autres mesures. Telle est, précisément, la seconde nouveauté apportée par la loi de 2007.

§ II – Second apport de la réforme pour la sauvegarde de justice : la consécration d’un régime autonome

30542 – Provisoire n’est pas accessoire ! – Nonobstant sa durée de validité limitée, la sauvegarde de justice a conquis, avec la loi de 2007, une place pleine et entière au côté des autres instruments qu’étaient alors tutelle et curatelle. L’heure n’est plus à la considérer seulement comme permettant de parer simplement au plus pressé dans l’attente d’autres mesures (comme l’habitude s’en était installée depuis 1968). Au contraire, dans toutes les situations où la nature des altérations rend inutile le prononcé d’une mesure plus engageante, comme dans celles où le besoin de représentation n’est que limité et se concentre sur un seul ou sur quelques actes bien définis, le choix de la sauvegarde avec mandataire spécial est suffisant, et pertinent à tous égards952. À sa façon, cette réorientation de la sauvegarde et de ses usages est une illustration de l’un trois fameux piliers érigés par la loi de 2007, à savoir le principe de subsidiarité : chaque fois que c’est possible, less is more953.
30543 – Invitation à la pratique. – De concert avec la doctrine la plus autorisée954, nous invitons donc tous les praticiens concernés à ne pas hésiter à requérir, prononcer, appliquer et contrôler des mesures de sauvegarde de justice avec désignation d’un mandataire spécial. En termes d’adaptation du logement à la perte de capacité de son occupant, entraînant des besoins renouvelés (financement de travaux, conclusion ou révocation de bail, acquisition ou vente), elles permettront la mise en place de réponses rapides, efficaces et proportionnées.

Sous-section II – Le logement et la curatelle

§ I – Régime général de la mesure

30544 – Une mesure pérenne. – La curatelle d’un majeur peut être prononcée pour une durée de cinq ans, et renouvelée jusqu’à un maximum de vingt années. Sur un segment temporel ainsi élargi, il n’est pas rare d’assister à une évolution plus ou moins notable des besoins de la personne et de son logement : dégradation du quartier ou de l’immeuble, accroissement des charges, nécessité de réaliser des travaux d’entretien ou de transformation, etc. Selon la nature de la décision à prendre, le majeur ainsi protégé peut agir seul, ou non.
30545 – Deux catégories d’actes. – Peuvent être accomplis sans intervention du curateur tous les actes de conservation (travaux d’isolation, de performance énergétique, de réparation…) comme les actes de la vie courante (souscription aux abonnements, aux contrats de fourniture d’énergie ou de moyens de communication…) et même les actes d’administration (consentir ou résilier un bail, mais sur un local autre que celui utilisé à titre de logement)955.
30546 En revanche, les actes de disposition, qui produisent des conséquences durables sur le patrimoine de la personne protégée, doivent être conclus avec l’assistance de son curateur956. Et s’il s’agit s’opérer sur le logement ou le mobilier qu’il contient, cette assistance devra être précédée d’une autorisation préalable du juge des contentieux de la protection, conformément à l’article 426 du Code civil.
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§ II – Curatelle renforcée

30548 La curatelle dite « renforcée » consiste à confier au curateur la gestion des comptes bancaires du curatélaire ; en tous cas, ceux que le juge des contentieux de la protection aura visés. Cet éventuel accroissement de la mesure ne concerne donc pas directement l’actif non financier que constitue le logement. Néanmoins, la mesure produit un effet indirect car pour le règlement de ses charges, travaux, et autres factures inhérentes au logement, le curatélaire devra solliciter son curateur.

§ III – Nouvelle configuration de co-curatelle introduite par la loi du 5 mars 2007

30549 La réforme de 2007 permet encore au juge de désigner simultanément une pluralité de curateurs, s’il l’estime nécessaire959. Cette collégialité peut notamment s’avérer de bon aloi en présence d’un patrimoine complexe ; elle permet de répartir au mieux les compétences, les appétences, et les domaines d’intervention. S’agissant du logement, la désignation d’un co-curateur bien rompu aux réalités de l’immobilier, à ses rigueurs et ses vertus, aux spécificités du marché, à celles des règles d’urbanisme, de copropriété ou de la fiscalité peut être précieuse. Le co-curateur agira en coordination avec celui qui, par exemple, serait nommé aux fins d’assister le majeur dans les dimensions personnelles de son existence. Tous deux pourront ainsi unir leurs compétences pour agir dans l’intérêt de leur protégé, tant sur la rénovation ou la vente du logement (avec accord du juge dans ce dernier cas) que sur des aspects médico-sociaux ou d’hébergement.

Sous-section III – Le logement et la tutelle

30550 La tutelle est en quelque sorte la reine des mesures de protection, en ce qu’elle est la plus aboutie, la plus complète, et la référence960 par laquelle, souvent, les autres sont définies, en creux ou en plein. Elle est prononcée lorsque la personne vulnérable a besoin d’être « représentée d’une manière continue dans les actes de la vie civile »961. Elle induit la représentation du majeur protégé dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine962, et requiert du tuteur une présence et une action quotidiennes, car il lui revient d’accomplir seul tous les actes de conservation et d’administration963.
30551 Dès lors :

le bail d’un immeuble appartenant au tutélaire est consenti sous la seule signature du tuteur. En revanche, s’il s’applique au logement du protégé, l’article 426 du Code civil commande son autorisation préalable par le juge des contentieux de la protection (ou par le conseil de famille, s’il existe)964 ;

la vente du logement doit également recevoir l’autorisation préalable du juge des contentieux de la protection, dont les pouvoirs sont, ici, clairement définis. Outre le principe même de cette aliénation, sa pertinence et son opportunité, le juge apprécie toutes les conditions de l’opération. Il est donc appelé à se prononcer tant sur le montant du prix que sur les modalités de son paiement, les conditions de la vente, et le sort des fonds perçus. L’article 505 du Code civil impose le visa de pièces probantes dans la décision du juge, à savoir une mesure d’instruction exécutée par un technicien (assimilée en pratique à un rapport d’expertise), ou l’avis de deux professionnels qualifiés (en pratique, deux agents immobiliers, ou deux notaires, autres que le rédacteur de l’acte). Le magistrat doit, en outre, motiver sa décision, qu’elle consiste ou non à agréer la vente. Il le fait en considérant à la fois la nécessité de l’opération et l’intérêt de la personne protégée (et non celui de ses proches ou de ses héritiers).

Remarque : la vente du logement ne saurait en aucun cas être disqualifiée en simple acte d’administration au prétexte de la modicité de sa valeur ou de la faible proportion qu’il représenterait dans le patrimoine du protégé. L’article 426 du Code civil demeure applicable indépendamment du faible impact que provoquerait la mutation sur le contenu ou la valeur du patrimoine du majeur, et quel que soit l’effet qu’elle pourrait (ou non) produire sur son mode de vie965.
30552 Au terme de ce rapide examen des trois mesures judiciaires classiques de protection des personnes vulnérables, on constate que tout arbitrage ayant pour objet le logement du majeur protégé est soumis à un contrôle judiciaire préalable dont l’ampleur varie en fonction de la mesure prononcée. Qu’en est-il, à présent, sous l’empire de la quatrième mesure, aux contours bien différents, introduite en 2015, à savoir l’habilitation familiale ?

Section II – Le logement sous l’empire de l’habilitation familiale

Section III – Arbitrer le logement en usant de la mesure conventionnelle de protection

30553 Mandatum, mot latin issu du verbe mandare : littéralement donner la main, confier, remettre, ordonner quelque chose, donner instruction de…
30554 Face à la pluralité des mesures judiciaires de protection des personnes, il n’existe qu’une seule méthode de nature conventionnelle pour anticiper les conséquences de l’incapacité : le mandat de protection future. Cherchons à comprendre quel profond changement son avènement a induit (Sous-section I). En quoi peut-il fournir la plus efficace des réponses dans l’anticipation des risques qu’une inaptitude peut provoquer sur l’adaptation d’un logement ? (Sous-section II). Quels sont les freins qui ont pu jusqu’à présent entraver la croissance de son usage et de sa notoriété (Sous-section III), et quelles sont les voies de solution (Sous-section IV) ?

Sous-section I – Genèse d’un instrument révolutionnaire

30555 – Naissance en 2007. – Le contrat permettant d’anticiper une éventuelle incapacité future a été salué comme l’innovation la plus importante de la loi du 5 mars 2007. Néanmoins, il a fallu attendre 2009 pour que soient activés les premiers mandats de protection future.
30556 – Un besoin ancestral… – Dans sa thèse soutenue devant l’Université de Montpellier le 24 novembre 2016975, Mme Coll de Carrera voit en Homère le précurseur du mandat d’inaptitude. Dans L’Odyssée, Ulysse demande à ses matelots de l’attacher solidement au mât du navire, pour qu’il puisse écouter le chant irrésistible des sirènes. Mais, afin de ne point y succomber, il leur donne un ordre formel : « quand, ayant perdu la raison, je vous ordonnerai de me détacher, vous resserrerez mes liens ». Donner ses instructions d’avance pour parer aux conséquences d’une situation future, encore inexistante, telle est la raison d’être du mandat de protection future.
30557 – … ignoré du Code civil. – Pourtant, sans l’affirmer avec autant de clarté qu’il le faisait à l’égard des pactes sur successions futures976, le Code civil a longtemps nourri la même méfiance à l’égard de conventions écrites « à l’aveuglette », à une époque où l’on ignore de quoi sera fait l’avenir au cours duquel elles auront à prendre effet. Pourtant, la naissance d’un outil conventionnel anticipant les conséquences d’une incapacité non encore survenue était appelée par de nombreuses voix. D’abord par les sujets de droit eux-mêmes (qui parfois, avant son avènement, pensaient par erreur pouvoir loger cette anticipation au sein d’un testament). Mais aussi par l’ensemble des praticiens, désireux de pouvoir apporter leur plume et leur conseil à l’appui d’une demande récurrente.
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30559 – Une nécessité budgétaire. – Enfin, la conception d’un instrument alternatif aux réponses administratives était recherchée par les pouvoirs publics eux-mêmes, sous la pression d’impératifs budgétaires prévisibles. En effet, la projection de croissance du nombre de personnes âgées d’ici 2050 fait entrevoir une multiplication par quatre, ce qui dépasse de très loin les ressources imaginables des services judiciaires en charge de la protection des majeurs.
Un article sur la loi du 5 mars 2007 et la réforme des incapacités est accessible ici :
clic-mail
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30561 – L’incidence du droit comparé et international. – Mais c’est aussi sous l’incitation de sources internationales que se mit en branle le mouvement législatif. La Convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes, ratifiée par la France, reconnaissait les conventions de représentation volontaire anticipant une incapacité future. Or, de nombreux États signataires de la convention connaissaient déjà de tels dispositifs977. Dès lors que la France avait ratifié la convention rédigée en ces termes, elle ne pouvait plus opposer l’ordre public à l’application, sur son territoire, de tels mandats978, plaçant de fait ses nationaux (alors inaptes à y recourir) en situation d’inégalité, ce qui ne manquait pas de surprendre.
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30564 Apparu dans ce contexte, en quoi le mandat de protection future peut-il déployer son efficacité, voire sa supériorité, quand il s’agit de pérenniser la puissance d’action d’un propriétaire vulnérable sur son logement ?

Sous-section II – Un instrument de puissante souveraineté patrimoniale

30565 Permettant une représentation parfaite (§ I), le mandat de protection future est un mandat général doté d’un régime dérogatoire au droit commun (§ II).

§ I – Un mandat de représentation parfaite

30566 Tout ou presque a déjà été écrit sur les vertus du mandat de protection future et l’intérêt de son usage980, et celui de lui conférer la forme authentique. Sa force vient de sa nature, en l’occurrence la nature d’un mandat, mais pas n’importe lequel !
30567 – Un reflet de la volonté du mandant. – Le mandat de protection future est un contrat de représentation parfaite. Le représentant y agit non seulement pour le compte du représenté, mais également en son nom. Dès lors, le représenté est non seulement partie au contrat de mandat, mais aussi à tous les autres contrats conclus en son nom par le représentant, lesquels créent directement à son égard tous les droits et obligations qu’ils stipulent. Les effets de ces conventions se rattachent à la source (c’est-à-dire au mandat conclu entre mandant et mandataire), et c’est bien là une intense différence avec toutes les mesures de protection judiciaire, y compris l’habilitation familiale (qui, rappelons-le, n’a pas su choisir clairement entre mandat et mesure judiciaire). L’intervention médicale (certificat médical circonstancié établi par un médecin expert) ne fait que constater la nécessité d’activer le mandat ; et la supervision judiciaire, simple récépissé émanant du greffier du tribunal judiciaire, ne fait que conférer l’opposabilité erga omnes à cette constatation. Aucune décision, gracieuse ou contentieuse, n’est plus nécessaire. En un mot : quand il était en possession de ses moyens, le mandant a tout dit, et nul ne peut ni y ajouter ni y retrancher quoi que ce soit.
30568 – Un instrument d’autoprotection. – C’est là, selon nous, toute la vertu du mandat de protection future : loin d’afficher la perte de capacité de la personne vulnérable, il pose aux yeux de tous un acte de volonté claire et lucide, émanant de la personne elle-même, mais qui ne sera connu de la société qu’au moment voulu. Cette noblesse unique de l’institution est reconnue par deux éminents auteurs, considérant qu’il « semble humaniser l’humiliation résultant fatalement de la diminution mentale, et de la meilleure manière, en associant la personne à sa propre protection : une autoprotection »981. Celui qui se défend contre l’adversité conserve ainsi toute dignité. Voilà sans doute pourquoi la loi de 2019 a instauré « le primat du mandat de protection future sur tout autre dispositif de protection, y compris sur le droit commun de la représentation, ainsi que sur le régime primaire et les régimes matrimoniaux, ce qui est nouveau »982.
30569 Le mandat de protection future assume donc pleinement sa nature de mandat, et de la manière la plus aboutie, celle de la représentation parfaite. Mais cela suffit-il à investir le mandataire de tous pouvoirs, même les plus décisifs ?

§ II – Un mandat général dérogatoire

30570 – Un mandat général. – Le plus souvent983, le mandat de protection future est rédigé en termes larges, en conférant au mandataire une légitimité générale à agir. C’est la meilleure solution, pour ne pas dire la seule, en vue de permettre au représentant de s’adapter à toutes les circonstances et vicissitudes d’un avenir personnel et patrimonial que, par définition, le mandant ne maîtrise pas. Il s’agit donc le plus souvent d’un mandat général.
30571 – Le principe de l’article 1988. – Or, l’article 1988 du Code civil tonne de façon constante depuis 1804 que : « Le mandat conçu en termes généraux n’embrasse que les actes d’administration. S’il s’agit d’aliéner ou hypothéquer, ou de quelque autre acte de propriété, le mandat doit être exprès » (nous soulignons). Ce qui implique que lorsqu’une personne veut déléguer le pouvoir de vendre un bien, comme un immeuble – et pourquoi pas le logement –, il faut alors l’indiquer clairement, identifier le bien à vendre avec précision, fixer ou, au moins, rendre déterminables le prix et les conditions de la vente. Or, être contraint d’atteindre ce degré de détail dans un mandat d’anticipation, appelé à n’être activé qu’après une durée indéterminée, qui peut être très longue, obligerait à sans cesse réécrire celui-ci, au gré de l’évolution du patrimoine ou de l’environnement économique.
30572 – La dérogation au principe. – C’est bien pour éviter cela, et donner à sa création toute la souplesse nécessaire, que le législateur de 2007 a fait exception au principe général. L’article 490 du Code civil précise ainsi que : « Par dérogation à l’article 1988, le mandat, même conçu en termes généraux, inclut tous les actes patrimoniaux (…) » (nous soulignons). La suite de l’article exclut toutefois des pouvoirs potentiellement délégables au mandataire sans autorisation judiciaire les seuls actes de disposition à titre gratuit. Rien d’autre. Et le législateur ne saurait être plus clair quand il indique que le mandat de protection future « inclut tous les actes patrimoniaux que le tuteur a le pouvoir d’accomplir seul ou avec une autorisation » (nous soulignons, là encore).
30573 – Un texte limpide. – Comment pourrait-on adopter formule plus ample pour exprimer que tous les pouvoirs peuvent être délégués par mandat de protection future, y compris pour accomplir des actes de disposition, puisque la barrière de l’article 1988 du Code civil est écartée ? Et tous les actes de disposition, même ceux qui nécessiteraient une autorisation sous le régime de la tutelle : c’est clairement ce que dit le texte. La volonté légale de distanciation entre le mandat de protection future et les mesures judiciaires est donc évidente, et il est clair que le premier a été voulu comme un instrument à part, affranchi des règles de contrôle s’imposant aux secondes. Cela ne veut pas dire qu’il est dépourvu de contrôle, mais les cadres de celui-ci seront de nature contractuelle, seuls étant imposés deux garde-fous, l’un à l’entrée (le certificat médical circonstancié déposé au greffe) puis annuellement, au cours de son exécution (l’analyse et la conservation de justificatifs par le notaire rédacteur du mandat et contrôleur des comptes de gestion).
30574 Toutefois, malgré le contexte favorable dans lequel il s’est développé et toute la puissance dont le législateur l’a investi, le mandat de protection future ne connaît pour l’instant qu’un engouement limité.

Sous-section III – Une regrettable controverse

30575 – Premier bilan. – Il n’entre pas dans notre propos de dresser un bilan détaillé des premières années d’application du mandat de protection future. À cet égard, le lecteur trouvera l’essentiel sur l’extension web proposée ci-dessous. Le sentiment général est celui d’un faible engouement. Encore ne peut-il s’agir que d’une impression, car la réalité est rendue indiscernable par un défaut majeur de l’institution, que le législateur serait bien avisé de corriger : l’absence d’enregistrement de la conclusion des mandats de protection future dans un registre officiel. En l’état actuel de la réglementation, seule est en effet répertoriée leur activation.
Voir à ce sujet l’article de Frédérique Perrotin sur Lextenso Actu-Juridique.fr :
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Accès direct vers le rapport complet de la mission Caron Déglise :
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30577 Au-delà de ce problème purement statistique, quoique porteur de conséquences juridiques, une controverse est apparue quant à l’application de l’article 426 du Code civil à l’arbitrage du logement par un mandataire de protection future. Nous allons étudier l’origine (§ I), les effets (§ II), ainsi que la portée de cette controverse (§ III).

§ I – Origine de la controverse

30578 Malgré la clarté, déjà soulignée, des propos du législateur, une doctrine aujourd’hui majoritaire fait application au mandat de protection future des articles 426 et 427 du Code civil. Il en découle que le mandataire de protection future ne peut, sans l’autorisation du juge des contentieux de la protection, ni ouvrir ou clôturer de comptes et livrets au nom du majeur vulnérable, ni vendre ou donner à bail le logement de la personne protégée.

§ II – Effets de la controverse

30579 Ce point de vue rigoriste, apparu dans les années qui suivirent l’entrée en vigueur de la loi de 2007988, est venu percuter le mandat de protection future au moment même où il prenait son envol. Avoir ainsi voulu relier ce que le législateur avait d’évidence voulu délier nous semble constituer l’une des entraves majeures au développement de l’institution. L’Assemblée de liaison des notaires de France a abordé le sujet au cours de sa 64e session tenue en décembre 2013, et consacrée à « l’accessibilité et la rationalisation du service public notarial ». Ses rapporteurs déplorèrent les effets de la controverse989, soulignant que si pour la doctrine la réponse se trouverait dans le temps qui passe, grâce à la jurisprudence qui ne manquerait pas un jour de se forger, le praticien, lui, « prudent à regret car soucieux que son acte ne soit pas source de jurisprudence, se rangera hélas le plus souvent à l’idée que l’article 426 s’applique au mandat de protection future » Et de conclure : « Pour celui qui possède comme seul bien immobilier sa résidence principale, ce symbole de déjudiciarisation a perdu de son charme »990.

§ III – Portée de la controverse

30580 « Si notre sort était fixé d’avance, à quoi serviraient nos précautions ? »
Solon
En préambule, on consultera les enseignements toujours passionnants fournis par les constats de l’Insee, ici publiés fin 2021 sur la cartographie des propriétaires de logements en France, et son évolution :
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On peut lire également l’étude de l’Insee sur la composition des patrimoines, notamment du patrimoine immobilier, par tranches d’âge :
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30581 Selon l’Insee, au 15 novembre 2021, le nombre de Français propriétaires de leur logement stagne à un peu moins de 58 %. 24 % seulement de ces ménages sont multipropriétaires ; dans 76 % des cas, leur logement est leur seule propriété immobilière. Si l’on explique à cette partie de la population que, dans l’occurrence d’une vulnérabilité, le fait pour elle d’avoir fait acte d’anticipation par mandat ne la dispensera pas d’un parcours judiciaire s’il y a lieu d’arbitrer son logement, elle s’interrogera, fort logiquement, sur l’intérêt de s’engager dans une telle démarche. À quoi bon adopter un dispositif de déjudiciarisation s’il ne peut être appliqué à la composante essentielle du patrimoine ? S’agirait-il d’une sorte de produit de luxe, réservé à l’heureuse frange la mieux nantie des 24 % de multipropriétaires ? Et que faut-il augurer en termes de surcharge de nos tribunaux, malgré les innovations de la loi de 2007 ?

Sous-section IV – Les voies de solution

30582 En l’état actuel de la controverse doctrinale exposée et de la pratique, les pistes de solution relèvent d’une part, du droit positif (§ I), d’autre part, du droit prospectif (§ II). Nous apporterons, enfin, quelques suggestions pour un mandat de protection future « libéré » (§ III).

§ I – Solution de droit positif

30583 La seule solution de droit positif a été exprimée lors du 113e Congrès des notaires de France, dont la deuxième commission (#Solidarités) traite en détail la question. Elle consiste à faire application de l’article 426 du Code civil. Non par conviction enthousiaste, mais seulement par mesure de prudence.

§ II – Solution de droit prospectif

30584 Deux aménagements ont déjà été proposés, l’un par l’Assemblée de liaison des notaires de France, l’autre par le 113e Congrès des notaires de France.
30585 – Aménagement proposé par l’Assemblée de liaison. – Une simple précision pourrait être apportée à l’alinéa 3 de l’article 426 du Code civil, permettant de bâtir un lien solide et efficace avec le nouveau droit conventionnel des incapacités :
« (…) S’il devient nécessaire ou s’il est de l’intérêt de la personne protégée qu’il soit disposé des droits relatifs à son logement ou à son mobilier par l’aliénation, la résiliation ou la conclusion d’un bail, l’acte, sauf dispositions contraires prévues dans un mandat de protection future notarié, est autorisé par le juge ou par le conseil de famille s’il a été constitué, sans préjudice des formalités que peut requérir la nature des biens »998.
30586 – Aménagement proposé par le 113e Congrès des notaires de France. – Il s’agirait de renforcer l’efficacité du mandat de protection future, en complétant l’article 490 du Code civil en vue d’ouvrir au mandant la faculté d’accorder au mandataire le pouvoir de vendre sa résidence principale ou secondaire999, mais en laissant subsister, en cette hypothèse, le principe selon lequel le logement de la personne et les meubles dont il est garni doivent être conservés à la disposition de celle-ci aussi longtemps que possible1000. Dans cette configuration, le mandataire aurait à répondre non seulement de sa gestion, mais en outre, et primordialement, du respect de cette condition d’ordre public.
30587 – Rôle accru du rédacteur du mandat. – Quelle que soit la modification retenue (et, d’ailleurs, pourquoi ne pas les cumuler ?), il appartiendrait au mandant, aidé de son conseil, de définir, dans le mandat, une sorte de « feuille de route » relative aux actes de disposition sur le logement. Le lecteur trouvera, sur l’extension web qui suit, un projet de ce que pourrait être une telle convention ; son attention est attirée sur le caractère prospectif de cette formule, qui, en l’état des indications qui précèdent, ne peut se substituer à l’autorisation judiciaire que, pour l’instant, la prudence dicte au notaire de requérir.
30588

§ III – Pour un mandat de protection future libéré

30589 Les suggestions formulées profiteraient tant aux mandants (A) qu’aux services judiciaires (B), et paraissent en outre d’intérêt général (C).
A/ Pour les mandants
30590 – Considérations générales. – Ne pas soumettre à l’article 426 du Code civil les pouvoirs de son mandataire constituera-t-il un danger pour le mandant ? À notre sens, pas plus que n’est le cas aujourd’hui pour l’exécution de tout mandat « de droit commun » qu’il peut déjà confier. Comparaison n’est certes pas raison, mais on ne peut s’empêcher de remarquer qu’il n’est pas toujours réaliste de faire du logement un objet de surprotection. Ainsi, les actes de disposition ayant pour objet les actifs professionnels du mandant tels qu’une entreprise, exploitée personnellement ou en société, ne requièrent, pour son mandataire de protection future, aucune autorisation judiciaire, alors même qu’il s’agirait de sa seule source de revenus. De même, le législateur n’autorise-t-il pas la délégation des directives anticipées à un tiers de confiance, habilité, conformément au Code de la santé publique, à prendre des décisions relatives aux affections critiques, aux interventions risquées, voire à la fin de vie1001 ? En quoi la décision relative au logement serait-elle plus obérante ?
30591 – En cas de vente. – La forme authentique, imposée à toute vente immobilière, garantit le contrôle scrupuleux du respect des conditions dictées par le mandant pour la vente de son logement.
30592 – En cas de bail. – L’intervention d’un notaire n’est pas nécessaire. Le contrôle de l’exacte application de la volonté du mandant, actuellement entre les mains du juge, ne serait pas garanti si l’on supprimait son intervention. Dès lors, on pourrait concevoir que la forme authentique soit imposée à tous les baux à conclure par des personnes protégées (mesures judiciaires ou mandat de protection future activé). Magistrat de l’amiable, le notaire soulagera, sur ce point comme sur d’autres, le poids constamment accru qui pèse sur les juridictions dans un monde de plus en plus procédurier.
30593 – Dans les deux cas. – Si cette suggestion fait accuser, bien à tort, les auteurs de ces lignes d’un corporatisme outrancier, on pourrait exiger que les actes de disposition sur le logement du mandant fussent soumis à l’approbation d’un ou plusieurs tiers contrôleurs de gestion, membres ou non de la famille1002.
B/ Pour la justice (et son budget)
30594 – Un notaire auxiliaire de la justice. – Est-ce faire outrage aux magistrats que de proposer cette dispense de l’autorisation de l’article 426 du Code civil, du moins en présence de l’intervention d’un notaire ? À notre sens, il n’en est rien. C’est répondre à leur besoin, les aider à se recentrer sur leur mission. Ce n’est pas autre chose que ce qui s’est passé, avec l’essor rapide de l’habilitation familiale, sorte de mandat judiciaire de protection présente. Eux-mêmes semblent désireux de favoriser les mesures d’autocontrôle, plutôt que revendiquer un tout-judiciaire qui n’aurait pas de sens ni de viabilité.
30595 – Un notaire contrôleur investi d’un pouvoir d’alerte. – L’accomplissement actuel de la mission de contrôle des comptes des personnes protégées laisse à désirer. Réalité crûment révélée par un rapport de la Cour des comptes, délivré en septembre 20161003, que l’on peut consulter ci-après dans sa version complète :
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Ces conclusions accompagnèrent celles du Défenseur des droits, pointant « un contrôle des mesures judiciaires très insuffisant » : dans certaines juridictions, 1 à 2 % seulement des mesures judiciaires avaient fait l’objet d’un contrôle ! La Cour préconisait que soient confiés « à des professionnels du chiffre, sous la surveillance du juge et à des tarifs plafonnés, l’établissement et le contrôle des inventaires et des comptes des majeurs dont la situation financière est complexe ou présente des risques ». Pourquoi ne pas envisager un contrôle à double détente, d’abord celui de l’officier public, puis, seulement dans le cas où ce dernier décèle ou suspecte un abus, celui du juge des contentieux de la protection ? Le tout sans préjudice des dispositions du mandat, pouvant imposer l’intervention d’un contrôleur ou d’un expert.
C/ Dans l’intérêt général
30596 – L’enjeu de la dépendance. – Comme on l’a vu, de nombreux logements sont actuellement détenus par une frange de population âgée, qui rencontrera dans les années à venir de plus en plus de situations de dépendance, et qui aura besoin mécaniquement de procéder à des arbitrages sur ce patrimoine pour faire face à ses nouveaux besoins (travaux d’aménagement du logement, déménagement, entrée en établissement médicalisé, etc.). Ces personnes devraient être sensibles à l’idée de pouvoir graver à l’avance leurs desiderata dans un marbre authentique, en vue d’une telle éventualité.
30597 – Conclusion : protéger sans figer. – Tout ce qui peut promouvoir une mesure conventionnelle d’anticipation contribuera non seulement à la préservation de l’exercice des libertés individuelles, mais aussi à la fluidité du marché du logement. En préservant pour chacun la maîtrise de son logement, on peut aussi contribuer à en faire, sinon un Bien commun, à tout le moins un actif circulant au service de l’Homme. Un logement résolument tourné vers le bien-être social.

940) Loi d’habilitation no 2015-177, 16 févr. 2015 ; Ord. no 2015-1288, 15 oct. 2015 ; puis loi de ratification no 2016-1547, 18 nov. 2016.
941) C. civ., art. 426 : « Le logement de la personne protégée et les meubles dont il est garni, qu’il s’agisse d’une résidence principale ou secondaire, sont conservés à la disposition de celle-ci aussi longtemps qu’il est possible. Le pouvoir d’administrer les biens mentionnés au premier alinéa ne permet que des conventions de jouissance précaire qui cessent, malgré toutes dispositions ou stipulations contraires, dès le retour de la personne protégée dans son logement. S’il devient nécessaire ou s’il est de l’intérêt de la personne protégée qu’il soit disposé des droits relatifs à son logement ou à son mobilier par l’aliénation, la résiliation ou la conclusion d’un bail, l’acte est autorisé par le juge ou par le conseil de famille s’il a été constitué, sans préjudice des formalités que peut requérir la nature des biens. (…) ».
942) C. civ., art. 427 : « La personne chargée de la mesure de protection ne peut pas procéder à la clôture des comptes ou livrets ouverts, avant le prononcé de la mesure, au nom de la personne protégée. Elle ne peut pas non plus procéder à l’ouverture d’un autre compte ou livret auprès d’un nouvel établissement habilité à recevoir des fonds du public. Le juge des tutelles ou le conseil de famille s’il a été constitué peut toutefois l’y autoriser si l’intérêt de la personne protégée le commande. (…) ».
943) J. Combret et N. Baillon-Wirtz, La réforme de la protection juridique des majeurs du 5 mars 2007 a dix ans : quel bilan ? : JCP N 2017, no 9, étude 1119.
944) C. civ., art. 439.
945) JCl. Civil Code, Art. 433 à 439, par G. Raoul-Cormeil.
946) C. civ., art. 465, al. 1er.
947) Risque d’ailleurs aggravé par l’insuffisance de la publicité des mesures de sauvegarde, puisqu’elles ne figurent que sur un répertoire tenu au sein de chaque tribunal judiciaire par le procureur de la République, sans mention marginale à l’acte de naissance.
948) C. civ., art. 465, al. 4.
949) C. civ., art. 437, al. 2 : « (…) Le juge peut désigner un mandataire spécial, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles 445 et 448 à 451, à l’effet d’accomplir un ou plusieurs actes déterminés, même de disposition, rendus nécessaires par la gestion du patrimoine de la personne protégée. Le mandataire peut, notamment, recevoir mission d’exercer les actions prévues à l’article 435 ».
950) InfoStat Justice juin 2018, no 162.
951) Défenseur des droits, Rapport Protection juridique des personnes vulnérables, sept. 2016, p. 19, 1) d.
952) C’est textuellement le contenu de la recommandation du Défenseur des droits en septembre 2016, lorsqu’il énonce que : « Le recours à la sauvegarde de justice comme mesure autonome doit être promu. Elle ne doit plus être seulement une mesure prononcée au cours de l’instruction préalable au prononcé d’une mesure de curatelle ou de tutelle ».
953) « Moins, c’est mieux. »
954) V. par ex., Y. Favier : JCl. Civil Code, art. 433 à 439 : « Le recours au mandataire spécial désigné par le juge des tutelles peut permettre à un proche du majeur protégé de disposer de pouvoirs étendus mais contrôlés et définis par le juge des tutelles. Profondément renforcé par la loi du 5 mars 2007, le rôle du mandataire spécial reconnu par la pratique apparaît comme un élément central du dispositif de protection et fait de la sauvegarde de justice un régime autonome de protection ».
955) C. civ., art. 470, al. 1er.
956) C. civ., art. 467.
957) CA Douai, ch. prot. jur. des majeurs et des mineurs, 28 févr. 2019, no 18/03588 : Dr. famille mai 2019, no 5, comm. 114, note I. Maria.
958) Cette pratique est calquée sur l’article 505 du Code civil, lequel n’est applicable qu’à la tutelle.
959) Cette nouvelle possibilité s’applique d’ailleurs aussi en tutelle.
960) G. Raoul-Cormeil, JCl. Civil Code, préc.
961) C. civ., art. 440, al. 3.
962) C. civ., art. 474.
963) C. civ., art. 504.
964) Il en est de même pour tout acte de disposition, quel que soit l’actif impliqué (C. civ., art. 505).
965) D. no 2008-1484, 22 déc. 2008, art. 2 et ann. I, col. 2, I.
966) D’ailleurs, l’ordonnance excluait le conjoint marié, apte à agir sur le fondement des articles 217 et 219, de la liste des personnes recevables à solliciter une habilitation familiale. L’omission fut comblée par la loi de ratification.
967) Éloignement parfois qualifié de « quiproquo législatif » (N. Peterka, intervention au colloque Abripargne, Cannes, 15 juin 2017).
968) Rapport de présentation au Président de la République pour ratification de l’ordonnance.
969) F. Logeart, L’habilitation familiale. Un nouvel outil « hybride » de protection « subie » de la personne vulnérable : Actes prat. strat. patrimoniale 2017, no 1, dossier 2.
970) J. Combret et N. Baillon-Wirtz, L’habilitation familiale : une innovation à parfaire : JCP N 2015, 1248.
971) C. civ., art. 494-3, al. 3.
972) C. civ., art. 432.
973) C. civ., art. 430 et 442.
974) J. Combret et N. Baillon-Wirtz, L’habilitation familiale : une innovation à parfaire, op. cit.
975) S. Coll de Carrera, Le mandat de protection future, thèse en Droit privé et sciences criminelles, Université Montpellier, 2016.
976) C. civ., art. 722 ; certes, la prohibition est largement atténuée par rapport à celle qui résultait de l’ancien article 1130 du même code : compte tenu du nombre d’exceptions législatives apportées au principe d’interdiction par les lois notamment du 3 décembre 2001 et plus encore du 23 juin 2006, la formule s’est plutôt déplacée vers un régime de dérogations légales accordées avec parcimonie.
977) Ainsi, en droit britannique, la possibilité depuis 1985 de souscrire des mandats permanents, soit activés immédiatement et maintenus en cas d’incapacité, soit activables uniquement en cas de constatation d’une incapacité par la Protection Court.
978) V. L. Battail Pelissier et M. Gillet, Le mandat de protection future dans tous ses États, Mémoire de recherche, M2 Droit notarial, Faculté de droit, Université Grenoble Alpes, 10 sept. 2020 (lien web : https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02948803/document).
979) V. L. Battail Pelissier et M. Gillet, préc.
980) V. not. J. Massip, Le mandat de protection future (1re partie) : Gaz. Pal. 14 juin 2008, no 166 ; Le mandat de protection future (2de partie) : Gaz. Pal. 17 juin 2008, no 169 ; Le mandat de protection future : LPA 27 juin 2008, no 129. – S. Hébert, Le mandat de protection future, nouvelle forme juridique ? : D.  2008, no 5, p. 307 et s. – J. Combret et J. Casey, Le mandat de protection future : RJPF juill.-août 2007, no 7-8 (1re partie) et sept. 2007, no 9 (2de partie). – J. Combret, Ph. Potentier, F. Gemigani, H. Lenouvel et Y. Le Levier, Mandat de protection future, formule commentée : Defrénois 03/2009. – L. Taudin, Mandat de protection future, itinéraire sinueux d’une représentation : JCP N 2009, 1357. – H. Fabre, Application pratique des nouveaux mandats en droit des sociétés : JCP N 2009, 1359. – D. Boulanger, Mandat de protection future contre mesure de protection judiciaire : JCP N 2011, 1115. – F. Jourdain-Thomas, Le mandat de protection future : aspects pratiques et sociétés : JCP  N 2011, 1317. – J. Massip, De quelques problèmes posés par la protection juridique des majeurs : JCP N 2011, 1244. – Ch. Cheval et W. Hannecart-Weyth, Mandat de protection future : c’est maintenant : Dr. et patrimoine juill. 2014, no 238. – J. Combret, Anticiper son état de vulnérabilité, Assurer la protection de sa personne et de son patrimoine : Actes prat. strat. patrimoniale 2017, no 1, dossier 3.
981) P. Malaurie et L. Aynès, Droit des personnes, la protection des majeurs et des mineurs, LGDJ-Lextenso éd., coll. « Droit civil », 8e éd., 2016, spéc. no 492.
982) N. Peterka, Personnes vulnérables, de la jurisprudence à la pratique notariale : JCP N 18 mars 2022, 1120.
983) Le mandant délègue, bien entendu, les pouvoirs de son choix. Mais il serait périlleux de ne pas envisager une délégation générale de représentation, car tout ce qui ne serait pas compris dans le mandat relèverait, alors, du droit commun des mesures judiciaires de protection. L’application d’un tel mandat ne serait que complication.
984) J. Combret, Anticiper son état de vulnérabilité, Assurer la protection de sa personne et de son patrimoine : Actes prat. strat. patrimoniale 2017, no 1, dossier 3.
985) J.-J. Lemouland, D. Noguero et J.-M. Plazy, Majeurs protégés : D. 2016, 1523.
986) Rép. min. no 85699 : JOAN Q 17 mai 2016. Elle-même suivie d’une autre réponse ministérielle du 6 septembre de la même année, soit après l’été, annonçant elle aussi une arrivée imminente au moyen de mesures réglementaires. Mais toujours point de décret à l’horizon qui poudroie.
987) P.-J. Meyssan et P. Tarrade, Journal du Dimanche 31 janv. 2022. Sur le même sujet, on peut aussi citer le 113e Congrès des notaires de France, Familles, solidarités, numérique, Lille, 2017, p. 583, no 2697.
988) À savoir le 1er janvier 2009 ; auparavant, et depuis le 6 mars 2007, des mandats de protection future pouvaient déjà être rédigés et conclus, mais toutefois, même en cas de survenance d’une incapacité, ils ne pouvaient être activés qu’à compter de cette date.
989) P. Dauptain, Majeur protégé. Vers une simplification de la vente par une personne protégée : JCP N 25 oct. 2013, no 43, 1247.
990) P. Dauptain, ibid.
991) J. Hauser, L’enfance du mandat de protection future, in Mél. offerts au Professeur Le Guidec, LexisNexis, 2014.
992) J.-M. Plazy et F. Gemignani, Le logement de la personne vulnérable : JCP N 27 avr. 2012, no 17, 1193. – Ph. Potentier : JCl. Notarial Formulaire, fasc. 10, Mandat de protection future.
993) F. Vancleemput, L. Fabre et E. Grimond, Rapport du 113e Congrès des notaires de France, Le notaire au cœur des mutations de la société, Lille, 2017, 2e commission, p. 583, no 2700.
994) V. J. Massip, De quelques problèmes posés par la protection juridique des majeurs, préc. et, du même auteur, Tutelle des mineurs et protection juridique des majeurs : Defrénois 2009, no 572, p. 482.
995) Éventuellement assisté de son curateur, puisque depuis la loi du 23 mars 2019 il lui est possible de recourir à un tel contrat même s’il est sous curatelle : seule la tutelle l’en empêche, puisqu’elle implique une perte de capacité, laquelle est nécessaire à la régularisation d’un tel contrat. L’incohérence que présentaient auparavant les textes avec, d’une part, l’article 477 du Code civil a contrario qui prévoit la possibilité de souscrire un mandat de protection future pour les majeurs placés sous sauvegarde et curatelle et, d’autre part, l’article 483 du même code qui imposait la cessation de plein droit de ce mandat en cas de placement sous tutelle ou curatelle, ayant été corrigée par la loi du 23 mars 2019, soucieuse d’assurer la prééminence du mandat, comme il a été dit ; et qui de ce fait ajouta au 2o de l’article 483 : « sauf décision contraire du juge qui ouvre la mesure ».
996) Rép. min. Le Fur no 85698 : JOAN Q 6 sept. 2016. Cette position était déjà perceptible lors des travaux préparatoires de la loi de 2007 dans lesquels on peut lire : « D’une part, ce mandat crée un régime de représentation, sans porter atteinte à la capacité du mandant, l’incapacité ne pouvant être constatée que par une décision de justice (…) ».
997) G. Champenois, La protection du logement du majeur vulnérable par les régimes matrimoniaux : Dr. et patrimoine janv. 2011, no 199.
998) V. P. Dauptain, Majeur protégé. Vers une simplification de la vente par une personne protégée, op. cit.
999) V. JCP N 29 sept. 2017, no 39, act. 836.
1000) Rapport du 113e Congrès des notaires de France, préc., p. 585.
1001) C. santé publ., art. L. 1111-6, al. 1 : « Toute personne majeure peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le médecin traitant et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d’état d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin. Elle rend compte de la volonté de la personne. Son témoignage prévaut sur tout autre témoignage. Cette désignation est faite par écrit et cosignée par la personne désignée. Elle est révisable et révocable à tout moment ».
1002) Pareille précaution est souvent rencontrée en présence d’actifs complexes (comme un patrimoine financier sophistiqué réclamant un suivi régulier et spécialisé) nécessitant une attention constante.
1003) C. comptes, Rapport La protection juridique des majeurs, une réforme ambitieuse, une mise en œuvre défaillante, sept. 2016, spéc. p. 73 à 76.
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