CGV – CGU

PARTIE I – Conserver son logement
Titre 2 – Les outils conventionnels
Sous-titre 2 – Les outils récents

Chapitre II – Les outils à développer

30394 Afin de pallier les inconvénients que présente le viager, des professionnels mais aussi des institutionnels ont imaginé des outils de monétisation du patrimoine immobilier des seniors, le plus souvent composé de leur seul logement, afin de répondre à leurs besoins de financement. Ces outils peuvent être classés en trois catégories : ceux qui ont pour objectif de mutualiser le risque pris par l’acquéreur (Section I), ceux qui ont pour objectif d’assurer ce risque (Section II) et ceux qui permettent au propriétaire du logement de ne pas déshériter ses ayants droit en stipulant un paiement différé du bouquet (Section III).

Section I – Le viager mutualisé

30395 – Se prémunir contre la surlongévité des crédirentiers. – Le principal risque assumé par tout acquéreur en viager est celui d’une surlongévité du vendeur. Un simple calcul de probabilité permet cependant de se rendre compte que l’incidence du risque diminue quand le nombre des biens acquis en viager augmente. Ainsi, celui qui a acquis dix biens moyennant rentes viagères est statistiquement moins exposé au risque d’une surlongévité des vendeurs que celui qui n’en a acheté qu’un seul. Et celui qui peut en acquérir cent se trouve dans une situation moins risquée encore : il y a peu de chances que 100 % des vendeurs dépassent l’espérance de vie qui leur est ordinairement attribuée. C’est ce que l’on qualifie de mutualisation (c’est-à-dire réduction par division) du risque. Ce raisonnement comporte un sous-entendu, rassurant pour le crédirentier ; il laisse entendre que le débirentier qui mutualise paiera toujours bien, puisqu’il est clair que les gains retirés de certains contrats viendront compenser les pertes constatées sur d’autres, préservant ainsi sa trésorerie et sa bonne santé financière.
30396 – La mutualisation : une condition insuffisante. – Cette démonstration a pu laisser croire à des candidats crédirentiers qu’ils ne courraient aucun risque en présence d’un acquéreur titulaire d’un portefeuille de viagers fortement doté. Il n’en est rien. D’abord parce qu’une probabilité, si finement calculée soit-elle, n’équivaut jamais à une certitude. Mais surtout parce qu’il n’existe aucun mécanisme contractuel propre à obliger valablement l’acquéreur, débirentier, à employer les gains qu’il réalise au paiement des rentes dont il reste débiteur à l’égard d’autres crédirentiers, ce qui d’ailleurs viderait le contrat de tout intérêt pour l’acquéreur782. Ce qui, en revanche, est bien certain, c’est que l’activité ainsi déployée par l’acquéreur, qu’il s’agisse d’une personne physique ou morale, l’expose comme tout commerçant à faire l’objet d’une procédure collective, dont on connaît les effets dévastateurs sur le malheureux crédirentier.
30397 – L’intervention publique ou institutionnelle. – Pour être admissible, le viager mutualisé doit donc être pratiqué par des investisseurs insusceptibles de faire l’objet d’une procédure collective, ce que seule peut apporter l’intervention publique ou celle d’institutions financières notoirement solvables. D’ailleurs, Dominique Libault, dans son rapport déjà cité, appelle à une telle intervention pour encourager et encadrer le développement des solutions de viager mutualisé. Précisément, la Banque des Territoires s’était déjà emparée du problème du financement du grand âge en lançant deux solutions de viager mutualisé. Dès lors qu’un tel partenaire intervient dans l’opération, elle est parfaitement sécurisée.
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30400 – Partenariats communes/SCIC. – De récents partenariats ont aussi été formés entre certaines communes importantes comme Paris, mais également de plus petites communes (notamment Saint-Julien-en-Genevois en Haute-Savoie), et une structure spécialisée, la société coopérative d’intérêt collectif (SCIC). Ainsi, la SCIC Les Trois colonnes, créée en 2013 et établie en région Auvergne-Rhône-Alpes, acquiert des biens immobiliers en viager, en partie grâce au crowdfunding, en faisant le lien entre propriétaires, collectivités territoriales et bailleurs sociaux, qu’elle réinjecte dans le circuit de l’économie solidaire sous forme de location ou de revente.

Section II – Le viager assuré

30401 – Une vente « sans aléa ». – L’aléa, essence même de la vente en viager, ne peut pas être purement et simplement supprimé. En revanche, le risque qu’il génère peut être couvert par une assurance. Depuis 2016, un outil787 réservé aux personnes de plus de soixante-dix ans a été développé dans le cadre d’un partenariat entre un gestionnaire de patrimoine et une grande compagnie d’assurance. Il s’agit d’un contrat de vente de la nue-propriété, avec réserve d’usufruit temporaire par le vendeur, dont la durée oscille entre dix et vingt ans, suivi, si le vendeur en fait la demande, de l’ouverture sur sa tête d’un droit d’usage et d’habitation à condition pour le vendeur de souscrire alors un contrat d’assurance de type « rente différée » au bénéfice de l’acquéreur. Ce contrat protège l’acquéreur contre une survie du vendeur plus longue que prévue, l’assureur prenant en quelque sorte le relais du versement de la rente. Le prix de vente, correspondant à la valeur du logement décotée de la valeur de l’usufruit temporaire, est payé comptant. Ainsi, à l’extinction de l’usufruit temporaire, le vendeur peut rester dans son logement autant de temps qu’il le souhaite, et même jusqu’à son décès. Quant à l’acquéreur, il est assuré de ne pas surpayer le bien en cas de décès tardif du vendeur.
30402 Trois situations peuvent se présenter :

le décès prématuré du vendeur ou l’abandon de son usufruit. Le décès prématuré du vendeur entraîne l’extinction de l’usufruit. Le vendeur peut également choisir d’abandonner son usufruit788. Pleinement propriétaire, l’acquéreur pourra alors louer le bien, l’occuper ou le vendre. En contrepartie de la prise de jouissance anticipée, l’acquéreur devra, dans les six mois du décès, verser un complément de prix aux héritiers du vendeur dont le montant est fixé dans le contrat789. Le délai de paiement accordé à l’acquéreur lui permet, le cas échéant, de recourir au crédit pour financer le complément de prix, voire de vendre le bien790 ;

l’occupation des lieux par le vendeur. Si le vendeur continue d’occuper le logement après l’extinction de l’usufruit temporaire, l’acquéreur percevra une rente mensuelle791 ;

la libération des lieux par le vendeur. En revanche, si le vendeur libère les lieux, c’est lui qui perçoit la rente jusqu’à son décès.

L’assurance « anti-aléa ». Les échéances de la rente versée à l’acquéreur ou au vendeur, selon le cas, sont réglées par une assurance dont le coût incombe au seul vendeur. L’assurance est donc souscrite par le vendeur au profit de l’acquéreur.
30403 – Un marché très confidentiel. – Cet outil de monétisation du logement n’a pas vraiment trouvé son marché792. L’onérosité de l’assurance, dont le coût est à la charge du vendeur, auquel s’ajoutent les honoraires d’ingénierie et de commercialisation de 3,5 %793, en est la principale raison. Une solution, pour dynamiser le marché, pourrait être de laisser le choix à l’acquéreur de la couverture totale du risque ou du seul risque exceptionnel pour rendre le coût de l’assurance plus acceptable.

Section III – Le bouquet différé

30404 – Déshériter n’est pas une option. – Vendre en viager revient à exclure le logement de la succession du vendeur puisqu’il est sorti de son patrimoine, et, par voie de conséquence, à priver ses héritiers de la propriété. Or l’idée de ne rien transmettre est, pour certains, insupportable.
Un bouquet versé aux héritiers. Pour modifier ces codes traditionnels du viager, il a été suggéré de différer dans le temps le paiement du bouquet794 : au lieu d’être payé comptant au vendeur, il est payable à son décès, donc à ses héritiers. Le vendeur est ainsi assuré de leur transmettre un héritage. Le contrat règle les modalités de versement du bouquet à terme et sa revalorisation annuelle en fonction de l’indice Insee du coût de la construction.
Un avantage pour l’acquéreur. De son côté, l’acquéreur n’a pas toujours la possibilité de contracter un emprunt pour financer le bouquet payable lors de la régularisation de la vente en viager. L’une des raisons est qu’il ne peut pas offrir à l’établissement prêteur de garantie de premier rang sur l’immeuble acquis, celui-ci étant pris par l’hypothèque légale du vendeur pour garantir le paiement des rentes. Ce « bouquet final » pourra être plus facilement financé par l’acquéreur au moyen d’un prêt bancaire puisque l’immeuble sera alors libre de toute inscription. En outre, cela évite à l’acquéreur, lors de son acquisition, de mobiliser des fonds qui pourraient avoir une autre utilité.

782) Ce raisonnement simpliste a pourtant servi de support à d’authentiques escroqueries, telle celle mettant aux prises quatre « fonds d’investissement » américains avec des dizaines de crédirentiers recrutés, à grand renfort de publicité, sur la Côte d’Azur. Dans cette affaire, la localisation à Fréjus (Var) du centre des intérêts économiques des « fonds », tous quatre en cessation de paiement, a permis aux juges consulaires varois de se déclarer compétents et de faire application des règles françaises des procédures collectives. Les règles américaines auraient, semble-t-il, été moins favorables, et les victimes obligées de plaider aux États-Unis ! On peut cependant s’étonner que la domiciliation des « fonds » dans un paradis fiscal bien connu (l’État du Delaware), comme le « mandat de gestion des rentes » qu’ils avaient conféré à une société de droit suisse n’aient pas incité les intéressés et leurs conseils à plus de vigilance.
783) C. Galpin, Retour des investisseurs institutionnels vers l’habitation via des fonds d’investissement : Opérations immo. juill. 2019, no 117, 37004698.
784) Ce fonds réunit notamment la CDC, CNP Assurances, AG2R La Mondiale, Uneo, Suravenir, la Maif, Groupama, la Macif, le groupe Crédit Mutuel Nord Europe, l’Ircantec et ACM.
785) La première vente a été signée le 23 février 2021, par une habitante de Marseille, âgée de quatre-vingt-huit ans, propriétaire occupante de son logement depuis 1974.
786) Propos de R. Curnier, président de ViagéVie et directeur régional de la Banque des Territoires, membre du Groupe Caisse des dépôts.
787) Contrat « Monétivia ».
788) Le vendeur peut être amené à quitter son logement, pour raison de santé notamment, et ne pas souhaiter continuer à l’entretenir, faute de moyens peut-être, encore moins le louer, voulant s’éviter, à son âge, les contraintes et les risques de la gestion locative.
789) Le complément de prix n’est pas dû si l’extinction de l’usufruit résulte d’une décision judiciaire en raison d’un abus de jouissance.
790) La renonciation anticipée à son usufruit par le vendeur entraîne l’exigibilité des droits de mutation à titre onéreux. Un acte notarié devra être établi et publié au fichier immobilier pour l’opposabilité aux tiers.
791) Le montant minimum de rente garanti est de 3 % du montant investi (prix de la nue-propriété et honoraires).
792) Seulement deux cents transactions en cinq ans.
793) L’acquéreur est également redevable des mêmes honoraires.
794) Contrat Capifine.
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