CGV – CGU

PARTIE I – Conserver son logement
Titre 2 – Les outils conventionnels
Sous-titre 3 – Les outils émergents

Chapitre II – Les habitats alternatifs

30485 Certaines personnes aspirent à un autre type d’habitat que la maison ou l’appartement individuel bâti selon les normes « standards », acheté à crédit ou loué au propriétaire. Les formes de l’habitation alternative et les raisons de son développement sont variées. On peut en dresser un inventaire non exhaustif (Section I) avant d’en aborder le régime juridique, tant en droit de l’urbanisme qu’en droit civil (Section II).

Section I – Panorama de l’habitat alternatif

Sous-section I – Les raisons du développement de l’habitat alternatif

30486 Le choix d’un habitat alternatif peut être dicté par la nécessité, faute de moyens financiers ou de temps à consacrer à la recherche d’un logement ou à la construction. Il se distingue de « l’habitat classique » par un coût d’acquisition ou de construction réduit832. Selon les sites des constructeurs, le coût d’une tiny house « clé en main » varie entre 20 000 et 85 000 € selon la taille et les matériaux utilisés.
Pour un zoom sur la tiny house, alternative à l’habitat traditionnel :
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30487 L’habitat alternatif peut aussi correspondre au choix d’un mode de vie plus écologique, minimaliste et économe. Plus écologique car l’habitat alternatif est de petite taille, et la plupart du temps démontable. Ces caractéristiques limitent l’artificialisation des terres et ne lui permettent de contenir que le mobilier essentiel à ses occupants. Économe en énergie, il est souvent associé à des matériaux de construction non polluants et autonome en eau et électricité.

Sous-section II – Les formes de l’habitat alternatif

30488 Les formes d’habitat alternatif sont variées mais ont pour point commun leur taille réduite. Le « Guide pratique des habitats alternatifs en France » recense une dizaine de types d’habitations alternatives susceptibles de s’implanter légalement dans le pays. Une première catégorie d’habitats démontables ou nomades se présente comme une alternative aux habitats mobiles tels que roulottes, caravanes, fourgons ou bus aménagés (§ I). Mais l’habitat alternatif peut aussi résulter du choix des matériaux de construction, qui lui confèrent un caractère durable au sens écologique du terme (§ II).
Pour un panorama des différents modes d’habitats alternatifs :
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§ I – Les habitats mobiles et nomades

A/ La tiny house
30489 La tiny-house833 est une maison en bois, de petite surface (entre 8 à 30 m2) montée sur remorque. Le concept de tiny-house est né aux États-Unis suite à la crise immobilière de 2008, permettant de devenir propriétaire à moindre coût et d’emporter son chez-soi n’importe où. C’est en 2013 que la première tiny house a été construite en France dans le département de la Manche.
Depuis lors, certaines communes ont lancé des projets expérimentaux de villages de tiny houses, à l’instar de la commune de Rezé en Loire-Atlantique :
B/ La yourte
30490 La yourte est l’habitat traditionnel de peuples nomades en Asie centrale. Elle se monte facilement et résiste au climat continental (températures basses et vents violents). Les tailles des yourtes sont variables, allant de 9 mètres carrés à plus de 120 mètres carrés selon la hauteur et le nombre de murs.
C/ Le tipi
30491 Le tipi est un habitat traditionnel des Nord-Amérindiens, également utilisé en Asie (nord-est de la Chine, est de la Sibérie). Il se compose d’une tente de forme conique réalisée avec de longues perches de bois recouvertes de peaux de bêtes. Le diamètre le plus courant du tipi est de 5,50 à 6 mètres.

§ II – Les habitats fixes constitués de matériaux durables ou écoresponsables

30492 La cabane perchée dans les arbres de notre enfance, ou celle du pêcheur, construite sur pilotis, ont une existence immémoriale, ou peu s’en faut. C’est sans doute en se souvenant plus ou moins consciemment de ces modèles que les architectes d’aujourd’hui ont conçu de nouvelles formules d’habitats écoresponsables, qui ont en commun l’utilisation de matériaux différents de ceux utilisés traditionnellement par les entreprises de bâtiment.
A/ La maison conteneur
30493 À l’origine, le container (francisé en « conteneur ») est un caisson métallique, conçu pour le transport maritime. Compte tenu de ses dimensions normalisées au niveau international, sa surface est soit de 15 mètres carrés (container de 20 pieds) soit de 30 mètres carrés (container de 40 pieds). À partir de tels conteneurs, des architectes contemporains ont réalisé des constructions à usage d’habitation834, de bureaux, de commerces835 ou d’habitats collectifs836. Ce type d’architecture est appelé cargotecture ou arkitainer. Il a été utilisé en France pour réaliser des résidences étudiants, comme au Mans ou au Havre (100 studios) ou pour créer en urgence des logements sociaux comme à Lyon (projet « Passerelle » porté par Habitat et Humanisme).
On peut lire ci-après trois articles relatifs à ces projets :
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B/ La maison organique semi-enterrée
30494 Il arrive que la littérature inspire l’architecture ; la réalité rejoint alors la fiction. La maison organique semi-enterrée, creusée au flanc d’un talus et recouverte d’un toit végétalisé, réfère à l’univers fictionnel imaginé par l’écrivain de langue anglaise J.R.R. Tolkien. Cette conception littéraire a pris corps lorsqu’elle a été portée à l’écran dans les années 2000. On s’est alors rendu compte que de telles maisons pouvaient réellement être créées et habitées. Parmi les réalisations récentes, on peut citer le domaine de la pierre ronde à Saint-Martin-de-la-Mer (Morvan), village fantastique comprenant trois maisons organiques semi-enterrées à louer pour de courts séjours.
C/ La maison en paille et en ossature bois
30495 Les maisons en paille sont construites avec une structure en bois et isolées avec des bottes de paille. Leur construction a été normalisée en 2012 par la publication des règles professionnelles de la construction en paille. La paille présente de nombreux avantages : isolant thermique et phonique, peu consommatrice d’énergie et économique.
D/ L’éco-dôme ou earthbag
30496 L’éco-dôme (earthbag) est un habitat alternatif conçu avec des sacs de sable ou de terre, inventé par l’architecte Nader Khalili. Sa construction ne nécessite pas de charpente en bois et lui permet de résister aux incendies et aux tremblements de terre.
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E/ Le géo-dôme (ou earthship)
30497 Cet habitat est construit avec des matériaux recyclés : la structure de la maison est en bois et les murs sont montés avec des pneus, des canettes ou des bouteilles en verre, matériaux isolants à forte inertie. Il aspire à être une maison passive837.

Section II – L’habitat alternatif à la recherche d’un régime juridique

30498 L’habitat léger constituant la résidence principale de son utilisateur a été doté d’un statut clair du point de vue de l’urbanisme par la loi Alur du 24 mars 2014 (Sous-section I). En revanche, de nombreuses incertitudes subsistent du côté du droit privé (Sous-section II).

Sous-section I – En droit de l’urbanisme

30499 La loi Alur du 24 mars 2014, complétée par le décret no 2015-482 du 27 avril 2015, a défini les « résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs » (§ I) afin d’encadrer leur installation (§ II).

§ I – La définition des résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs

30500 L’article R. 111-51 du Code de l’urbanisme dispose que : « Sont regardées comme des résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs les installations sans fondation disposant d’équipements intérieurs ou extérieurs et pouvant être autonomes vis-à-vis des réseaux publics. Elles sont destinées à l’habitation et occupées à titre de résidence principale au moins huit mois par an. Ces résidences ainsi que leurs équipements extérieurs sont, à tout moment, facilement et rapidement démontables ».
Pour être qualifié de résidence démontable constituant un habitat permanent, l’habitat alternatif doit remplir les conditions suivantes :

être destiné à l’habitation ;

être occupé à titre de résidence principale au moins huit mois par an ;

ne pas avoir de fondations ;

disposer d’équipements intérieurs et extérieurs ;

être autonome en matière de réseaux publics ;

installations facilement et rapidement démontables.

À défaut de remplir ces conditions, l’habitat alternatif peut être soit une habitation légère de loisirs (HLL), soit une résidence mobile de loisirs (RML), notions dont le régime juridique diffère.
30501 – Les habitations légères de loisirs (HLL). – Elles sont définies à l’article R. 111-37 du Code de l’urbanisme comme « des constructions démontables ou transportables, destinées à une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisirs ». Les HLL ne peuvent être implantées que dans les lieux listés par l’article R. 111-38 du Code de l’urbanisme : parcs résidentiels de loisirs (PRL), villages vacances classés, dépendances des maisons familiales de vacances agréées ou certains terrains de camping838. Leur installation en dehors d’un périmètre protégé, sous réserve que la surface de plancher ou l’emprise au sol soit inférieure à 35 mètres carrés, est dispensée de toute autorisation (C. urb., art. R. 421-2). À l’inverse, leur installation en périmètre protégé, quelle que soit la surface ou l’emprise ou sol, ou en dehors du périmètre protégé mais d’une surface au sol d’au moins 35 mètres carrés, nécessite une déclaration préalable (C. urb., art. R. 421-11 et R. 421-9). À défaut de s’implanter dans un des lieux prévus cités ci-dessus, les HLL relèvent du droit commun des constructions, conformément à l’article R. 111-40 du Code de l’urbanisme, si elles restent plus de trois mois sur un même terrain.
30502 – Les résidences mobiles de loisirs (RML). – Elles sont définies à l’article R. 111-41 du Code de l’urbanisme comme « les véhicules terrestres habitables qui sont destinés à une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisirs, qui conservent des moyens de mobilité leur permettant d’être déplacés par traction mais que le code de la route interdit de faire circuler ». Elles peuvent être implantées uniquement sur les emplacements dédiés839 (visés par l’article R. 111-38). Elles ne sont pas autorisées sur un terrain privé (C. urb., art. R. 111-42).
30503

§ II – Le régime applicable aux résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs

30504 L’aménagement d’un terrain pour permettre d’installer au moins deux de ces résidences sera soumis soit à déclaration préalable de travaux, si la surface de plancher à créer est égale ou inférieure à 40 mètres carrés (C. urb., art. R. 421-23), soit à permis d’aménager si elle est supérieure à 40 mètres carrés (C. urb., art. R. 421-19). Le pétitionnaire devra joindre à sa demande une attestation permettant de s’assurer du respect des règles d’hygiène et de sécurité ainsi que de la capacité à assurer les besoins en eau, assainissement et électricité (C. urb., art. L. 111-11). Le terrain devra être implanté dans un secteur constructible ou dans des « secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées » (Stecal) des zones agricoles ou naturelles prévues dans le règlement du PLU (C. urb., art. L. 444-1).
30505 La construction de cette résidence, bien que dépourvue de fondations, devra être précédée soit d’un permis de construire, soit d’une déclaration préalable de travaux selon que l’emprise au sol dépasse ou non 5 mètres carrés et la surface de plancher 20 mètres carrés (C. urb., art. R. 421-1 et R. 421-9).
30506 Les yourtes ou tipis peuvent faire l’objet d’une triple qualification selon la présence ou pas d’équipement et selon l’usage auquel ils sont destinés (loisirs ou résidence principale). Sans équipements intérieurs ou extérieurs (blocs sanitaires, cuisine ou appareil de chauffage), ils peuvent être assimilés à des tentes841. Ils sont installés dans des espaces où la pratique du camping n’est pas interdite : dans des terrains de camping aménagés, dans les villages vacances classés en hébergement léger, dans les dépendances des maisons familiales de vacances agréées ou sur une parcelle individuelle avec l’accord de celui qui en a la jouissance. Avec des équipements intérieurs ou extérieurs, ils sont assimilés à des habitations légères de loisirs (HLL)842. S’ils sont équipés et destinés à une habitation à titre de résidence principale, ils relèveront du nouveau régime des résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs.
30507 Les roulottes relèvent de l’une des trois catégories préexistantes que sont les caravanes, les résidences mobiles de loisirs ou encore les résidences mobiles des gens du voyage843. L’implantation de caravanes est réglementée par l’article R. 111-47 du Code de l’urbanisme : sur un terrain privé, elle n’est pas soumise à formalités administratives si elle est inférieure à trois mois par an ; au-delà, elle nécessitera le dépôt d’une déclaration préalable de travaux en mairie.
30508 – Sanctions. – L’article 48 de la loi no 2019-1461 du 27 décembre 2019844 permet aux maires de sanctionner les constructions irrégulières par des astreintes journalières d’un montant maximal de 500 € par jour. Ses dispositions sont donc applicables à l’implantation de ces habitats alternatifs.

Sous-section II – En droit civil

30509 L’accès à l’habitat alternatif de type hébergement léger (mobil-home, tiny house, chalet, voire yourte) peut se faire par la location (§ I) ou par la propriété (§ II).

§ I – L’accès à l’habitat alternatif en location

A/ Le statut du bailleur
I/ Statut juridique
30510 Le bailleur d’habitats légers ou d’emplacements de camping a la qualité de commerçant, en vertu de l’article L. 110-1, 4o du Code de commerce dès lors qu’il assure un service de gardiennage et de nettoyage845. Ce n’est que si la location se limite à des emplacements de terrains nus sans prestation de services qu’elle conserve une qualification civile. Il en résulte :

d’une part, que si l’exploitant n’est pas propriétaire des emplacements, le bail qui le lie au propriétaire du terrain ne peut être qu’un bail commercial relevant des articles L. 145-1 et suivants du Code de commerce ;

d’autre part, que lorsqu’un exploitant agricole est locataire de son exploitation et souhaite mettre en place une activité de camping à la ferme, il doit s’assurer de l’accord de son bailleur car la location de logements meublés ou d’emplacement de camping constitue une sous-location. Le défaut d’autorisation du bailleur justifie la résiliation du bail rural846.

En revanche, lorsque l’activité de camping est exploitée par l’agriculteur dans le cadre de son exploitation, elle est de nature agricole car elle a pour support l’exploitation agricole (C. rur. pêche marit., art. L. 311-1).
II/ Statut fiscal
30511 Les revenus tirés des locations d’emplacements de camping peuvent relever, selon les commentaires de l’administration fiscale847, de trois catégories différentes. La location d’emplacements nus à usage de camping loués par le propriétaire du terrain relève des revenus fonciers. Elle relève des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) si les terrains sont aménagés ou si un service de gardiennage est assuré. Elle est soumise aux bénéfices non commerciaux (BNC) si l’exploitant n’est pas propriétaire des emplacements.
Point d’attention particulier : une société civile immobilière qui donne en location un terrain de camping comportant des aménagements et des installations, est fiscalement censée percevoir des recettes commerciales et sera soumise de plein droit à l’impôt sur les sociétés848.
30512 Si les recettes générées par le camping à la ferme ne dépassent ni 50 % de la moyenne annuelle des recettes tirées de l’activité agricole au titre des trois années civiles précédentes ni 100 000 €, elles peuvent, sur option de l’agriculteur relevant d’un régime réel d’imposition, relever des bénéfices agricoles849. En cas d’exploitant relevant du micro-BA ou en cas de dépassement des seuils, les recettes générées par le camping à la ferme seront fiscalisées en BIC ou BNC selon les distinctions faites par l’administration fiscale.
B/ Le statut du locataire
I/ Locataire de l’hébergement protégé par la loi de 1989
30513 Le champ d’application des baux d’habitation est défini par l’alinéa 2 de l’article 2 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 comme étant celui de la location de « locaux à usage d’habitation ou à usage mixte professionnel et d’habitation, et qui constituent la résidence principale du preneur… ». La notion de « local » est une notion plus large que celle d’immeuble, tant pour la doctrine que pour les tribunaux. Ainsi, les auteurs850 définissent « le local » au sens de la loi de 1989 comme un lieu clos et couvert. Les tribunaux ont régulièrement appliqué cette conception extensive du local en appliquant la loi de 1989 à une péniche utilisée comme habitation principale851 ou à une construction légère et non en dur852.
30514 Ainsi, si la location à usage de résidence principale porte directement sur une caravane, une habitation légère de loisir, un mobil-home, une tiny house ou une yourte équipée, elle sera régie par la loi du 6 juillet 1989, à moins qu’il ne s’agisse d’une location meublée. Le locataire sera ainsi protégé par l’encadrement des conditions financières, la durée de la location, par un droit de préemption en cas de vente du local.
II/ Locataire du seul emplacement de camping relevant du droit commun de la location
a) Les relations contractuelles avec l’exploitant de camping

30515 Selon le sociologue Gaspard Lion853, 60 000 ménages vivraient en camping « à l’année », soit plus de 100 000 personnes. Or, le contrat qui lie l’occupant et l’exploitant d’un terrain de camping ou de parc résidentiel ne relève pas de la loi de 1989 mais du droit commun du louage de choses (C. civ., art. 1709 et s.). En effet, la loi de 1989 envisage la location de « locaux » mais ne s’étend pas aux locations de terrains nus, même équipés. Elle n’est donc pas applicable à la location d’un emplacement, même lorsque le locataire y installe une caravane ou un mobil-home destinés à constituer son habitation principale854.
30516 Dans son rapport de 2022 sur l’état du mal-logement en France, la Fondation Abbé Pierre dénonce l’insécurité de ce statut d’occupation : « expulsion possible à tout moment sans préavis, augmentation des tarifs au bon vouloir du gérant… L’accès à l’eau et à l’électricité est souvent prohibitif et les visites peuvent même être interdites dans la mesure où le terrain est privatif. Il n’est enfin pas permis d’élire domicile dans un camping et de faire ainsi valoir les droits attachés au logement » (p. 221).
30517 À ce jour, seules les relations entre les propriétaires de mobil-homes et les gestionnaires de camping ont fait l’objet d’un décret du 17 février 2014 et d’un arrêté du 24 décembre 2014, modifiant le Code de l’urbanisme. Désormais, les exploitants d’établissements hôteliers de plein air sont soumis à des obligations préalables d’information du consommateur. La Commission des clauses abusives a rendu deux recommandations visant les contrats d’hôtellerie de plein air855. La Fédération nationale de l’hôtellerie de plein air (FNHPA) a établi un contrat-type, de portée seulement indicative.
b) L’impossible domiciliation

30518 La définition des terrains de camping par l’article D. 331-1-1 du Code du tourisme empêche le propriétaire de l’habitation légère d’y établir son domicile. En effet, l’alinéa 2 précise que les terrains aménagés de camping et de caravanage « font l’objet d’une exploitation permanente ou saisonnière et accueillent une clientèle qui n’y élit pas domicile ». Le propriétaire d’habitation légère est donc autorisé à vivre à l’année sur un terrain de camping mais doit être domicilié ailleurs (centre communal d’action sociale [CCAS], associations, parents ou amis). Il ne bénéficie donc pas des droits attachés au logement, comme rappelé précédemment par la Fondation Abbé Pierre.
30519 La caisse d’allocations familiales admet le versement aux campeurs à l’année des allocations logement, mais à condition que l’allocataire ne soit pas propriétaire de son habitation et que celle-ci ne possède plus ses moyens de mobilité. De fait, ces conditions excluent le plus souvent les campeurs à l’année du bénéfice des allocations logement : ni le locataire d’un habitat mobile (caravane, mobil-home, tiny house), ni le locataire de son emplacement qui est propriétaire de son hébergement ne peuvent y avoir droit.

Habitat léger : une solution à envisager

L’habitat léger, qui concerne en France plusieurs dizaines de milliers de personnes, pourrait être une piste à développer pour tenter de sortir de la crise du marché locatif. Dans cette perspective, il est souhaitable de remédier à la précarisation de ses utilisateurs, notamment en revoyant :
– l’encadrement juridique des contrats liant les propriétaires d’installations légères et les gestionnaires de camping ;
– les conditions d’attribution des allocations logement à leurs occupants.
L’habitat alternatif, au sens d’habitat léger, présente également des faiblesses lorsque l’accession à ce type de logement se fait en pleine propriété.

§ II – L’accès à l’habitat alternatif en propriété

30520 L’accès en propriété à l’habitat alternatif pose également difficultés tant lors de l’acquisition (B) que de la construction (C). L’étude de ces difficultés implique au préalable de qualifier l’habitat léger au regard du droit des biens (A).
A/ La qualification de l’habitat léger
I/ Les critères de qualification
30521 La qualification mobilière ou immobilière d’un habitat léger se fait au regard des textes du Code civil. Ainsi, l’article 528 dudit code qualifie de biens meubles par nature « les biens qui peuvent se transporter d’un lieu à l’autre ». Il n’y aura pas beaucoup de discussion possible pour les habitats effectivement itinérants tels que la caravane tractée, le camping-car ou le bateau naviguant, etc. La question peut s’avérer plus délicate pour une tiny house, une yourte ou une résidence de loisirs fixée à un endroit. L’habitat léger pourrait-il alors être qualifié d’immeuble par nature ou par destination ?
30522 L’article 518 du Code civil qualifie les « fonds de terre » et les « bâtiments » d’immeubles par nature. Le critère de qualification est l’attache physique au sol qui se comprend comme un dispositif de liaison, d’ancrage ou de fondation qui révèle que la construction ne repose pas simplement sur le sol et n’est pas maintenue pas son seul poids856. Il conviendrait de distinguer entre les constructions qui peuvent être enlevées par un simple levage et celles qui nécessitent de rompre le dispositif d’ancrage au sol. Les tribunaux ont qualifié d’immeuble par nature le chalet857 en raison de l’existence de fondations, mais ont refusé cette qualification pour des « constructions volantes » qui bénéficient d’une certaine adhérence au sol à l’aide de cordes et de piquets858. Cette dernière solution devrait être retenue pour les yourtes, à moins qu’un dispositif d’ancrage ne vienne les fixer au sol859.
30523 L’habitat léger peut-il être qualifié d’immeuble par destination ? L’article 524 du Code civil qualifie d’immeuble par destination « les objets que le propriétaire d’un fonds y a placés pour le service et l’exploitation de ce fonds » ou les « effets mobiliers que le propriétaire a attachés au fonds à perpétuelle demeure ». L’article 525 du même code précise que sont notamment attachés à perpétuelle demeure les effets mobiliers « qui ne peuvent être détachés sans être fracturés ou détériorés, ou sans briser ou détériorer la partie du fonds à laquelle ils sont attachés ». Excepté l’habitat léger qui pourrait se rattacher à l’exploitation agricole, soit pour servir d’habitation à l’exploitant, soit pour permettre un camping à la ferme, l’habitat léger sera donc rarement qualifié d’immeuble par destination.
II/ L’enjeu de la qualification
30524 La plupart du temps, l’habitat léger conserve une nature mobilière. Il résulte de cette qualification des interrogations très pratiques, et pourtant non résolues à ce jour, quant à la protection du logement du conjoint survivant. L’acquisition et la construction de l’habitat léger seront développées ultérieurement.
30525 L’article 215, alinéa 3 du Code civil dispose que « les époux ne peuvent l’un sans l’autre disposer des droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ni des meubles meublants dont il est garni ». Doit-on avoir une conception classique860 du logement de la famille qui serait cantonnée aux immeubles bâtis, ou doit-on faire prévaloir l’esprit du texte qui tend à protéger le logement de la famille, qu’il soit mobilier ou immobilier ?
30526 De même, l’article 763 du Code civil confère au conjoint survivant qui a la qualité de successible le droit à la jouissance gratuite, pendant un an à compter du décès, du logement et du mobilier qui le garnit. L’article 764, lui, accorde un droit viager au conjoint survivant sur le logement occupé à titre de résidence principale au moment du décès et un droit d’usage du mobilier s’y trouvant. La protection du conjoint survivant doit-elle être limitée aux logements immobiliers ou doit-elle être étendue à toutes les formes de logements, y compris légers de nature mobilière ?
B/ L’achat d’un habitat léger
30527 La nature mobilière de l’habitat léger prive l’acquéreur de la protection conférée à l’acquéreur immobilier et des garanties inhérentes à la vente immobilière. L’article L. 271-1 du Code de la construction et de l’habitation fait bénéficier à l’acquéreur d’un « immeuble à usage d’habitation » d’un délai de rétractation de dix jours. Or, selon M. Périnet-Marquet861, ce dispositif ne saurait s’appliquer à l’acquéreur d’un mobil-home ou d’une péniche qui envisage de l’immobiliser en vue d’en faire son logement. La réponse est moins certaine lorsque l’immobilisation est déjà acquise et que le bien est affecté à usage d’habitation.
30528 L’acquéreur de l’habitat léger ne sera pas davantage couvert par les mécanismes d’information et de protection des emprunteurs immobiliers, résultant des articles L. 313-1 à L. 313-64 du Code de la consommation. L’article L. 313-1 limite en effet expressément son champ d’application aux seuls immeubles à usage d’habitation ou mixtes. Si l’habitation légère ne repose au sol que par son poids sans y être incorporée, elle conserve une nature mobilière, l’excluant du régime protecteur862. Si, en revanche, l’habitation légère est qualifiée d’immeuble par nature ou par destination, le dispositif dit de la « loi Scrivener » lui sera alors applicable.
30529 Les diagnostics obligatoires dès la signature de l’avant-contrat pour permettre au vendeur de s’exonérer de la garantie des vices cachés ne s’imposent pas lors de la vente d’un habitat léger de nature mobilière. Certaines garanties sont spécifiques à la vente immobilière et ne s’appliqueront pas à la vente de l’habitat léger. On peut citer sans être exhaustif la garantie de contenance863 ou l’action en rescision pour lésion864. Par contre, l’acquéreur d’un habitat léger pourra mobiliser contre le vendeur la garantie des vices cachés865 qui protège l’acheteur d’un bien meuble ou immeuble contre les défauts dissimulés ou non apparents lors de l’achat et se révélant après l’achat. L’acheteur d’un habitat léger peut également se retourner contre son vendeur sur le fondement de la garantie légale de conformité prévue à l’article L. 217-4 du Code de la consommation.
C/ La construction d’un habitat léger
30530 Quelles sont les garanties dont bénéficie la personne qui fait construire son habitat léger ? La loi du 4 janvier 1978, dite « loi Spinetta », plusieurs fois modifiée, a instauré un triple régime de responsabilité des constructeurs figurant aux articles 1792 à 1792-6 du Code civil : la garantie décennale, la garantie biennale et la garantie de parfait achèvement. Cette protection du maître de l’ouvrage ou de l’acquéreur d’un ouvrage immobilier a été complétée par une double obligation d’assurance : l’assurance de responsabilité décennale (C. assur., art. L. 241-1) et l’assurance dommages-ouvrage (C. assur., art. L. 242-1).
30531 L’une des conditions posées pour la mise en œuvre de ces garanties est l’existence d’un ouvrage de construction immobilière866. L’immeuble réalisé peut être un immeuble par nature ou par destination. Si l’habitat léger constitue un immeuble, le régime de responsabilité des articles 1792 et suivants du Code civil ne saurait s’appliquer. Ainsi une « maison mobile », livrée par camion, qui avait été simplement posée sans travaux ni fondations, ne constituait pas une construction d’un ouvrage immobilier867. À l’inverse, des bungalows fixés à demeure sur des plots et longrines en béton constituaient des ouvrages immobiliers868.

832) Le prix d’acquisition est environ de 30 % inférieur à celui d’un habitat classique.
833) Littéralement « maison minuscule ».
834) Maison de 240 mètres carrés réalisée à Lille par l’architecte Patrick Partouche à partir de huit conteneurs.
835) Le Starbucks Café à Taïwan.
836) L’Artikul Container Hôtel en République tchèque construit avec trois conteneurs, ou l’hôtel Travelodge à Uxbridge dans l’ouest de Londres, construit avec quatre-vingt-six conteneurs.
837) Selon le site internet https://passivact.fr/ : « Une maison passive est une construction bioclimatique neuve ou une construction rénovée très confortable et pourtant si économe qu’elle peut être presque uniquement chauffée à 20oC par l’intermédiaire de sa VMC double flux dotée d’un récupérateur de chaleur sur l’air vicié, de ses réseaux et d’un système de chauffage rudimentaire parfois épaulée par des sèche-serviettes destinés à fournir un complément de chaleur lors de journées consécutives exceptionnellement froides et sans soleil ».
838) « Dans les terrains de camping régulièrement créés, à l’exception de ceux créés par une déclaration préalable ou créés sans autorisation d’aménager, par une déclaration en mairie, sur le fondement des dispositions du code de l’urbanisme dans leur rédaction antérieure au 1er octobre 2007 ou constituant des aires naturelles de camping. Dans ce cas, le nombre d’habitations légères de loisirs doit demeurer inférieur soit à trente-cinq lorsque le terrain comprend moins de 175 emplacements, soit à 20 % du nombre total d’emplacements dans les autres cas. »
839) C. urb., art. R. 111-42.
840) Rép. min. no 8720 : JO Sénat Q 27 juin 2019, p. 3420.
841) Rép. min. no 14349, JO Sénat Q 16 avr. 2015, p. 882.
842) Rép. min. no 09969 : JO Sénat Q 24 mars 2011, p. 715.
843) Rép. min. Masson no 6627 : JO Sénat 2 avr. 2009.
844) L. no 2019-1461, relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique : JO no 301, 28 déc. 2019.
845) Cass. soc., 13 nov. 1980, no 79-14.787.
846) Cass. 3e civ., 1er juin 1994, no 92-10.113 : Bull. civ. 1994, III, no 114, p. 72.
847) BOI-BIC-CHAMP-60-20, 12 sept. 2012, § 450 à 470.
848) CAA Lyon, 2e ch., 28 déc. 1990, no 1602, SCI Alpes et Soleil : Dr. fisc. 1993, no 19, comm. 967 ; RJF 4/1991, no 410.
849) CGI, art. 75.
850) J. Lafond, JCl. Notarial Formulaire, fasc. 4, Bail d’habitation et à usage mixte – Loi du 6 juillet 1989 – Champ d’application, § 30. – J.-P. Blatter, JCl. Notarial Formulaire, fasc. 115-10 : Bail d’habitation – Locations soumises à la loi du 6 juillet 1989 – Domaine d’application : locaux vides.
851) CA Colmar, 4 juin 2012, nos 12/485 et 11/03561 : JurisData no 2012-013108 ; Loyers et copr. 2012, comm. 258, obs. B. Vial-Pedroletti.
852) CA Caen, 1re ch., 28 janv. 2014, no 12/00333 : JurisData no 2014-001755 ; Loyers et copr. 2014, no 107, note B. Vial-Pedroletti.
853) G. Lion, Incertaines demeures – enquête sur l’habitat précaire, Bayard, 1er oct. 2015.
854) Rép. min. no 37683 : JOAN Q 21 nov. 1983, p. 5039 : JCP N 1984, prat. 9038, p. 269. – CA Rennes, 14 juin 1984 : D. 1986, inf. rap. p. 125, obs. Cl. Giverdon.
855) Recomm. no 84-03 : BOCC 5 déc. 1984 et Recomm. no 05-01 : BOCC 23 juin 2005.
856) Cass. com., 10 juin 1974, no 73-10.696 : JurisData no 1974-097183 ; Bull. civ. 1974, IV, no 183.
857) CA Chambéry, 2e ch., 24 mai 2012, no 11/01056.
858) Cass. req., 27 oct. 1931 : DH 1931, p. 537.
859) S. Gasnier, Quelle reconnaissance juridique pour l’habitat léger : le cas des yourtes : AJDI 2013, p. 731.
860) G. Cornu, Vocabulaire juridique, Vo Logement, PUF, 1996. – R. Dupuis-Bernard, Réflexions autour de l’article 215 du Code civil : JCP N 2021, no 51-52, art. 1358.
861) Les difficultés de délimitation du champ d’application des droits de rétractation et de réflexion offerts à l’acquéreur immobilier : JCP G 2002, no 16-17, 129 et JCP N 2002, no 26, 1390.
862) CA Aix-en-Provence, 3 mai 2005 : JurisData no 2005-277696 ; Contrats, conc. consom. 2005, comm. 211, G. Raymond.
863) C. civ., art. 1616.
864) C. civ., art. 1674 à 1685.
865) C. civ., art. 1641 à 1649.
866) JCl. Roulois, fasc. 6100, Responsabilité et assurance des constructeurs – responsabilité.
867) Cass. 3e civ., 28 avr. 1993, no 91-14.215 : JurisData no 1993-000754 ; JCP G 1993, II, 22103, note Périnet-Marquet.
868) Cass. 3e civ., 28 janv. 2003 : RD imm. 2003, p. 184, obs. Malinvaud.
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