CGV – CGU

PARTIE II – Transmettre son logement
Titre 1 – Transmettre son logement à titre onéreux
Sous-titre 1 – Les freins liés au droit des personnes

Chapitre I – Transmettre son logement dans le cadre du couple marié

30531-2 – Bases patrimoniales du mariage. – Nonobstant le principe de liberté des conventions matrimoniales869, tout couple marié doit respecter les règles du régime primaire, cet ensemble de dispositions impératives s’appliquant à toutes les situations de mariage, sans possibilité de conventions contraires870. La liberté conventionnelle peut s’agglomérer à ce tronc, aussi loin qu’elle le souhaite, mais jamais l’abattre. Le logement des époux et de leur famille est naturellement pris en compte par le régime primaire, aux termes de l’article 215 du Code civil, et notamment son troisième alinéa. C’est là sans doute l’expression la plus ancienne et la plus marquée, au sein du code, de la conception selon laquelle le logement n’est pas un actif comme les autres, mais constitue un bien à part, redevable d’un droit spécial.
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30531-4 – Remarquable limite au droit de propriété. – Les dispositions exorbitantes du droit commun que contient cet alinéa ont été gravées dans le marbre du régime primaire à l’occasion de la grande réforme des régimes matrimoniaux opérée en 1965871. Elles constituent l’une des plus éminentes limitations de la propriété privée872, que justifient des intérêts considérés comme supérieurs, et furent la base de l’élaboration d’un véritable statut du logement familial. Ce désir de protection du logement familial a conduit à l’extension continue de son périmètre, et à l’accroissement du champ d’application de l’article 215 du Code civil (Section I). Mais dans certaines situations, certes ponctuelles, cette expansion apparaît comme excessive et nuit à la cohésion du dispositif (Section II). Aussi, recouvrer une pleine cohérence, dans ces cas particuliers, nous semble utile et nécessaire à la pérennité du logement.

Section I – Un domaine (très) étendu aux contours (trop) flous

30531-5 L’article 215 du Code civil recèle, en pratique, des pièges auxquels tout notaire a déjà été confronté.

Sous-section I – L’absence de définition du « logement de la famille »

30531-6 Alors que la notion de logement de la famille forge le socle de l’entier dispositif, elle ne connaît pourtant aucune définition précise. Le praticien le constate dans les hypothèses où les époux connaissent des divergences de vues, alors que c’est précisément dans ces contextes que l’outil devrait être maniable avec aisance, puisque dans les autres (lorsque tout va bien), il se révèle sans grande utilité873.

§ I – Essai de bornage de la notion

30531-7 – Tentative de définition. – L’expression « logement de la famille » recouvre une réalité matérielle, factuelle et variable. Pour vérifier si un local constitue la résidence familiale, il convient donc de s’assurer qu’au-delà d’une simple adresse, il s’agit en réalité d’un lieu où peuvent vivre un couple et ses enfants, traduisant le choix d’un mode de vie élu d’un commun accord874. Choix le plus souvent tacite, « voulu en étant vécu »875. C’est d’ailleurs en suivant cette ligne qu’une auteure, au demeurant praticienne, s’est risquée à une définition, indiquant que l’on pourrait résumer le logement familial « au lieu où se concrétise la communauté de vie, au lieu où se rassemble le couple marié, c’est-à-dire au lieu effectif où vit et se rassemble la famille »876.
30531-8 – Limites de cette définition. – Or, faire usage de cette définition suppose un consensus permanent, puisque le local choisi comme logement du ménage ne le reste qu’autant que se maintient le choix877. En revanche, pareille définition peine à s’imposer lors de situations conflictuelles, dans lesquelles chaque époux revendique ou au contraire nie la fixation du logement de la famille en tel ou tel endroit, pour invoquer ou au contraire écarter l’application du dispositif.

§ II – Constat d’une inévitable volatilité

30531-9 – Une réalité extra-juridique. – Notion de pur fait878, le logement de la famille se distingue du domicile qui est, lui, est une notion de droit. L’article 108 du Code civil admet d’ailleurs que ce domicile puisse être distinct pour chacun des époux « sans qu’il soit pour autant porté atteinte aux règles relatives à la communauté de la vie »879. Cela peut survenir pour des motifs liés à des contraintes professionnelles, les époux pouvant alors avoir deux domiciles distincts, sans trahir pour autant l’obligation de communauté de vie qui leur est imposée, et qui suppose seulement l’existence d’un « point de ralliement » où l’on reconnaîtra le véritable logement de la famille880. Dès lors, hors consensus du couple, seul le juge du fond peut qualifier un lieu de logement de la famille. Aucun notaire, confronté aux déclarations contradictoires de l’un et l’autre des époux, n’est à même de démêler le vrai du faux. Il en résulte une grande imprévisibilité.
30531-10 – Inanité de la convention. – Ceci est d’autant plus vrai qu’aucune convention ne peut ôter à l’un des époux le droit de revendiquer la protection offerte par l’article 215 du Code civil pour tel ou tel bien. À tout moment, la qualification de logement familial pourra être invoquée par l’un des époux pour n’importe quel lieu dont la famille a la disposition. Une convention contraire serait non écrite, car les règles du régime primaire sont, pour la plupart, impératives. C’est la raison pour laquelle, comme l’indiquent deux auteurs881, l’applicabilité de l’article 215, alinéa 3 du Code civil est, en pratique, amenée à être interrogée chaque fois qu’une personne mariée envisage de régulariser un acte de disposition sur un bien immobilier propre ou personnel, à usage d’habitation au moins pour partie.
30531-11 – Un champ d’application extensif. – L’opération portant sur des locaux mixtes, affectés pour partie seulement à l’habitation, donne application au régime de l’article 215 du Code civil882. La jurisprudence regorge d’autres cas plus surprenants encore.
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Sous-section II – La « communauté de vie », notion difficilement saisissable par le droit

30531-13 La notion de communauté de vie peut donner lieu à des difficultés d’appréciation, lorsque le couple marié vit ensemble, ou, de façon plus surprenante, quand les deux époux se sont physiquement séparés.

§ I – Communauté de vie même en cas de non-cohabitation ?

30531-14 – L’exigence d’une communauté de vie… – La communauté de logement qu’induit l’article 215, alinéa 3 du Code civil est la traduction dans ce domaine de la communauté de vie à laquelle sont tenus les époux, rappelée par l’alinéa premier du même article. L’un et l’autre sont inséparables. Si les époux peuvent avoir temporairement des domiciles distincts (entre autres pour des raisons professionnelles), l’affectio matrimonialis implique néanmoins la volonté d’une communauté de vie886. Ce n’est que si cette volonté n’est pas affectée par la séparation des domiciles que cette dernière sera admise comme non contraire aux obligations du mariage. Sommet du régime primaire impératif, l’article 215 du Code civil a donc, par ces deux alinéas, deux versants qui tous deux convergent vers le même point culminant. Sur ce fondement, la jurisprudence annule irréfragablement les conventions organisant une séparation amiable entre les époux887 : écarter l’alinéa premier du dispositif est exclu, de la même manière qu’il serait impossible de statuer conventionnellement sur l’affranchissement par principe de tel ou tel bien hors du périmètre de la protection offerte par l’alinéa 3.
30531-15 – … traduite dans les faits par une cohabitation matérielle. – Une partie de la doctrine considère cependant aujourd’hui, à l’heure des couples nomades, que cette communauté de vie pourrait se limiter à une simple communauté d’esprit et de destin, une sorte de communauté de vie dématérialisée, sans nécessiter un partage de sa vie quotidienne. Vivre ensemble ne serait pas forcément loger ensemble, au point d’admettre qu’il puisse y avoir communauté de vie sans cohabitation888. Ce qui, en pratique, tendrait à rendre sur-applicable, ou inapplicable, l’article 215, alinéa 3, faute de constatation matérielle d’un lieu de vie commun. Mais la jurisprudence n’a jamais, à notre connaissance, retenu cette conception. Au contraire, la Haute juridiction rappelle constamment que la cohabitation matérielle reste l’une des conditions de la communauté de vie inhérente au mariage, laquelle, à la différence peut-être d’autres communautés de cœur, a besoin de ce tissu humain et concret du quotidien. Ce qui implique que les dérogations à ce principe demeurent exceptionnelles.

§ II – Communauté de vie même en cas de séparation

A/ En l’absence d’introduction d’instance
30531-16 – Se séparer sans divorcer n’exclut pas le jeu de l’article 215. – En cas de séparation de fait, les époux disposent de domiciles distincts. Pour autant, la jurisprudence estime que la protection du logement de la famille ne cesse qu’avec le mariage889, et qu’en conséquence l’article 215, alinéa 3 du Code civil trouve à s’appliquer en cas de mutation. Mais, alors que toute communauté de vie a, par hypothèse, disparu, comment déterminer lequel des deux domiciles constitue le logement de la famille ? Question insoluble pour le praticien, seul un juge pouvant apporter la réponse.
B/ Dans le cas où une procédure est introduite
I/ Point de vue traditionnel de la jurisprudence
30531-17 – En cas de procédure. – Qu’il s’agisse d’un divorce ou d’une séparation de corps, la jurisprudence admettait, sur le fondement d’un arrêt de la Cour de cassation du 16 mai 2000, que le logement de la famille était constitué par la dernière habitation où vivaient les époux au moment de l’introduction de l’instance890. Cette position était justifiée par une présomption : si les époux venaient à se réconcilier, on pouvait légitimement penser que c’est à cet endroit qu’ils reprendraient la vie commune. À l’époque de cette jurisprudence, la Cour de cassation se fondait sur la date de l’ordonnance de non-conciliation.
II/ Ombres et doutes depuis la réforme de la procédure
30531-18 – Un point de vue peut-être indirectement fragilisé. – Mais depuis la réforme de la procédure de divorce, introduite par la loi du 23 mars 2019 de programmation et de réforme pour la justice, il n’existe plus d’audience de non-conciliation. Faut-il dès lors retenir la date de la nouvelle audience d’orientation et sur mesures provisoires (AOMP) ? Ou celle de l’assignation ? La question, à ce jour, demeure sans réponse. Pis encore, une nouvelle incertitude pourrait s’être fait jour.
30531-19 – Flou sur le contenu de l’AOMP. – Voulant raccourcir « quoi qu’il en coûte » les délais d’instance, la réforme de 2019 fait planer un doute sur la portée de l’AOMP. Ce problème, source de potentiels contentieux, a été relevé par Mme Ferré-André891. Il peut être ainsi énoncé :

avant cette réforme, le juge devait, dès lors qu’il autorisait les époux à résider séparément, statuer sur le sort du logement familial selon les règles applicables en matière de divorce892. En outre, la loi no 2004-436 du 26 mai 2004 faisait obligation au juge de préciser, lors de la tentative de conciliation, le caractère gratuit ou non de cette occupation durant l’instance893, ce qui avait mis fin aux incertitudes de la jurisprudence sur ce point894 ;

la réforme de 2019, qui s’applique à toutes les procédures introduites depuis le 1er janvier 2021, a procédé à deux importantes modifications. D’une part, le juge aux affaires familiales n’est plus tenu de prendre des mesures provisoires si celles-ci ne lui sont pas demandées. Certes, la plupart des avocats ont continué à les requérir ; mais ce qui était autrefois un indispensable réflexe n’est aujourd’hui qu’une précaution facultative. D’autre part, et jusqu’à la clôture de la mise en état, il est loisible à l’un des époux de se raviser et de demander que des mesures provisoires soient prescrites.

S’agissant du logement de la famille, ces modifications induisent deux déficits de sécurité juridique. D’une part, l’AOMP ne permet plus de déterminer le logement de la famille qui, à notre sens, pourrait fort bien être situé ailleurs que dans le dernier local dans lequel les deux époux ont résidé ensemble. D’autre part, et cela est plus grave, si le juge prescrit, a posteriori, des mesures provisoires rétroactives, un bien que l’on n’aurait pas considéré comme le logement familial pourrait-il rétroactivement le devenir, exposant son aliénation par un époux seul à une annulation a posteriori ?
30531-20 Ces interrogations, sources de tensions sinon de contentieux, et qui sont susceptibles de rejaillir sur les tiers, posent très directement une question en apparence simple : l’article 215, alinéa 3 du Code civil conserve-t-il un sens quand la vie de famille n’est plus, quand il n’existe clairement plus de communauté de vie895 (et ce, que la séparation soit de fait ou a fortiori de droit) ? Dès lors, et a fortiori dans le nouveau cadre procédural, l’application de l’article 215, alinéa 3 ne devrait-elle pas être commandée ou écartée en fonction de l’existence ou de la cessation effectives de la communauté de vie ? Ces critères ne constitueraient-ils pas un repère plus idoine pour juger de l’applicabilité du dispositif, plutôt que l’existence d’un mariage de papier, qui, dans les pires contextes, favorise d’âpres moyens de pression896 ?

Sous-section III – Toute forme d’habitat est dans le spectre

30531-21 – Limitation à l’immeuble ? – Si les limites rationae temporis du périmètre d’application de l’article 215, alinéa 3 du Code civil sont difficiles à cerner, il en est de même rationae materiae, quant aux biens concernés. Certains auteurs et praticiens considèrent de manière un peu instinctive que le logement visé par le dispositif ne peut être qu’un immeuble bâti. Mais, à bien y regarder, rien de tel n’est posé comme limite dans le libellé de la disposition, laquelle au contraire prend soin d’adopter une formulation particulièrement large : les « droits par lesquels est assuré le logement de la famille ». D’ailleurs, l’alinéa 2 de l’article commence par énoncer que les époux fixent d’un commun accord le lieu où sera fixée la résidence de la famille. Sous la seule réserve d’un consensus commun, ce choix est totalement libre ; et comme l’indique Mme Karm, c’est le « choix commun d’un mode de vie : environnement rural, citadin voire nautique, maison, appartement voire péniche ». Dès lors, nous inclinons à penser qu’une péniche, une caravane, un mobil-home, une yourte ou une tiny house ne peuvent être exclus du bénéfice de l’alinéa 3, puisque rien dans l’alinéa 2 ne cantonne le domaine du logement familial à la seule sphère immobilière897. La mutation de tels biens par un conjoint marié nous semble donc être soumise au respect du processus édicté par l’article 215, alinéa 3 du Code civil, si toutes autres conditions en sont remplies par ailleurs.

Sous-section IV – L’éventail très large des actes visés

30531-22 La protection de l’alinéa 3 de l’article 215 du Code civil s’étend à un nombre considérable d’opérations. Et en cela, elle n’est pas forcément focalisée sur les seuls actes de mutation de la propriété. À l’appui d’une logique parfois contestée, la jurisprudence l’a peu à peu étendue à des décisions qui ne constituent pas à proprement parler des actes de disposition.

§ I – Les baux

30531-23 – Résiliation de bail. – L’article 215, alinéa 3 du Code civil vise bien « les droits par lesquels est assuré le logement de la famille », ce qui recoupe donc également les droits de jouissance conférés par un bail d’habitation. Ainsi, lorsque c’est au moyen d’un bail que la famille assure son logement, aucun des époux ne peut le résilier unilatéralement : les tribunaux, sous le visa de cet article, ont ainsi déclaré le congé donné par un époux seul inopposable à son conjoint898, les deux demeurant en outre solidairement tenus au paiement du loyer899. Et formant le pendant en matière locative de qui se vérifie en matière de propriété, l’alinéa premier de l’article 1751 du Code civil insiste, en confirmant par ailleurs qu’il en est ainsi même si le bail a été conclu avant mariage par un seul des membres du couple : même dans un tel cas, le droit au bail est bien réputé appartenir aux deux époux et aucun ne peut en disposer sans l’autre, de la même manière qu’un époux ne peut disposer de la propriété du logement sans l’aval de son conjoint, quand bien même cette propriété lui reviendrait à titre personnel.
30531-24 L’articulation entre les deux textes n’est cependant pas parfaite, puisque l’article 1751, à la différence de l’article 215, s’applique également aux partenaires (depuis sa réforme par la loi Alur)900 et ne s’applique que si le bail concerne exclusivement un local d’habitation (à l’exclusion donc d’un bail mixte).

§ II – L’hypothèque, le cautionnement, le nantissement

30531-25 – Sûretés réelles. – De manière constante, doctrine901 et jurisprudence902 ont toujours considéré que consentir une sûreté réelle était un acte de disposition, puisque c’était s’exposer à la perte du bien du fait de sa potentielle saisie, en cas de défaillance au remboursement de la dette. Dès lors, appliquée aux droits par lesquels est assuré le logement de la famille, ladite sûreté est subordonnée au consentement exigé par l’article 215, alinéa 3 du Code civil. Il en sera ainsi pour une hypothèque conventionnelle, comme pour un « cautionnement hypothécaire » (ou plutôt sûreté réelle conventionnelle consentie par un tiers, depuis l’ordonnance no 2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés).
30531-26 – Cautionnement. – En revanche, et c’est l’occasion de rappeler leur incomparable gravité, les engagements souscrits dans le cadre d’un cautionnement ne sauraient être contestés dans leur validité du simple fait qu’ils auraient fait porter une menace sur le logement de la famille sans obtenir au préalable le consentement du conjoint. La Cour de cassation a en effet considéré903 qu’un époux, « en prenant le risque dans son engagement de caution » d’une prise d’inscription d’hypothèque judiciaire sur le logement de la famille, même si celui-ci constitue le seul bien susceptible de constituer le gage du créancier, ne fait pas un acte de disposition au sens de l’article 215, alinéa 3 du Code civil904.
30531-27 – Critique. – C’est là sans doute un témoignage flagrant de l’extension à bords flous, et à géométrie quelque peu variable, que conduit la construction prétorienne progressivement mise en place autour du périmètre d’application de l’article 215, alinéa 3 du Code civil. En effet, la même cour, pour les mêmes causes, parvient en matière de constitution d’hypothèque à des conclusions diamétralement opposées905. Elle étend le dispositif aux actes contenant cette constitution, qui selon elle, sans emporter d’emblée disposition des droits par lesquels est assuré le logement familial, comportent le risque de priver à terme la famille de son logement. Extension d’autant plus contestable, selon une doctrine autorisée906, qu’elle aboutit à un résultat paradoxal : celui qui s’engage de façon ciblée sur un bien est plus surveillé que celui qui met en jeu la totalité de son patrimoine de manière illimitée, y compris donc le même bien. La protection privilégiée du logement s’accorde mal avec la volonté de sauvegarder la capacité globale de crédit, ainsi que nous le verrons plus loin.
30531-28 – Quid du nantissement des titres d’une société détenant le logement ? – Inversement, le nantissement des titres d’une société, dont les deux époux ou l’un d’eux seraient les membres, et qui détiendrait le bien assurant le logement de la famille, doit-il recueillir le consentement des deux (même si lesdits titres appartiennent à un seul), puisque potentiellement il s’agirait bien toujours de disposer des « droits par lesquels est assuré le logement de la famille » ? A priori, la réponse est négative, sur le fondement de la jurisprudence relative au logement de fonction : la cession des parts de la société accompagnée de la démission du gérant ne nécessite pas le consentement prévu à l’article 215, alinéa 3 du Code civil, même lorsque ces opérations entraînent l’obligation pour la famille de libérer le logement que la société mettait à la disposition du cédant, gérant démissionnaire, à raison de ses fonctions. La décision rendue en matière de cession de titres devrait donc a fortiori conduire à exclure également le simple nantissement de titres.
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Doute subsistant. À notre sens, un doute subsiste cependant. Cette jurisprudence peut-elle être étendue au cas d’une société purement patrimoniale, sans support d’activité professionnelle, et dont l’objet serait précisément la détention de l’immeuble formant le logement familial ? Dans un tel cas (qui recouvre celui, très classique, de la SCI support de patrimoine familial), la cession des titres ne devrait-elle pas être vue comme un vecteur de disposition des droits par lesquels est assuré le logement de la famille ? Faudrait-il alors se livrer à une analyse du bilan de la société, pour déterminer si la mutation des titres engage ou non le respect du processus prévu à l’article 215, alinéa 3 du Code civil ? Des commentaires de M. Champenois, une réponse négative semblerait s’extraire. Ce dernier précisait en effet que « la solution contraire, celle qui assurerait la primauté de l’article 215, conduirait à faire intervenir une règle du régime matrimonial primaire dans un domaine qui n’est pas normalement le sien : celui de la vie des affaires, du fonctionnement d’une société, et, accessoirement, de la liberté d’exercice d’une activité professionnelle ». Un éclaircissement partiel nous parvient des décisions plus récemment rendues en matière de vente du logement par une société (bien qu’il s’agisse d’une hypothèse par définition différente) dont, nous allons le voir, le principe n’est pas soumis à l’article 215, alinéa 3, sauf exceptions.

§ III – Les actes conservatoires ou d’administration

A/ Une conception étendue du dispositif de protection du logement
30531-30 – Disposer du logement n’est pas nécessairement accomplir un acte de disposition. – Comme l’a fort bien résumé un auteur, il est possible « d’attenter au logement de la famille, somme toute, par bien moins que par la disposition du droit qui l’organise »909. La Cour de cassation a, en effet, adopté une acception fort extensive de l’article 215, alinéa 3 du Code civil. L’illustration culminante en est sans doute la censure dont elle a frappé la simple résiliation du contrat d’assurance du logement familial par l’époux propriétaire910. On en déduit que la cogestion imposée par l’article 215, alinéa 3, serait l’impératif suprême au sein du régime primaire, supplantant même son voisin, l’article 220, conçu quant à lui pour attribuer à chaque époux le pouvoir de conclure seul les contrats intéressant l’entretien du ménage.
B/ Extension qui n’est toutefois pas homogène
30531-31 La jurisprudence n’est cependant pas toujours univoque en la matière, et deux limites importantes subsistent.
I/ Disharmonies jurisprudentielles
30531-32 Ainsi que cela a été relevé911 à l’occasion du commentaire de l’arrêt de 2004, l’application de l’article 215, alinéa 3 du Code civil ne recoupe pas une parfaite unanimité, et ce au sein même de la Cour de cassation. La première et la deuxième chambres civiles en font application respectivement pour sanctionner bail et cautionnement hypothécaire d’une part, et résiliation d’assurance d’autre part. Mais la troisième chambre civile, quant à elle, est plus restrictive, niant l’application de l’article 215, alinéa 3 à certaines garanties ne constituant pas un acte de disposition912, telles qu’une promesse de cautionnement hypothécaire. Toutefois, et c’est le plus décisif, l’argumentaire s’oppose clairement à celui des deux autres chambres, partisanes d’une compétence de l’article bien au-delà de la summa divisio distinguant actes de disposition et d’administration.
II/ Garde-fous et limites
30531-33 – Article 215 versus article 217. – Tout d’abord, l’article 215, alinéa 3 du Code civil peut dans certains cas succomber devant l’application d’un autre dispositif du régime primaire : celui de l’article 217 du même code. La Cour de cassation a jugé en 2009913 que même si cette protection du logement de la famille doit perdurer en dépit de la fin de la vie commune des époux, et y compris après l’introduction d’une instance en divorce, elle ne constitue pas pour autant un obstacle à l’autorisation judiciaire de vendre ledit logement sollicitée par l’époux propriétaire, sur le fondement de l’article 217 du Code civil ; et ceci, alors même que la jouissance de ce logement avait fait l’objet d’une attribution au profit de l’autre époux, aux termes de l’ordonnance de non-conciliation. Le seul critère à prendre ici en considération est l’intérêt de la famille. Si la vente souhaitée y apparaît conforme, elle doit être autorisée.
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30531-35 – Nécessité d’un intérêt pour agir en annulation. – La notion d’intérêt supérieur de la famille est à la racine d’une deuxième limite à l’application de l’article 215, alinéa 3 du Code civil. L’époux qui s’opposait sur ce fondement à la vente du logement appartenant à son conjoint, et sollicite pour cette raison la nullité de l’acte par lequel il en a disposé, doit justifier d’un intérêt né et actuel pour agir en ce sens916. De la sorte, lorsque le logement a perdu son affectation au jour de l’acte de disposition, l’action en nullité perdant sa raison d’être, l’action ne peut aboutir. Ainsi lorsqu’une épouse a déjà quitté le logement concerné au jour de sa demande en annulation, elle n’a, alors, aucun intérêt à agir917. Justifier du caractère familial du logement au moment où il a été disposé de celui-ci ne suffit donc pas : encore faut-il que ce caractère demeure au moment d’agir contre l’acte emportant cette disposition918.
30531-36 – Conclusion. Transition. – Le régime de protection du logement familial présente, en particulier pour un non-juriste, quelques subtilités délicates à appréhender. Les limitations évoquées nécessitent une intervention judiciaire, ce qui n’est pas synonyme de prévisibilité. Cette situation, néfaste en termes de sécurité juridique, s’est compliquée dans les dernières années au point de venir, de notre point de vue, trahir ou, a minima, brouiller l’objectif du texte.

Section II – D’importantes pertes de cohérence

30531-37 L’objectif poursuivi par l’article 215, alinéa 3 du Code civil est directement lié à la volonté de pérenniser le logement familial. Il s’agit de mettre à l’abri ceux qui ont besoin de l’occuper. Un tel tempérament à la toute-puissance du propriétaire ne se justifie qu’au regard de l’intérêt général que présente cette protection. Or, l’étude de la jurisprudence la plus récente permet de constater des résultats pour le moins surprenants au regard de cet objectif protecteur. L’application du texte a en effet été exclue dans des situations où chacun pouvait pourtant reconnaître une indéniable communauté de vie, un logement présentant clairement un caractère familial, et des actes emportant une disposition grave et définitive.

Sous-section I – La vente de la nue-propriété du logement

30531-38 – Distinction selon le caractère réversible ou non de l’usufruit. – À l’évidence, la vente d’un droit de jouissance sur le logement (usufruit, droit d’usage et d’habitation, ou tout autre droit réel de jouissance spéciale) implique le consentement du conjoint. En revanche, une doctrine majoritaire, mais non unanime919, considérait que la vente de la seule nue-propriété, avec réserve d’usufruit en faveur du vendeur, pouvait être consentie par l’époux propriétaire sans intervention de son conjoint au titre de l’article 215, alinéa 3 du Code civil. La solution se justifiait par la préservation de la jouissance du logement grâce à l’usufruit réservé au vendeur. Cette position avait été admise par les juridictions du fond920, dans une espèce où l’usufruit réservé avait vocation à bénéficier au survivant des époux. La Cour de cassation, quant à elle, annule la vente consentie sans le consentement du conjoint, dès lors que la réserve d’usufruit était stipulée au profit du seul époux propriétaire921. Cette jurisprudence laisse conjoints et praticiens perplexes, au regard de ce que la même cour décida beaucoup plus récemment en matière de donation de la nue-propriété.

Sous-section II – La donation de la nue-propriété du logement

30531-39 – Une inexplicable différence de traitement. – La donation avec réserve d’usufruit est l’une des stratégies d’anticipation successorale les plus courantes, et concerne fréquemment le logement du ou des donateurs, élément central, voire unique, de leur fortune. Nous avons exposé comment les tribunaux, de longue date, censuraient les ventes de la nue-propriété du logement réalisées sans l’accord du conjoint non propriétaire, dans le cas où l’usufruit réservé n’était pas réversible sur la tête du conjoint du vendeur. On peut donc nourrir une certaine incompréhension de voir aujourd’hui fleurir une position contraire, en matière de donation. On perçoit mal en effet ce qui justifie ici le fait que l’absence d’usufruit successif ne soit pas considérée comme un obstacle, si elle l’est en matière de transfert à titre onéreux. C’est pourtant le point de vue qu’a adopté par la Cour de cassation922.
30531-40

Sous-section III – La vente du logement détenu par une personne morale

30531-41 – Exclusion de principe. – Une personne morale est dotée d’une personnalité autonome et distincte de celle de ses membres ; dès lors, la Cour de cassation estime que la vente du logement détenu par une personne morale n’est pas concernée par le dispositif protecteur résultant de l’article 215, alinéa 3 du Code civil927.
30531-42 – Exceptions liées à une décision de la société. – Le respect de la cogestion imposée par l’article 215, alinéa 3 du Code civil peut reprendre vigueur en présence d’un mécanisme juridique volontairement créé par la personne morale. Dans un arrêt remarqué en date du 14 mars 2018928, les hauts magistrats ont posé clairement les termes du débat, en indiquant que deux conditions cumulatives, fort bien observées par notre confrère Nicolas Randoux929, doivent être réunies pour que le dispositif protecteur s’applique malgré l’écran de la personne morale, lorsque le logement familial appartient à une société dont au moins l’un des deux époux est associé :

d’une part, cet époux a été autorisé à occuper le bien en raison d’un droit d’associé ou d’une décision prise à l’unanimité des membres, dans les conditions prévues aux articles 1853 et 1854 du Code civil ;

d’autre part, le couple doit jouir du bien social à titre de logement familial au moyen d’un bail, d’un droit d’habitation ou d’une convention de mise à disposition, résultant ainsi des statuts ou d’une décision collective des associés.

30531-43 – Doute lancinant. – La clarté de cette décision nous renseigne sur le cas de la vente des murs par la société, dont l’article 215, alinéa 3 du Code civil est par principe évincé, sauf réunions des conditions de l’exception. Mais il demeure une pénible hésitation déjà témoignée supra, relative à une hypothèse différente : la cession de la totalité (ou d’un bloc majoritaire décisif) des titres composant le capital d’une telle société serait-elle soumise à la cogestion, comme étant un acte de disposition des droits par lesquels est assuré le logement ? À la section précédente, nous avons vu, à l’appui d’un arrêt de cassation remontant au 4 octobre 1983 et des commentaires éclairés l’ayant accompagné, que prédominait le raisonnement selon lequel « une règle du régime matrimonial primaire ne devait pas interférer dans un domaine qui n’est pas le sien, celui de la vie des affaires et du fonctionnement d’une société ».
Mais vendre les titres d’une société, est-ce influer sur son fonctionnement ? A priori non : céder des parts, en soi, ne modifie en rien les mécanismes statutaires, et seule la composition capitalistique s’en trouvera mise à jour.
D’autre part, le professeur Vivien Zalewski-Sicard930 fait bien ressortir que l’arrêt de 1983 s’était trouvé contredit par un autre, rendu par la même cour, dès 1986 : comme vu plus haut, le premier énonçait un principe selon lequel le conjoint du dirigeant ne doit pas se voir reconnaître un droit de regard sur les affaires sociales ; son consentement n’étant pas requis pour la vente de l’immeuble social où se situe le logement de la famille, pareille aliénation étant présumée conforme à l’intérêt de la personne morale dont le conjoint n’a pas à se faire juge. Mais le second, dans un élan forçant le praticien à un désagréable grand écart, précisait que le conjoint du dirigeant doit donner son consentement à l’aliénation de l’immeuble social abritant le logement familial si une telle occupation découle d’une autorisation donnée par ce même dirigeant, ce qui revient bien à reconnaître au conjoint un droit de regard sur les opérations de la société. Où se situe donc la vérité ?

Sous-section IV – Aliénations du logement sollicitées par les créanciers

30531-44 – Pas d’aliénation volontaire, pas de cogestion. – Seules les mutations volontaires sont soumises à cogestion. Aussi, tandis que le partage volontaire portant sur le logement familial nécessite le consentement du conjoint selon l’article 215, alinéa 3 du Code civil, les créanciers personnels d’un époux indivisaire peuvent forcer le partage d’une indivision comprenant ce logement, ou encore sa licitation931, sans avoir à obtenir un tel consentement. Cela répond à une évidence : comment imaginer obtenir le consentement du conjoint en pareils cas932 ? D’une manière générale, les décisions subies par les époux échappent au double consentement de l’article 215, alinéa 3. En réalité, elles échappent à tout consentement, et ne répondent qu’à l’initiative des créanciers. Le principe est clairement et constamment retenu en jurisprudence depuis 1977, date à laquelle la Cour de cassation a admis la vente forcée du logement familial par le liquidateur judiciaire des biens de l’époux qui en était l’unique propriétaire933. Il en est ainsi dans toutes les hypothèses de mutation où le conjoint débiteur est dessaisi de la libre disposition de ses biens, ce qui conduit le praticien à d’importantes distinctions selon le type de procédure collective (liquidation ou redressement), et le périmètre de la mission (représentation ou simple assistance) confiée à l’administrateur judiciairement nommé934.

Le créancier est-il plus légitime que le propriétaire ?

L’article 215, alinéa 3 du Code civil se veut un outil de protection du logement familial. Comparons pourtant ces conclusions, liées à la sauvegarde des intérêts économiques des créanciers, à celles retenues en cas de séparation du couple. Dans cette situation, la vente d’un logement nécessite l’accord du conjoint, en considération d’une éventuelle reprise de la vie commune, très hypothétique lorsque le conjoint et les enfants vivent ailleurs depuis longtemps. On ne peut que constater que les intérêts des créanciers sont mieux protégés que ceux de l’époux propriétaire, quand bien même ce dernier aurait assumé seul le prix de son logement en présence d’une famille désunie depuis parfois longue date.
30531-45 – Pas de décision à deux, mais information aux deux. – Petit « rattrapage » par l’ordonnance no 2006-461 du 21 avril 2006 : lorsque la saisie porte sur un immeuble appartenant en propre à l’époux débiteur, mais affecté au logement de la famille, le créancier saisissant doit notifier le commandement de payer valant saisie au conjoint de son débiteur, au plus tard le lendemain de la signification de l’acte935. À défaut, il subira la caducité du commandement de payer valant saisie. Le caractère reconnu comme spécialement sensible du logement familial aura donc une fois encore conduit à une règle d’exception, substituant à l’inconcevable cogestion d’une décision subie la pondération d’une co-information, assortie d’une sanction qui en elle-même constitue une certaine protection pour les occupants.
30531-46 – Incertitudes sur la renonciation à l’insaisissabilité du logement… – Nous ferons ici largement renvoi aux travaux de cette Commission figurant en première partie. Sur le sujet de la cogestion induite par l’article 215 du Code civil, rappelons que l’entrepreneur individuel, afin d’obtenir du crédit en rassurant ses financeurs, peut renoncer à l’insaisissabilité légale de la résidence principale, au bénéfice d’un créancier936. Lorsque cet entrepreneur est marié, et quand bien même ce logement serait son exclusive propriété, peut-il consentir à cette renonciation à l’insaisissabilité du logement sans l’accord de son conjoint ? La loi est silencieuse à cet égard, comme le constate la doctrine937.
… comme sur la renonciation à la séparation des patrimoines. De même, la loi Griset du 14 février 2022938 institue d’office pour tout entrepreneur individuel un patrimoine personnel et un patrimoine professionnel, chacun formant le gage autonome des deux catégories potentielles de créanciers : ceux qui auront soutenu l’exploitation, d’un côté, et ceux qui auront favorisé le fonctionnement domestique, de l’autre. Mais, comme précédemment, elle autorise l’entrepreneur à renoncer à cette séparation. Il semble même acquis que la renonciation à l’étanchéité patrimoniale peut être doublée d’une renonciation à l’insaisissabilité légale de la résidence principale qui, sans cela, subsisterait. Quid, en ce cas, de l’application de l’article 215, alinéa 3 du Code civil ? En l’absence de jurisprudence, le praticien reste bien seul :

faut-il lire entre les lignes de l’article L. 526-3 du Code de commerce, lorsqu’il ne renvoie pas aux règles du statut matrimonial de base ? Ce silence, comme celui de la loi Griset en matière de renonciation à la scission des deux patrimoines, serait-il le signe d’une volonté de faire prévaloir l’exclusivité des pouvoirs de l’entrepreneur individuel sur sa trajectoire professionnelle, qu’il soit marié ou non ? Faut-il donc considérer que les proches de l’entrepreneur défaillant doivent eux aussi voir leur environnement brisé par les retombées de sa destinée funeste ?

ou faut-il au contraire prendre en compte la gravité de l’acte de renonciation, susceptible de mettre en péril le logement de toute une famille ? Et trouver anormal que le fait pour un époux d’être un professionnel indépendant suffise à lui permettre de contourner impunément l’un des sommets du régime primaire impératif ?

30531-47 Dans une récente étude939, la Fédération nationale Droit du patrimoine (FNDP) préconise de s’en référer à l’esprit du texte, conduisant à privilégier l’application de l’article 215, alinéa 3 du Code civil. Elle suggère donc au créancier bénéficiaire de la renonciation de se prémunir contre le risque d’une revendication en nullité, en sollicitant l’intervention du conjoint de l’entrepreneur débiteur, lorsque la renonciation concerne le logement familial.

En toute chose, il faut considérer la fin

Il nous semble essentiel de redonner sa cohérence d’ensemble à un dispositif dont la raison d’être est la garantie d’une protection rapprochée du logement, propre à en assurer la pérennité. À cet effet, seul un retour à l’esprit du texte de l’article 215, alinéa 3 du Code civil devrait être la boussole à ne plus perdre de vue. C’est à ce prix que l’on évitera la multiplication d’impératifs contradictoires : ceux qui amènent parfois à constater que la protection du logement de la famille s’avère bien précaire alors que la famille est unie et que les événements sont fortuits ou subis (décès ou faillite), et ceux qui font de la protection un inconfortable carcan susceptible d’engendrer bien des abus dans un couple qui s’est déjà autodétruit.

869) Les seules bornes, autres que celles de l’imagination, étant celles de l’ordre public et des bonnes mœurs.
870) Il s’agit des articles 212 à 226 du Code civil, au sein du titre V du livre 1er dudit code, livre qui traite « Des personnes ».
871) L. no 65-570, 13 juill. 1965 portant réforme des régimes matrimoniaux.
872) Comme l’indique Mme Karm, l’ensemble du corpus que constitue le régime primaire impératif constitue des règles de pouvoir, non de propriété. Et celle de l’article 215 est sans doute la plus manifeste des atteintes au droit de propriété (travaux avec l’équipe du 119e Congrès des notaires de France, 3e commission, Paris, févr. 2022).
873) Pareille singularité se vérifie d’ailleurs également, tout aussi étonnamment mais sur un autre registre, en droit communautaire, par exemple au sein des règlements européens relatifs à la loi applicable à la succession (Règl. no 650/2012) ou à la loi applicable au régime matrimonial (Règl. no 2016/1103), qui fondent le paramètre objectif de résolution des conflits de lois sur la notion de « résidence habituelle » – du défunt ou du couple selon le cas –, sans jamais les assortir d’une définition juridique. Peut-être la réalité supporte-t-elle mal l’encadrement dans un standard juridique ; y aurait-il autant de logements que de familles ?
874) JCl. Notarial Répertoire, Vo Mariage, fasc. 190, par A. Karm.
875) J. Carbonnier, Droit civil, La famille, PUF, coll. « Thémis Droit privé », 20e éd., 1999, no 55.
876) R. Dupuis-Bernard, Réflexions autour de l’article 215 du Code civil, Journées Notariales du Patrimoine 2021 : JCP N 2021, no 51-52, 1358.
877) A. Karm, op. cit., no 7.
878) J. Flour et G. Champenois, Les régimes matrimoniaux, Armand Colin, 2001, no 123, p. 113.
879) V., pour une illustration ancienne, Cass. 1re civ., 22 mars 1972, no 70-14.049 : JurisData no 1972-000093 ; JCP N 1972, II, 17182 bis, note J.A. ; Bull. civ. 1972, I, no 93, p. 82.
880) Cass. 1re civ., 12 févr. 2014, no 13-13.873 : Bull. civ. 2014, I, no 25, p. 24 ; JurisData no 2014-002131. Bien qu’il faille préciser que la décision a été rendue non pas pour l’application de l’article 215 du Code civil, mais pour celle de son article 21-2, qui est elle aussi impactée en matière d’accès à la nationalité française (V. infra).
881) V. JCl. Notarial Formulaire, Vo Régimes matrimoniaux, fasc. 20, par M. Mathieu et V. Zalewski.
882) J. Patarin et G. Morin, La réforme des régimes matrimoniaux, t. I, Defrénois, 4e éd., 1977. – M. Grimaldi, Le logement et la famille : Defrénois 1983, art. 33120, p. 1025, note 52.
883) CA Paris, 31 août 2005 : JurisData no 2005-287306 ; Dr. famille 2006, comm. 62, obs. B. Beignier. L’auteur du commentaire y observe que : « La notion de “logement de la famille” est une notion de pur fait. Il est constitué par l’ensemble qui constitue le cadre de vie d’une famille (principal et accessoire). La décision rapportée semble être une illustration unique d’un tel cas ».
884) Cass. 1re civ., 19 oct. 1999, no 97-21.466 : JurisData no 1999-003618 ; Bull. civ. 1999, I, no 284 ; JCP G 2000, I, 245, no 4, obs. G. Wiederkehr ; Dr. famille 2000, comm. 42, B. Beignier.
885) V. JCl. Notarial Formulaire, op. cit., no 14.
886) Cass. 1re civ., 8 juin 1999, no 97-15.520 : JurisData no 1999-002431 ; Dr. famille 1999, 110, 1re esp., note Lécuyer ; Defrénois 1999, 1256, obs. Massip.
887) V. Cass. 2e civ., 22 avr. 1977, no 76-11.259 : JurisData no 1977-099104 ; D. 1978, inf. rap. 359. – CA Pau, 25 mars 1996 : JurisData no 1996-044285 ; JCP G 1997, IV, 113.
888) R. Dupuis-Bernard, Réflexions autour de l’article 215 du Code civil, citant J. Hauser, op. cit., no 9.
889) CA Colmar, 11 juin 1974 : Defrénois 1975, art. 30882, p. 379 ; D. 1975, 540, 2e esp. – CA Aix-en-Provence, 22 févr. 1982 : JCP N 1983, II, p. 58, obs. Ph. Rémy ; Defrénois 1982, art. 32972-109, p. 1649, obs. G. Champenois.
890) Cass. 1re civ., 16 mai 2000, no 98-13.441 : JurisData no 2000-002009 ; RJPF déc. 2000, note F. Vauvillé.
891) S. Ferré-André, Le notaire face à la déjudiciarisation du divorce, Journée de formation à l’Université Famille et Immobilier, Cannes, 9 mai 2022, et masterclass au 118e Congrès des notaires de France, L’ingénierie notariale, Marseille, 12-14 oct. 2022.
892) V. JCl. Divorce, fasc. 250 ou JCl. Civil Code, Art. 266 à 285-1, fasc. 30 ou JCl. Notarial Répertoire, Vo Divorce, fasc. 62. – Ch. Coutant-Lapalus, Le sort du logement de la famille en cas de séparation du couple : AJF 2008, p. 364.
893) JCl. Civil Code, Art. 296 à 304, fasc. unique, par C. Watine-Drouin et K. Garcia.
894) C. civ., art. 255, 4o.
895) Ou, pour employer une expression chère à S. Ferré-André, lorsque le « vif mariage » a cédé la place à un « mort mariage » ?
896) Tout notaire a déjà vu l’époux non propriétaire « échanger » son consentement selon l’article 215, alinéa 3 du Code civil contre diverses concessions à acter dans les conventions d’un divorce.
897) V. nos développements relatifs aux habitats alternatifs, relatant un accroissement de tels choix dans la pratique contemporaine.
898) Cass. 1re civ., 16 mai 2000, no 98-13.441 : JurisData no 2000-002009 ; D. 2000, inf. rap. 192 ; Defrénois 2000, 460, obs. Champenois.
899) Cass. 3e civ., 19 juin 2002, no 01-00.652 : JurisData no 2002-014866 ; Defrénois 2003, no 10, art. 37736, p. 672, note V. Brémond.
900) L. no 2014-366, 24 mars 2014.
901) V. par ex. C. Aubry et C. Rau, Droit civil français, t. VIII, § 496, no 28, texte et note 132.
902) Cass. 1re civ., 17 déc. 1991, no 90-11.908 : JurisData no 1991-003361 ; JCP N 1992, II, p. 373, note G. Wiederkehr ; Defrénois 1992, art. 35220-38, p. 396, obs. G. Champenois ; JCP G 1982, IV, 48.
903) Cass. 1re civ., 1er juill. 1986 : Bull. civ. 1986, I, no 191 ; JCP N 1987, prat. 115.
904) V. JCl. Notarial Formulaire, op. cit., no 14.
905) Cass. 1re civ., 20 janv. 2004, no 02-12.130 : JurisData no 2004-021843 ; Bull. civ. 2004, I, no 21 ; D. 2004, p. 2178, note F. Bicheron ; AJF 2004, p. 105, obs. S. Deis-Beauquesne ; RJPF mai 2004, no 20, obs. F. Vauvillé ; Defrénois 2005, art. 38149, p. 710, obs. G. Champenois.
906) A. Karm, op. cit., no 7.
907) Cass. 1re civ., 4 oct. 1983, no 82-14.093 : JurisData no 1983-702295 ; JCP N 1985, II, p. 150, obs. Y. Chartier ; Defrénois 1983, art. 33180, p. 1595-132, obs. G. Champenois.
908) Dans son commentaire, M. le Professeur Chartier (obs. préc.), indiquait que « décider le contraire supposerait d’admettre que [le bénéficiaire du logement de fonction], ne pouvant quitter son logement sans l’accord de son conjoint, ne pourrait davantage sans ce même accord résilier sa fonction – ce qui constituerait une grave atteinte à sa liberté ».
909) RTD civ. 2001, p. 417-1, chron. B. Vareille.
910) Cass. 2e civ., 10 mars 2004, no 02-20.275 : JurisData no 2004-022729 ; Bull. civ. 2004, II, no 100 ; AJF 2004, p. 188, obs. F. Bicheron ; D. 2004, p. 2257, obs. V. Brémond ; Defrénois 2004, art. 38043, p. 1462, obs. G. Champenois ; RTD civ. 2004, p. 270, obs. J. Hauser ; Dr. famille 2004, comm. 64, obs. V. Larribau-Terneyre ; RTD civ. 2004, p. 538, obs. B. Vareille ; RJPF juin 2004, no 23, obs. F. Vauvillé ; D. 2004, p. 2963, obs. D. Vigneau ; JCP G 2004, I, 176, no 3, obs. G. Wiederkehr.
911) V. Larribau-Terneyre, La résiliation du contrat d’assurance du logement familial relève de l’article 215, alinéa 3 : Dr. famille mai 2004, no 5, comm. 64.
912) Cass. 3e civ., 29 mai 2002 : JurisData no 2002-014496 ; Defrénois 2002, p. 1317, obs. G. Champenois.
913) Cass. 1re civ., 30 sept. 2009, no 08-13.220 : JurisData no 2009-049663 ; Dr. famille 2009, comm. 150, obs. V. Larribau-Terneyre ; JCP N 2010, p. 1374, note J. Revel et V. Brémond.
914) Cass. 1re civ., 30 sept. 2009, no 08-13.220 : JurisData no 2009-049663.
915) V. Larribau-Terneyre, Où l’attribution de la jouissance du logement familial à titre provisoire ne fait pas obstacle à l’autorisation judiciaire de vente sur le fondement de l’article 217 du Code civil : Dr. famille 2009, comm. 150.
916) R. Dupuis-Bernard, Réflexions autour de l’article 215 du Code civil, op. cit., no 9.
917) Cass. 1re civ., 3 mars 2010, no 08-13.500 : JurisData no 2010-001109 ; Bull. civ. 2010, I, no 53 ; Dr. famille 2010, comm. 61, B. Beignier ; AJF 2010, p. 187, obs. F. Chénedé ; JCP N 2010, no 48, p. 43, note C. Lesbats.
918) V. Brémond, Protection du logement de la famille. La conformité de l’action en nullité de l’article 215, alinéa 3 du Code civil aux intérêts du conjoint demandeur : JCP N 2010, no 24, étude p. 1226. – L. Mauger-Vielpeau, La protection du logement familial : pas d’intérêt, pas d’action : D. 2010, p. 1608.
919) Ph. Malaurie et L. Aynès, Les régimes matrimoniaux, LGDJ, 4e éd., 2013. – M. Grimaldi, Le logement et la famille : Defrénois 1983, art. 33120. – Contra : J. Patarin et G. Morin, La réforme des régimes matrimoniaux, t. I, Defrénois, 4e éd., 1977.
920) TGI Paris, 16 déc. 1970 : D. 1971, somm. 61.
921) Cass. 1re civ., 16 juin 1992, no 89-17.305 : JurisData no 1992-002065 ; JCP N 1993, II, p. 109, note G. Wiederkehr et p. 280, note Y. Dagorne-Labbé ; Defrénois 1992, art. 35349-116, p. 1156, obs. G. Champenois.
922) Cass. 1re civ., 22 mai 2019, no 18-16.666 : JurisData no 2019-008400 ; Dr. famille 2019, comm. 178, note S. Torricelli-Chrifi ; Dr. famille 2019, étude 16, obs. D. Sadi.
923) C. civ., art. 764.
924) Sur ces points, nous renvoyons au détail figurant dans les développements de la première partie des travaux de la présente commission.
925) C. civ., art. 763.
926) S. Torricelli-Chrifi, Donation avec réserve d’usufruit et article 215, alinéa 3 : résistance vaine des juges du fond : Dr. famille 2022, no 10, comm. 145.
927) Un tel déficit de protection se vérifie d’ailleurs dans de nombreux domaines : juridiques (privation des protections accordées aux particuliers en droit de la vente immobilière, privation des droits d’habitation temporaire et viager en droit successoral, etc.) ou fiscaux (éviction de l’abattement de 30 % accordé sur la résidence principale en matière d’IFI, ou de celui de 20 % en matière de droits de succession…).
928) Cass. 1re civ., 14 mars 2018, no 17-16.482 : JurisData no 2018-003607 ; JCP N 2018, no 13, act. 345 ; Defrénois 2018, art. 135a0, p. 5 ; Defrénois 2018, art. 141b6, p. 30, obs. G. Champenois ; D. 2018, pan. « Droit des couples », p. 1111, no 4, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau ; JCP N 2018, 1261, obs. V. Perruchot-Triboulet ; JCP N 2018, 1301, obs. J.-P. Storck ; RTD civ. 2018, p. 469, obs. B. Vareille ; JCP G 2018, 554, no 2, obs. G. Wiederkehr.
929) N. Randoux, Logement familial détenu en société, quelles questions lors de la cession ? : JCP N 2018, 1275.
930) V. JCl. Notarial Formulaire, op. cit., no 14.
931) Lorsque le logement n’est pas aisément partageable en nature, de façon à pouvoir saisir la part de leur débiteur dans le produit de cette licitation. V. CA Paris, 2e ch., sect. B, 8 déc. 1995 : JurisData no 1995-024770.
932) A. Karm, op. cit., no 7.
933) Cass. 3e civ., 12 oct. 1977, no 76-12.482 : Bull. civ. 1977, III, no 345 ; D. 1978, p. 333, note Y. Chartier.
934) K. Lafaurie, La vente d’immeuble d’une personne placée en procédure collective : Sol. Not. 22 déc. 2022, no 42, inf. 12.
935) CPC ex., art. R. 321-1, al. 3.
936) C. com., art. L. 526-3, al. 2.
937) S. Lacroix-De Sousa et C. Lisanti, Logement familial : quelques clarifications sur l’article 215, alinéa 3 du Code civil : JCP N 2022, 1245.
938) L. no 2022-172, 14 févr. 2022, en faveur de l’activité professionnelle indépendante.
939) JCP N 2022, no 43, 1243 à 1246.
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