CGV – CGU

PARTIE I – Conserver son logement
Titre 2 – Les outils conventionnels
Sous-titre 1 – Les outils traditionnels

Chapitre II – Le logement à l’épreuve du décès

30295 Que signifie la volonté de pouvoir conserver son logement à l’horizon de son propre décès ? Elle équivaut à celle de vouloir étendre à autrui la protection qu’il représente. C’est le cas, en particulier, pour le logement qu’on a acquis ensemble, et que l’on a toujours imaginé constituer un abri pour « ceux qui restent »685. Les notaires ne cessent-ils pas de rappeler à leurs clients que le seul moment fiable pour anticiper efficacement les conséquences d’un décès, c’est maintenant, puisque demain n’a rien de certain ? Il faut donc agir au plus près de l’entrée du logement dans le patrimoine en mettant en place les mécanismes de sa conservation dans les mains de la personne qu’on aura voulu protéger. Ainsi, c’est au moment même de l’achat du logement, et non par la suite, que pourront se structurer les schémas de protection réciproque les plus efficaces entre ses codétenteurs. Nous en examinerons successivement deux. L’un fait appel au droit des contrats spéciaux ; c’est la clause dite « de tontine » (Section I). L’autre relève du droit des sociétés ; il s’agit de l’échange croisé d’usufruit sur droits sociaux (Section II).

Section I – La protection par le droit des contrats : la clause d’accroissement

30296 – Origine pluriséculaire. – La clause d’accroissement, ou tontine, bénéficie d’une histoire ancrée loin dans le temps : elle aurait été inventée par Lorenzo Tonti, banquier napolitain du XVIIe siècle. À l’époque contemporaine, elle a connu et connaît encore un certain succès dans les schémas d’ingénierie patrimoniale visant à protéger le survivant d’un couple d’acquéreurs, et tout spécialement d’un couple non marié. Ce succès se fonde principalement sur sa nature extra-successorale, qui permet à qui le souhaite de s’affranchir des règles de la réserve héréditaire ; il peut en outre présenter un certain attrait fiscal. Mais les forces de ce contrat spécial (Sous-section I) sont enfermées dans de strictes limites (Sous-section II).

Sous-section I – Les forces d’un contrat spécial

30297 La tontine n’a jamais été dépassée ni même égalée dans ses effets ; elle n’a donc jamais été frappée d’obsolescence.

§ I – Une idée toujours neuve

30298 – L’unique est à l’abri de l’usure. – Le pacte tontinier présente une utilité propre, et répond à un besoin réel. On peut en juger en considérant l’une des propositions de l’avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux, élaboré par la commission présidée par M. Stoffel-Munck. Au jeu, pari et rente viagère, déjà réglementés par le Code civil, la commission suggère d’ajouter la clause de tontine, et de regrouper l’ensemble en une catégorie nouvelle de conventions, les « contrats aléatoires par essence », tous dotés d’un régime commun686.
30299 – Un contrat à nul autre pareil. – Rappelons en quelques mots l’architecture de ce contrat sans équivalent. Dans le cadre d’une acquisition réalisée en commun par un couple (ou par plusieurs personnes), une clause stipule que chaque acquéreur sera réputé être le seul propriétaire du bien depuis l’origine, à condition d’être le dernier à survivre. L’édifice repose donc sur un double fondement : condition suspensive de la survie, condition résolutoire du prédécès. La rétroactivité des conditions suffit, dès lors, à faire le reste : le dernier vivant sera regardé comme seul et unique propriétaire depuis le jour de l’achat, et le prédécédé comme n’ayant jamais été investi de cette propriété. Il reste alors à apprécier les conséquences de la situation ainsi créée.
30300 – Un décès, pas de succession. – Laissons pour l’instant à part les droits de mutation à titre gratuit, au titre desquels la tontine a les honneurs d’un régime particulier. Civilement parlant, puisque le bien « coacquis » est réputé n’avoir jamais appartenu au premier décédé, le survivant n’a aucun compte à rendre à ses héritiers, ni à ses créanciers. Néanmoins, deux conditions de validité sine qua non sont posées pour la validité du pacte, l’une par la jurisprudence, et l’autre par la loi.
30301 – Condition classique : réalité d’un aléa. – L’avènement de la double condition évoquée doit être affecté d’un aléa réel. Si un élément concret de la situation des parties (trop grande différence d’âge ou d’état de santé, par exemple) laisse à penser que l’histoire était écrite d’avance, l’absence d’aléa peut amener à disqualifier le contrat, qui constitue alors une libéralité, avec toutes les suites juridiques et fiscales qui en découleront.
30302 – Condition nouvelle : l’effet rétroactif expressément formulé. – L’autre condition de validité d’une tontine est beaucoup plus récente. Depuis la réforme du droit des obligations opérée par l’ordonnance du 10 février 2016687, la réalisation d’une condition n’entraîne plus de plein droit un effet rétroactif688. Seule une formulation expresse, par laquelle les parties entendent conférer un effet rétroactif à leur convention, permet d’atteindre le résultat recherché par le recours à la tontine.
30303 Sous réserve de ces précautions, la clause d’accroissement déploie de puissants effets civils et fiscaux.

§ II – Un intérêt civil évident

30304 – Contraintes de la réserve. – La tontine protège le coacquéreur contre les droits réservataires que pourraient faire valoir les héritiers du prédécédé. Au même titre que l’assurance sur la vie, on ne peut en principe y détecter aucune libéralité ; il ne faut y voir que l’effet d’une convention passée, de son vivant, entre le défunt et son coacquéreur. Dès lors, aucune indemnité de réduction ne peut être due par le bénéficiaire final de la clause, qui ne saurait être assimilé à un donataire ou un légataire. Si l’on rappelle une fois de plus que, dans la structure générale des patrimoines français, le logement occupe une place largement dominante, on mesure tout l’intérêt que peut, dans certains cas, présenter l’acquisition du logement « en tontine ». Un legs, même consenti seulement en usufruit, ne parvient généralement pas à un résultat équivalent en terme de protection du coacquéreur690. De plus, et malgré leur particularisme, les effets fiscaux de la tontine suscitent un regain d’intérêt.

§ III – Un regain d’intérêt fiscal

30305 Bien que dotée d’un régime fiscal autonome, la tontine peut présenter un intérêt fiscal dans deux situations particulières.
A/ Régime fiscal de droit commun de la tontine
30306 – Une fiction fiscale. – Alors qu’en droit civil le dénouement d’une tontine n’est en rien une succession, le droit fiscal la taxe comme si elle en était une, soumettant aux droits de mutation à titre gratuit (DMTG) la valeur des droits transmis au(x) bénéficiaire(s) de la clause, selon le lien de parenté existant entre lui (eux) et le défunt (ou encore à 60 %, entre coacquéreurs sans aucun lien de parenté !). Le droit fiscal691 ignore donc l’effet rétroactif de la condition réalisée692.
30307 – Modeste exception en faveur de certains logements. – L’alinéa 2 de l’article 676 du Code général des impôts ménage, dans certains cas, la possibilité d’une moindre taxation, et remplace l’application du taux des DMTG par celui des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Mais les conditions à réunir à cet effet sont si draconiennes qu’elles sont rarement remplies. Le bien acquis en tontine doit non seulement constituer l’habitation principale commune (c’est-à-dire le logement) des parties au contrat, mais en outre représenter lors du premier décès une valeur inférieure à 76 000 €693.
B/ Intérêts fiscaux particuliers de la tontine
30308 Un intérêt relativement récent résulte des dispositions de la loi Tepa de 2007. Il ne doit pas faire oublier celui qui s’attache à stipuler une clause de tontine non dans l’acte d’acquisition d’un logement, mais sur les titres de la société qui l’acquiert, par une clause des statuts.
I/ Clause de tontine entre époux, partenaires, ou frères et sœurs vivant sous le même toit, acquérant ensemble leur logement
30309 – Un apport de la loi Tepa. – La loi dite « Tepa »694, entrée en vigueur en 2007, prévoit une exonération totale de droits de mutation à titre gratuit au sein des couples, et pour les frères et sœurs célibataires et vivant sous le même toit, répondant aux conditions de l’article 796-0 ter du Code général des impôts. De ce fait, les partenaires, ou les frères et sœurs célibataires qui décident d’acquérir un bien, par hypothèse leur logement commun, sous le bénéfice d’une clause de tontine sont assurés de pouvoir se transmettre l’entier logement sans aucune confrontation avec les autres ayants droit, les créanciers du défunt, ou le fisc. Cette nouvelle configuration leur est si favorable que la loi695 les autorise à opter pour le régime des DMTG plutôt que celui des DMTO, autrefois recherché mais maintenant privé de tout intérêt dans ce contexte.
II/ Clause de tontine dans les statuts d’une société acquérant le logement
30310 – Une solution pour les couples de concubins. – Le mélange tontine + société est une solution inscrite, mais en creux, dans les termes mêmes de l’article 754 A du Code général des impôts. En effet, en son alinéa premier, il ne vise que « les biens recueillis en vertu d’une clause insérée dans un contrat d’acquisition en commun ». Texte d’exception, son interprétation restrictive s’impose. De ce fait, la taxation aux DMTG prévue par ce texte n’est pas applicable lorsque la clause est insérée non pas dans le contrat d’achat en commun, mais dans les statuts d’une société qui, elle, procédera à l’acquisition. Une fois la réalisation de la double condition advenue, les droits sociaux objet de la tontine sont dévolus au tontinier survivant, l’opération ne pouvant donner lieu qu’aux seuls DMTO (soit 5 % en présence d’une société à prépondérance immobilière, 3 % sous bénéfice d’un abattement proratisé dans le cas contraire, voire 0,1 % dans le cas d’une société par actions).
30311 – Précautions à prendre. – Il convient d’écarter tout risque d’abus de droit fiscal (LPF, art. L. 64) ou de mini-abus de droit (LPF, art. L. 64-A). Sur ce point, nous renvoyons nos lecteurs au rapport du 118e Congrès, très détaillé sur ce point :
30312 – Précaution supplémentaire. – Nous ajouterons toutefois un seul aspect, qui nous semble essentiel. Il est relatif à la validité des décisions collectives qui devront intervenir, après sa constitution, au cours de la vie de la société. À cet égard, une résolution régulièrement adoptée en assemblée générale, du temps où les deux associés co-tontiniers étaient bien vivants, pourrait-elle être remise en cause, du simple fait que l’un des votants, l’associé prédécédé, est censé n’avoir jamais existé ? Pour évincer tout risque de ce type, deux précautions nous paraissent devoir être prises lors de la rédaction des statuts :

stipuler que toute décision, ordinaire ou extraordinaire, requiert systématiquement l’unanimité des voix ;

permettre à un non-associé d’être gérant. Il s’agit d’éviter l’invalidation des décisions prises par un gérant également associé tontinier. En effet, la tontine opérant rétroactivement, le décès d’un tel associé l’efface rétroactivement de la société à laquelle il est supposé n’avoir jamais appartenu. Or, s’il était convenu que le gérant était obligatoirement pris parmi les associés, toutes les décisions qu’il a pu prendre seraient irrégulières696.

Sous-section II – Les limites strictes de la tontine

30313 La clause d’accroissement présente donc une puissance d’effet sans équivalent. Pour autant, elle est enfermée dans de nombreuses limites : elle doit être stipulée ab initio (§ I), elle ne peut être utilisée en l’absence d’aléa (§ II), ni en présence d’époux coacquéreurs communs en biens (§ III). Enfin, elle n’est jamais révocable, sinon par un commun accord (§ IV).

§ I – L’indispensable stipulation ab initio

30314 – Pas de période d’essai ! – La clause doit impérativement être stipulée dès l’acte d’acquisition en commun, ou dès la signature des statuts de la société dans laquelle elle est stipulée. Une tontine stipulée a posteriori, par avenant, tomberait sous le coup de la prohibition des pactes sur succession future, et serait par suite frappée de nullité697. La clause d’accroissement réclame donc un engagement total, immédiat, unanime et indéfectible.

§ II – La nécessité d’un réel aléa entre les deux co-tontiniers

30315 – Un pari gagnant ou perdant. – Nous l’avons évoqué précédemment, pour être insusceptible de requalification en libéralité (et donc de réductibilité), la tontine doit présenter un indubitable caractère aléatoire. Celui ou celle qui entend écarter ses enfants pour protéger le logement de son coacquéreur doit tout autant accepter l’augure inverse, à savoir que ledit coacquéreur puisse décéder le premier, et ainsi l’enrichir d’une fraction supplémentaire.
30316 – Prolongement économique de l’aléa. – L’existence de l’aléa se révèle d’abord au niveau de l’espérance de vie des acquéreurs, qui doit être similaire : chacun doit disposer d’une chance égale de survie. Mais cette exigence se présente aussi sous un aspect économique : pour qu’il y ait aléa, il faut qu’il y ait spéculation, ce qui exige donc que l’effort économique soit équivalent pour chacun. Chacune des parties doit assumer le risque de perdre son investissement et de ne jamais être propriétaire du bien698. Comme l’écrivait joliment Mazeaud, le pacte tontinier est un acte par lequel « chaque partie a payé d’un risque qu’elle consentait la chance qu’elle espérait »699. La tontine implique donc un cofinancement réel. À défaut, celui des acquéreurs qui aurait assumé la totalité ou l’essentiel du budget ne retire aucun avantage de la clause d’accroissement, même s’il est le dernier vivant. Il consent une libéralité à son coacquéreur. Naturellement, les conséquences fiscales emboîteront le pas à la requalification civile du contrat ; elles peuvent s’avérer particulièrement pénalisantes.
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§ III – L’incompatibilité avec le régime légal

30318 – Pas de tontine possible entre époux communs en biens. – C’est un rappel à formuler constamment, la clause d’accroissement ne peut avoir sa place dans une acquisition par deux époux mariés sous le régime légal. Au décès du premier conjoint, le survivant serait, par l’effet de la clause, rétroactivement considéré comme seul propriétaire, détenant donc le logement à titre de propre. Or, en application des règles de fonctionnement du régime, celui-ci aurait dû intégrer le périmètre de la communauté. La tontine, si elle était admise en cette circonstance, porterait une atteinte flagrante au principe de l’immutabilité des régimes matrimoniaux702. Aussi la stipulation d’un pacte tontinier entre époux communs en biens est-elle nulle, tant selon la doctrine703 que la jurisprudence704. Une seule exception paraît pouvoir être admise, consistant à justifier pour chaque époux d’un apport de fonds ayant la nature de biens propres, et à stipuler en conséquence dans l’acte deux déclarations de remploi conformes aux dispositions de l’article 1437 du Code civil. Hors ce cas spécifique, la tontine en tant qu’instrument de protection du logement du dernier vivant d’un couple n’est utilisable que par les couples non mariés, ou mariés sous un régime séparatiste (ce qui est loin d’être la majorité des époux français).
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§ IV – L’irrévocabilité (sauf accord commun) et ses conséquences

30320 Même si elle ménage une certaine place aux règles de l’indivision, la tontine s’en affranchit bien vite, ce qui conduit souvent à des situations de blocage.
A/ Une indivision en jouissance seulement
30321 – Une indivision temporaire en jouissance. – Seule la jouissance d’un bien (par hypothèse un logement) acquis en tontine est indivise. Mais cette indivision disparaît au premier décès, puisque seul le survivant est réputé avoir toujours été propriétaire. Dès lors, deux périodes doivent être distinguées. Du vivant des deux tontiniers, chacun dispose d’un égal droit de jouissance sur le bien acquis ; une indemnité d’occupation peut donc être due par celui qui est à l’origine de l’impossibilité de jouissance de l’autre706. En revanche, dès le premier décès, et en l’absence de toute indivision, aucune indemnité d’occupation n’est due aux héritiers du prémourant, puisqu’il est réputé n’avoir jamais été propriétaire707.
30322 – L’absence d’indivision en propriété. – Il est entendu que l’acquisition faite en commun avec stipulation d’un pacte tontinier n’est pas une indivision708. Seule la jouissance du bien acquis relève des règles de l’indivision, mais non sa propriété puisqu’un seul des co-tontiniers est réputé être l’unique acquéreur depuis l’origine. L’indivision suppose la coexistence de droits identiques et concurrents sur un même objet, alors qu’en tontine il y a juxtaposition de droits contradictoires709. Et selon un éminent auteur, « c’est l’extinction des uns qui entraîne l’extension des autres »710. L’absence d’indivision entraîne naturellement l’absence de droit à exiger le partage711 du bien acquis en tontine. Il peut en résulter diverses situations de blocage.
B/ Les conséquences de l’absence d’indivision en propriété
30323 – L’impossible partage. – En cas de contentieux survenant entre les membres d’un couple d’acquéreurs en tontine, aucun d’entre eux ne peut donc exiger le partage712. C’est la conséquence logique et concrète du choix de ce mode d’acquisition en commun. Seules deux voies leur sont offertes : soit l’accord unanime pour mettre fin au pacte ; soit le décès du premier d’entre eux713.
30324 – L’impossible vente. – Pendente conditione seul un commun accord permet la vente d’un logement acquis en tontine ; et il en est de même lorsque la clause d’accroissement a été stipulée sur les parts d’une société plutôt que directement sur le logement acquis714. Une partie de la doctrine715 considère que chacun pourrait aliéner isolément son propre droit conditionnel. Mais ce concept théorique ne rencontrera pas d’application pratique car, en cas de prédécès du cédant, le cessionnaire pourrait y perdre toute sa mise : le co-tontinier survivant étant réputé seul propriétaire depuis l’acquisition initiale, le cédant prédécédé n’a rien pu céder.
30325 – L’impossible constitution de garantie. – Ce n’est qu’à condition d’agir conjointement et de renoncer à la clause en faveur du créancier que les co-tontiniers pourront constituer une hypothèque sur le logement qu’ils acquièrent, et donc de la sorte accéder au crédit716. La possibilité de procéder à une telle renonciation est désormais confirmée expressément par l’article 1193 du Code civil, issu de la réforme du 10 février 2016. Mais immédiatement, on constate qu’en réalité la clause d’accroissement est incompatible avec la prise de garantie : puisque si la renonciation à la clause est possible du fait d’un commun accord des co-tontiniers, ce n’est qu’au prix de cette renonciation que la sûreté pourra être confortée dans sa pleine efficacité, quels que soient le sort et l’ordre chronologique des décès. Seule cette renonciation ouvrira donc les portes du crédit.
30326 – L’aléatoire saisie. – En l’absence d’une telle renonciation, la saisie reste possible, mais elle est dépendante de l’issue aléatoire de la tontine. C’est ce qu’a rappelé la première chambre civile de la Cour de cassation dans un avis rendu le 15 juin 2022717, à la demande de la chambre criminelle qui se trouvait fort embarrassée dans une affaire de confiscation qui lui avait été soumise. L’affaire concernait un logement acquis sous clause d’accroissement, entre un tiers de bonne foi et une personne pénalement condamnée, faisant l’objet d’une peine complémentaire de confiscation de ses biens au profit de l’État, par le biais de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc). Or, une peine de confiscation pénale ne peut pas porter atteinte aux droits dont le tiers de bonne foi est titulaire sur le bien confisqué718, en vertu de l’article 131-21 du Code pénal. Dès lors, fallait-il considérer que du fait de la confiscation, la clause d’accroissement était frappée de caducité ? Ceci en raison de la disparition ipso facto de l’aléa, puisque l’État survivra nécessairement à la personne qui avait coacquis avec le criminel condamné. Ce tiers de bonne foi perdant toute chance de devenir propriétaire du bien, la condition essentielle de la tontine s’est évaporée et dès lors, y a-t-il lieu de considérer que les droits qu’il détient ont dégénéré en simples droits indivis, détenus concurremment avec la puissance publique ? Un tel changement dans l’économie du contrat et la nature des droits conditionnels du coacquéreur ne constitue-t-il pas précisément l’atteinte aux droits des tiers prohibée par le Code pénal ? À cette énigme, la première chambre civile a répondu en estimant que dans un tel cas, la clause de tontine continuait au contraire à produire ses effets, en se focalisant sur la survie des acquéreurs initiaux, peu important la saisie opérée. Le pacte n’est donc pas caduc, et la propriété finale reste à déterminer selon la réalisation des conditions de survie : si l’acquéreur dont les droits ont été confisqués est celui qui survit, l’État sera gagnant. Dans le cas contraire, ce qu’il a saisi disparaîtra rétroactivement de ses mains. Et il en serait rigoureusement de même si, entre-temps, l’Agrasc cédait lesdits droits à un nouveau tiers. En attendant, État et coacquéreurs de bonne foi restent en indivision sur la seule jouissance du bien.

Section II – La protection par le droit des sociétés : l’échange de droits démembrés sur titres sociaux

30327 – Une « troisième voie ». – La technique sociétaire peut ménager au sein d’un couple une voie médiane entre le choix d’une libéralité, toujours réductible et fiscalement très coûteuse en l’absence de mariage ou de Pacs, et l’option pour une tontine, génératrice de blocages. Le démembrement opéré à titre onéreux sur les titres d’une société propriétaire du logement présente de grandes vertus (Sous-section I), quoique enfermé dans de nécessaires contraintes (Sous-section II).

Sous-section I – Puissance des effets, souplesse des options

30328 Rappelons tout d’abord, en quelques mots, en quoi consiste ce schéma d’acquisition et de détention du logement, mis au point et évoqué pour la première fois par le Congrès régional des notaires de la cour d’appel de Reims, en 1984. Deux concubins, acquéreurs d’un logement, constituent une société (généralement civile) pour réaliser cette acquisition. À ce stade, ils sont seuls propriétaires des droits composant le capital social (chacun à proportion de son apport). Ils procèdent ensuite entre eux à l’échange de l’usufruit de leurs droits sociaux respectifs, afin que, in fine, chaque concubin soit détenteur, de façon croisée, de la nue-propriété sur la moitié des parts, et de l’usufruit sur l’autre moitié. Chacun devient ainsi usufruitier des droits de son associé. Au décès de l’un des membres du couple, peu importe lequel, l’usufruit qu’il détenait sur les parts de son coassocié s’éteindra naturellement, sans mutation et donc sans taxation719, tout en laissant au contraire subsister l’usufruit de son coassocié, bien vivant, sur ses propres parts. L’associé survivant sera donc titulaire de la pleine propriété sur son bloc originel de titres (minoritaire, majoritaire ou égalitaire, peu importe) et titulaire de l’usufruit sur le bloc de participation de son associé décédé. Les droits des héritiers du prémourant porteront sur la nue-propriété de la fraction de parts que détenait leur auteur, ni plus ni moins720. Reste au rédacteur des statuts à attribuer à l’usufruitier des titres les droits et les pouvoirs les plus étendus (notamment par l’attribution de tous les droits de vote attachés aux parts démembrées), afin que, sans léser un instant les héritiers du prémourant, le survivant puisse néanmoins détenir en ses mains toutes les manettes de contrôle de la société propriétaire du logement.
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30330 – Solution forte et subtile. – Entre personnes désireuses de mutuellement se protéger en assurant la protection du logement commun en cas de disparition de l’une d’elles, cette solution allie l’efficacité à des coûts bien plus attractifs que ceux d’une libéralité ou d’une clause d’accroissement entre concubins. Ceci en prenant appui sur deux piliers d’autant plus forts qu’ils sont combinés : organisation sociétaire (§ I) et démembrement de propriété (§ II).

§ I – Un logement en société, donc sans indivision

A/ Avantages procurés en matière de détention
30331 – Des avantages évidents. – Au décès du premier mourant, le survivant ne se retrouve pas en indivision avec ses ayants droit (inconvénient de la règle de l’unanimité pour tous actes de disposition ; précarité résultant de la possibilité ouverte à chacun d’ouvrir à tout moment une action en partage). Au contraire, il est membre avec eux725 d’une entité structurée autour de règles de gouvernance précises et choisies d’avance, qui peuvent concentrer le pouvoir indépendamment de la répartition du capital : pouvoirs de gérance élargis, démembrement orientant les décisions vers l’usufruitier, structuration en parts catégorielles permettant de créer des blocs politiquement décisionnels détachés des blocs économiquement majoritaires, etc.
30332 – Même le scénario de sortie d’un contentieux peut être écrit d’avance. – En régime d’indivision, les blocages liés aux mésententes, voire aux simples divergences ne pourront qu’être constatés, subis, et traités en justice, jusqu’à une assignation en partage. En société, il est possible, et même recommandé d’anticiper au sein des statuts la mise au point des règles qui deviendraient applicables dans le cas où une mésentente grave surviendrait entre associés : elles seraient d’ailleurs judicieusement exploitables sans attendre même le décès de tel ou tel de nos deux concubins, mais bien aussi de leur vivant, si l’entente n’y est plus et que l’un deux souhaite quitter le projet commun, ou au contraire le reprendre à son seul compte : clause de retrait d’un associé, définissant toutes les conditions de fond (motifs) et de forme (préavis, etc.) ; clause d’exclusion (motifs, procédure contradictoire, etc.) ; pacte d’associés relatif au mode de valorisation des titres rachetés, etc. Au surplus, dans ce contexte conflictuel ante mortem, créant des interférences plus ou moins graves avec le fonctionnement normal de la société constituée entre eux, la loi elle-même ouvre des voies de règlement qui évitent que le conflit ne paralyse l’activité sociale : nomination d’un mandataire ad hoc726, voire d’un administrateur provisoire727, ou encore dissolution de la société pour justes motifs728, s’il n’y a plus aucun sens à maintenir la structure en activité alors que l’affectio societatis a disparu.
B/ Avantages procurés en matière de cofinancement
30333 – Des rapports juridiques d’associés. – Les flux financiers traduisant l’investissement de chaque membre du couple lors de l’acquisition (et plus tard de travaux d’entretien ou de rénovation) du logement obéissent aux règles du droit des sociétés, et à elles seules : apport en capital, libération de ces apports, apports en comptes courants d’associés, remboursement ou incrémentation de ceux-ci. Il en résulte pour le couple une rigueur comptable source de transparence, puisque affranchie des conséquences découlant de la jurisprudence suivie obstinément par la Cour de cassation depuis 2013729 en matière de contribution aux charges de la vie commune.
30334 – S’extraire des contours opacifiés de la contribution aux charges du ménage. – Après quelques signes avant-coureurs, un basculement a été opéré avec cette décision de 2013, aux termes de laquelle la Haute Cour a admis d’élargir massivement le périmètre des dépenses répondant à la notion de charges de la vie courante, en y intégrant, au-delà des classiques et traditionnels frais de fonctionnement quotidiens, des investissements aussi lourds que les dépenses d’acquisition du logement familial au moyen d’un emprunt. Depuis cette décision, confirmée depuis730, celui des membres du couple qui aurait financé au-delà de la quotité à laquelle il s’était engagé (en stipulant parfois des quotes-parts d’acquisition respectives pourtant très précises dans le titre de propriété) ne pourra faire valoir cet écart comme une créance dont le remboursement lui reviendrait (notamment en fin de vie commune) : elle sera au contraire noyée dans la solidarité, de fait extrêmement large, que cette conception induit. On a pu observer à juste titre que cette position jurisprudentielle nouvelle contrarie731 l’idée même de régime strictement séparatiste, et ce d’autant plus que dans une grande majorité de couples, la résidence familiale représente la part la plus notable, si ce n’est la quasi-totalité du patrimoine détenu. Elle a néanmoins été étendue :

dans un premier temps aux partenaires liés par un Pacs, le financement de l’acquisition du logement des partenaires ayant été considéré comme une modalité d’exécution de l’aide matérielle réciproque, par interprétation de l’article 515-4 du Code civil732 ;

et, dans un second temps, aux simples concubins en l’absence de Pacs, alors même qu’ils sont juridiquement étrangers l’un à l’autre et donc déliés respectivement de tout droit ou obligation l’un à l’égard de l’autre733.

Nous renvoyons, sur ces sujets, à l’exposé complet de la troisième commission du 118e Congrès des notaires734.
Dès lors, intercaler une personne morale entre le logement et le couple est source de prévisibilité et, partant, de sécurité juridique : chacun prend l’engagement dans les statuts de contribuer au financement à hauteur d’une somme clairement déterminée, et l’associé n’est débiteur envers la société d’aucune autre somme que celle qu’il s’est, ainsi, engagé à financer, peu important qu’il vive par ailleurs en couple avec l’autre associé.

§ II – Les forces d’un schéma en démembrement

30335 Couplés au cadre sociétaire, les statuts sont bien connus : ils permettent de séparer pouvoir et propriété, donc d’éviter de sacrifier les droits futurs des descendants sur l’autel de la protection immédiate du dernier vivant.
A/ Un usufruitier tout-puissant, sans dépouiller pour autant les nus-propriétaires de leur capital
30336 – Alchimie gagnante de l’alliage entre démembrement et rouages sociétaires. – Les statuts peuvent stipuler une pleine souveraineté entre les mains de l’usufruitier, en prévoyant que l’intégralité des droits de vote attachés aux parts démembrées lui est attribuée, quel que soit le type d’assemblée générale (ordinaire ou extraordinaire) ou la nature des résolutions soumises à l’ordre du jour735. Dès lors, faire en sorte que le dernier vivant soit usufruitier de la totalité du capital suffira à faire de celui-ci, sa vie durant, un décideur exclusif, les droits des nus-propriétaires étant cantonnés, pendant ce laps de temps, à leur droit (incompressible) à l’information, en assistant aux assemblées. Pour autant, les héritiers du prémourant ne seront pas lésés, quelle que soit la chronologie des décès, et ceci en nature ou au moins en valeur si l’associé survivant fait usage d’une clause d’agrément.
B/ Un survivant pas seulement usufruitier
30337 – Éviter le danger d’une position d’usufruitier stricto sensu. – Autre avantage de cette stratégie d’échange d’usufruit sur titres : à aucun moment, ni avant le premier décès ni après le second, aucun des deux membres du couple ne se trouve titulaire d’un simple droit limité à l’usufruit. Avant le premier décès, il détient des droits en nue-propriété, et après, des droits en pleine propriété, sur sa propre quote-part du capital. Est ainsi évacuée la problématique liée au fait que l’usufruitier ne saurait avoir la qualité d’associé, qui n’est reconnue qu’au seul propriétaire (nu ou plein) des droits sociaux736. On connaît le danger de cette position. Même en réservant toute souveraineté à l’usufruitier au cours des assemblées générales, d’autres types de décisions collectives pourraient être prises sans son intervention. C’est notamment le cas d’une comparution unanime des associés (au rang desquels ne figure donc pas l’usufruitier) à un acte ratifié au nom de la personne morale dont ils sont membres. Tout risque de court-circuit est ici écarté, l’unanimité étant impossible sans le concours du dernier vivant.
30338 Attention cependant : pour développer tous ses effets, le procédé décrit requiert le respect d’un mode d’emploi précis. Pas d’horlogerie de pointe sans précision dans chaque pièce de l’engrenage !

Sous-section II – Rigueur de la précision requise

30339 La solution proposée repose sur une charpente en trois points.

§ I – Un démembrement nécessairement appliqué sur des titres de société

§ II – Un démembrement procédant d’un échange sur titres existants, et non d’une souscription démembrée

§ III – Assurer une réelle onérosité de l’échange

30341 Une certaine vigilance s’impose, tant sur le plan civil (A) que sur le plan fiscal (B).
A/ Vigilance sur la qualification en droit civil
30342 – Le risque de requalification. – L’échange chasse la libéralité et ses conséquences (fiscalité pour les concubins, réductibilité pour tous les non-époux). Encore faut-il qu’il ne soit pas disqualifié en tant qu’acte à titre onéreux, pour être requalifié en libéralité déguisée. En effet, la forme choisie pour l’acte n’arrêtera pas les tiers intéressés s’ils démontrent que cette forme dissimule un fond différent. Or un échange comme une vente peuvent être requalifiés en donation au moins pour partie, s’il est démontré qu’ils dissimulent à hauteur de cette partie une intention libérale, un dépouillement irrévocable, et une acceptation746.
30343 – Supériorité sur la tontine. – Il importe de souligner ici le confort supplémentaire qu’offre le démembrement croisé sur titres sociaux par rapport à la clause de tontine qui nécessite, comme on l’a vu, la présence d’un aléa. Aucun risque de disqualification ne pèse sur le démembrement croisé s’il existe une différence manifeste de chances de survie entre les deux cocontractants. En revanche, cette différence d’espérance de vie doit être prise en compte dans la valorisation de l’usufruit des associés. À défaut, le risque serait patent de voir l’opération requalifiée en libéralité à hauteur de la fraction de valeur du lot le plus fort (le plus souvent l’usufruit du plus jeune) excédant celle du lot le plus faible.
30344 – Chiffrer efficacement les valeurs d’usufruit. – L’estimation forfaitaire retenue par le barème fiscal747 n’est pas, à cet égard, suffisamment précise pour être utilisée. En particulier, elle ignore une différence importante : entre personnes du même âge, l’espérance de vie varie selon le sexe, celle des femmes étant supérieure à celle des hommes. On lui préférera donc une réelle approche socio-économique, par application de la méthode dite « des DCF » (discounted cash flows).
30345 – Stipulation d’une soulte. – En cas de différence de valeur entre les deux lots, l’échange aura lieu avec soulte. Schématiquement, cette soulte risque d’être due par l’usufruitier le plus âgé à l’usufruitier le plus jeune. Chacun comprendra que cette situation peut être à l’origine d’une amertume supplémentaire chez les héritiers du plus âgé : ils devront non seulement attendre d’être successibles d’une personne qui peut parfois être à peine plus âgée qu’eux, mais découvriront également que leur auteur lui aura versé en toute légalité une somme plus ou moins conséquente. L’efficacité juridique n’est pas toujours la garantie de relations apaisées, mais elle sera un pare-feu contre les incendies de la colère.
B/ Vigilance sur le plan fiscal : prévenir l’application de la présomption de propriété résultant de l’article 751 du Code général des impôts
30346 Indépendamment de toute requalification en libéralité, l’article 751, alinéa premier748 du Code général des impôts, qui présume fiscalement que l’usufruitier est un propriétaire, pourrait trouver ici application, ruinant de tout effet fiscal le procédé présenté. Dès lors, si les associés se sont mutuellement institués légataires, il leur faudra, si faire se peut, combattre la présomption par la démonstration de la sincérité de l’opération749, par exemple en prouvant que chacun a parfaitement acquitté la quote-part lui incombant ; ou, s’il ne l’a pas fait, que l’autre lui a donné le complément nécessaire au moyen d’une donation régulièrement enregistrée (mais l’opération se replace alors dans le champ des libéralités, ce que justement on voulait éviter). Bien que cette recommandation soit parfois difficile à faire entendre au sein d’un couple, le plus simple et le plus efficace pour combattre la présomption est certainement d’éviter que les associés ne s’instituent légataires l’un de l’autre. Comme souvent, le meilleur moyen d’être bien protégé consiste à ne pas l’être trop !

685) Acquérir et transmettre un logement est sans doute un moyen de se survivre à soi-même. Vouloir assurer l’avenir de ses proches permet de se rassurer face à la précarité de sa propre vie. Il y aurait sur ces points toute une analyse psychologique à mener.
686) M. Latina, Avant-projet de réforme du droit des contrats spéciaux : les contrats aléatoires – théorie générale et régime commun : Dalloz actualités, 2 déc. 2022.
687) Ord. no 2016-131, 10 févr. 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations.
688) C. civ., art. 1304-6.
689) Rapport du 118e Congrès des notaires de France, L’ingénierie notariale : Anticiper, Conseiller, Pacifier, Marseille, 12-14 oct. 2022, no 10190.
690) Notamment depuis la confirmation jurisprudentielle de l’imputation en assiette des legs en usufruit, V. supra, no 30096.
691) CGI, art. 676.
692) Doc. adm. DGI, 7 C-131, no 6, 30 déc. 1987. – JCl. Notarial Formulaire, Vo Vente d’immeuble, fasc. 260, par D. Montoux et F. Collard.
693) Ce plafond a été instauré par la loi de finances pour 1980 (L. no 80-30, 18 janv.1980) et pouvait avoir à l’époque une certaine pertinence ; il n’a depuis jamais été réévalué. Cette petite lucarne ouvre donc sans doute sur un monde qui a quasiment disparu !
694) L. no 2007-1223, 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat.
695) Aux termes de l’article 33 de la loi no 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, qui a modifié en ce sens l’article 754 A du Code général des impôts afin de le mettre en cohérence avec les allègements de droits de mutation à titre gratuit résultant de la loi no 2007-1223 du 21 août 2007.
696) H. Lemaire et J. Lefebvre, Tontine et société : l’alliance contre nature ? : JCP N 2011, no 5, 1055.
697) C. civ., art. 722 : « Les conventions qui ont pour objet de créer des droits ou de renoncer à des droits sur tout ou partie d’une succession non encore ouverte ou d’un bien en dépendant ne produisent effet que dans les cas où elles sont autorisées par la loi ». V. aussi Rapport du 118e Congrès des notaires de France, préc., no 10188.
698) A. Pando, Clause de tontine : à manier avec précaution, Lextenso, Actu-Juridique.fr, 11 janv. 2022.
699) J. Mazeaud, Les clauses d’accroissement ou de réversion et la jurisprudence de la Cour de cassation : Defrénois 1961, art. 28080, p. 289.
700) Séance CADF/AC, 6 mai 2021, no 4/2021.
701) Séance CADF, 31 mars 2016, aff. 2015/21.
702) A. Colomer, Les régimes matrimoniaux, LexisNexis-Litec, 12e éd., 2004, no 370. – G. Cornu, Les régimes matrimoniaux, PUF, coll. « Thémis », 9e éd., 1997, p. 36.
703) J. Mazeaud, Les clauses d’accroissement ou de réversion et la jurisprudence de la Cour de cassation, op. cit. – R. Benoist et G. Morin, De l’acte d’acquisition d’un immeuble par plusieurs personnes avec clause d’accroissement au survivant : Defrénois 1968, art. 29176, p. 160.
704) CA Pau, ch. 2, sect. 1, 16 sept. 1999, no 98/02974 : JurisData no 1999-101645.
705) V. B. Vareille, op. cit., no 21.
706) Cass. 1re civ., 3 oct. 2018, no 17-26.020 : JurisData no 2018-016872.
707) JCl. Civil Code, Synthèse no 1270, par P. Simler.
708) Cass. 1re civ., 27 mai 1986. – Cass. 1re civ., 9 févr. 1994, no 92-11.111 : JurisData no 1994-000504 ; JCP N 1994, II, p. 259 ; D. 1995, somm. p. 51, note M. Grimaldi ; RTD civ. 1995, p. 151, obs. F. Zenati. – Cass. 1re civ., 9 nov. 2011, no 10-21.710 : JurisData no 2011-024386 ; Bull. civ. 2011, I, no 199 ; Contrats, conc. consom. 2012, comm. 57, obs. L. Leveneur ; Dr. famille 2012, comm. 49, obs. A.-S. Brun-Wauthier ; RTD civ. 2012, p. 95, obs. J. Hauser ; D. 2012, p. 971, obs. J.-J. Lemouland et D. Vigneau. – Cass. 3e civ., 17 déc. 2013, no 12-15.453, PB : JurisData no 2013-029870 ; JCP N 2014, no 1-2, act. 127, note D. Faucher ; RDC 2014, no 110, p. 425, t. 7, note S. Pillet ; Contrats, conc. consom. 2014, comm. 62, obs. L.L. ; D. 2014, p. 78 ; RTD civ. 2014, p. 407, obs. W. Dross. – V. J. Motel et P. Michelez, Rapport du 72e Congrès des notaires de France, La dévolution successorale, dévolution contractuelle, Deauville, 1975, p. 593 et s.
709) M. Dagot, L’acquisition faite au profit des acquéreurs survivants : JCP G 1972, I, 2442.
710) F. Zénati-Castaing : RTD civ. 1995, p. 154.
711) Pas plus d’ailleurs que celle relative à l’attribution préférentielle, pour les mêmes motifs : ainsi l’a rappelé CA Douai, 8e ch., 30 nov. 1989 : JurisData no 1989-052335.
712) M. Henry, Une pratique critiquable, la clause d’accroissement, en fraude du régime matrimonial : JCP N 1987, I, p. 415 et s.
713) Il est même impossible d’appliquer au co-tontinier survivant, coupable du meurtre de son cocontractant, l’indignité successorale (la tontine est hors du champ d’application du droit des successions) ou les rétablissements de l’article 1304-3 du Code civil à l’encontre des conditions empêchées ou provoquées : Cass. 3e civ., 5 déc. 2012, no 11-24.448, PB : JurisData no 2012-028149 ; JCP N 2012, no 51, act. 1103 ; JCP N 2013, no 13, 1066, note L. Leveneur.
714) V. supra, no 3-466.
715) D. Montoux et F. Collard, JCl. Notarial Formulaire, op. cit., no 4.
716) CA Paris, 2e ch., sect. A, 6 nov. 1986 : JurisData no 1986-026315.
717) Cass. 1re civ., avis, 15 juin 2022, no 9000, FS-B.
718) Cass. crim., 7 nov. 2018, no 17-87.424, P.
719) CGI, art. 1133.
720) B. Marchand, Acquisition par des concubins de leur habitation principale : le recours à la SCI, Fiche pratique Lexis 360o, 1er juill. 2019, no 2596.
721) CGI, art. 669.
722) Cass. 1re civ., 22 juin 2022, no 20-23.215.
723) CGI, art. 1133.
724) B. Marchand, Acquisition par des concubins de leur habitation principale : le recours à la SCI, op. cit., no 2596.
725) Sauf à avoir fait usage d’une clause d’agrément lui permettant de refuser l’entrée dans la société, mais au prix d’un dédommagement, égal à la valeur des parts dont ils auraient hérité et qu’ils seraient alors amenés à abandonner.
726) Mandataire ad hoc dont la désignation peut être justifiée par une simple mésentente circonstanciée entre associés ; la jurisprudence considère en effet qu’il n’y a pas lieu à ce stade de constater des circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menaçant d’un péril imminent : Cass. 3e civ., 21 juin 2018, no 17-13.212. – Cass. com., 21 sept. 2022, no 20-21.416.
727) La mission de l’administrateur provisoire est plus large, puisqu’elle consiste à tout bonnement assurer la gestion des affaires sociales à la place des dirigeants, même si c’est momentané, en cas de difficultés graves. Elle constitue donc une mesure exorbitante du droit commun, et se voit de ce fait subordonnée à la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société et la menaçant d’un péril imminent (Cass. 3e civ., 21 nov. 2000 : RJDA 3/2001, no 321. – Cass. com., 6 févr. 2007, no 05-19.008 : RJDA 7/2007, no 732).
728) Aux conditions drastiques que décrit l’article 1844-7, 5o du Code civil : « La société prend fin (…) par la dissolution anticipée prononcée par le tribunal à la demande d’un associé pour justes motifs, notamment en cas d’inexécution de ses obligations par un associé, ou de mésentente entre associés paralysant le fonctionnement de la société ».
729) Cass. 1re civ., 12 juin 2013, no 11-26.748.
730) Sauf pour exclure de son périmètre le financement des biens à usage locatif, et le financement au moyen d’un capital propre à l’un des membres du couple ; deux exceptions qui, tout en atténuant les rigueurs de la conception prétorienne, en réduisant quelque peu son champ, ajoutent encore en réalité à son manque peu défendable selon nous de cohérence, d’équité, voire d’opportunité : en quoi en effet la dépense faite en faveur d’un investissement générant un revenu serait-elle économiquement moins utile pour un couple que l’achat du logement, et donc exclurait que le membre du couple qui y aurait surcontribué puisse de la sorte avoir seulement exécuté ses obligations de participation aux charges du ménage ? Et en quoi le financement au moyen d’un capital propre détenu par l’un des membres du couple (et peut-être donc indépendamment de tout mérite, comme provenant d’un héritage, d’un patrimoine prénuptial, d’un gain de loterie, etc.) justifierait-il plus une prise en considération dans les comptes de rétablissement, que la prise en charge régulière du remboursement d’un emprunt commun qu’un conjoint aurait consenti et assumé seul, au moyen des revenus de son travail, tout au long des mensualités ? Le travailleur aurait-il moins de mérite que l’héritier ?
731) En tous cas à défaut de clauses solides et précises insérées dans une convention matrimoniale ou partenariale, voire de concubinage, prenant le soin d’inclure et exclure expressément ce qui doit relever ou non du périmètre, puisque l’article 214 du Code civil semble en laisser la libre faculté, largement inusitée en pratique. Encore faudrait-il être certain de la validité de telles clauses ! Sur le sujet V. Rapport du 118e Congrès des notaires de France, L’ingénierie notariale, Marseille, 2022, 3e commission, no 30123 (mariage), 30126 (Pacs) et 30128 (concubinage).
732) Cass. 1re civ., 27 janv. 2021, no 19-26.140.
733) Cass. 1re civ., 2 sept. 2020, no 19-10.477.
734) L’ingénierie notariale, déjà cité, Marseille, 2022, nos 30112 et s.
735) Admise de longue date en doctrine et en jurisprudence, cette possibilité de traitement orienté du droit de vote est désormais gravée dans le marbre de la loi, depuis la loi no 2019-744 du 19 juillet 2019 de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés, dite « loi Soilihi ». Elle a modifié l’article 1844 du Code civil, dont la rédaction est désormais la suivante : « Tout associé a le droit de participer aux décisions collectives (…) Si une part est grevée d’un usufruit, le nu-propriétaire et l’usufruitier ont le droit de participer aux décisions collectives. Le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier. Toutefois, pour les autres décisions, le nu-propriétaire et l’usufruitier peuvent convenir que le droit de vote sera exercé par l’usufruitier ». V. aussi le modèle de la clause correspondante dans le rapport déjà cité du 118e Congrès des notaires de France, L’ingénierie notariale, Marseille, 2022, no 10157.
736) Cass. com., avis, 1er déc. 2021, no 20-15.164. – Cass. 3e civ., 16 févr. 2022, no 20-15.164. – V. aussi R. Mortier, Usufruit de droits sociaux – La Cour de cassation tranche enfin la question de la qualité d’associé de l’usufruitier : Dr. sociétés 2022, comm. 13.
737) A. Ardillier et J.-P. Garçon, L’union libre : Cridon-Ouest mars 1987, p. 30.
738) B. Marchand, Acquisition par des concubins de leur habitation principale : le recours à la SCI, op. cit., no 4.
739) CGI, art. 726.
740) S’il s’agit d’une société civile, la libération du capital peut être différée ou fractionnée. Aucun calendrier n’étant imposé par la loi, il est possible de convenir d’une cadence progressive, réalisée par compensation avec la prise en charge des échéances futures de l’emprunt bancaire souscrit.
741) J. Derruppé, Un associé méconnu : l’usufruitier de parts ou actions : Defrénois 1994, art. 35894, p. 1137.
742) A. Depondt et Y. Chevalier, Les sociétés civiles de famille dans la gestion de patrimoine, éd. Maxima, 2000, p. 202 et s.
743) Même si cette fragilisation s’opère surtout sur le schéma qui consisterait à rémunérer l’un des associés uniquement avec des droits en nue-propriété sur les titres, et l’autre uniquement avec des droits en usufruit ; ce qui n’est pas le cas de la situation soumise à notre analyse, où chacun détient des droits des deux natures, mais de manière croisée et réciproque.
744) V. J.-P. Garçon, Un montage inquiétant : le démembrement ab initio du capital social souscrit en numéraire : JCP N 2003, no 10.
745) On pourrait certes imaginer de constituer la société avec deux parts pour être immédiatement immatriculée, puis immédiatement dotée ensuite d’une augmentation de capital pratiquée en démembrement : mais à celle-ci s’opposeraient tout autant les réfutations précédemment évoquées.
746) C. civ., art. 894.
747) CGI, art. 669.
748) Dont le libellé est le suivant : « Est réputé, au point de vue fiscal, faire partie, jusqu’à preuve contraire, de la succession de l’usufruitier, toute valeur mobilière, tout bien meuble ou immeuble appartenant, pour l’usufruit, au défunt et, pour la nue-propriété, à l’un de ses présomptifs héritiers ou descendants d’eux, même exclu par testament ou à ses donataires ou légataires institués, même par testament postérieur, ou à des personnes interposées, à moins qu’il n’y ait eu donation régulière et que cette donation, si elle n’est pas constatée dans un contrat de mariage, ait été consentie plus de trois mois avant le décès ou qu’il y ait eu démembrement de propriété effectué à titre gratuit, réalisé plus de trois mois avant le décès, constaté par acte authentique et pour lequel la valeur de la nue-propriété a été déterminée selon le barème prévu à l’article 669 ».
749) Rapport du 118e Congrès des notaires de France, L’ingénierie notariale, Marseille, 12-14 oct. 2022, no 10146.
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