CGV – CGU

PARTIE I – L’ingénierie notariale au service de la mutation de l’immeuble
Titre 1 – Ingénierie notariale et préparation du contrat immobilier
Sous-titre 1 – Comprendre et analyser pour conseiller et informer les parties

Chapitre I – Ingénierie notariale et temporalité de l’intervention du notaire

10007 – Plan. – Faute d’être anticipée, l’intervention d’un notaire dans un processus immobilier est souvent trop tardive et donc moins efficiente (Section I), alors qu’une analyse préalable et globale menée avec les parties est essentielle (Section II). Nous proposerons des pistes d’amélioration de la temporalité de l’accompagnement des parties (Section III).

Section I – Constat : une intervention notariale parfois tardive

10008 – Un travail d’anticipation à développer. – Idéalement, un client consulte son notaire en amont de tout investissement ou cession, avant d’avoir trouvé l’objet de son investissement et/ou la structuration de celui-ci, ou les modalités de cession. L’analyse et la réflexion sont alors possibles et permettront une anticipation des choix. Mais, le plus souvent, le notaire n’est saisi que trop tardivement, le bien acquis est d’ores et déjà choisi, le véhicule d’investissement déjà constitué, ou les modalités de la cession déjà déterminées.
Le travail de pédagogie du notaire devra permettre d’inciter ses clients à venir le consulter en amont d’un processus immobilier, pour être un partenaire privilégié de leurs décisions en matière de stratégie patrimoniale. Il pourra ainsi instaurer une relation durable avec eux en les accompagnant dans leurs évolutions familiales et patrimoniales.

Section II – Améliorer l’analyse en début de dossier

10009 L’analyse menée par le notaire avec son client en amont d’un processus immobilier devra autant que possible être anticipée et globale (Sous-section I), et notamment être réalisée sous forme de questions préalables à l’opération (Sous-section II).

Sous-section I – Une analyse devant être préalable et globale

10010 – Un rôle d’écoute et de questionnement préalable au devoir de conseil. – Le notaire doit être capable de questionner et écouter son client, afin de cerner non seulement la personne qui vient le consulter mais aussi son environnement familial et professionnel. Cette démarche est préalable à tout conseil. C’est en développant et en améliorant l’analyse du dossier lorsqu’il s’initie qu’il est possible d’anticiper les difficultés et contentieux. Le droit offre des solutions multiples pour régler une situation ou un problème, et celle choisie dépendra de plusieurs critères et de la connaissance complète que nous aurons de la situation. Les devoirs d’écoute, d’attention et de questionnement, s’ils sont bien réalisés, permettront une approche globale et personnalisée.
10011 – Une étape nécessaire avant celle des propositions. – Cette analyse patrimoniale de départ va poser les bases de l’accompagnement que le notaire pourra ensuite proposer. Elle doit permettre une vision transversale de la situation familiale et patrimoniale d’un client, afin de poser un diagnostic exhaustif du patrimoine existant. Elle représente une étape essentielle avant d’apporter à un client des propositions de schémas juridiques et fiscaux. Elle permettra la mise en place d’une stratégie efficiente dont la finalité est d’assurer à long terme la sécurité patrimoniale dans ses trois dimensions : juridique, économique et fiscale2.
10012 – La nécessité d’une approche patrimoniale globale. – Le notaire doit être en mesure d’apporter « un conseil global, sur mesure, neutre et objectif, pour mettre en cohérence le patrimoine de son client avec sa situation familiale et fiscale »3. Son action ne doit pas se limiter au conseil immobilier, mais s’étendre à un faisceau de domaines liés (gouvernance familiale, fiscalité, philanthropie, gestion locative, etc.)4. Il s’agit de créer avec le client un lien de compréhension et de confiance, afin d’identifier les questions nécessaires à une anticipation efficace de l’investissement, de la détention et de la cession.

Sous-section II – Une analyse sous forme de questions

10013 – Méthodologie. – L’analyse patrimoniale globale passe par la connaissance du client et l’identification de ses besoins. Mais également par l’incitation du client à se poser les bonnes questions, que ce soit lors de l’acquisition ou lors de la cession, et notamment :

Qui va investir ? Un investissement seul ou à plusieurs est-il souhaité ?

Une acquisition par plusieurs générations est-elle envisagée ?

Une détention en direct ou par l’intermédiaire d’une société est-elle souhaitée ? pertinente ? (si oui, via quel type de société ?) ;

Quel est le financement envisagé ?

Une transmission anticipée doit-elle être organisée à l’occasion de l’acquisition / de la cession ?

Quels sont les objectifs, le but recherché ? (acquisition pour occupation personnelle, location, ou les deux ; recherche de revenus immédiats ou à terme ; recherche d’une plus-value à long terme ; défiscalisation ; opération patrimoniale d’anticipation de la transmission, protection du conjoint, des enfants…).

À quelle date est-il opportun de procéder à la mutation immobilière ?

Quelles seront les conséquences financières / fiscales de l’opération ?

Quel est le montant du capital à mobiliser ? Quelles sont les capacités financières ?

Un élément d’extranéité est-il présent ? Un contexte transfrontière existe-t-il ? Ou est-il susceptible d’apparaître par la suite eu égard à la nationalité ou au changement de domicile à intervenir ?

La finalité est-elle susceptible de changer avec le temps ? (afin de prévoir de la souplesse dans le mode de détention pour éviter des choix irréversibles financièrement et fiscalement).

Section III – Ingénierie notariale et propositions d’anticipation de la relation client

10014 – Des opportunités de sensibilisation à saisir ou créer. – Il nous appartient d’être attentifs à toute opportunité de sensibilisation de nos clients sur la nécessité d’avoir une vision globale et aboutie de leur patrimoine, de leurs objectifs. Nous devons le faire de façon régulière, et dès que des modifications de leur situation familiale ou professionnelle sont envisagées. Cette démarche nous aidera à rester des interlocuteurs privilégiés et centraux de nos clients.
10015 – Des réflexes à transmettre à nos clients. – Pour améliorer la temporalité de l’intervention notariale, toujours plus efficace quand elle intervient en amont, à nous d’inciter nos clients à avoir le réflexe de nous consulter de façon anticipée et réfléchie : « Si vous projetez de vous unir…, si vous projetez d’acquérir…, si vous projetez de vous installer professionnellement…, si vous projetez de céder votre bien… ». Ce lien régulier permettra efficacité, réactivité et sécurité lors des décisions à prendre.
10016 – Schéma récapitulatif des possibilités d’anticipation de la relation client.
Schéma récapitulatif des possibilités d'anticipation de la relation client
10017 – Créer un lien régulier avec nos clients : organiser un contact annuel ou tous les deux ans ? – Le notaire manque souvent de temps dans sa pratique quotidienne pour analyser avec un client sa situation patrimoniale de façon complète. Il ne lui est pas toujours possible de s’arrêter le temps nécessaire sur les décisions déjà prises et celles à venir, en fonction de différents facteurs de besoins, objectifs et contraintes fiscales et réglementaires. Pourquoi ne pas suggérer, voire organiser avec nos clients un contact annuel ou tous les deux ans, ou à tout le moins avant toute décision patrimonialement engageante ?
10018 – Mise en place d’un contrat de suivi annuel. – Pour certains types de clients ayant, par exemple, des problématiques patrimoniales, fiscales ou de gestion immobilière récurrentes, il peut être pertinent de convenir avec eux d’un « contrat de suivi annuel » qui permettra d’instaurer une relation régulière d’anticipation des arbitrages et de programmation des investissements et transmissions. Une convention d’honoraires devrait être mise en place sur la base d’un tarif convenu à l’avance et éventuellement modulable. Cette démarche est notamment adaptée aux dossiers de droit des affaires, droit des sociétés, et à une clientèle d’entrepreneurs et de chefs d’entreprise, mais s’applique aussi à une clientèle de particuliers ayant des problématiques récurrentes d’arbitrage d’actifs (décision de vendre, transmettre, refinancer, etc.) ou des réflexions à mener régulièrement en matière d’anticipation de transmission.
10019 – Saisir les occasions des contacts téléphoniques. – L’appel téléphonique d’un client pour poser une question sur un point particulier d’un dossier passé (ou à venir), ou pour connaître notre avis sur la localisation ou la valeur d’un bien repéré sera l’occasion d’amorcer une réflexion plus globale avec lui, et de planifier l’investissement à venir.
10020 – Saisir les occasions des rendez-vous traditionnels. – La venue de clients désireux de se marier ou se pacser est bien sûr classiquement l’occasion de leur expliquer lesconséquences de ces choix matrimoniaux sur leurs investissements passés ou à venir. Nous renvoyons ici aux développements de la troisième commission relatifs à la « visite prénuptiale ».
De même pour un rendez-vous de donation : il sera notamment l’occasion de réfléchir à la situation familiale et patrimoniale globale ou aux conséquences de la présence d’enfants non communs sur une opération immobilière à venir.
10021 – Une note d’information / un mémo juridique envoyés régulièrement ? – Notre devoir de conseil et d’information peut aussi se manifester par une information régulière transmise à nos clients sur des sujets d’actualité, des problématiques récurrentes, des nouveautés fiscales. Il peut s’agir d’une Newsletter, d’une « note d’information », d’un mémo juridique, d’un courrier électronique ciblé.
10022 – Saisir l’occasion d’une modification législative. – À l’occasion d’une modification législative, d’une loi de finances ou d’un revirement de jurisprudence, ne pourrions-nous pas contacter les clients particulièrement concernés ou intéressés par cette évolution afin de faire montre, d’une part, de nos facultés d’anticipation, de réflexion et de conseil prospectif et, d’autre part, de la solide connaissance que nous avons de leur dossier ? Il conviendra à cet égard d’avoir optimisé au préalable l’exploitation du fichier client.
10023 – Limites déontologiques du développement de la relation client et de la sollicitation personnalisée. – En la matière, il sera bien sûr nécessaire de toujours garder en tête les limites déontologiques de l’exercice, afin de ne pas se voir reprocher une démarche commerciale interdite.
Nous renvoyons à cet égard à l’étude de la deuxième commission relative au family office et au développement du rôle du notaire dans ce domaine (V. infra, nos 20587 et s.).
10024 – Développer pour certains dossiers des entretiens/visioconférences avant la signature de l’avant-contrat. – Dans le cas d’une vente immobilière, organiser la tenue d’un rendez-vous avant la signature de l’avant-contrat peut constituer un moyen efficace d’anticipation et de prévention des difficultés. Ce rendez-vous sera particulièrement important pour s’assurer notamment côté vendeur qu’il a bien délivré l’ensemble des informations en sa possession et pris connaissance de ses obligations, garanties et engagements. Côté acquéreur, il permettra de vérifier la compréhension par ce dernier du processus immobilier dans lequel il s’engage. Un tel rendez-vous permettra également d’optimiser la temporalité de l’acquisition (ou de la cession), ses modalités et fiscalité (comme nous le démontrerons dans les développements suivants).
10025 – Proposer dans certaines hypothèses un rendez-vous de mise au point entre l’avant-contrat et la signature définitive. – Dans le cas d’une acquisition immobilière, ce rendez-vous sera l’occasion d’aborder le choix du mode et des quotités d’acquisition (dans l’hypothèse où elles n’auraient pas été déterminées précédemment), la finalisation du financement ou encore la protection et l’utilisation de l’investissement. Nous abordons ces points dans les développements suivants.

1) J.-N. Chaumont, Notaires et CGPI : une collaboration fructueuse soumise à des règles déontologiques : L’Agefi Actifs mai 2012, no 19, 1222658.
2) J.-N. Chaumont, L’approche patrimoniale globale, éd. JurisCampus, 2017.
3) F. Simon et L. de Swarte, Le Family Office 3.0 : le conseil patrimonial nouvelle génération, éd. Agami Family Office, 2018.
4) F. Simon et L. de Swarte, op. cit.
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