Chapitre II – L’investissement immobilier au service de la transition écologique : les bois et forêts
10650-28 La réglementation relative aux réseaux Natura 2000 est issue pour l’essentiel du droit de l’Union européenne. La France connaît depuis longtemps un régime particulier tendant à la protection des espaces naturels : il s’agit du régime des bois et forêts. Ce régime offre également au candidat à l’investissement foncier en vue de la protection de l’environnement des perspectives intéressantes qu’il nous semblait important d’étudier.
10650-29 – La forêt, un élément constitutif du territoire. – Le souci de conservation et d’exploitation durable de la forêt française n’est pas nouveau. Dès le
XIV e siècle, des ordonnances royales et règlements forestiers ont placé ces notions au cœur de la politique forestière : à titre d’exemple, l’article 4 de l’ordonnance royale de Brunoy du 29 mai 1346 prévoyait que les coupes de bois devaient s’effectuer « en regard de ce que lesdites forezs se puissent perpétuellement soustenir en bon estat ». Depuis la promulgation du Code forestier en 1827, plusieurs textes sont venus renforcer ce qui est communément appelé aujourd’hui le régime forestier
2119 . On peut notamment citer :
loi du 2 juillet 1913, dite loi « Audiffred » (du nom du sénateur, rapporteur de la proposition de loi) ;
loi Sérot du 16 avril 1930 complétée par le décret du 28 juin 1930 ;
loi no 63-810 du 6 août 1963, dite loi « Pisani » ;
loi d’orientation sur la forêt du 9 juillet 2001 ;
loi no 2021-1104 du 22 août 2021, dite « loi Climat et résilience ».
Enfin, il nous semble nécessaire de rappeler la définition de la forêt, telle que proposée par l’article L. 111-2 du Code forestier : « Sont considérés comme des bois et forêts au titre du présent code les plantations d’essences forestières et les reboisements ainsi que les terrains à boiser du fait d’une obligation légale ou conventionnelle ».
La forêt française en chiffres
En France métropolitaine, la forêt recouvre une superficie approximative de 17 millions d’hectares auxquels il faut rajouter les 8 millions d’hectares de forêt existant dans les départements ultramarins, principalement en Guyane.
Cela représente 31 % de la surface du territoire national, 2,8 milliards de mètres cubes de bois sur pieds, et une récolte de bois annuelle de 38 millions de mètres cubes environ
2120 .
Cette forêt est détenue par 3,2 millions de propriétaires privés se partageant 12 millions d’hectares, soit environ 75 % ; 15 600 collectivités propriétaires de 2,9 millions d’hectares, soit 16 % ; et enfin l’État propriétaire de 1,7 million d’hectares, soit 9 %.
Enfin la forêt française séquestre 45 millions de tonnes de CO
2 , soit 8 % du total des émissions nationales de gaz à effet de serre
2121 .
10650-30 – Plan. – Les travaux du 114
e Congrès des notaires de France
2122 ont largement abordé le thème de la gestion durable des bois et forêts. En conséquence, il ne sera pas ici nécessaire de reprendre une étude exhaustive de ce régime. Nous nous contenterons donc, dans un premier temps, de rappeler brièvement les principes essentiels de gestion durable de la forêt française (
Section I ), avant d’étudier de manière plus précise les différents mécanismes d’incitation fiscale et financière encourageant l’investissement forestier (
Section II ). Là encore, il s’agit de démontrer que le notaire a un rôle très important à assumer en matière de conseil en investissement durable et responsable, car la profusion de normes comme la complexité de la matière rendent obligatoire un accompagnement personnalisé du client investisseur.
Pour une analyse exhaustive du thème de la gestion durable de la forêt :
Section I – Le régime impératif de gestion durable de la forêt française
10650-31 – Tradition nationale et influence du droit international. – Nous l’avons vu dans les propos introductifs de cette section, la politique forestière française est issue d’une longue tradition nationale remontant au moins au
XIV e siècle. Néanmoins, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, un grand mouvement international de protection des forêts s’est peu à peu créé, principalement à l’initiative de l’Organisation des Nations unies. La convention de Rio de 1992, sous l’égide de la Conférence des Nations unies sur l’environnement et le développement, marque sur ce point un tournant : la déclaration des principes intégrait en effet l’engagement (certes non contraignant juridiquement) des pays signataires envers une gestion durable des forêts
2123 . Concernant l’Union européenne, s’il n’existe pas de politique forestière continentale en tant que telle, cette dernière a néanmoins adopté en 1998 une stratégie forestière
2124 , mais qui s’exerce de manière fragmentaire à travers les politiques communautaires relatives à la protection de l’environnement, à la production d’énergies renouvelables, ou encore à l’agriculture
2125 . Même si l’influence du droit international n’est apparue que tardivement dans notre ordre juridique
2126 , le droit positif actuel de la forêt française en est aujourd’hui inspiré.
L’objectif de gestion durable de nos forêts est donc un objectif national (
Sous-section I ) auquel les propriétaires privés sont largement associés (
Sous-section II ).
Sous-section I – La gestion durable de la forêt : un objectif national
10650-32 – Une stratégie nationale. – La politique forestière française est une politique nationale dont les objectifs sont fixés par le Code forestier. Trois grands textes contemporains déterminent cette politique :
la loi d’orientation sur la forêt no 2001-602 du 9 juillet 20012127 ;
l’ordonnance no 2012-92 du 26 janvier 2012 ;
la loi « Climat et résilience » no 2021-1104 du 22 août 2021.
Il résulte du premier alinéa de l’article L. 112-1 du Code forestier que « les forêts, bois et arbres sont placés sous la sauvegarde de la Nation, sans préjudice des titres, droits et usages collectifs et particuliers ». Cette rédaction est par ailleurs très étonnante puisqu’elle reprend mot pour mot les termes de la loi du 11 décembre 1789, rétablissant en outre la notion d’usage collectif de la forêt, qui n’avait cessé de diminuer depuis la promulgation du Code forestier en 1827. Ces droits d’usage sont effectivement peu nombreux aujourd’hui et directement issus de droits coutumiers. Citons par exemple le droit de pacage, d’affouage ou de glandée
2128 .
L’autre texte établissant la compétence de l’État en matière de détermination de la politique forestière est le premier alinéa de l’article L. 121-1 du Code forestier, lequel indique que : « La politique forestière relève de la compétence de l’État. Ses orientations, ses financements et ses investissements s’inscrivent dans le long terme et sont conformes aux principes mentionnés au présent article ».
Le Code forestier pose donc le principe de la compétence de l’État dans la détermination de la politique forestière, révélant donc l’importance du sujet pour les pouvoirs publics.
10650-33 – Le principe de gestion durable. – La loi pose clairement le principe selon lequel la transition écologique ne peut être réalisée sans une politique forestière tournée vers cet objectif. Tout d’abord l’article L. 112-1 du Code forestier, dans son alinéa 2, définit l’intérêt général porté par la forêt, et notamment ses fonctions en matière de protection de la biodiversité et de stockage de carbone.
Pour l’intégralité du texte de cet article :
En outre, le premier alinéa de l’article L. 121-1 du même code fixe à l’État l’obligation de veiller à cette gestion durable, notamment en ce qui concerne le maintien de la biodiversité et l’optimisation du stockage de carbone dans les bois et forêts.
Pour l’intégralité du texte de cet article :
10650-34 – Stratégie nationale mais mise en place contractuelle. – La grande originalité de cette politique est qu’elle est mise en place par la méthode contractuelle. Cela est précisé par le premier alinéa de l’article L. 121-2 du Code forestier : « La politique forestière privilégie les mesures incitatives et contractuelles, notamment à l’égard des propriétaires organisés en groupement. Elle favorise la recherche de contreparties pour les services rendus en matière environnementale et sociale par les bois et forêts qui présentent une garantie de gestion durable ». Les propriétaires privés sont donc directement associés, dans le cadre de leur gestion privée, à la protection de l’intérêt général, cette gestion privée étant déterminée par un cadre impératif
2129 .
10650-35 – Propriété publique et propriété privée. – Environ un quart de la superficie forestière française est détenue par l’État ou les collectivités
2130 . Le reste est détenu par des propriétaires privés. Le régime des forêts détenues par les collectivités publiques est celui du régime forestier, défini par les articles L. 211-1 et suivants du Code forestier. Les forêts privées quant à elles font donc l’objet d’un régime juridique particulier dont l’élaboration a été faite au fil du temps, la force particulière du droit de propriété et de ses caractères « inviolables et sacrés », héritage direct de la Révolution française, ne s’accordant guère avec une intervention massive de la puissance publique dans sa gestion. Pourtant, ce régime existe aujourd’hui, et il contraint les propriétaires à œuvrer eux aussi dans le sens d’une gestion durable et soucieuse des intérêts environnementaux.
Sous-section II – Les propriétaires privés au service de l’objectif national
10650-36 – L’obligation de gestion durable. – La loi n
o 63-810 du 6 août 1963, dite « loi Pisani » a imposé aux propriétaires de forêts privées d’une superficie supérieure à 25 hectares une obligation de gestion durable
2131 . Cette obligation se traduit par l’élaboration d’un plan simple de gestion devant comprendre : une brève analyse des enjeux économiques, environnementaux et sociaux de la forêt, un programme d’exploitation des coupes, un programme des travaux de reconstitution d’après coupes et, le cas échéant, des travaux d’amélioration obligatoires
2132 .
Ce seuil peut être abaissé dans certains départements par décision du ministre chargé des forêts, sans pouvoir aller au-dessous de 10 hectares. Il n’est pas nécessaire que les parcelles constituent une unité foncière, le plan de gestion pouvant également comprendre des parcelles discontinues, tant qu’elles sont situées dans une même zone géographique définie par décret.
10650-37 – Élaboration du plan simple de gestion. – Ce plan simple de gestion (PSG) est établi par le propriétaire, qui peut éventuellement se faire aider par un expert forestier, mais le coût de l’intervention de ce dernier restera à sa charge. Le plan devra ensuite être agréé par le centre régional de propriété forestière dont dépend la forêt. La durée de ce plan est de dix ans au minimum, sans pouvoir excéder vingt ans.
Ce plan est en outre opposable au cessionnaire du propriétaire l’ayant établi, sauf à ce que ce dernier établisse un nouveau plan simple de gestion. La mention d’un PSG est d’ailleurs obligatoire dans l’acte de vente, sous peine de nullité dudit acte
2133 .
L’omission de l’existence d’un plan simple de gestion dans la vente d’une parcelle forestière
La continuation du PSG étant impérative pour l’acquéreur d’une parcelle pour laquelle un tel plan a été établi, le Code forestier prévoit comme sanction de l’omission de l’existence de ce plan dans l’acte de vente la nullité de ce dernier. Il appartient donc au notaire en charge de la régularisation d’une telle vente de veiller scrupuleusement à interroger le vendeur sur ce point. Si la parcelle est d’une superficie supérieure à 25 hectares, le plan est obligatoirement souscrit, ce qui facilitera le contrôle. En revanche, si la parcelle vendue est issue de la division d’une plus grande unité forestière, mais elle-même d’une superficie inférieure à ce seuil, il faudra faire preuve d’une grande vigilance.
10650-38 – Une obligation renforcée de gestion durable. – Les objectifs de gestion durable de la forêt française, qu’il s’agisse de la forêt détenue par les personnes publiques ou celle détenue par les personnes privées, sont définis, nous l’avons vu, par l’article L. 121-1 du Code forestier. Cet article a été modifié par la loi no 2021-1104 du 22 août 2021, laquelle a modifié ce texte dans une vision plus « environnementaliste » encore. En effet, l’objectif de neutralité carbone du pays en 2050 est inséré dans le 4o du 1er alinéa de l’article, de même que la prise en compte du changement climatique dans la détermination de l’objectif de résilience des forêts. Par conséquent, les plans de gestion qui ont été, sont ou seront élaborés depuis l’entrée en vigueur de cette loi devront l’être sous ces nouvelles contraintes, faute de quoi le plan ne sera pas agréé par l’autorité compétente en la matière.
10650-39 – Dérogation. – Ce régime est impératif, mais supporte toutefois une dérogation strictement encadrée par les articles L. 122-5 et R. 312-2 du Code forestier. Deux conditions cumulatives à cela :
la forêt offre de faibles potentialités économiques ;
elle ne présente en outre pas d’intérêt écologique important.
Le propriétaire peut alors substituer un règlement-type de gestion qui lui permettra de conserver le bénéfice des garanties de gestion durable.
Ces garanties de gestion durable sont fondamentales dans le régime des bois et forêts privés, puisque ce sont elles qui permettent de bénéficier de mécanismes incitatifs que nous allons maintenant étudier.
Section II – Un régime incitatif de gestion durable de la forêt française
10650-40 – Plan. – Afin de donner à l’investissement forestier une réelle attractivité, il est apparu nécessaire, compte tenu du caractère impératif de la réglementation que nous venons brièvement d’analyser, d’accorder au propriétaire un régime particulier lui permettant d’optimiser la rentabilité de son investissement. Les dispositifs permettant de renforcer cette attractivité sont de deux ordres : un régime fiscal de conservation et de détention particulier (
Sous-section I ), et des aides financières de plus en plus importantes (
Sous-section II ).
Sous-section I – Une fiscalité avantageuse
§ I – En matière de transmission
10650-41 – Régime dit « Sérot-Monichon ». – La spécificité de l’exploitation forestière conduisait à ce que la terre et les bois connaissaient une taxation identique, les arbres étant des immeubles par nature
2134 devenant meubles par anticipation dès lors qu’une coupe a été contractualisée entre le propriétaire et l’exploitant
2135 . Par conséquent, pour éviter une double taxation, un régime spécifique a été créé, le régime dit « Sérot-Monichon » (du nom de ses auteurs), codifié à l’article 793 du Code général des impôts. Ce régime permet aux propriétaires forestiers de bénéficier d’une réduction des droits de mutation à titre gratuit très importante puisque les biens concernés sont exonérés à hauteur des trois quarts de leur valeur. Les conditions sont les suivantes :
l’acte constatant la mutation ou la déclaration de succession doit être appuyé d’un certificat délivré par la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), attestant que :
les bois et forêts sont susceptibles d’aménagement ou d’exploitation régulière, c’est-à-dire sont susceptibles de présenter l’une des garanties de gestion durable des articles L. 124-1 et L. 124-2 du Code forestier : plan simple de gestion, règlement-type de gestion, code de bonnes pratiques sylvicoles, charte ou contrat Natura 2000,
les friches et landes sont susceptibles de reboisement et présentent une vocation forestière,
les terrains pastoraux sont susceptibles d’un régime d’exploitation normale ;
l’héritier, le légataire ou le donataire doit prendre pour lui et pour ses ayants cause futurs l’engagement :
soit d’appliquer durant trente ans aux bois et forêts objet de la mutation l’une des garanties de gestion durable prévue à l’article L. 124-1 du Code forestier (plan simple de gestion ou règlement-type de gestion),
soit, s’il n’existe aucune garantie de gestion durable quant aux biens forestiers en cause, de présenter, dans les trois ans qui suivent la mutation (et pour une durée de trente ans), un document de gestion offrant une garantie de gestion durable. Et il doit par ailleurs s’engager à appliquer le régime d’exploitation normale prévu au décret du 28 juin 1930 pendant la période nécessaire à la présentation du document de gestion.
10650-42 – Champ d’application. – Ce régime d’exonération concerne les propriétés forestières détenues par une personne physique, mais également les parts de groupements forestiers (à l’exclusion de toute autre société), ainsi que les sommes détenues sur un compte d’investissement forestier et d’assurance (Cifa)
2136 .
Toutes les mutations à titre gratuit sont concernées, y compris celles consenties avec réserve d’usufruit ou de bois.
Un point d’attention toutefois : concernant les parts de groupement forestier, la valeur à prendre en compte pour la valorisation des parts sera celle dite « de l’actif net forestier »
2137 , c’est-à-dire la valeur nette correspondant aux biens en nature de bois et forêts, déduction faite de la valeur des accessoires : bâtiments d’exploitation s’il en existe, valeurs mobilières, friches…
10650-43 – Un cumul possible avec d’autres régimes de faveur. – Bien que très favorable, le régime fiscal des transmissions de biens forestiers peut en outre se cumuler avec le régime de réduction des droits de mutation à titre gratuit d’entreprises, dit « pacte Dutreil ». Dès lors que les conditions d’application de ce dernier seront applicables, la transmission envisagée bénéficiera d’un double mécanisme de réduction de l’assiette taxable
2138 , permettant d’aboutir à une réduction de 93,75 % de l’assiette taxable des biens objet de la donation !
Cas pratique : Transmission de biens forestiers. Cumul du régime de faveur avec le bénéfice d’un pacte Dutreil
1. Transmission d’un groupement foncier forestier.
2. Données :
M. et Mme Moulin, mariés en communauté, ont tous deux soixante-cinq ans.
Ils ont deux enfants majeurs.
Ils détiennent la totalité des parts sociales d’un groupement foncier forestier tel que défini par l’article L. 322-6 Code rural et de la pêche maritime.
Souhait de transmission en nue-propriété (avec bénéfice Dutreil si éligible et/ou exonération bois et forêts).
Valorisation 2 000 000 d’euros.
Liquidation fiscale par enfant
Valeur des biens donnés en pleine propriété
2 000 000,00 €
Soit pour un époux
1 000 000,00 €
Valeur de l’usufruit (CGI, art. 669, I)
– 400 000,00 €
Valeur de la nue-propriété
600 000,00 €
Soir par enfant
300 000,00 €
Réduction 793 CGI
– 225 000,00 €
Base taxable
75 000,00 €
Réduction Dutreil (CGI, art. 787 B)
– 56 250,00 €
Base taxable finale par enfant
18 750,00 €
Abattement (CGI, art. 779)
– 100 000,00 €
Fiscalité
Néant
§ II – En matière de détention
10650-44 – Application du régime de faveur à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). – L’article 976 du Code général des impôts exonère à concurrence des trois quarts les valeurs à retenir pour les propriétés en nature de bois et forêts et parts de groupements forestiers, dans les conditions prévues au 2o du 2 de l’article 793 du même code, conditions que nous avons exposées ci-dessus. De la même manière, si la propriété forestière ou les parts de groupement foncier forestier que détient le contribuable constituent pour lui un bien professionnel, ceux-ci seront exclus de l’assiette taxable.
10650-45 – Impôts fonciers. – Il n’existe pas, comme en matière de terrain soumis au régime Natura 2000, d’exonération générale de taxes foncières. Toutefois, les terrains ensemencés, plantés ou replantés en bois de façon naturelle ou artificielle, sont intégralement exonérés de taxes foncières sur les propriétés non bâties, à compter du 1er janvier de l’année suivant la date d’exécution des travaux, pendant :
dix ans pour les peupliers ;
trente ans pour les résineux ;
cinquante ans pour les feuillus.
Conditions d’application du régime de faveur des bois et forêts
Pour bénéficier de ce régime fiscal de faveur, les parcelles forestières détenues par le propriétaire doivent faire l’objet de garanties de gestion durable.
Ces garanties sont obtenues dès lors qu’auront été régularisés soit un plan simple de gestion agréé, soit un règlement-type de gestion régulièrement approuvé. Cette garantie est également acquise si le propriétaire adhère au code des bonnes pratiques sylvicoles, ou si le propriétaire est engagé dans un contrat ou une charte Natura 2000 pour les parties de bois et forêts situés dans un tel site.
Enfin, bénéficient également des garanties de gestion durable les forêts classées comme forêts de protection au titre de l’article L. 141-1 du Code forestier, celles situées dans un parc national ou une réserve naturelle.
Sous-section II – Les mécanismes d’aides financières
10650-46 – Un système incitatif. – En matière d’investissement forestier, la créativité du législateur ne s’est pas arrêtée à l’élaboration d’un régime d’exploitation, ni à la mise en place d’un régime de faveur. Les terribles dommages causés aux massifs forestiers du territoire par les tempêtes survenues au cours des dernières décennies
2139 ont poussé les pouvoirs publics à mettre en place un système original de prévoyance financière : le compte d’investissement forestier et d’assurance (
§ I ), ainsi que des aides financières particulières (
§ II ).
§ I – Le compte d’investissement forestier et d’assurance
10650-47 – Assurance et prévoyance. – À la suite de la tempête Klaus ayant frappé le littoral aquitain le 24 janvier 2009, un important contentieux a été porté devant les juridictions administratives. Ce contentieux reposait essentiellement sur le reproche fait à l’État de ne pas avoir reconnu l’état de catastrophe naturelle pour les dommages causés aux bois par cette tempête, les contrats d’assurance alors souscrits ne prévoyant pas ce risque. La cour administrative de Bordeaux, par un arrêt du 30 juin 2016
2140 , a reconnu la responsabilité de l’État. Certains auteurs en ont conclu que la cour posait la question de la non-assurabilité des bois sur pieds contre les risques liés à des événements météorologiques d’intensité anormale
2141 . Le législateur n’avait toutefois pas attendu l’issue de ces procédures pour se désengager de la charge des travaux de reconstitution des forêts après tempête : l’ordonnance n
o 2012-92 du 26 janvier 2012 précise que concernant les tempêtes survenues à compter du 1
er janvier 2017, « les surfaces forestières considérées comme assurables contre le risque de tempête dans les conditions prévues au même article ne peuvent plus faire l’objet d’une prise en charge de l’État en matière de nettoyage et reconstitution des peuplements forestiers »
2142 . Toutefois, et comme réponse préalable à ce désengagement, la loi n
o 2010-874 du 27 juillet 2010 a institué un compte épargne-assurance pour la forêt, remplacé par un compte d’investissement forestier et d’assurance (Cifa) par la loi de finances rectificative pour 2013.
10650-48 – Le régime du Cifa. – Le régime du compte d’investissement forestier et d’assurance est défini aux articles L. 352-1 à L. 352-6 et suivants du Code forestier. L’ouverture de ce compte est réservée aux personnes physiques ou groupements forestiers propriétaires de bois et forêts, engagés dans une démarche de garantie de gestion durable, et ayant souscrit une assurance couvrant notamment le risque de tempête. Le compte peut être abondé jusqu’à 2 500 € par hectare exploité avec engagement de gestion durable
2143 . Par la suite, les sommes déposées sur ce compte ne peuvent en principe être utilisées que pour « financer les travaux de reconstitution forestière à la suite de la survenance d’un sinistre naturel d’origine sanitaire, climatologique, météorologique ou lié à l’incendie, ou les travaux de prévention d’un tel sinistre »
2144 .
Le compte sera clôturé en cas de vente totale des parcelles forestières détenues par le titulaire. En cas de vente partielle, le compte ne sera pas clôturé mais le montant des dépôts devra être ramené à la proportion des surfaces détenues, et toujours à concurrence de 2 500 € par hectare détenu.
10650-49 – Traitement fiscal. – Lorsqu’il est ouvert par une personne physique, la transmission du Cifa suit le même régime en matière de droit de mutation à titre gratuit que les parcelles forestières pour la sauvegarde desquelles il a été souscrit
2145 . L’assiette taxable sera donc réduite de 75 %, à la double condition suivante :
l’émission par la DDTM d’un certificat attestant que les bois et forêts du titulaire sont susceptibles de présenter une des garanties de gestion durable mentionnées aux articles L. 124-1 et L. 124-3 du Code forestier ;
l’engagement par le donataire ou l’héritier attributaire d’affecter les sommes ainsi transmises conformément aux dispositions des articles L. 352-3 et L. 352-4 du Code forestier, et ce pendant une durée de trente ans.
En revanche, en ce qui concerne les intérêts générés par les sommes épargnées, aucun régime de faveur n’a été prévu, de sorte que ceux-ci seront taxés selon le droit commun des produits financiers, c’est-à-dire soumis à l’impôt sur le revenu.
§ II – Les subventions et aides aux investissements
10650-50 – Multiples dispositifs. – En matière d’exploitation forestière, il existe un grand nombre de dispositifs d’aides financières et de subventions venant à l’appui des propriétaires et exploitants. Ces aides se déclinent au niveau national comme au niveau régional. Parmi les plus importantes au niveau national, nous pouvons citer :
le label « Bas-Carbone » : ce label concerne les travaux de reconstitution de peuplements forestiers dégradés, de boisement, et de conversion de tailles en futaies sur souche. Les travaux peuvent être subventionnés jusqu’à environ 80 % du coût global du projet ;
le fonds de dotation « Plantons pour l’avenir ». Financé par des dons d’entreprise et de particuliers, ce fonds permet une prise en charge des travaux de préparation du sol, de boisement ou de reboisement et d’entretien sur cinq ans jusqu’à 20 000 € hors taxes, avec une condition d’autofinancement par le propriétaire de 20 000 € en cas de coupe au cours des cinq dernières années ou 25 000 € dans les autres cas ;
les subventions publiques de soutien des investissements « améliorant la résilience et la valeur environnementales des forêts » : ces subventions concernent l’amélioration des taillis et mélanges de taillis sous futaie, l’amélioration de jeunes accrus, la conversion en futaie irrégulière, la régénération naturelle de peuplements feuillus, ou la régénération artificielle de peuplements forestiers. Le taux de subvention peut atteindre 50 à 80 % du montant des travaux ;
le plan de relance post-pandémie : l’objectif forestier du plan de relance est de planter ou replanter 45 000 hectares de forêts en France en augmentant les surfaces plantées, en régénérant les forêts existantes, et en reconstituant celles qui ont péri. Pour sa mise en place, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a lancé mi-décembre 2020 un appel à manifestation d’intérêt intitulé « Aider la forêt à s’adapter au changement climatique pour mieux l’atténuer » ;
enfin, il existe également un dispositif de prêts bonifiés, accordés par la Société de développement de l’économie forestière (Sodef) à ses actionnaires en vue de travaux de sylviculture, d’équipements forestiers ou d’infrastructures, mais également d’achat d’outillage, ainsi que de prêts relais dans l’attente du versement des subventions d’État.
Aides financières et épargne encouragée : un régime unique
La possibilité d’obtenir d’importantes subventions et des aides à la reconstruction des massifs, ainsi que l’incitation à placer des sommes importantes en prévision de travaux de réparation rendus nécessaires par la survenance de catastrophes naturelles, le tout sous la condition de respecter les objectifs de gestion durable édictés par le Code forestier, participent tout autant que le régime fiscal de faveur de l’exploitation forestière à l’attractivité de ce secteur économique.
2119) La notion de régime forestier désigne précisément le régime applicable aux forêts détenues par les collectivités publiques. Par extension, on parle souvent du régime forestier pour l’ensemble des forêts soumises à des documents de gestion, qu’il s’agisse de forêts détenues par des personnes publiques ou privées.
2122) Rapport du 114e Congrès des notaires de France, Cannes, 27-30 mai 2018, Demain le territoire .
2123) JCl. Environnement et Développement durable , Fasc. 12, Bois et forêts. Gestion durable et forestière en France. Forêts privées et forêts relevant du régime forestier .
2124) Cons. UE, rés. 1999/C 56/01, 15 déc. 1998, relative à une stratégie forestière pour l’Union européenne : JOCE no C 56, 26 févr. 1999, p. 1. – CESE, avis no 2000/C 51/23, 8 déc. 1999 : JOCE no C 51, 23 févr. 2000, p. 24. – Comité des Régions, avis no 2000/C 57/16, 18 nov. 1999 : JOCE no C 57, 29 févr. 2000, p. 96.
2125) JCl. Environnement et Développement durable , Fasc. 12, Bois et forêts. Gestion durable et forestière en France. Forêts privées et forêts relevant du régime forestier , nos 16 et s.
2126) Par ex., en matière de stratégie pour la biodiversité, celle-ci n’a été adoptée qu’en 2004, soit douze ans après le sommet de Rio.
2127) Qui reprenait mot pour mot la définition de gestion durable des forêts adoptée en 1993 par la Conférence ministérielle d’Helsinki, laquelle est inscrite dans le cycle des conférences ministérielles sur la protection de la forêt en Europe (Forest Europe ), démarré en 1990 à Strasbourg, et qui se poursuit toujours, la dernière conférence ayant eu lieu à Bratislava en 2021.
2128) JCl. Rural , Fasc. 80, Bois et forêts. – Droits et fiscalités forestiers , no 31.
2129) Certains qualifient même cette situation de tout à fait exceptionnelle, estimant qu’il n’existe pas de régime équivalent dans l’ordre juridique national. En ce sens : JCl. Environnement et Développement durable , Fasc. 12, Bois et forêts. Gestion durable forestière en France , no 101, par J. Liagre.
2130) JCl. Rural , Fasc. 80, Bois et forêts , no 4.
2131) C. for., art. L. 312-1.
2132) C. for., art. L. 312-2.
2133) C. for., art. L. 312-6.
2134) C. civ., art. 520 et 521.
2135) JCl. Rural , Fasc. 80, Bois et forêts. – Droit et fiscalité forestiers .
2136) CGI, art. 793, 3o .
2137) JCl. Rural , Fasc. 80 : Bois et forêts. – Droit et fiscalité forestiers , no 22.
2138) S. Pézard, Cumul des dispositifs de faveur : la forêt est-elle une oasis fiscale ? : JCP N 2016, no 4, 1047.
2139) Tempête Martin en 1999, tempête Klaus en 2009, tempête Xynthia en 2010 notamment.
2140) CAA Bordeaux, 30 juin 2016, no 15BX01109 : JurisData no 2016-013669.
2141) N. Rondeau, De l’inassurabilité des dommages aux bois sur pieds causés par les tempêtes : RD rur. janv. 2017, no 449, comm. 17.
2142) C. for., art. L. 351-2, al. 2.
2143) Cette condition ne s’applique pas lors du premier dépôt qui peut être limité à 2 000 € : C. for., art. L. 352-2, al. 3.
2144) C. for., art. L. 352-3, al. 1.
2145) A. Arnaud-Émery, Cifa, le Sylviculteur et l’Épargne : RFP sept. 2015, no 9, prat. 7.