CGV – CGU

Partie VI – L’assurance vie dans un cadre international
Titre 3 – Le contrat d’assurance vie luxembourgeois
Chapitre II – Les caractéristiques des contrats luxembourgeois

2671 Les contrats luxembourgeois bénéficient, en plus de la confidentialité (confidentialité qui, avec la mondialisation des échanges, tend à disparaître), d’une adaptabilité internationale grâce à leur neutralité fiscale, et de modes de gestion financière permettant une grande souplesse d’investissement.

Section I – Confidentialité

2672 Au Luxembourg, le secret professionnel est inscrit dans la Constitution. Il s’applique à tout organisme.

Cet environnement a apporté pour le Luxembourg un cadre favorable aux banques et aux compagnies d’assurances qui ont pu capter les investisseurs désireux de répartir leurs avoirs. Ces dernières années, sur un plan fiscal, le Luxembourg a démultiplié ses conventions bilatérales en matière de double imposition et a aménagé celles existantes, favorisant ainsi l’échange d’informations fiscales sur demande et répondant donc aux exigences de l’OCDE.

Section II – Fiscalité. Non-imposition au Luxembourg

2673 Le souscripteur non-résident luxembourgeois n’est soumis au Luxembourg à aucun impôt.

Le souscripteur résident fiscal en France est soumis aux impôts et taxes françaises.

De plus, il doit déclarer, à l’occasion de l’établissement de sa déclaration de revenus, les souscriptions, nouveaux versements ou rachats. Les compagnies ont mis en place pour les résidents fiscaux de France des mandats fiscaux pour prélever les impôts à la source. Il est fréquent que les compagnies l’imposent.

Les contrats luxembourgeois sont considérés par certains mieux adaptés que les contrats français pour les souscripteurs non-résidents ou les expatriés. Ils peuvent conférer des avantages pour démontrer que l’on n’est pas résident français (cf. critères de détermination de son pays de résidence fiscale).

Section III – La sécurité des actifs

2674 Les compagnies d’assurance luxembourgeoises et les intermédiaires qui les préconisent indiquent que les contrats luxembourgeois apportent au souscripteur une sécurité des actifs supérieure aux compagnies de droit étranger et notamment aux compagnies d’assurance françaises. Qu’en est-il réellement ?

§ I – Comparaison franco-luxembourgeoise
A/ En France

2675 En cas de défaillance d’une compagnie française, les actifs sont liquidés et répartis proportionnellement entre les créanciers. En cas d’insuffisance d’actif, il est prévu l’intervention du Fonds de garantie des assurances de personnes dans la limite de 70 000 € par client et par compagnie1318.

Pour éviter ce risque aux souscripteurs, on peut souscrire plusieurs « petits » contrats jusqu’à 70 000 € dans différentes compagnies. On bénéficiera en cas de faillite de la compagnie d’une multitude d’indemnisations.

B/ Au Luxembourg

2676 Le Grand-Duché a créé un régime de protection comprenant deux volets. Le premier volet est dénommé « le triangle de sécurité » et le second « la règle du superprivilège »1319.

I/ Le triangle de sécurité

2677 Il consacre la ségrégation des actifs. Chaque angle du triangle représente : l’assureur, le Commissariat aux assurances (CAA) et une banque dépositaire1320.

Les actifs des clients doivent être isolés des fonds propres de la compagnie. Pour respecter cet engagement, chaque compagnie signe une convention de dépôt avec un établissement de crédit dénommé « banque dépositaire ». Par conséquent, les actifs des assurés sont séparés de ceux des actionnaires et des créanciers de la compagnie d’assurance. De plus, la banque dépositaire a également l’obligation de séparer les fonds des clients par compte client. Aux termes de ce dépôt, ils ne peuvent plus faire l’objet de nouvelles sûretés réelles.

En cas de défaillance de l’assureur, le Commissariat aux assurances a la possibilité de bloquer ses comptes chez la banque dépositaire, et ce afin de protéger les droits des souscripteurs.

II/ Le superprivilège

2678 Le souscripteur du contrat est créancier privilégié en cas de défaillance de l’assureur. Il s’agit d’un privilège de premier rang, celui de l’État luxembourgeois venant en second rang (alors qu’en France, le souscripteur n’est qu’un créancier chirographaire de second rang). Le souscripteur dispose d’un superprivilège sur le compte de fonds général. Pour garantir ces engagements, la compagnie a l’obligation de déposer sur un compte bancaire au Luxembourg une provision au minimum égale aux provisions mathématiques des positions des clients.

Le superprivilège du souscripteur s’exerce donc sur ces comptes composés de lignes de titres. Ces titres sont hors bilan de la banque. Les créanciers ne peuvent pas y prétendre (a contrario des liquidités).

Précisons que le superprivilège est collectif, c’est-à-dire que le souscripteur est remboursé à due proportion de son droit de créance sur l’assureur, mais après liquidation globale des actifs (de l’ensemble des contrats souscrits par les divers clients)1321.

D’autre part, le souscripteur peut perdre son droit de créance s’il ne répond pas dans les délais légaux à l’appel à déclaration de créance du liquidateur (formalisme à réaliser au Luxembourg).

§ II – Doit-on en conclure que le contrat d’assurance vie luxembourgeois est un produit sans risque ?

2679 Si le risque est limité, il faut l’appréhender au niveau de la banque dépositaire et non plus au niveau de l’assureur. Le risque porte sur les seuls actifs liquides (compte courant, compte à terme, épargne logement…). Il faut préciser qu’il est possible de détenir un compte à terme dans un fonds interne luxembourgeois. Dans ce cas, si la banque fait faillite elle peut entraîner la défaillance de l’assureur. L’analyse du risque passera donc par une étude approfondie des fondamentaux de la banque dépositaire. De plus, l’État luxembourgeois en cas de faillite de l’une de ses banques serait-il disposé à les renflouer, et en cas de réponse positive en aurait-il les moyens ?

En France, les économistes ont mis en évidence un risque de crise systémique qui pourrait être généré par la hausse des taux des obligations d’État couplée aux sorties massives des épargnants du fonds en euros à capital garanti. La loi dite « Sapin 2 », votée à l’Assemblée nationale le 8 novembre 2016 et validée par le Conseil constitutionnel, attribue des pouvoirs étendus au Haut Conseil du secteur financier (HCSF) qui (sur proposition du gouverneur de la Banque de France) peut désormais en partie « retarder ou limiter » les mouvements dans les contrats d’assurance vie français (et non plus « suspendre » comme le stipulait la première version de la loi), qu’ils soient investis en fonds euros ou en unités de compte, en cas de « menace grave et caractérisée » du système financier. L’assurance vie au Luxembourg protège-t-elle les souscripteurs de la loi Sapin 2 ? Les avis sont contrastés. Pour certains, elle serait protectrice. Pour d’autres, la loi Sapin 2 s’appliquerait aux compagnies d’assurance vie étrangères intervenant en libre prestation de services (LPS) en France. Mais, puisque seul le Commissariat aux assurances aurait concrètement le pouvoir de l’appliquer, la seule capacité de rétorsion de la France contre les assureurs luxembourgeois serait de suspendre leur droit de commercialisation en libre prestation de services sur le territoire français1322.

Section IV – Une grande souplesse d’investissement

2680 Le véritable intérêt du contrat luxembourgeois réside dans sa capacité à offrir aux assurés un catalogue de supports d’investissement plus fourni qu’en France. Toutefois, il convient de rappeler que les contrats d’assurance luxembourgeois doivent respecter les dispositions d’ordre public du Code des assurances français.

Le produit phare du Luxembourg est le fonds interne dédié. Il s’agit d’un portefeuille de valeurs mobilières personnalisé géré sous mandat. Certains souscripteurs sont quant à eux attirés par les contrats multidevises qui peuvent être alimentés directement avec des actifs. Le Grand-Duché autorise l’apport de titres non cotés (type parts de société à responsabilité limitée ou société civile immobilière).

Les fonds internes dédiés permettent de donner accès à l’investisseur privé « averti » à des actifs financiers sophistiqués dans des proportions importantes au sein du contrat (jusqu’à 100 %).

Il existe quatre types de fonds dédiés, accessibles selon le niveau de fortune mobilière. Pour souscrire un fonds de type A (le plus petit), il faut souscrire un contrat d’au moins 250 000 €.

On peut payer les primes par apport de titres. Toutefois, l’apport est une cession sur le plan fiscal (la banque dépositaire du client est censée émettre un imprimé fiscal unique [IFU]). L’apport sera par conséquent un fait générateur de taxation de la plus-value. L’apport aura l’avantage d’éviter les frais de transaction financière à la vente et à l’achat des titres si le portefeuille est destiné à être conservé au sein du contrat1323.

De plus, les contrats ont la souplesse de pouvoir être valorisés dans l’une des principales devises du marché, et le virement des primes peut s’effectuer dans toutes grandes devises de l’OCDE. Le souscripteur évite ainsi des frais de courtage et il peut apporter le contrat en garantie d’un prêt bancaire lui-même exprimé dans la même devise.

Conseils en vrac

On peut être interrogé sur l’opportunité de souscrire un contrat luxembourgeois plutôt que français. Il ne sera pas question de conseiller l’investisseur sur les classes d’actifs à « loger » dans le « véhicule assurance ». En effet, seul le souscripteur, aidé de son assureur, doit arbitrer les actifs qui composeront son placement. Le notaire a un rôle à jouer pour conseiller le client sur l’opportunité de souscrire ou non un contrat au Luxembourg. En effet, des arguments de nature fiscale peuvent être avancés, notamment dans les cas suivants :

risque de requalification article 4 B du Code général des impôts en cas de rachat sur un contrat souscrit auprès d’une compagnie française : dans le cadre d’un départ de France, la personne qui se délocalise devient non-résident. Le non-résident qui détient un contrat souscrit auprès d’un assureur installé en France pourrait voir son statut de non-résident remis en cause sur la base du critère du centre des intérêts économiques. Le risque existe également en cas de rachats réguliers sur un contrat ouvert en France ;

risque de double imposition d’un rachat une fois devenu non-résident : il existe un risque de double imposition des intérêts dégagés en cas de rachat d’un contrat ouvert auprès d’une compagnie installée en France. Tel est le cas si le non-résident n’est pas soumis aux prélèvements sociaux. Il se verra néanmoins appliquer les prélèvements libératoires sur la quote-part des intérêts au profit de l’État français. Parallèlement, le pays de résidence du souscripteur peut prévoir une fiscalité, celle-ci, selon les pays et les conventions de non-double imposition, pouvant ne pas être éliminée par la convention (cf. cas de la Belgique sur le contrat « branche ») ;

risque de ne pas pouvoir profiter, au retour en France, de la loi sur les impatriés : avant 2018, le fait d’avoir souscrit son contrat auprès d’une compagnie installée en France, le souscripteur ayant passé au moins cinq années à l’étranger et revenant en France, ne pouvait plus bénéficier de l’exonération d’ISF.


1318) Ce fonds est alimenté par une cotisation des compagnies d’assurance et peut mobiliser environ 1,5 milliard d’euros en cas de faillite d’un assureur.
1319) Le triangle de sécurité et le superprivilège sont organisés au travers des articles 37 et 39 de la loi modifiée du 6 décembre 1991 sur le secteur des assurances, de l’article 15 du règlement Grand-Ducal du 14 décembre 1994 et de la lettre circulaire n° 95/2.
1320) Le Commissariat aux assurances est l’organe officiel luxembourgeois de surveillance du secteur bancaire.
1321) Pour exemple : liquidation de l’assureur Excell Life le 12 juillet 2012.
1322) A. Calci : RFP juill. 2017, n° 7-8, étude 18 (la loi Sapin 2 ne s’appliquerait au Luxembourg que sur les contrats en fonds euros réassurés).
1323) Dans le passé, la dégradation de la fiscalité du compte titres en France avait motivé la souscription par des résidents de France avec apport de leurs titres sur des contrats luxembourgeois.
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