CGV – CGU

Chapitre IV – Les personnes physiques : indication du régime matrimonial

Partie I – Préparation et rédaction de l’acte : enjeux et méthodologie
Titre 5 – Ont comparu : les parties à l’acte
Sous-titre 1 – Les personnes physiques
Chapitre IV – Les personnes physiques : indication du régime matrimonial

2259 Le notaire se doit de mentionner le type de régime matrimonial applicable aux époux mariés parties aux actes qu’il reçoit. Comment le notaire s’acquitte-t-il de cette tâche (Section I) ? Et quelle serait la pratique la plus appropriée (Section II) ?

Section I – Constat d’une pratique notariale actuelle

2260 À la lecture des actes en circulation, on peut constater que certains notaires, soit parce qu’ils ignorent le régime applicable aux parties mariées à l’étranger, soit par prudence, choisissent de ne pas indiquer le type de régime matrimonial applicable aux parties. Dans ce cas particulier, ils se limitent aux mentions de l’existence d’un mariage, de sa date et du lieu de l’union. Ce choix de rédaction de l’acte a le mérite de limiter le risque d’erreurs, mais laisse cependant supputer que l’analyse des pouvoirs des époux en matière matrimoniale, et plus particulièrement sur les droits notamment de disposer ou de donner en garantie, n’a peut-être pas été vérifiée. Dans le cadre d’un achat payé comptant et régularisé par les deux époux, cette solution peut être retenue, mais en cas d’emprunt ou de vente il est déconseillé de faire perdurer cette pratique.

D’autres actes indiquent que les époux se sont mariés à l’étranger et mentionnent le régime. Cette solution est-elle la bonne pratique ? Exemple : «M. et Mme Smith, mariés en premières noces à Londres sous le régime de la séparation de biens, aux termes de leur union célébrée en date du 1er janvier 1989 ». Parfois il est même indiqué «en vertu des articles 1536 et suivants du Code civil».

L’exercice est toutefois périlleux. Le notaire qui se prononce si précisément sur le régime matrimonial des comparants prend le risque de relayer des déclarations approximatives de ses clients et d’ignorer par conséquent des changements de rattachement, des cas de mutation automatique, etc. Peut-être est-il parfois plus sage, lorsque la détermination du régime matrimonial n’est pas indispensable au traitement du dossier (par ex. lors d’une acquisition immobilière), de se contenter d’une approche simplifiée, mais plus appropriée.

Section II – La pratique qui semble la plus appropriée

2261 La grande majorité des notaires l’utilise : celle-ci consiste à indiquer a minima que les époux se sont mariés dans tel pays, à telle date, et sous le régime légal de ce pays. Il peut être ajouté que ce dernier est comparable, par exemple, au régime de la séparation de biens ou de la communauté réduite aux acquêts.

Toutefois, il convient de distinguer les pays dans lesquels le concept de régime matrimonial existe de ceux dans lesquels ce concept n’existe pas, comme par exemple les pays anglo-saxons.

Illustrations

En présence de couples soumis à une loi anglo-saxonne

M. et Mme Smith, mariés en premières noces à Londres le 1er janvier 1989, sans désignation de loi ni de contrat préalable (ni prenuptial agreement).

En conséquence, les époux Smith sont soumis au régime légal anglais comparable au régime de la séparation de biens.

En effet, le système juridique anglais ne connaît pas le concept de régime matrimonial, de sorte que les époux, en célébrant leur union, conservent leur capacité et leur pouvoir d’administration et de disposition de manière exclusive et autonome. C’est la raison pour laquelle il conviendrait de stipuler dans l’acte un régime «comparable» à celui de la séparation de biens pure et simple.

Cependant, la portée de cette assimilation peut se trouver limitée selon le pouvoir souverain d’interprétation des cours anglaises. En effet, l’absence de principe légal de la notion de régime matrimonial anglais laisse toute latitude aux juges de définir eux-mêmes, sans aucune référence législative, les modalités de distribution et de partage des biens acquis par les époux, pourtant mariés sans contrat.

Par conséquent plusieurs formulations sont possibles :

1/ Monsieur et Madame Smith étant mariés en premières noces à Londres le 1er janvier 1989, union soumise à la loi anglaise, à défaut de dispositions conventionnelles, ainsi déclaré ;

2/ Monsieur et Madame Smith, étant mariés en premières noces à Londres le 1erjanvier 1989, union soumise à la loi anglaise à défaut de dispositions conventionnelles, comparable au régime de la séparation de biens pure et simple.

En présence de couples soumis à une loi connaissant le concept de régime matrimonial Tel sera le cas pour les pays de droit latin.

Dans un tel cas, il est conseillé d’indiquer dans la formulation la nature du régime matrimonial tel que défini par la disposition légale du pays concerné que l’on peut retrouver sur les sites «coupleseurope.eu» pour les ressortissants d’un État membre de l’Union européenne ou «uinl.org» pour les ressortissants non membres.

Formulation possible :

1/ Monsieur et Madame Enrico étant mariés en premières noces à Rome, le 1erjanvier 1989, sous le régime légal italien de la communauté de biens défini aux articles 159 et suivant du Code civil italien, ainsi déclaré.

En cas d’acte de disposition et de certains actes de gestion, il faudra, pour s’assurer des droits respectifs de chacun des époux, selon les cas d’espèce et les enjeux en présence, solliciter soit un certificat de coutume, soit un legal opinion. L’utilisation du vocable « comparable » paraît pertinente à plus d’un titre :

en premier lieu, compte tenu du fait de l’absence conceptuelle du régime matrimonial dans certains pays de common law ;

en second lieu, compte tenu des particularités pouvant exister dans des régimes matrimoniaux définis pourtant sous la même terminologie, mais utilisant des modalités parfois distinctives, ainsi qu’il va être démontré dans les exemples qui suivent :

En pratique

En droit allemand, le régime matrimonial légal est celui de la participation réduite aux acquêts. Ce régime est nommé également, mais improprement, «communauté différée des augments» (car il n’y a pas de communauté).

En Allemagne, le patrimoine originaire de chacun des époux comprend deux éléments635 :

le patrimoine au moment de l’entrée en application du régime (i.e. tout ce chacun des époux possède au moment du mariage) (BGB, § 1371, al. 1) ;

les biens acquis par chacun des époux, par donation ou pour cause de mort après l’entrée en application du régime (BGB, § 1372, al. 2).

Pour pouvoir comparer le patrimoine originaire (PO) avec le patrimoine final (PF), la valeur du PO est calculée en tenant compte du taux d’inflation. Ceci n’est pas expressément prévu par la loi, mais résulte de la jurisprudence constante. Ledit calcul se fait en utilisant l’indice général des prix à la consommation (www.destatis.de) de l’année concernée.

On peut faire un inventaire descriptif (BGB, § 1377) au moment du contrat et l’annexer à l’acte, mais on peut également faire l’inventaire du PO après le mariage. Pour ces biens, il est possible de prévoir dans le contrat un taux d’inflation (qui reste toujours le même taux quelle que soit la nature des biens).

Régime de la preuve (BGB, § 1377) : chacun des époux doit prouver le montant de son PO ; s’il n’y parvient pas, il est présumé n’avoir jamais détenu de PO et son patrimoine final correspond alors à ses acquêts.

Les dettes doivent cependant être déduites du PO, et ce faisant, elles peuvent le rendre négatif (inférieur à zéro) (BGB, § 1374, al. 3).

Seule la valeur du PO importe pour la péréquation, et en aucun cas sa composition exacte.

En effet, peu importe par conséquent de ce qu’il advient des biens ayant composé le PO par la suite.

Par exemple, si l’un des époux est propriétaire de terres agricoles qui deviennent par la suite constructibles, la plus-value économique tombera dans les acquêts du régime.

En droit néerlandais jusqu’au 1er janvier 2018, les époux mariés sans contrat préalable à leur union aux Pays-Bas, où ils ont installé leur première résidence habituelle, étaient soumis au régime légal de la communauté universelle.

Ce régime matrimonial néerlandais, bien qu’assimilé à celui de la communauté universelle de droit français, en diffère selon ses règles de gestion, d’administration et de disposition reconnues aux époux séparément.

Par exemple, en vertu de l’ancien article 96 du Code civil néerlandais, lorsqu’un seul des époux faisait entrer un bien dans la communauté, les pouvoirs de disposition sur ce bien lui étaient pleinement reconnus, ce qui lui permettait, par conséquent, de vendre cet acquêt de communauté sans l’autorisation de son conjoint.

Cette précision s’applique toujours pour tous les mariages légaux célébrés aux Pays-Bas avant le 1er janvier 2018.


635) BGB (Burgerliches Gesetzbuch), § 1374 (Code civil allemand).


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