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Titre 7 – Loi applicable

Partie I – Préparation et rédaction de l’acte : enjeux et méthodologie
Titre 7 – Loi applicable

2303 – Introduction. – Dans le cadre de l’utilisation des règles de droit international privé, deux axes se dessinent pour prévenir la naissance des conflits en matière successorale entre héritiers693 :

en présence du futur défunt qui fait un choix de loi applicable à sa future succession lorsque cette faculté lui est offerte ;

en faisant coïncider les lois applicables tout au long de la vie juridique du futur défunt.

Dans ce type de conflit, il est avantageux de pouvoir connaître par avance la loi applicable, permettant ainsi une parfaite prévisibilité de la loi et, par voie de conséquence, une plus grande sécurité juridique.

À chaque étape de sa vie, une personne peut désormais choisir la loi applicable dans des domaines tels que le contrat de mariage, le pacs, ou les donations. Il est très vivement conseillé de le faire.

On constate que les notaires sont sensibilisés à cette nécessité, mais qu’en pratique la désignation de loi applicable n’est pas automatique. Il suffit pour s’en convaincre de lire les contrats de mariage en circulation.

Par exemple, en matière de contrat de mariage, il est conseillé de préciser soit dès le premier article du contrat, soit au dernier de celui-ci, que les parties entendent désigner la loi française comme étant applicable à leur contrat.

Le présent titre n’a pas vocation à étudier les lois applicables aux différents types d’actes que les notaires rédigent. Le tableau contenu à la fin de celui-ci renverra les lecteurs aux études contenues dans cet ouvrage traitant en détail de celles-ci. On se contentera de rappeler les généralités.

– En pratique, quel est le premier acte nécessitant une désignation de loi applicable qu’un notaire rédige dans le cadre d’un dossier international ? – Les dossiers de droit international sont particulièrement complexes. En effet, les difficultés peuvent aussi bien être d’ordre juridique que fiscal, ou encore bancaire, voire douanier. Il convient en pratique, très souvent et préalablement à la rédaction d’actes, de rédiger une étude patrimoniale. Ces études, qui s’inscrivent dans le cadre de conseils en organisation internationale de patrimoine, ne relèvent pas automatiquement de la lex auctoris.

Par ailleurs, ces études font apparaître qu’une partie non négligeable des dossiers ne trouve pas de solution694, ou bien que les solutions dégagées s’avèrent fiscalement inopportunes.

Par conséquent, seuls quelques dossiers aboutiront à la rédaction d’actes par le notaire français. Il faudra donc être organisé et se lancer dans la rédaction de ces actes seulement une fois que l’étude aura confirmé que le dossier le permet.

Si l’on respecte cette méthodologie, on constate que le premier document qui devra être rédigé par le notaire sera une lettre dans laquelle il fixera sa mission et déterminera sa rémunération. Ensuite suivra une convention d’honoraires. Ces études sont rémunérées par des honoraires libres, proposés et acceptés par le client avant que le notaire commence son travail.

Les parties à cette convention d’honoraires seront le notaire et le client. Ce document, qui est déjà un contrat sous seing privé, doit impérativement contenir un choix de loi applicable.

Dans le cadre de ce choix, il est vivement conseillé aux notaires de France de désigner la loi française. En effet, en cas d’engagement de leur responsabilité, leurs obligations relèveront ainsi de la loi et de la jurisprudence française.

Qu’en serait-il si, en matière de conseil en organisation internationale, la loi applicable est une loi étrangère prévoyant pour les notaires une obligation de résultat et non de moyens ?

Dans le même sens, il sera judicieux d’insérer une clause attributive de juridiction. En effet, il deviendrait délicat et coûteux pour notre assureur de devoir assumer des actions en responsabilité sur des territoires étrangers.

– Utilité de choisir une loi applicable. – Du fait de sa prévisibilité, la désignation de la loi applicable apporte une réelle sécurité juridique.

Il faut toutefois indiquer que dans certains cas l’objectif peut ne pas être atteint. Il en est ainsi, par exemple, en matière de contrat de mariage, lorsque le régime matrimonial adopté n’est pas reconnu par d’autres ordres juridiques. Cette difficulté d’application spatiale existe dès que les règles de droit international privé du pays dans lequel les parties pourraient se délocaliser ne sont pas identiques à celles régissant leur contrat de mariage : les pays de common law ne reconnaissent pas la notion de régime matrimonial. Pour cette raison les juges peuvent, à l’occasion d’un divorce, ne pas respecter les règles matrimoniales choisies par les époux. Par exemple, le juge anglais peut attribuer à l’épouse les biens personnels de l’époux, alors que le couple est soumis au régime conventionnel de la séparation de biens pure et simple de droit français (sur ce sujet, V. les développements de la troisième commission).

En pratique, en définissant la loi applicable dans les actes, les notaires français permettent d’en déterminer les conditions de validité et de révocabilité.

Si, par le passé, la désignation de la loi applicable en matière matrimoniale ou de donation était déjà possible, le règlement successoral européen a étendu cette possibilité de choix non seulement à la succession, mais également à la recevabilité et aux conditions de fond du testament ou du pacte successoral. Par conséquent, il convient de vérifier si la coïncidence est opportune entre la loi successorale et le régime matrimonial, ou entre la loi successorale et celle applicable à la donation ; ou encore entre la loi successorale et celle applicable au pacte successoral ou au trust695.

Il faut rappeler que la loi applicable à la succession (dite «loi successorale») peut être différente de celle applicable à la donation, au testament ou au pacte successoral.

La loi applicable à un acte peut parfois être modifiée du consentement de toutes les parties après la signature. Tel est le cas des contrats relevant de l’application du règlement Rome I (sur ce sujet, V. les développements de la quatrième commission). D’autre part, à défaut de désignation de la loi applicable lors de la régularisation de l’acte, celle-ci peut parfois être déterminée dans un acte subséquent. Tel est le cas des donations entre vifs.

Tableau récapitulatif de la loi applicable selon le type d’acte que le notaire a vocation à recevoir


Clause type

Choix de la loi applicable

Sous réserve de l’ordre public international, des lois impératives et des lois de police, les parties désignent la loi française comme applicable au présent contrat.

Ajouter éventuellement :

Le notaire soussigné rappelle aux parties que la clause de choix de loi, permise par le règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit «Rome I», permet d’éviter en cas de litige d’avoir recours aux règles de conflit de lois pour la détermination de la loi applicable. Elle permet la prévisibilité du choix positif, correspondant au choix d’une loi dont les parties considèrent qu’elle convient à l’opération projetée, et a contrario d’exclure l’application de lois inacceptables pour l’une ou l’autre des parties.


693) Ces deux axes ont été développés par le 49e Congrès du Mouvement Jeune notariat intitulé « Les conflits successoraux », Montréal-Québec, 2018, p. 118 et s.
694) Soit il n’existe pas de solution juridique, soit le client n’a pas respecté ses obligations en matière fiscale et il serait alors dangereux ou illégal pour le notaire de l’accompagner dans son projet.
695) Pour approfondissement, V. 49e Congrès du Mouvement Jeune notariat, « Les conflits successoraux », op. cit., p. 149 et s.


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