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Titre 1 – L’an deux mil dix-neuf : la date de l’acte

Partie I – Préparation et rédaction de l’acte : enjeux et méthodologie
Titre 1 – L’an deux mil dix-neuf : la date de l’acte

2072 Le propos ici n’est pas de parler à nouveau de la date certaine de l’acte, sujet déjà évoqué dans la partie préliminaire à laquelle il est renvoyé (V. supra, n° a2015), ni d’évoquer son importance, sa preuve, ni la référence au calendrier grégorien actuellement en vigueur (ce qui ne laisse d’ailleurs pas de choix pour le calendrier musulman ou même républicain)188. Le propos ici n’est pas non plus de souligner la condition indispensable à l’authenticité de l’acte que constitue la date189.

Comme indiqué dans l’introduction, l’idée sera ici d’insérer un élément d’extranéité à la datation de l’acte, en se posant la question suivante : compte tenu de l’importance croissante du principe de l’autonomie de la volonté en droit international privé, comme par exemple la possibilité pour les parties de choisir la loi applicable au contrat190, ne pourraient-elles pas aussi indiquer, en plus de la date et de l’heure française, la date et l’heure du fuseau horaire d’un autre pays dans lequel l’acte reçu va produire des effets d’ordre civil et (ou) fiscal ?

Puisque la date de l’acte contribue à la définition des régimes juridique et fiscal qui lui sont applicables au moment où il est passé191, et puisque l’acte notarié peut être reçu n’importe quel jour, y compris les dimanches et les jours fériés192, il serait envisageable de permettre aux parties d’adjoindre simultanément à la date de Paris (par ex. si l’acte se signe à Paris), celle de leur lieu de résidence habituelle ou fiscale (Melbourne – Australie, Quito – Équateur, etc.), pour des raisons qui leur seraient propres et légitimes. Il faudrait alors leur suggérer d’horodater l’acte (i.e. noter la date et l’heure de sa passation) et de déclarer que pour les effets juridiques que l’acte signé à Paris produit dans leur pays de résidence, il y aura lieu de tenir compte de la date de leur pays de résidence. Cette application du principe de l’autonomie de la volonté renforcerait ainsi encore un peu plus la prévisibilité de la loi applicable, principe fondateur parmi les plus importants du droit international privé.

Illustration des effets d’un choix quant à l’horodatage de l’acte international

Un acte de donation d’un bien immobilier doit être passé en France entre deux Australiens résidents habituels à Melbourne. Il s’avère que la fiscalité relative à une donation constatée à l’étranger qui devait faire l’objet d’une déclaration en Australie ne le sera plus, selon une nouvelle loi fiscale entrant en vigueur au 1er janvier.

Si les parties qui signent le 31 décembre à Paris à 19 heures leur acte de donation, en indiquant que pour la datation de l’acte, non seulement la date et l’heure de Paris (où se déroule la signature) déterminent les effets de l’acte, mais aussi et simultanément la date et l’heure applicable selon la résidence fiscale des parties non résidentes (Melbourne – Australie), dans le respect du fuseau horaire de Melbourne, elles pourront alors bénéficier de la fiscalité plus avantageuse prévue à compter du 1er janvier à Melbourne : alors qu’il est 19 heures à Paris le 31 décembre, il est déjà 4 heures du matin le 1er janvier à Melbourne, et les parties bénéficient de la dispense de déclaration fiscale alors en vigueur à Melbourne, ville de leur pays de résidence193.

Cet exemple nous permet d’appréhender l’intérêt d’un double horodatage de l’acte authentique, aucune base légale ne semblant de surcroît s’y opposer.

Attention toutefois à ce que parmi les horodatages indiqués, soit désignée naturellement la datation de l’acte au regard de notre propre fuseau.


188) Ces éléments ont fait l’objet d’analyses poussées par le 111e Congrès des notaires de France, Strasbourg, mai 2015, La sécurité juridique, un défi authentique, p. 180, n° 1389.
189) Une étude détaillée a été faite par S. Cabrillac et C. Jaquet, La preuve de la date de l’acte : JCP N 1er févr. 2013, n° 5, art. 1015, p. 33.
190) Règl. Rome I, art. 3
191) S. Cabrillac et C. Jaquet, art. préc., n° 5, p. 35.
192) S. Cabrillac et C. Jaquet, art. préc., n° 6, p. 34.
193) Pour une analyse détaillée de la notion de résidence en matière de fiscalité internationale, V. infra, Partie IV, Titre 1, Chapitre II, n° a2439.


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