CGV – CGU

Chapitre II – Loi applicable aux contrats conclus à compter du 17 décembre 2009

Partie VI – L’assurance vie dans un cadre international
Titre 1 – L’assurance vie sous l’angle civil
Chapitre II – Loi applicable aux contrats conclus à compter du 17 décembre 2009

2625 En matière de contrats conclus depuis le 17 décembre 2009, il faut distinguer la loi applicable pour l’ensemble des obligations relatives à l’information précontractuelle et au devoir de conseil de l’assureur. Si le contrat est souscrit en France, la loi applicable sera toujours la loi française. En revanche, pour la loi applicable au contrat lui-même, il y a lieu d’appliquer les règles ci-dessous développées.

Section I – Pour les contrats dont les risques sont situés à l’intérieur du territoire des États membres

2626 Pour les contrats souscrits après le 17 décembre 2009, le texte permettant de déterminer la loi applicable est le règlement Rome I. L’article 7, § 3, offre aux cocontractants le choix entre trois lois différentes :

la loi de tout État membre où le risque est situé au moment de la conclusion du contrat, c’est-à-dire l’État membre de l’engagement ;

la loi du pays dans lequel le preneur d’assurance a sa résidence habituelle ;

la loi de l’État membre dont le preneur d’assurance est ressortissant.

À défaut de choix, le contrat est régi par la loi de l’État membre où le risque est situé au moment de sa conclusion, c’est-à-dire par la loi de l’État de l’engagement, envisagée comme la loi de la résidence habituelle du souscripteur, personne physique.

Ce critère applicable par défaut permet de désigner la même loi pour les contrats signés avant et après le 17 décembre 2009, c’est celle du lieu de l’engagement1279.

En pratique

Exemple 1 : un ressortissant belge résidant en France peut volontairement soumettre le contrat d’assurance vie qu’il va souscrire à la loi belge (loi de sa nationalité) ou la loi française (loi de sa résidence). Faute de précision dans le contrat, la loi applicable sera la loi française (loi de l’État de l’engagement considérée comme choisie à défaut).

Exemple 2 : pour un ressortissant français résidant en France, la loi française s’applique obligatoirement.

Exemple 3 : pour un ressortissant allemand résidant en Allemagne, la loi allemande s’applique obligatoirement, même si la compagnie est luxembourgeoise ou si le souscripteur déménage par la suite.

On comprend que le lieu de la signature du contrat n’est pas un élément qui déterminera la loi applicable, contrairement à une croyance erronée. Il n’y a pas de modification de la loi applicable en cas de changement de résidence du souscripteur en cours de contrat.

D’autre part, la souscription en France d’un contrat par un étranger résidant habituellement hors de France est considérée comme une signature réalisée hors de France. On comprend maintenant la raison qui motive certaines compagnies françaises à refuser de consentir à des étrangers des contrats d’assurance vie, eu égard à leur obligation d’appliquer une loi qu’elles ne maîtriseraient pas ou peu.

Le praticien doit savoir qu’en matière d’assurance, il y a lieu de distinguer l’assureur de l’intermédiaire :

l’assureur peut souscrire des contrats dans son territoire, mais il peut également proposer un contrat dans un autre État membre auprès d’un souscripteur résident de cet État à la condition expresse d’avoir notifié son exercice en libre prestation de services1280. Nous sommes alors dans le cadre d’une opération transfrontalière ;

l’intermédiaire est celui qui va faire souscrire les contrats alors qu’il n’est ni l’assuré ni le souscripteur. Il doit faire une déclaration en libre prestation de services auprès de l’autorité compétente du pays d’accueil1281. Le règlement Rome I ne s’applique pas à l’intermédiation.

La validité du contrat en dépend ; par conséquent, la vérification de ces points est importante. En effet, le souscripteur mécontent des performances de son contrat pourrait chercher à en obtenir la nullité. Ces obligations ont pour finalité de permettre au souscripteur de comprendre le contrat auquel il souscrit.

Section II – Pour les contrats dont les risques sont situés à l’extérieur du territoire des États membres

2627 Si le souscripteur n’a pas sa résidence habituelle sur le territoire d’un État membre, le contrat d’assurance vie sera régi, au fond, par les articles 3 et 4 du règlement Rome I. Les parties pourront alors choisir librement la loi applicable au contrat, et, à défaut de choix, celui-ci sera soumis à la loi de la résidence habituelle de l’assureur1282.

Section III – Difficultés pratiques

2628

Attirons l’attention du praticien français sur la problématique des résidences secondaires

Un souscripteur de nationalité américaine contracte une assurance vie en France à l’occasion de la vente d’un logement à Paris. Le contrat prévoit que la loi applicable est la loi de la résidence habituelle du souscripteur. Il est propriétaire d’une résidence secondaire à Cannes et l’assureur indique cette adresse, lors de la souscription du contrat. En réalité, le souscripteur a sa résidence habituelle à San Francisco. Le contrat est en unités de compte et sa valeur chute considérablement après quelques mois ou quelques années. Dans ce cas, le souscripteur pourrait être tenté d’agir en nullité du contrat pour obtenir le remboursement des primes versées. En effet, le contrat est soumis à la loi de l’État de Californie. En cas d’absence d’agrément administratif de l’État de Californie, l’assureur pourrait être en infraction avec la réglementation américaine. La loi américaine régissant le contrat, il faut s’interroger pour savoir si le contrat est valable.

2630

En pratique

Les compagnies d’assurance françaises n’acceptent pas de contracter avec n’importe quel souscripteur. Elles commercialisent le plus souvent les contrats souscrits par :

un étranger résidant à titre principal en France, mais refusent les Européens ou étrangers résidant dans l’Union européenne ou à l’étranger ;

un Français résidant temporairement dans l’Union européenne ou à l’étranger (sous réserve de certaines réglementations étrangères), mais refusent les Français résidant définitivement hors de France.

2631

Cas particulier de versement complémentaire sur un contrat déjà souscrit

Une récente réponse ministérielle rappelle qu’un assureur peut être amené à refuser de recevoir un versement complémentaire sur un contrat d’assurance vie conclu en France si l’assuré a par la suite établi sa résidence principale à l’étranger1283.

Cette position résulte de la crainte que le contrat soit alors considéré comme soumis à la loi de l’État de résidence du souscripteur au moment du nouveau versement.

En ce sens, la jurisprudence1284 avait déjà confirmé cette position. En effet, elle avait jugé légitime le refus d’un assureur d’accepter l’enregistrement d’un versement complémentaire tant que la compagnie n’avait pas eu la confirmation de la régularité de l’opération au regard des lois du nouveau pays de résidence de l’assuré (dans le cas d’espèce, Israël).

Section IV – L’assurance vie, une notion variante selon les pays

2632 Il faut être vigilant, car la notion d’assurance vie telle qu’elle est connue en France varie en fonction des pays. Par exemple :

en droit belge, le dénouement d’un contrat d’assurance vie par décès est considéré, en vertu de l’article 8 du Code des successions, comme un legs et de ce fait le capital versé aux bénéficiaires est soumis aux droits de mutation à titre gratuit ;

en droit suisse comme dans d’autres pays, seuls les contrats de prévoyance1285sont susceptibles de bénéficier d’une exonération pleine et entière de droits de succession.

Par conséquent, le praticien doit acquérir le réflexe, pour chaque dossier, de consulter un spécialiste situé sur le territoire étranger. Il faut s’assurer que le contrat a dans ce pays les mêmes spécificités et le même traitement fiscal. Il convient que chaque intervenant donne sa définition des termes qu’il emploie, de façon à éviter des contresens. De la même manière, il faut définir le périmètre des notions développées et s’assurer de la définition de chaque mot. À défaut, on prendrait le risque de se voir confronté à des déconvenues. Faire du droit international, c’est avant tout faire preuve de beaucoup de prudence et pouvoir bénéficier d’un bon réseau de juristes et fiscalistes du ou des pays dans lesquels on souhaite travailler. Faire du droit international, c’est avant tout savoir qualifier tant sur le plan civil que sur le plan fiscal.

Danger de la clause bénéficiaire indiquant « mes héritiers »

Depuis la réforme opérée par le règlement « Successions » n° 650/2012, il faut être très critique à l’égard des clauses bénéficiaires du type « Mon conjoint survivant, à défaut mes héritiers » ou « mes héritiers » ou encore « mes héritiers vivants ou représentés ».

Si le souscripteur, entre le moment de désignation de la clause bénéficiaire et son décès, vient à se délocaliser à l’étranger, nous pourrions en application du règlement « Successions » appliquer à la dévolution successorale une loi autre que celle qui était applicable au moment de la désignation.

Exemple : Mme S’Lika, de nationalité franco-marocaine demeurant à Paris, de religion musulmane, ayant deux enfants (une fille et un garçon), souscrit à la SOGECAP un contrat d’assurance vie et désigne comme bénéficiaire « mes héritiers ». Entre-temps elle déménage à Casablanca où elle décède quelques années après.

En application de la loi française, ses héritiers seraient sa fille et son fils chacun pour moitié. Or, au moment de son décès et en application de la loi successorale marocaine, ses héritiers sont sa fille et son fils. Toutefois, sa fille hérite dans une moindre proportion. En effet, selon la loi marocaine, les filles héritent de la moitié de la part des garçons. De plus, ses enfants n’hériteront qu’à la condition d’être eux-mêmes musulmans.

Cet exemple met en évidence le risque que les bénéficiaires du capital ne soient pas ceux réellement souhaités par le souscripteur. Tel serait le cas si ce dernier avait à l’esprit que les bénéficiaires de son contrat étaient ceux tels que définis par la loi successorale française alors qu’en pratique ils seront définis par la loi successorale marocaine.

La solution consisterait certainement dans une évolution de la rédaction de la clause bénéficiaire qui doit désormais pallier cette difficulté. Le 115e Congrès des notaires propose d’indiquer comme nouvelle clause bénéficiaire : « mes héritiers tels que définis en application de la loi successorale française ».


1279) C. assur., art. 181-3 ou par application de l’article 7, § 3 du règlement Rome I.
1280) En France la notification par l’assureur doit être réalisée à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
1281) Nous parlons alors de « passeport unique ». Le pays de résidence du souscripteur peut imposer des obligations, telles que la rédaction des contrats dans sa langue et l’application de règles protectrices. Quoi qu’il en soit, l’intermédiaire, s’il est Français, doit informer l’Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance (ORIAS) (C. assur., art. L. 515-1).
1282) É. Fongaro, Dr. famille janv. 2018, n° 1, dossier 7.
1283) Rép. min. Cadic n° 474 : JO Sénat 8 nov. 2018, p. 5704.
1284) Cass. 2e civ., 8 sept. 2016, n° 15-11.364.
1285) Sont exclus les contrats de capitalisation.


Aller au contenu principal