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Chapitre III – Les différents types de trusts

Partie V – Les trusts
Titre 1 – Le fonctionnement des trusts
Chapitre III – Les différents types de trusts

2579 Il existe une grande variété de trusts dépendant d’une grande diversité de législations applicables. Les cas énumérés ci-après ne seront donc pas limitatifs.

Les pays anglo-saxons ont tendance à opérer une classification en deux catégories :

les trusts exprès (express trust) dans lesquels l’intention du settlor est exprimée, notamment la volonté d’imposer au trustee l’obligation de gérer lesdits biens au profit du bénéficiaire. Sont classés dans cette catégorie les trusts testamentaires (Section I) et les trusts inter vivos révocables et irrévocables (Section II), mais également le trust fixe (Section III), le trust simple (Section IV) et le purpose trust (Section V) ;

les trusts présumés (implied trust) dans lesquels l’intention du settlor n’est pas exprimée, et dont l’existence est déduite du comportement du settlor ou propriétaire des biens. Sont classés dans cette catégorie les trusts prévus par un texte législatif appelés staturory trust, les trusts dont l’existence est présumée dans certaines circonstances (resulting trust) (Section IV), ainsi que les trusts établis par déduction, appelés constructive trust. Ces derniers sont imposés par le tribunal (sans prendre en considération l’intention du settlor) dans certaines circonstances (par ex., en cas de fraude).

Section I – Les trusts testamentaires

2580 Le trust testamentaire, appelé will trust : le testateur indique dans un testament qu’à son décès, ses biens devront être mis dans un trust. Le trust va naître après son décès (i.e. à la fin du probate). Le trustee nommé dans le testament n’assumera ses fonctions que lorsque le probate sera terminé et le probate estate sera transféré au testamentary trust dont les dispositions seront confirmées dans le final order of distribution.

Le trust testamentaire a l’avantage de raccourcir les délais de recours des créanciers et d’éviter les frais de transfert des biens au trust du vivant du constituant.

On l’utilise lorsque l’on veut régler en détail sa succession et parfois pour plusieurs générations.

Le testateur désigne un trustee, qui devient en quelque sorte son exécuteur testamentaire et tient les biens successoraux en trust au bénéfice des héritiers ou légataires désignés. C’est principalement ce type de trust que les notaires de France rencontrent dans la pratique.

Section II – Les trusts inter vivos

2581 Dans cette catégorie, le trust est fait du vivant du constituant. On en distingue deux types : les trusts irrévocables et les trusts révocables. Ce genre de trust est très courant dans le cadre de la gestion patrimoniale de fortunes privées. Il prend fin à la date de réalisation des conditions prévues par le constituant dans l’acte constitutif.

§ I – Le trust irrévocable

2582 Si le trust est définitif, on le dit irrévocable.

Dans ce type de trust, l’aspect fiscal ne doit pas être négligé.

Exemple

En Amérique, l’affectation des biens au trust a souvent une conséquence immédiate au niveau du federal gift taxe1235et de la generation skipping transfert tax1236et un effet direct sur le bénéficiaire concernant l’impôt sur le revenu.

Un trust peut être considéré comme irrévocable en matière d’impôt successoral fédéral, détachant ainsi les biens du trust du patrimoine du trustor, sans pour autant l’être en matière d’impôt sur le revenu (federal income tax) si certains pouvoirs de gestion du trust sont conservés (souvent intentionnellement) par le trustor, faisant ainsi du trust un grantor trust sur le plan fiscal (IRC, § 671-679)1237.

La donation via un trust irrévocable du vivant du trustor présente l’avantage d’utiliser plus efficacement les abattements annuels qui, à défaut, disparaissent chaque année lorsqu’ils ne sont pas utilisés. Pour déterminer le traitement fiscal d’un trust irrévocable, la question importante est de savoir si le trustor s’est suffisamment «dessaisi» ou «détaché» des biens régis par le trustee ou s’il a conservé une emprise et un contrôle sur les biens par le biais de mesures de nature économique ou juridique non admises par l’IRC.

Ce n’est donc pas la qualification du trust dans l’acte constitutif ou la déclaration du trust qui est déterminante pour le traitement fiscal, mais bien sa signification économique. Il est donc concevable que le trust soit irrévocable en droit étatique sans pour autant l’être en matière fiscale.

Un trust pourrait également être considéré comme irrévocable en matière de droits de succession, mais pas en matière d’impôt sur le revenu.

L’actif d’un trust irrévocable n’est généralement saisissable par les créanciers du settlor de son vivant que s’il est également un des bénéficiaires du trust ou en cas de fraude à leurs droits.

§ II – Le trust révocable

2583 S’il est temporaire, on le dit révocable. Les trusts inter vivos sont en général révocables. Ce type de trust est un substitut testamentaire qui ne nécessite pas d’administration judiciaire du probate.

Il est mis en place pour assurer une dévolution successorale sans interruption au décès du trustor.

En pratique

Dans le cadre d’un trust révocable, une même personne peut cumuler les fonctions de constituant, de trustee et de bénéficiaire.

L’actif d’un trust révocable peut être saisi par les créanciers du constituant de son vivant et après son décès.

§ III – Le grantor trust

2584 Ce type de trust existe en Amérique. On le nomme le grantor trust et il est en quelque sorte hybride. Il est en principe considéré comme irrévocable pendant les dix premières années, mais il peut se transformer et devenir révocable au-delà.

Il est donc révocable dans des conditions variables. Étonnamment le pouvoir de révocation appartient au constituant.

La dépossession par le constituant de ses biens au profit du trust est considérée comme inexistante du point de vue fiscal américain : par conséquent, le constituant est imposé de la même façon que s’il avait conservé la propriété des actifs mis en trust.

Le grantor trust favorise la protection des acquis.

En pratique

L’exemple suivant permet d’illustrer le propos : je suis chirurgien, avocat, dentiste, et j’exerce aux États-Unis un métier dangereux qui peut entraîner une condamnation. Pour me protéger, avant qu’une procédure ne soit intentée contre moi, je crée un trust discrétionnaire et je transfère une partie de mes biens.

En cas de condamnation, ces biens ne sont plus saisissables, car je n’en suis plus le propriétaire.

Il est courant que le grantor soit également le bénéficiaire du trust. On utilise pour le définir le terme asset protection trust, qui correspond au but de ce dernier.

Section III – Le trust fixe ou live interest trust

2585 Dans ce type de trust, on limite les pouvoirs du trustee : il a l’obligation de verser tout ou partie des revenus aux bénéficiaires déterminés ou déterminables à l’avance (comme un usufruit). On dit que le bénéficiaire détient un fixed entitlement.

Ce type de trust était très utilisé en Angleterre au cours du XVIIIe siècle. On l’appelle fixed trust, selon la terminologie anglaise. Tel est le cas, par exemple, lorsqu’un trust est constitué au profit de A durant sa vie, de telle sorte que A perçoive le revenu net, le capital devant revenir entre les enfants de A lors du décès de ce dernier.

Section IV – Le trust simple ou discrétionnaire
§ I – Le trust simple

2586 Un trust est dit simple lorsque les revenus produits par son patrimoine sont nécessairement distribués au fur et à mesure de leur perception par le trustee. On l’appelle simple trust selon la terminologie américaine.

§ II – Le trust complexe (ou discrétionnaire)

2587 À l’inverse, dans ce type de trust le trustee administre les biens affectés, et c’est lui qui possède le droit de décider si l’on verse ou pas les revenus aux bénéficiaires (la discrétion est pour celui qui gère et non pour le bénéficiaire). Le constituant laisse le choix au trustee de distribuer (en favorisant de préférence une distribution lorsque la fiscalité sera plus avantageuse).

Le trustee a la faculté d’accumuler les revenus. Il doit cependant suivre les désirs du constituant qui ont été matérialisés dans le trust deed.

Il peut s’agir également de trusts dans lesquels tout ou partie des biens mis en trust sont distribués concurremment avec les revenus. Le constituant d’un trust discrétionnaire émet bien souvent, lors de la constitution du trust, une lettre de vœux qui permet de faire état de ses souhaits au trustee. Ce dernier doit prendre les souhaits qu’elle contient en considération et y donner suite, sauf situation exceptionnelle.

Pendant la vie du trust, le constituant peut tempérer le pouvoir discrétionnaire du trustee par le biais d’une lettre de vœux (letter of wishes) ; normalement il doit les respecter.

En pratique, le trustee a son pouvoir fortement tempéré si le constituant a instauré un protector, car généralement il est contrôlé par ce dernier qui a la faculté de le destituer.

Dans ce type de trust, le trustee peut avoir le choix des bénéficiaires inclus dans une catégorie de personnes ou le choix du montant des sommes à distribuer.

Section V – Le purpose trust ou honorary trust

2588 Dans ce type de trust, l’enforcer est la personne qui a la charge de veiller à la bonne exécution ; par exemple pour l’entretien d’un animal, d’un monument, ou la lecture de messes. Le bénéficiaire n’a pas la capacité d’agir en justice. Dans ce cas, le trust n’a été constitué qu’en vue de remplir un but.

La majorité des États des États-Unis ont adopté des lois concernant les trusts pour animaux (pet trust).

Dans ce type de trust, certains États ont créé des plafonds quant au montant de l’actif.

Le pet trust peut durer jusqu’au décès de l’animal, sans toutefois excéder vingt et un ans dans certains États.

Section VI – Le resulting trust

2589 Il s’agit du trust de restitution, provenant du verbe to result qui signifie faire retour. Ce droit profite à la personne qui a transféré la propriété au trustee ou lui a procuré les moyens de l’acquérir. Par exemple, le beau-père transfère des biens à un trustee pour le bénéfice de son gendre. L’annulation ultérieure du mariage fait du gendre un trustee de son bénéfice, equitable interest, au profit de son beau-père.

Constat

Parmi tous les types de trusts, le plus répandu est le trust inter vivos irrévocable, simple ou discrétionnaire, mais ne comportant que des biens étrangers. L’absence de biens français dans l’actif d’un trust s’explique par le fait que les trustees sont presque toujours des sociétés étrangères, et en général des banques ou filiales. Les banques évitent les situations incertaines, eu égard au défaut de reconnaissance par la France du trust. Elles ne veulent pas gérer des biens français et être tenus au formalisme complexe des obligations à la charge du trustee (V. infra n° a2598).


1235) Droits de donation.
1236) Impôt dû aux États-Unis en cas de transfert d’actifs au profit d’héritiers n’appartenant pas à la génération suivant immédiatement celle du de cujus.
1237) Internal Revenue Code ; Code général des impôts américain.


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