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Chapitre III – La déclaration des comptes ouverts à l’étranger

Partie I – Préparation et rédaction de l’acte : enjeux et méthodologie
Titre 6 – Le prix
Chapitre III – La déclaration des comptes ouverts à l’étranger

2294 L’article 1649 A du Code général des impôts fait obligation aux personnes physiques, aux associations, ou aux sociétés n’ayant pas la forme commerciale domiciliées en France de déclarer les références de leurs comptes éventuellement ouverts, utilisés ou clos à l’étranger, ou désormais simplement «détenus»683. Cette déclaration doit être faite en même temps que la déclaration de revenus. Cette obligation vise également les personnes physiques exerçant une activité BIC, BNC ou BA.

Le titulaire du compte, le bénéficiaire économique ou ayant droit économique doit ainsi cocher la case «8UU» du formulaire n° 2042. Il doit joindre annuellement à sa déclaration de revenus le formulaire n° 3916 «Comptes détenus à l’étranger» reportant les références du compte, les coordonnées de la banque auprès de laquelle le compte est ouvert, les principales caractéristiques du compte (compte titres, compte de dépôt, compte épargne, compte joint, compte individuel), les éventuels cotitulaires, la date d’ouverture du compte, et sa date de clôture le cas échéant. Si les époux ont indistinctement la qualité de contribuable au regard de l’impôt sur le revenu, l’obligation de déclaration n’incombe qu’au seul titulaire du compte ouvert à l’étranger. En l’absence de déclaration, l’amende ne peut être infligée qu’à lui seul684.

Il doit être établi une déclaration par compte ouvert, et cette obligation doit être satisfaite au titre de chaque année ou exercice lorsque le compte a été ouvert, utilisé ou clos au cours de cette même période, par le titulaire du compte, dès lors que cette personne est astreinte au dépôt de la déclaration.

2295 La jurisprudence685considère que la déclaration doit porter sur tous les comptes ouverts par le contribuable ou l’un des membres de son foyer fiscal, et même si leur utilisation n’entraîne pas d’imposition en France. Un compte est à cet égard réputé utilisé dès lors qu’il enregistre au moins une opération de crédit ou de débit pendant la période concernée. Le juge estime également que la déclaration doit inclure les comptes pour lesquels le contribuable bénéficie d’une procuration.

2296 – Sanction en cas d’absence de déclaration. – Le contribuable défaillant peut être redevable d’un impôt suite au mécanisme de présomption de revenus institué depuis la loi de finances de 2012, ainsi que d’une amende.

2297 – La présomption de revenus. – Les sommes en dépôt sur les comptes à l’étranger qui n’ont pas été déclarés en même temps que la déclaration de revenus constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables. Il s’agit d’une présomption simple. Le redevable pouvant toujours apporter la preuve que ces revenus ne sont pas taxables en France.

Ces sommes sont soumises à l’impôt sur le revenu au barème progressif. Le montant de l’impôt est assorti d’une majoration de 40 %686, ainsi que de l’intérêt de retard687.

Ces revenus sont également soumis aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine.

Il n’est pas inutile de rappeler que, dans ce cas, les capitaux non déclarés ne bénéficieront plus des éventuelles conventions fiscales évitant la double imposition.

2298 – Les amendes. – En sus le contribuable sera redevable d’une amende qui pourra être soit forfaitaire, soit proportionnelle.

L’amende sera forfaitaire si le total de la valeur du ou des contrats est inférieur à 50 000 € au 31 décembre de l’année au titre de laquelle la déclaration devait être faite. Dans ce cas le contribuable sera, à défaut de déclaration, passible d’une amende de 1 500 € par contrat non déclaré688. Ce montant est porté à 10 000 € par contrat non déclaré lorsque l’obligation déclarative concerne un État ou territoire qui n’a pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales permettant l’accès aux renseignements bancaires.

L’amende sera due pour chaque contrat et pour chaque année non prescrite, si le contribuable a omis de joindre le formulaire n° 3916 précité, cette amende sera due sur les quatre années suivant celle de l’infraction (par ex., en cas de contrôle en 2019, l’amende s’appliquera depuis 2015).

2299 L’amende était proportionnelle si le total des comptes bancaires et non déclarés est égal ou supérieur à 50 000 €. Dans cette hypothèse, l’amende est portée pour chaque contrat non déclaré à 5 % de la valeur de ce compte, sans pouvoir être inférieur à 1 500 € (ou 10 000 € lorsqu’il s’agit d’un État non coopératif).

À l’origine forfaitaires ou plafonnées à un montant faible (750 puis 1 500 €), ces amendes ont été complétées par la première loi de finances rectificative de 2012689d’un volet proportionnel aux avoirs, de manière à rendre ces amendes plus dissuasives.

Soulevant d’office le moyen tiré du principe de la proportionnalité des peines protégé par l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la constitution le volet proportionnel de l’amende sanctionnant le défaut de déclaration des comptes bancaires à l’étranger, dès lors que cette amende s’applique même en l’absence de toute fraude et ne sanctionne que la méconnaissance d’une obligation déclarative690.

Dans la loi de finances rectificative de 2016, le législateur a réformé le régime des sanctions. Depuis, la méconnaissance de l’obligation déclarative est sanctionnée de la seule amende forfaitaire, mais les redressements qui découlent le cas échéant de la réintégration, dans les revenus ou le patrimoine imposable, des revenus et avoirs conservés dans des véhicules étrangers non déclarés, s’accompagnent d’une majoration de 80 % prévue à l’article 1729-0 A du Code général des impôts. L’amende s’impute sur la majoration, vraisemblablement afin d’éviter tout risque lié au principe non bis in idem.

Jusqu’au 31 décembre 2017, le contribuable pouvait régulariser spontanément sa situation fiscale : application alors d’une majoration de 25 % ou 35 % de l’impôt omis sur l’ensemble des avoirs dissimulés (quelle que soit leur nature). La majoration était de 25 % des impôts omis si le contribuable était considéré comme un fraudeur «passif» (i.e. s’il avait reçu les biens étrangers par donation ou succession et n’avait pas abondé les comptes étrangers au cours de la détention, ou si les avoirs détenus à l’étranger avaient été acquis alors que le contribuable résidait à l’étranger. La majoration était de 35 % dans les autres cas).

Cette mesure incitative a pris fin, la cellule de régularisation ayant été supprimée. Par conséquent, la déclaration spontanée ne bénéficie plus de la majoration minorée.

2300 Les sanctions pénales sont encourues dès lors que le montant des avoirs dissimulés excède 10 % des sommes imposables ou 153 € :

une amende de 3 000 000 € ;

une peine de sept ans d’emprisonnement ;

le cas échéant, une peine complémentaire et/ou accessoire (par ex. : privation de tout ou partie des droits civiques, civils et de famille ; publication et affichage du jugement). Les poursuites pénales sont inévitables si l’administration fiscale vient à découvrir la dissimulation d’avoirs à l’étranger691.

Dans le cadre d’une consultation de droit international privé, le notaire pourrait être amené à connaître l’existence de ces avoirs étrangers. Dans ce cas, il devra absolument inviter son client à procéder à une régularisation sans délai. En effet, l’échange d’informations financières est désormais automatique entre un certain nombre de pays de l’OCDE692.

Cela signifie, d’une part, que l’administration fiscale française peut interroger tous les pays signataires de l’accord d’échange automatique d’informations si elle a des soupçons sur l’existence d’avoirs dissimulés à l’étranger. Le pays de situation des avoirs a l’obligation de fournir toute information demandée par la France en vue de permettre l’enquête fiscale. D’autre part, les banques transmettent automatiquement, depuis le 1er janvier 2018, aux autorités fiscales de chaque pays les informations relatives aux revenus générés sur les comptes détenus à l’étranger (intérêts, dividendes, plus-values). Enfin, cela signifie aussi et surtout que toute opération réalisée à partir d’un compte ou d’un avoir détenu à l’étranger, depuis le 1er janvier 2018, doit être documentée. C’est-à-dire que le bénéficiaire du compte ou des avoirs doit attester par écrit que les comptes et avoirs sont déclarés auprès des autorités fiscales. À défaut d’attestation de conformité, les opérations seront purement et simplement paralysées.

Il convient donc de rappeler fermement à son client ses obligations fiscales, ainsi que les lourdes sanctions fiscales et pénales encourues en cas de non-respect de la législation.

2301 À titre indicatif, il est utile de savoir que probablement, dans les prochaines années, l’échange automatique des données entre les pays concernant les biens et droits immobiliers détenus à l’étranger ou par des étrangers sera effectif. En effet, il a été indiqué au 115e Congrès des notaires par un responsable de l’OCDE que le Brésil ainsi que d’autres pays ont mis en place cet échange automatique et que ces échanges d’informations avaient permis, avant même l’entrée en vigueur des textes, de générer un surplus de recette fiscale évalué à 93 milliards de dollars. L’élargissement du domaine des échanges en France n’est pas à exclure.

L’immobilier situé à l’étranger non déclaré est très fréquemment lié à des comptes bancaires étrangers dédiés. L’échange automatique a déjà impacté l’immobilier de façon collatérale. En effet, sur les forums de discussion on peut déjà lire le mécontentement des Suisses qui sont obligés de déclarer l’immobilier qu’il détiennent à l’étranger eu égard à l’échange automatique des données en matière bancaire. L’immobilier détenu par un résident suisse a un impact, car son rendement est pris en considération pour la fixation des taux d’imposition sur la fortune et sur le revenu. Pour un résident français, il devient très dangereux de ne pas déclarer sa résidence secondaire située à l’étranger, le risque étant plus important si l’on possède un compte bancaire dédié dans ledit pays.

2302

Danger : nouvelle amende applicable aux notaires

La loi du 23 octobre 2018 a institué une nouvelle amende fiscale qui s’applique depuis le 25 octobre 2018, et contenue dans le nouvel article 1740 A bis du Code général des impôts. Cette amende vise les professionnels complices de graves manquements fiscaux.

Cette sanction vise à lutter contre les ententes occultes, abus de droit, manœuvres frauduleuses, avoirs à l’étranger non déclarés.

Cette nouvelle amende fiscale est égale à 50 % des revenus tirés de la prestation fournie au contribuable, sans toutefois que son montant puisse être inférieur à la somme de 10 000 €.

Sont concernés les professionnels du chiffre et du droit, dont les notaires.


683) L’obligation de déclaration des compte inactif n’était pas obligatoire à l’origine. Le décret n°2018-1267 du 26 décembre 2018 a étendu cette obligation depuis le 1er janvier 2019 aux comptes simplement «détenus».
684) CAA Lyon, 2e ch., 13 déc. 2001, req. n° 97-2302, M. Vivarat-Perrin.
685) CE, 30 déc. 2009, req. n° 299131, Lisiack : RJF 3/2010, n° 244.
686) CGI, art. 1758, al. 1.
687) CGI, art. 1727. Application des intérêts de retard au taux de 2,4 % en 2018 sur l’impôt rectifié.
688) CGI, art. 1766, al. 1.
689) L. n° 2012-354, 14 mars 2012, art. 14.
690) Cons. const., 22 juill. 2016, n° 2016-554 QPC, M. Gilbert B.
691) En pratique il n’est pas rare que le dossier fasse l’objet d’une transmission «automatique» au parquet français lorsque les avoirs étrangers dissimulés s’élèvent à plus de 100 000 €.
692) Pour connaître la liste, consulter le site de l’OCDE : www.oecd.org/tax/transparency/aeoi-commitments.pdf


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