CGV – CGU

Partie VI – L’assurance vie dans un cadre international
Titre 2 – L’assurance vie sous l’angle fiscal
Sous-titre 3 – Les enjeux d’une stratégie : clause bénéficiaire démembrée et quasi-usufruit
Chapitre I – Cas pratique de liquidation d’une succession internationale en présence d’un contrat avec une clause de démembrement

2647 – Exemple : cas pratique franco-espagnol. – Mme Mulbois, de nationalité espagnole, domiciliée à Madrid, depuis le 1er octobre 2008, est décédée à l’âge de soixante-dix-sept ans à son domicile au début du mois de décembre 2018. Ensemble avec son époux, ils avaient pris la décision de quitter la France, où ils étaient domiciliés depuis leur mariage en 1967, pour s’établir en Espagne, le pays natal de Mme Mulbois. Trois filles sont nées de leur union : – Marion, domiciliée en Argentine – Éléonore, domiciliée en Espagne – Faustine, domiciliée en France depuis sa naissance. Les époux avaient le même âge et n’avaient pas conclu de contrat de mariage. Le patrimoine familial est le suivant : un contrat d’assurance vie souscrit auprès d’Axa par Mme Mulbois le 13 septembre 2003, ayant fait l’objet du versement d’une prime unique de 650 000 € à sa souscription, valorisé à 850 000 €, ayant pour bénéficiaires « le conjoint survivant en usufruit, et les enfants, vivants ou représentés, par parts égales, en nue-propriété ».

2648 – Solution : en Espagne. – Le bénéficiaire d’un contrat d’assurance vie est taxé au titre de l’impôt sur les successions et donations. L’article 7 de la loi sur l’impôt des successions et donations prévoit pour les contribuables non résidents que les assurances vie ne sont taxées que si le contrat d’assurance vie a été souscrit avec un assureur espagnol ou régularisé en Espagne auprès d’assureurs étrangers. Compte tenu du fait que le contrat a été souscrit en France, auprès d’un assureur français, les contribuables non résidents en Espagne ne seront pas taxés au titre de l’impôt sur les successions et donations.

En revanche, les contribuables résidents (en l’occurrence, M. Mulbois et Éléonore) sont taxés pour la part qui leur revient de l’assurance vie au titre de l’impôt sur les successions en Espagne.

L’usufruit reçu par le conjoint survivant doit être évalué selon le barème utilisé en Espagne. Or, en Espagne, la valeur fiscale de l’usufruit est égale à 70 %, lorsque l’usufruitier est âgé de moins de vingt ans. Pourcentage ensuite minoré de 1 % pour chaque année de plus, sans pouvoir être inférieur à 10 % (à partir de soixante-dix-neuf ans).

En ce qui concerne M. Mulbois, étant âgé de soixante-dix-sept ans, pour le calcul de la valeur fiscale de son usufruit, le pourcentage retenu sera de 12 %1298.

En France. – Mme Mulboisa souscrit son contrat d’assurance vie en France, alors qu’elle y résidait, le 13 septembre 2003. Elle était âgée de soixante-six ans. Le contrat est donc régi par l’article 990 I du Code général des impôts. En conséquence :

Faustine, bénéficiaire, a, au moment de l’ouverture de la succession, son domicile fiscal en France au sens de l’article 4 B du Code général des impôts et l’a eu pendant au moins six années au cours des dix années précédant le décès. Elle est donc soumise au prélèvement de l’article 990 I du même code ;

Éléonore, Marion et M. Mulbois, bénéficiaires, ne sont pas domiciliés fiscalement en France au moment du décès. Ils n’entrent donc pas dans le champ d’application du prélèvement de l’article 990 I du Code général des impôts.

Quand bien même M. Mulbois aurait été domicilié fiscalement en France, en vertu des articles 990 I et 796-0 bis du Code général des impôts combinés, il aurait été exonéré en sa qualité de conjoint survivant de prélèvement comme de droit de succession en France.

– Conséquence du démembrement de la clause bénéficiaire. – Le nu-propriétaire et l’usufruitier sont considérés comme bénéficiaires au prorata de la part leur revenant, déterminée selon le barème de l’article 669 du Code général des impôts. L’abattement de 152 500 € est réparti de la même façon. Lorsque l’un des bénéficiaires est exonéré (par ex., le conjoint survivant), la fraction d’abattement non utilisée ne profite pas aux autres bénéficiaires. M. Mulbois étant âgé de soixante-dix ans, son usufruit est retenu pour 30 %.

Le contrat d’assurance vie a été souscrit par Mme Mulbois. Si nous supposons que le montant de la souscription n’a pas été financé avec ses deniers personnels ou encore qu’il a été omis par le souscripteur de déclarer l’origine propre de ses deniers, alors il y aura lieu de calculer une récompense.

Nous savons que lorsque le bénéficiaire du contrat dénoué est le conjoint survivant, il existe une dispense de récompense.

Dans notre cas, les bénéficiaires sont le conjoint survivant et les enfants. La Cour de cassation a confirmé l’existence d’une récompense due par la succession du défunt-souscripteur, à l’occasion d’un contrat d’assurance dénoué au profit des enfants1299. La récompense est égale au montant des primes proratisées selon les droits revenant aux différents bénéficiaires1300.

2649 – En application de la convention franco-espagnole. – Le contrat d’assurance vie Axa a été souscrit en France avec une compagnie française : le souscripteur d’un contrat d’assurance vie est créancier de la compagnie d’assurance. Cette créance est un bien incorporel. En vertu de l’article 34 de la convention fiscale en matière successorale, elle est taxable en Espagne. Toutefois, le droit fiscal espagnol exonère Marion et Faustine, non résidentes espagnoles compte tenu du fait que le contrat a été souscrit en France, auprès d’un assureur français. M. Mulbois et Éléonore sont taxables, chacun sur la quote-part leur revenant. D’autre part, en France la taxation de l’article 990-I du Code général des impôts ne relève pas de la catégorie des droits de mutation à titre gratuit : elle échappe au champ d’application de la convention du 8 janvier 1963 signée entre la France et l’Espagne en vue d’éviter les doubles impositions en matière de succession.

Le traitement fiscal de ce dossier exposé, interrogeons-nous sur la possibilité et l’intérêt de régulariser une convention de quasi-usufruit.

La créance de restitution est-elle reconnue dans tous les pays, et son mécanisme s’applique-t-il en présence d’un gène international ?

On s’efforcera de répondre à ces nouvelles questions dans le chapitre qui suit.


1298) C. Marti de Anzizu : Actes prat. strat. patrimoniale janv. 2015, n° 1, p. 51.
1299) Cass. 1re civ., 19 déc. 2012, n° 11-21.703.
1300)  650 000 € × (595 000 € / 850 000 €) = 455 000 €.
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