CGV – CGU

Sixième partie
L’assurance vie dans un cadre international

2620 – Introduction. – Pour pallier deux grands événements à risques liés à la durée de la vie humaine, c’est-à-dire le décès prématuré, d’une part, ou la survie prolongée, d’autre part, les compagnies proposent deux grandes catégories de contrats : les contrats de prévoyance décès et les contrats de prévoyance vie. Ces contrats de prévoyance ont pour objet «par prévoyance» de créer, de fabriquer un capital ou une rente pour soi-même ou pour autrui, pour bien vivre ou bien survivre.

Dans un premier temps les compagnies proposaient uniquement à leurs clients des contrats par lesquels, en échange de primes payées par le souscripteur, elles s’engageaient à verser, soit au souscripteur lui-même, soit à un tiers bénéficiaire, un capital ou une rente. Ces contrats avaient pour unique objet de « fabriquer un patrimoine » (par ex. : on assure un prêt immobilier en cas de maladie ou de décès).

Désormais, depuis une quarantaine d’années, les compagnies offrent aux épargnants un autre contrat qui a pour objet de gérer une partie du patrimoine de l’assuré puis de le transmettre à ses proches. Ces contrats reposent sur le principe de la capitalisation. Le capital payé par la compagnie est en général égal au montant des primes versées par le souscripteur durant la vie du contrat, augmentées des intérêts et produits capitalisés. Ces contrats de capital différés contre-assurés connaissent incontestablement un large succès. Ils sont largement souscrits dans un but d’organisation patrimoniale et afin de limiter les droits de mutation à titre gratuit en cas de décès (par ex. : ces contrats sont souvent souscrits par le vendeur d’un bien immobilier pour placer le produit de la vente).

Les contrats d’assurance sont des contrats aléatoires, au sens de l’article 1108 du Code civil : « Il est aléatoire lorsque les parties acceptent de faire dépendre les effets du contrat, quant aux avantages et aux pertes qui en résulteront, d’un événement incertain ».

Il peut s’agir d’un aléa en raison d’une perspective de gain (capital reçu par le bénéficiaire) ou de perte (primes versées à fonds perdu), ou encore d’un aléa sur l’identité du bénéficiaire du contrat selon la cause de son dénouement : le souscripteur en cas de vie de l’assuré, le bénéficiaire dans le cas de son décès.

Cette autre conception de l’aléa propre au contrat d’assurance vie de prévoyance qui emprunte, du point de vue de leur technique de gestion, aux opérations de capitalisation, avait été retenue par la Cour de cassation dans une série de quatre arrêts du 23 novembre 20041275.

Le contrat d’assurance vie est donc un contrat dont le but est patrimonial, et dont les stratégies sont fondées sur l’aléa comportant une stipulation pour autrui.

2621 Ceci étant rappelé, et eu égard à la mobilité croissante des Français, nous sommes désormais fréquemment confrontés au traitement de contrats comportant « un gène international ». Ce gène apparaît sous les traits d’un élément d’extranéité.

On peut être en présence d’un élément d’extranéité dès la souscription du contrat, mais il peut également apparaître en cours d’exécution du contrat. Ces éléments soulèvent, d’une part, des questions relatives au régime applicable au contrat, selon le lieu de résidence du souscripteur ou de l’assureur et, d’autre part, des questions relatives au régime fiscal du souscripteur ou du bénéficiaire au moment du rachat ou du dénouement.

Un contrat souscrit par un résident fiscal français auprès d’une compagnie française peut, suite au changement de résidence du souscripteur, être soumis à un élément d’extranéité s’il effectue des rachats alors qu’il est devenu entre-temps résident étranger. Il en serait de même en cas de dénouement du contrat suite à son décès. La souscription par un Français d’un contrat auprès d’une compagnie de droit étranger (par ex. : une compagnie luxembourgeoise ou suisse) introduit également un élément d’extranéité. Tel serait également le cas de la souscription par un non-résident d’un contrat auprès d’une compagnie de droit français.

Ces différents éléments d’extranéité complexifient l’analyse des juristes et fiscalistes : en effet, quel droit faut-il appliquer ? Et la nationalité des parties a-t-elle une influence sur la loi applicable ?

Le contrat est-il valable ou attaquable et dans quel pays, avec quelle procédure ? Quelle sera l’imposition applicable lors du rachat ou du dénouement ? Le lieu de situation de la compagnie, ou du souscripteur, ou du bénéficiaire a-t-il une influence ? Faut-il payer des impôts dans plusieurs pays ? Tous les pays reconnaissent-ils l’assurance vie telle que nous la connaissons en France ? Peut-on attaquer une assurance vie contenant des éléments d’extranéité, notamment sur la théorie des primes manifestement exagérées ? Et comment la clause bénéficiaire démembrée va-t-elle être appliquée dans les autres pays ? Doit-on lors du dénouement du contrat préconiser une convention de quasi-usufruit ?

Il sera tenté ici de faire un état des lieux le plus exhaustif possible en apportant un maximum d’éclairage sur les solutions existantes. On étudiera ensuite les contrats de droit luxembourgeois. Il n’est plus possible de les ignorer, tant ils sont devenus attractifs. Enfin, on s’interrogera sur les actions judiciaires possibles à l’encontre d’un contrat d’assurance international.


1275) Cass. ch. mixte, 23 nov. 2004, nos 01-13.592, 02-11.352, 02-17.507 et 03-13.673 (arrêts nos 224, 225, 226 et 227).
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