CGV – CGU

Partie III – La fiscalité internationale
Titre 3 – Fiscalité du patrimoine
Chapitre II – L’IFI

2523 L’impôt sur la fortune immobilière (IFI) a remplacé l’impôt sur la fortune (ISF) depuis le 1er janvier 20181183. Cet impôt annuel est codifié de l’article 964 à l’article 983 du Code général des impôts. Il concerne les actifs immobiliers (tels que mentionnés à l’article 965 du Code général des impôts) détenus par les personnes physiques, chaque 1er janvier, et à condition que leur valeur excède un seuil actuellement fixé à 1 300 000 €.

Le fonctionnement particulier de cet impôt, qui s’est largement inspiré de l’ISF et qui est bien connu des notaires, ne sera pas rappelé ici. La présente étude se focalisera uniquement sur le fonctionnement de cette imposition dans un cadre international. On étudiera son champ d’application (Section I), puis son assiette (Section II), et enfin la liquidation de l’impôt (Section III).

Section I – Champ d’application

2524 Le patrimoine net taxable s’apprécie différemment selon que les personnes sont ou non domiciliées en France. À cet égard, le domicile fiscal s’entend au sens de l’article 4 B du Code général des impôts (V. supra, nos a2445 et s.), selon les mêmes critères (sous réserve de l’application des conventions internationales) qu’en matière d’impôt sur le revenu. Toutefois, à la différence de ce dernier, la domiciliation s’apprécie au 1er janvier de la période d’imposition, et non sur l’année1184.

§ I – Les personnes domiciliées en France

2525 Quelle que soit leur nationalité, les personnes physiques ayant leur domicile fiscal en France sont imposables, à raison de leurs actifs immobiliers1185situés en France ou hors de France.

Toutefois, les personnes physiques qui n’ont pas été fiscalement domiciliées en France au cours des cinq années civiles précédant celle au cours de laquelle elles ont leur domicile fiscal en France ne sont imposables qu’à raison de leurs biens français.

Cette disposition s’applique au titre de chaque année au cours de laquelle le redevable conserve son domicile fiscal en France, jusqu’au 31 décembre de la cinquième année qui suit celle au cours de laquelle le domicile fiscal a été établi en France.

Ainsi, les personnes éligibles à ce dispositif sont celles qui, quelle que soit leur nationalité, n’ont pas été fiscalement domiciliées en France au sens de l’article 4 B du Code général des impôts ou, en présence d’une convention fiscale internationale, qui n’ont pas été résidentes de France au sens de cette convention, et cela au cours des cinq années civiles précédant celle au cours de laquelle elles se domicilient en France1186.

Il faudra parfois être très persuasif afin que les contribuables domiciliés en France insèrent dans l’assiette de cette imposition la résidence secondaire qu’ils possèdent dans un pays étranger. À titre indicatif, il est utile de savoir que probablement, dans les prochaines années, l’échange automatique des données entre les pays concernant les biens et droits immobiliers détenus à l’étranger ou par des étrangers sera effectif. En effet, il a été indiqué au 115e Congrès des notaires de France, par un responsable de l’OCDE, que le Brésil ainsi que d’autres pays ont mis en place cet échange automatique et que ces échanges d’informations avaient permis avant même l’entrée en vigueur des textes de générer un surplus de recette fiscale qui a été évalué à la somme de 93 milliards de dollars. L’élargissement du domaine des échanges en France n’est pas à exclure.

§ II – Les personnes domiciliées hors de France

2526 Les non-résidents ne sont imposables que sur les biens et droits immobiliers (détenus directement et indirectement) situés en France. Les titres de sociétés sont imposables, à hauteur de la fraction de leur valeur correspondant à des immeubles imposables. Rappelons que dans le passé, seuls les titres de sociétés à prépondérance immobilière et les titres de sociétés détenues à plus de 50 % par le groupe familial étaient imposables à l’impôt sur la fortune. Désormais, même les placements financiers et les sociétés qui ne sont pas à prépondérance immobilière sont imposables pour la quote-part représentative des immeubles.

Les redevables non résidents, à l’exception toutefois de ceux qui sont établis dans l’Espace économique européen, peuvent être invités à désigner, dans un délai de quatre-vingt-dix jours, un représentant en France. À défaut, et conformément à l’article L. 72 A du Livre des procédures fiscales, ils seraient taxés d’office.

Section II – Assiette
§ I – Les biens détenus directement

2527 Les biens immobiliers situés en France s’entendent de ceux qui ont une assiette matérielle en France métropolitaine ou dans les départements et régions d’outre-mer (Guadeloupe, La Réunion, Mayotte, Guyane et Martinique). L’assiette est restreinte à l’immobilier au sens large, que les notaires maîtrisent parfaitement et qu’il n’est par conséquent pas nécessaire de développer ici. Les exonérations qui étaient applicables en faveur des biens professionnels, des bois et forêts, des parts de groupements forestiers ou fonciers ont été transposées dans le cadre de l’IFI.

§ II – Les biens et droits détenus indirectement

2528 Il s’agit de toutes les sociétés ou organismes, quels qu’en soient leur pourcentage, leur forme juridique (SCI, SA, SAS, SARL, etc.), leur régime d’imposition (société de personnes ou société assujettie à l’impôt sur les sociétés), leur nature (cotée ou non), et leur activité ou dénomination, dans lesquelles les personnes physiques composant le foyer fiscal détiennent des droits1187. Le lieu d’établissement (en France ou à l’étranger) de la société est sans incidence. Par conséquent, sont également concernés, dans les mêmes conditions, les sociétés et organismes de droit étranger. Les biens ou droits peuvent ainsi être détenus à travers un ou plusieurs niveaux d’interposition de sociétés ou d’organismes.

Les organismes de placement collectif type Sicav, fonds commun de placement (FCP), fonds de placement immobilier (FPI) sont concernés.

Lorsque le redevable détient une participation de moins de 10 % dans une société opérationnelle1188, il peut revendiquer une dispense de taxation, à condition de ne pas être en mesure de disposer des informations indispensables à l’évaluation de la part taxable de ses titres.

En ce qui concerne les sociétés d’investissement immobilier cotées (SIIC), le seuil de détention en deçà duquel les actions échappent à l’IFI est fixé à 5 % du capital et des droits de vote1189. Il faut être prudent, car nombreux sont les non-résidents actionnaires de SIIC qui sont devenus imposables à l’IFI alors qu’ils étaient exonérés au titre de l’ISF.

Pour le traitement de l’IFI dans le cadre des contrats d’assurance vie, V. infra, n° a2642. Pour le trust, il y a lieu de se reporter infra, au n° a2607.

Section III – Imposition : modalités de calcul et traitement de la double imposition

2529 Ni le calcul de l’IFI ni celui de sa liquidation ne seront abordés. En effet, cette phase ne comprend pas de difficulté particulière. Il semble plus important de se polariser sur le traitement des doubles impositions.

§ I – Élimination de la double imposition en l’absence d’une convention fiscale

2530 Pour les contribuables domiciliés en France, et afin d’éviter une double imposition qui aurait résulté de l’absence d’une convention fiscale, le législateur a prévu à travers le mécanisme de l’article 980 du Code général des impôts la possibilité d’imputation des impôts sur la fortune acquittée à l’étranger à raison des biens situés hors de France. Le montant de l’impôt imputable est limité à cette fraction.

Il faut préciser que les impôts locaux français (la taxe foncière par exemple) ne sont pas imputables1190.

Conformément aux dispositions prévues au II de l’article 973 du Code général des impôts, certaines dettes contractées, directement ou indirectement, par la société ou l’organisme notamment auprès du redevable et des personnes de son foyer fiscal ou de son cercle familial ne sont pas déductibles.

Il s’agit d’une règle anti-abus1191. À ce titre ne sont pas prises en compte pour la valorisation des titres d’une société ou d’un organisme les dettes contractées, directement ou indirectement, par la société ou l’organisme :

pour l’acquisition d’un bien ou droit immobilier au redevable ou à un membre de son foyer fiscal ;

lorsque le redevable contrôle, au sens du 2° du III de l’article 150-0 B ter du Code général des impôts, seul ou conjointement avec les autres membres de son foyer fiscal (au sens de l’IFI), la société ou l’organisme.

Dans le cadre d’une vente à soi-même, il faudra informer le contribuable de l’existence de cette clause anti-abus, principalement si le vendeur est un non-résident, car il est arrivé dans le passé de constater ce genre d’abus.

Attention : le plafond de déduction des dettes pour les gros patrimoines peut entraîner des surprises, notamment en cas d’achat par un non-résident d’une «belle»résidence. En effet, en application de l’article 974, IV du Code général des impôts, lorsque la valeur vénale du patrimoine taxable est supérieure à 5 millions d’euros et que le montant de la dette excède 60 % de cette valeur, seul 50 % de l’excédent de cette dette est déductible.

Exemple

M. Farat, non résident, souhaite acheter un hôtel particulier parisien moyennant le prix de 9,5 millions d’euros. Il vous informe de son intention de contracter un emprunt à la Banque nationale de Paris pour 7 millions d’euros. Il vous interroge sur le montant de l’impôt sur la fortune qu’il devra payer en France.

Le montant emprunté représente 73,68 % de la valeur du bien immobilier, l’emprunt dépasse donc le seuil de 60 %, pour la somme de 1 300 000 €.

Cette somme ne sera déductible qu’à hauteur de 50 %, soit 650 000 €.

Le montant total déductible se limitera à la somme de (9 500 000 € × 60 % = 5 700 000 € + 650 000 €) = 6 350 000 €.

M. Farat sera redevable de l’IFI sur une base nette taxable de (9 500 000 € – 6 350 000 €), soit 3 150 000 €.

Toutefois, si M. Farat peut justifier que l’emprunt n’a pas été contracté dans un objectif principalement fiscal1192, la totalité de la dette s’élevant à 7 000 000 € sera déductible.

§ II – Élimination de la double imposition en présence d’une convention fiscale

2531 La France a signé quelques conventions fiscales qui visent à éviter une double imposition en matière d’impôt sur la fortune. Ces conventions ont été signées sous l’emprise des anciens impôts sur la fortune ou sur la grande fortune. En pratique, l’imposition de la fortune dans les pays étrangers est peu fréquente.

Peut-on considérer que ces conventions peuvent être applicables en matière d’impôts sur la fortune immobilière ?

L’IFI est un nouvel impôt. Toutefois ainsi qu’il est indiqué supra, au n° a2486, ces conventions visent très souvent, dans leurs articles introductifs formant les chapitres I et II, les anciens impôts sur la fortune et la grande fortune, mais également les impôts de nature identique ou analogue qui s’ajouteraient dans l’avenir. On peut en déduire que les anciennes conventions fiscales en matière d’impôt sur la fortune ou la grande fortune sont bien souvent applicables pour éliminer une éventuelle double imposition en matière d’impôt sur la fortune immobilière. Cette souplesse évite aux États de devoir signer de nouvelles conventions.

Cette analyse est confirmée par l’administration fiscale1193. Elle a jugé utile d’ajouter une remarque en ce sens : «Remarque : les principes guidant l’interprétation des dispositions des conventions fiscales utilisées en matière d’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) sont repris en matière d’IFI. Il n’en reste pas moins qu’une convention applicable à l’ISF ne l’est pas nécessairement à l’IFI, un examen au cas par cas des stipulations conventionnelles étant nécessaire».

Il faudra être attentif et lire a minima les conventions fiscales conclues par la France. En effet, elles peuvent parfois prévoir une dérogation à la règle générale de l’imposition sur la totalité des biens français et étrangers en faveur des personnes physiques ayant la nationalité de l’autre État partie à la convention qui deviennent des résidents de France. Cette dérogation n’est en revanche pas susceptible de s’appliquer aux personnes de nationalité française1194.


1183) L. fin. 2018 n° 2017-1837, 30 déc. 2017, art. 31.
1184) En ce sens, Cass. com., 21 juin 2011, n° 10-23.136 ; solution rendue s’agissant de l’ISF qui demeure valable en matière d’IFI et reprise au BOI-PAT-IFI-10-10, n° 20.
1185) Actif mentionné à l’article 965 du Code général des impôts.
1186) BOI-PAT-IFI-10-20, n° 110.
1187) BOI-PAT-IFI-20-20-20-10, n° 10.
1188) C’est-à-dire activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.
1189) CGI, art. 972 ter.
1190) Ces impôts sont toutefois déductibles de l’assiette de l’IFI.
1191) BOI-PAT-IFI-20-30-30, n° 60.
1192) Le législateur n’a pas utilisé le terme «objectif exclusivement fiscal», comme il était prévu en matière d’abus de droit, avant la loi de finance pour 2019.
1193) BOI-PAT-IFI-10, n° 30.
1194) BOI-PAT-IFI-10-20, n° 1.
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