CGV – CGU

Partie III – La fiscalité internationale
Titre 2 – Les plus-values
Chapitre I – Plus-value immobilière des résidents français à l’occasion d’une vente à l’étranger

2501 – Introduction. – Le présent chapitre ne traitera pas de l’imposition des plus-values immobilières des non-résidents à l’occasion de la vente d’un bien situé en France. Pour l’étude de cet impôt, il est renvoyé aux travaux de la quatrième commission.

Seule sera étudiée l’imposition des plus-values lors de la cession d’un bien immobilier situé à l’étranger détenu par un résident français1119. Le lecteur est invité par conséquent à faire preuve de curiosité en lisant le présent chapitre. En effet, certains découvriront que la vente d’un bien immobilier situé à l’étranger est souvent taxable au titre des plus-values en France et que la liquidation de cet impôt est particulièrement technique.

Les spécialistes en droit international, les notaires, les banquiers ou les avocats qui interviennent à l’occasion d’estate planning ne peuvent plus ignorer l’existence et la technique de liquidation de cet impôt. D’autre part, le notaire peut être sollicité dans le cadre d’un dossier en droit de la famille pour rédiger une clause de déclaration d’origine de deniers faisant mention du produit de la vente d’un bien immobilier situé à l’étranger.

Il faudra alors qu’il s’interroge : le prix de la vente peut-il être réinvesti en totalité dans l’achat d’un nouveau bien, ou faut-il déduire le montant d’un éventuel impôt dû en France ? L’imposition est-elle personnelle à l’un des deux époux ou commune ? Les réponses à ces questions, on le présage, modifieront la liquidation de la communauté ou de l’indivision.

Sur un plan économique, quel intérêt aurait l’État à confier la mission de liquidation de cette taxe (préalablement à tout rapatriement des fonds) aux notaires de France pour améliorer sa collecte ? En effet, il semble que peu de résidents soient informés de l’existence de cette imposition et l’on serait curieux de connaître son réel taux de recouvrement.

Si on combine : l’entrée en application de l’échange automatique des données entre les pays ; l’obligation de déclaration des comptes à l’étranger (et les impôts, amendes et sanctions pénales ; V. supra, nos a2294 et s.) ; la volonté affichée des acteurs internationaux de lutter contre l’évasion fiscale à un niveau désormais mondial,  alors l’ensemble de ces éléments peut laisser penser que le moment est opportun pour informer les notaires et les contribuables de l’existence de cette imposition.

On aura l’occasion, lors de cette étude, de constater que la technique de calcul de l’impôt semble parfois «à améliorer», particulièrement en l’absence de convention fiscale. Cela crée une double imposition ou plus précisément ne permet pas la déductibilité de l’impôt payé dans l’État de situation de l’immeuble (or, le bien immobilier étant situé à l’étranger, le contribuable pourrait s’interroger sur l’équité de ce mécanisme).

Enfin, il n’est ici traité que des plus-values réalisées par des personnes physiques1120dans le cadre de la gestion purement privée de leur patrimoine, à l’exclusion des activités de marchands de biens ou assimilés.

Ces plus-values ne bénéficieront pas de l’éventuelle suppression des prélèvements sociaux pour les non-résidents de l’Union européenne, de l’Espace économique européen ou de la Suisse proposée par la loi de finances de 2019.

Il sera traité des principes d’imposition (Section I), puis de cas pratiques (Section II).

Section I – Principes généraux
§ I – En droit interne

2502 Le cédant d’un droit réel immobilier ou d’un bien situé à l’étranger s’attend à l’existence d’une imposition au titre de la plus-value au profit de l’État de localisation de l’immeuble : il a le réflexe de s’interroger sur l’obligation de paiement de cet impôt et de ces modalités. Le vendeur ne doit pas s’imaginer que celui-ci est exclusif et qu’il crée ipso facto une exonération en France.

Ce mécanisme n’est pas particulier aux plus-values, mais s’applique également pour la généralité des revenus (cf. par ex. le revenu foncier, étudié infra, n° a2515).

En droit interne, il est fréquent que le principe de l’imposition au profit de l’État du lieu de situation des immeubles soit posé. On comprend aisément cette position, la plus-value ayant pour source le territoire du pays de son implantation. Il existe toutefois desexceptions et le fiscaliste se doit de procéder à un examen détaillé du régime fiscal applicable dans l’État d’implantation du bien.

§ II – En droit conventionnel

2503 En présence d’une convention, cette dernière indique lequel des États sera en droit d’imposer les plus-values. En principe, elles le sont au lieu où les immeubles sont situés. L’article 13 du modèle OCDE précise en son paragraphe 1 : «Les gains qu’un résident d’un État contractant tire de l’aliénation de biens immobiliers visés à l’article 6, et situés dans l’autre État contractant, sont imposables dans cet autre État». Dans la pratique, on rencontre presque exclusivement des conventions donnant le droit d’imposer (à titre exclusif ou non) à l’État de situation du bien.

Attention, il ne faut pas en déduire, lorsqu’une plus-value est taxable dans l’État de situation du bien, qu’elle ne l’est pas également dans l’État de la résidence du vendeur. Le terme «est imposable» n’équivaut pas à affirmer «n’est imposable que».

Par conséquent, le fait de donner à l’un des pays le droit d’imposer ne retire pas le droit d’imposer de l’autre pays.

En revanche, si la convention utilise le terme «n’est imposable que» dans l’État de situation du bien, ce droit devient exclusif et l’autre État ne peut plus imposer la plus-value.

En présence d’une convention fiscale, et en cas d’existence d’une clause de non-discrimination, l’État où se trouve le bien immobilier ne peut imposer autrement ou plus lourdement les non-résidents que les nationaux qui se trouvent dans la même situation. Celle-ci est reprise à l’article 24, § 1 du modèle OCDE1121.

D’autre part, la jurisprudence affirme ce principe (de non-discrimination) en matière d’imposition des plus-values immobilières. En effet, la Cour de justice des Communautés européennes indique que l’imposition d’un non-résident ne peut être supérieure à celle que supporterait un résident1122.

2504 – Quel est le vocabulaire retenu dans les conventions pour définir la notion de «plus-value immobilière» ? – Cette notion n’est pas définie spécialement dans les conventions, ni dans le modèle OCDE. On doit se référer à celle qui est définie par la législation interne fiscale du pays en droit de taxer (et non pas à la notion de plus-value immobilière telle que définie par la législation interne «en général»). Les commentaires de l’OCDE ainsi que la jurisprudence française confirment cette référence aux définitions données par la législation fiscale1123.

Plus particulièrement, il faudra être attentif en cas de cession de droits démembrés, nue-propriété et usufruit, mais également en cas de cession de promesses de vente, qui peuvent ou non être assimilées à des immeubles dans le droit interne des pays en cause. Il conviendra de se reporter au droit interne de l’État concerné, afin d’examiner si la cession porte effectivement, en droit interne, sur un bien immobilier, auquel cas cet État pourra éventuellement imposer.

En présence d’une convention fiscale, et afin d’éliminer la double imposition, la France est parfois privée du droit d’imposer. Elle tient compte de la plus-value réalisée à l’occasion de la vente pour l’application du taux effectif ou du crédit d’impôt égal à l’impôt français (même raisonnement et fonctionnement que pour les revenus fonciers).

Les conventions fiscales récentes reposent cependant sur la méthode du «vrai» crédit d’impôt : la double imposition étant éliminée par un crédit égal à l’impôt étranger et non l’impôt français (par ex. : les conventions fiscales signées avec le Royaume-Uni, l’Espagne et les États-Unis)1124.

§ III – Le formalisme de la déclaration de plus-values immobilières

2505 La doctrine administrative et la loi ne détaillent pas les modalités pratiques des formalités. Dans les faits, le contribuable devra déposer :

1. dans le mois de la cession, au centre des impôts dont il dépend, un formulaire n° 2048-IMM, accompagné du montant des droits dus. Si ce service refuse le dépôt indiquant à tort qu’il n’est pas compétent, il est alors conseillé de l’adresser au bureau des non-résidents de Noisy-le-Grand ;

2. et une déclaration de ses revenus étrangers en annexe à sa déclaration annuelle de revenus (déclaration n° 2047). La plus-value n’est pas à reporter sur la déclaration des revenus n° 2042. Pour permettre une meilleure compréhension de ces mécanismes, on va traiter deux cas pratiques : ils concerneront une plus-value réalisée par un résident français à l’occasion de la vente d’un bien situé à l’étranger, en l’absence, puis en présence d’une convention fiscale.

Section II – Cas pratiques
§ I – Cas pratique n° 1 : Liquidation d’une plus-value en l’absence d’une convention fiscale

2506

France-Uruguay

Mme F a acquis en date du 22 décembre 2008 une propriété en Uruguay moyennant le prix de 100 000 $US. En janvier 2017, Mme F revient en France et s’installe en région parisienne. Elle met alors en vente son ancienne résidence située hors de France et, en date du 16 novembre 2017, la propriété est revendue pour un prix de 400 000 $US. Le vendeur paye des frais d’agence pour une somme de 24 000 $US. L’impôt sur la plus-value qui a été payé en Uruguay s’élève à 32 759 $US (1 008 334 pesos).

 Remarques générales. – Il n’existe pas de convention fiscale éliminant la double imposition entre la France et l’Uruguay.

Rappel : l’article 4 A du Code général des impôts1125pose le principe que les personnes physiques fiscalement domiciliées en France sont passibles de l’impôt sur le revenu sur les revenus de source française et étrangère. Imposition confirmée pour la plus-value immobilière réalisée à l’étranger par l’administration fiscale1126. La non-résidence fiscale s’apprécie au jour de la cession.

En l’espèce, Mme F était résidente française au moment de la vente puisqu’elle s’était réinstallée en région parisienne quelques mois avant la régularisation de l’acte.

Techniquement, on calcule l’assiette taxable de la plus-value du bien vendu hors de France comme si le bien vendu se situait sur le territoire.

Le prix de la vente, s’il a été payé en monnaie étrangère, doit être déclaré pour sa contre-valeur en euros, calculée d’après le cours de change à Paris au jour de l’encaissement1127.

Ainsi, les éléments de détermination de la plus-value (notamment le prix de cession, le prix d’acquisition du bien, les charges venant en majoration ou en minoration) libellés dans une devise autre que l’euro doivent impérativement être convertis en euros par application du taux de change à la date de chaque opération (antérieurement à la mise en place de l’euro, cette conversion sera d’abord effectuée de la devise étrangère en francs ; ce dernier montant est par la suite converti en euros au taux de 6,55957 F/€).

Liquidons la plus-value

À propos du prix mentionné dans l’acte de vente en Uruguay : le montant indiqué dans l’acte de vente en Uruguay est en dollars. La monnaie en Uruguay est le peso. En pratique, il est fréquent de rencontrer des ventes libellées dans une monnaie étrangère à celle du pays du lieu de situation du bien. Principalement en Amérique du Sud, cet usage s’explique par une volonté de sécuriser les taux de change entre le moment de la régularisation du compromis et la vente.

Le contribuable doit convertir les sommes en euros d’après le cours de change à Paris au jour de l’encaissement. Si cet exercice semble simple en théorie, il l’est beaucoup moins en pratique. Quel site utiliser par la conversion ? Et quel montant retenir si le prix a été exprimé dans deux monnaies différentes dans les actes reçus à l’étranger ?

Le prix d’achat, puis celui de vente et les éventuelles charges doivent être convertis en euros par application du taux de change à la date de chaque opération. Pour réaliser ces conversions, on conseille d’utiliser le site de la Banque de France.

Dans notre cas, la parité euro-dollar à la date de cession, soit le 16 novembre 2017, est de 1 € pour 1 1771 $, le prix de cession est donc égal à 339 818 €. La parité euro-dollar à la date d’acquisition, soit le 22 décembre 2008, est de 1 € pour 1,4 $, le prix d’acquisition est donc égal à la somme de 71 582 €.

Si les frais de notaire ont été payés en pesos, il y aurait lieu de convertir ceux-ci en utilisant la parité euro/pesos, sauf utilisation du forfait de 7,5 %. En l’espèce nous retiendrons le forfait.

Pour le cas où les actes contiennent une clause «Prix» indiquant ce dernier dans deux monnaies différentes (cas par exemple d’une vente exprimant un prix en dollars et indiquant la contre-valeur en pesos), on pense que le montant du prix d’achat peut être converti en retenant l’une ou l’autre des monnaies exprimées dans l’acte. Aucun texte ne semble s’opposer à ce libre arbitrage.

Ce mécanisme ne sera pas sans enjeu lorsqu’il faudra convertir le prix d’achat du bien si celui-ci date de plusieurs années et que les monnaies ont évolué de façon divergente.

À propos de l’impôt de plus-value payé hors de France : la vente a généré en Uruguay le paiement d’un impôt de plus-value pour un montant de 1 008 334 pesos uruguayens. Aucun article du Code général des impôts ne permet de déduire cette somme payée hors de nos frontières de l’impôt qui sera dû en France.

En effet, rappelons qu’il n’existe pas de mécanisme de crédit d’impôt en droit interne français, en ce qui concerne l’imposition des revenus.

Cet impôt de plus-value payé à l’étranger pourrait-il être pris en compte conformément à l’article 131128du Code général des impôts, pour venir en diminution du prix de cession ?

L’administration fiscale1129ne mentionne pas l’impôt payé à l’étranger dans la liste des charges diminutives du prix de cession. Or le droit fiscal est d’interprétation stricte.

Pour un auteur, l’impôt étranger constituerait une charge déductible1130.

L’imposition en France aurait pour base d’imposition le montant net de la plus-value. Cet auteur se fonde sur l’article 13 du Code général des impôts dans sa distinction entre les dépenses déductibles ou non du revenu imposable. Il tranche donc en prenant position sur le caractère déductible de l’impôt payé à l’étranger quand bien même cette charge n’est pas au nombre des dépenses prises en compte pour calculer les plus-values1131.

En pratique, ainsi que B. Gouthière l’indique dans son livre précité, en son chapitre «La territorialité de l’impôt sur le revenu» (§ 1930) : «Afin d’atténuer la double imposition, il est admis que les impôts acquittés à l’étranger sur les revenus de source étrangère puissent être déduits de la base d’imposition (ancienne Doc. adm. 5B 1122, n° 4, non reprise au BOFiP sauf en ce qui concerne les revenus de capitaux mobiliers)». L’imposition en France serait donc assise sur le montant net perçu.

En effet, il semble en pratique admis que ces impôts payés hors de France soient déductibles. Nous n’avons pas trouvé de jurisprudence ni de redressement fondés sur la contestation de ce mécanisme. Par conséquent, on pense qu’il est judicieux de retenir cette position.

Précisons que la déductibilité de l’assiette de la plus-value, par le contribuable, de cet impôt supporté hors de France n’est pas un avantage, car in fine le montant total de l’impôt qui sera payé par le cédant tant en France qu’à l’étranger sera supérieur à l’impôt qu’il aurait payé si le bien immobilier avait été situé sur le territoire Français. La situation est donc moins favorable qu’en présence d’une convention éliminant la double imposition.

On préconise, eu égard au risque éventuel de contestation de la part de l’administration fiscale, d’avertir le contribuable de la possibilité de redressement et du complément de droit susceptible de lui être appelé ainsi que les intérêts et les éventuelles pénalités. Il est conseillé d’informer le vendeur de l’existence de cette incertitude et de sécuriser le dossier en préconisant l’usage du rescrit. À défaut, il faudra impérativement obtenir une reconnaissance d’avis donné sur ce point particulier.

On s’est également interrogé quant aux termes de la notice explicative à la déclaration n° 2047.  En pratique, outre la déclaration n° 2048-IMM, une déclaration des revenus étrangers en annexe à la déclaration annuelle de revenus (déclaration n° 2047) doit être complétée par le contribuable. Or la notice de la déclaration n° 2047 mentionne sous le paragraphe «Explications des lignes de la déclaration», cadre 3, ce qui suit littéralement rapporté : «Si vous avez réalisé une plus-value de cession d’immeuble ou de bien meuble à l’étranger et si ce revenu n’est pas exonéré d’impôt en France en application d’une convention fiscale internationale (…). Vous pourrez, si ce revenu a été imposé à la source, déduire de l’impôt français, calculé sur ces déclarations, un crédit d’impôt égal au montant de l’impôt français calculé sur cette plus-value ou de l’impôt étranger sans que celui-ci ne puisse dépasser le montant de l’impôt français».

Comment faut-il lire ce texte et l’interpréter ? Les commentaires qui figurent dans la notice de la déclaration n° 2047, relative aux revenus encaissés à l’étranger, traitent des obligations déclaratives concernant les personnes physiques domiciliées en France qui réalisent des plus-values immobilières hors de France et qui, en l’application d’une convention fiscale, n’exonèrent pas cette plus-value d’imposition en France. Or, en l’espèce, l’absence de convention fiscale entre la France et l’Uruguay rend ces commentaires inapplicables.

Précisons que cette notice, qui est un document visant à aider les contribuables dans l’accomplissement de leurs obligations déclaratives, n’est pas opposable à l’administration. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il est écrit sur le formulaire : «Cette notice n’a qu’une valeur indicative. Elle ne se substitue pas à la documentation officielle de l’administration».

§ II – Cas pratique n° 2 : Liquidation d’une plus-value en présence d’une convention fiscale

2507

France-Italie

Mme de Vito a hérité, suite au décès de son père le 5 août 1997, de la moitié indivise en nue-propriété d’un bien immobilier sis en Italie, le surplus de la nue-propriété revenant à sa sœur. La valeur cadastrale en pleine propriété du bien reçu en nue-propriété était de 212 780 €. Mme de Vito devient pleine propriétaire de la moitié indivise du bien immobilier suite au décès de sa mère le 9 août 2006. Ce bien constitue dès lors une résidence secondaire de Mme de Vito. En 2015, elle se domicilie en France et devient résidente fiscale de ce pays. Mme de Vito, domiciliée en France, vend son bien immobilier sis en Italie pour 1 300 000 € et dont la valeur cadastrale est de 255 024 €.

Remarques générales

 1) En principe, la convention donne ou retire à l’un des États contractants le droit d’imposer.

Elle n’est pas le fondement de cette imposition. C’est-à-dire que le pays en droit d’imposer la plus-value immobilière fondera l’impôt sur son droit interne. Or, certains pays n’imposent pas les plus-values réalisées par les non-résidents.

Cette non-imposition peut être soit générale, soit limitée, notamment lorsque les gains ne sont pas de nature professionnelle ou spéculative.

En quelque sorte, la convention fiscale donne une simple faculté à l’État désigné d’imposer. Elle n’oblige pas cet État à prélever un impôt si son droit interne ne le prévoit pas1132.

 2) Contrairement à ce que les conventions prévoient (normalement pour les redevances dividendes, et intérêts), elles ne fixent pas de taux plafonds, ni d’imposition sur une base nette, ni la prise en compte de divers correctifs (par ex., correctifs qui seraient liés à l’inflation).

 3) C’est le droit interne de l’État et non la convention qui précise les modalités de recouvrement de cette imposition (recouvrement par retenue de l’impôt à la source ou autre, imposition comme un revenu ordinaire ou selon un mécanisme spécial et à un taux spécifique).

À ce propos, que prévoit le droit interne italien ?

I. Fiscalité italienne

À titre liminaire, il convient de noter qu’à ce stade, il faut se rapprocher d’un fiscaliste italien pour connaître en détails les modalités d’imposition locale. En principe, le droit fiscal italien exonère d’impôt de plus-values immobilières la cession d’immeuble reçu par succession. Il en est de même en cas de vente de la résidence principale, ou d’immeubles dès lors qu’ils sont détenus depuis plus de cinq ans (sauf s’il s’agit de terrains à bâtir).

En l’espèce, sous réserve de valider les exonérations de plus-values en Italie exposées supra, la plus-value de cession de l’immeuble détenu en indivision par Mme Vito sera exonérée à double titre : d’une part, parce que l’immeuble a été reçu par succession et, d’autre part, parce que l’immeuble est sa propriété depuis plus de cinq ans.

Il n’y aurait donc pas d’impôt de plus-value immobilière à acquitter auprès de l’administration fiscale italienne.

II. Convention fiscale franco-italienne

En France, le droit fiscal soumet les plus-values réalisées lors de la cession d’immeuble ou de droits relatifs à un immeuble au régime d’imposition des plus-values des particuliers prévu aux articles 150 U à 150 VH et 200 B du Code général des impôts lorsqu’elles sont réalisées par des personnes physiques domiciliées en France dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé, soit directement, soit au travers de sociétés de personnes.

En conséquence de la hiérarchie des normes en droit interne français et de l’application de l’article 55 de la Constitution française du 4 octobre 1958 : «Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l’autre partie».

Le droit interne français précité s’applique donc sous réserve des conventions internationales ratifiées par la France.

Or, une convention en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune a été signée à Venise le 5 octobre 1989 entre le gouvernement de la République française et celui de la République italienne. Elle est assortie d’un protocole formant partie intégrante de la convention. Elle se substitue à la précédente convention signée le 29 octobre 1958 (sauf pour ses articles 25 et 26 qui continuent à s’appliquer). Elle est entrée en vigueur le 1er mai 1992.

Aux termes du § 1 de l’article 13 de cette convention1133, les plus-values sont imposables dans l’État de situation de ces biens.

En outre, cette plus-value est également imposable en France : en conséquence, le droit d’imposer la plus-value immobilière consécutive à la cession d’un immeuble en Italie revient à l’Italie et la France doit donc mettre en œuvre un système d’élimination de la double imposition. La méthode d’élimination de la double imposition est prévue à l’article 24 de la convention sous le titre : «Dispositions pour éliminer les doubles impositions»1134.

Elle s’opère selon la méthode de l’imputation : elle consiste pour la France à appliquer un crédit d’impôt égal au montant de l’impôt dû en France.

Toutefois, comme l’indique la mention figurant en tête de l’article 24, celui-ci ne s’applique qu’en cas de double imposition. En l’absence d’imposition en Italie, il n’y aurait donc pas lieu de faire application des dispositions du paragraphe 1 de l’article 241135.

De plus le Protocole additionnel formant partie intégrante de la convention précise en son article 15 que : «Dans les cas où, conformément aux dispositions de la présente Convention, un revenu doit être exempté de la part de l’un des deux États, l’exemption sera accordée si et dans la mesure où ce revenu est taxable dans l’autre État».

Cet article n’a pas vocation à s’appliquer puisque la France impose en tant qu’État du domicile et que l’Italie, qui a le droit d’imposer théoriquement en application de la convention, ne le fait pas en raison de ses règles internes. L’exemption n’aurait d’effet que si la France n’avait pas le droit d’imposer, ce qui n’est pas le cas. La France retrouve donc son droit d’imposer dans les conditions de droit commun.

III. Régime fiscal d’imposition de la plus-value en France

Il conviendra de faire application des dispositions de l’article 150 U du Code général des impôts.

Mme Vito cède sa résidence secondaire. Elle pourrait bénéficier du régime d’exonération de plus-value si elle décidait de remployer le prix de vente dans l’acquisition d’une résidence principale dans les conditions prévues à l’article 150 U-II-1° bis du Code général des impôts, ou bien encore si elle répondait aux conditions prévues à l’article 150 U III du Code général des impôts pour les retraités ou invalides de condition modeste.

La difficulté consistera pour le conseil français à faire insérer au notaire italien chargé de cette vente les déclarations d’usage dans l’acte de vente. Or, par expérience, on constate parfois une réticence pour insérer lesdites clauses, au risque de faire perdre l’exonération au contribuable.

La plus-value immobilière ayant pour assiette la différence entre le prix d’acquisition et le prix de cession, il convient de s’arrêter sur les valeurs à prendre en compte.

a) Détermination du prix de cession : le prix à retenir dans la déclaration de plus-value est le prix réel tel qu’il est stipulé dans l’acte indépendamment de ses modalités de paiement. La plus-value est imposée au nom de chaque indivisaire à raison de la fraction du prix de vente correspondant à ses droits dans l’indivision. Chaque indivisaire est réputé recevoir une fraction du prix de vente correspondant aux droits qu’il détenait sur le bien cédé à la date de la vente.

b) Détermination du prix d’acquisition : en cas d’acquisition par succession ou donation, le prix d’acquisition s’entend de la valeur retenue pour la détermination des droits de mutation à titre gratuit. À défaut, la plus-value est calculée à partir de la valeur vénale réelle à la date d’entrée dans le patrimoine du cédant d’après une déclaration détaillée et estimative des parties1136. Lorsque la succession n’a donné lieu à aucune imposition ou lorsqu’elle n’était pas imposable en France, l’administration permet de retenir la valeur qui figure dans l’attestation immobilière à la condition que celle-ci corresponde à la valeur du bien au jour de la mutation à titre gratuit1137. Afin d’éviter que ne soit pas prise en compte la valeur cadastrale1138mentionnée dans la déclaration de succession pour calculer l’assiette de la plus-value, nous vous recommandons de :

faire établir par le notaire italien en charge de la succession une attestation de la valeur réelle du bien au jour de la succession ;

à défaut, formuler et signer une déclaration estimative des parties (Mme Vito et sa sœur), à l’appui d’une expertise immobilière.

Conseil

Il serait parfois judicieux de conseiller aux non-résidents souhaitant venir s’installer en France de vendre leurs résidences situées hors de France avant de déménager. Une étude de cette imposition doit être conseillée et réalisée préalablement à une délocalisation.


1119) En ce qui concerne l’impôt sur le revenu, la «France» s’entend de la France métropolitaine et des départements d’outre-mer, à l’exclusion des collectivités suivantes : Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), l’île de Saint-Barthélemy et la partie française de l’île de Saint-Martin. Ces derniers territoires sont considérés comme étrangers au sens de la fiscalité directe.
1120) Les plus-values réalisées à l’occasion d’une vente par une société à prépondérance immobilière ou les cessions de parts de ces sociétés sont volontairement exclues. Ces dernières sont également, dans certains cas, imposables en France. Nous avons décidé de ne pas traiter ces cas à l’occasion de ce Congrès, mais ces derniers mériteraient un développement approfondi.
1121) Modèle OCDE, art. 24, § 1 : «Les nationaux d’un État contractant ne sont soumis dans l’autre État contractant à aucune imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celles auxquelles sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre État qui se trouvent dans la même situation, notamment au regard de la résidence. La présente disposition s’applique aussi, nonobstant les dispositions de l’article 1, aux personnes qui ne sont pas des résidents d’un État contractant ou des deux États contractants».
1122) CJCE, 11 oct. 2007, aff. 443/06, Hollmann.
1123) L’article 3, § 2 du modèle OCDE indique que pour l’application de la convention à un moment donné par un État, tout terme ou expression qui n’y est pas défini a, (…), le sens que lui attribue, à ce moment, le droit de cet État concernant les impôts auxquels s’applique la convention. Le modèle OCDE complète en indiquant que le sens attribué à ce terme ou expression par le droit fiscal de cet État prévaut sur le sens que lui attribuent les autres branches du droit de cet État.
1124) Mémento Patrimoine Francis Lefebvre, Fasc. 18812.
1125) CGI, art. 4 A : «Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française».
1126) BOI-RFPI-PVI-10-20, n° 1 : «Tous les immeubles, qu’ils soient bâtis ou non bâtis, constituent des biens imposables. Il n’est pas tenu compte : de l’origine de propriété du bien cédé (acquisition à titre onéreux ou à titre gratuit) ; de l’intention spéculative ou non des cédants ; de l’affectation ou de la destination du bien ; de la localisation des biens qui peuvent être situés en France ou hors de France, sous réserve des conventions internationales».
1127) BOI-RFPI-PVI-20-10 : le montant de la plus-value immobilière doit être déterminé pour sa valeur en euros.
1128) CGI, art. 13, § 1 : «Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l’excédent du produit brut, y compris la valeur des profits et avantages en nature, sur les dépenses effectuées en vue de l’acquisition et de la conversation du revenu».
1129) BOI-RFPI-PVI-20-10-10-20120912.
1130) En ce sens : B. Gouthière, Les impôts dans les affaires internationales, éd. Francis Lefebvre, 11e éd. 2016, p. 945, § 67360.
1131) CGI, art. 150 VB, II.
1132) Par ex. : la convention fiscale franco-britannique du 19 juin 2008 donnait au Royaume-Uni le droit d’imposer les gains immobiliers réalisés sur son territoire par des non-résidents, mais en réalité elle ne les imposait pas.
1133) «1. Les gains provenant de l’aliénation des biens immobiliers visés à l’article 6 sont imposables dans l’État où ces biens sont situés.»
1134) Art. 24.1, a) : «La double imposition est évitée de la manière suivante : 1. Dans le cas de la France : a) Les bénéfices et autres revenus positifs qui proviennent d’Italie et qui y sont imposables conformément aux dispositions de la Convention, sont également imposables en France lorsqu’ils reviennent à un résident de France. L’impôt italien n’est pas déductible pour le calcul du revenu imposable en France. Mais le bénéficiaire a droit à un crédit d’impôt imputable sur l’impôt français dans la base duquel ces revenus sont compris. Ce crédit d’impôt est égal : – pour les revenus visés aux articles 10, 11, 12, 16 et 17 et au paragraphe 8 du protocole annexé à la Convention au montant de l’impôt payé en Italie, conformément aux dispositions de ces articles. Il ne peut toutefois excéder le montant de l’impôt français correspondant à ces revenus : – pour tous les autres revenus, au montant de l’impôt français correspondant».
1135) BOI-INT-CVB-ITA-10-50, nos 1 et 10.
1136) CGI, art. 150 VB, I.
1137) BOI-RFPI-PVI-20-10-20-10, n° 290.
1138) La valeur cadastrale est retenue dans certains pays, notamment en Italie et en Espagne. Elle ne correspond pas à la valeur vénale. En Espagne, à l’occasion du règlement d’une succession, l’administration fiscale applique à cette valeur cadastrale un coefficient de pondération différent selon les régions pour déterminer une valeur la plus proche possible de la valeur vénale.
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