CGV – CGU

Partie III – La fiscalité internationale
Titre 1 – Principes généraux
Chapitre V – Comment lire une convention fiscale ?

2481 En présence d’une convention fiscale, celle-ci s’impose aux États et prend l’ascendant sur les législations internes1085.

Les conventions ont notamment pour objectif :

d’éliminer une double imposition. Dans certains cas elles l’atténuent, sans toutefois l’éliminer en totalité.

Ces conventions éliminent uniquement les doubles impositions juridiques1086 ;

de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales (notamment par la mise en place d’échange de renseignements et éventuellement d’une assistance au recouvrement) ;

de protéger les contribuables contre certaines conséquences négatives du droit interne de l’autre État, notamment une éventuelle discrimination de nature fiscale.

La lecture d’une convention peut être malaisée et incongrue, elle est parfois faussement simple.

Pour savoir lire une convention fiscale, il faut préalablement acquérir des connaissances de base. Ce chapitre vise à remplir cette mission et à attirer l’attention du praticien sur les pièges qu’il peut rencontrer.

Avant de traiter un dossier, il faut se munir de la dernière convention fiscale à jour, de son éventuel protocole, mais aussi des commentaires de l’administration fiscale dans la série internationale publiée au Bulletin officiel des finances publiques (site «impots.gouv.fr»), et du Code général des impôts1087.

Section I – Le schéma d’une convention

2482 La convention franco-belge de 1843 serait historiquement la première. Les États se sont principalement intéressés à la fiscalité internationale au lendemain de la Première Guerre mondiale. Un premier type de convention, dénommé modèle de Mexico1088a été établi en 1935.

Ce modèle était trop en faveur des pays en développement, car il favorisait la taxation pour l’État de la source.

En 1946 est né un autre modèle dénommé modèle de Londres, qui cette fois a été jugé trop favorable aux nations développées.

Suivront en 1963, à l’initiative des pays «développés», le premier modèle OCDE en matière d’imposition des revenus et de la fortune, puis en 1966 le modèle de convention en matière d’impôt sur les successions. Les modèles de l’OCDE font l’objet de mises à jour successives1089.

La version en vigueur date de juillet 2014. Elle comprend deux classeurs : le premier classeur contient le modèle et ses commentaires, le second des rapports sur des points particuliers.

Parallèlement, fin des années 1960, les pays «en développement» ont négocié avec les pays «développés» au sein de l’ONU un autre type de manuel de négociations ayant donné naissance au modèle de convention de l’ONU, dont le premier modèle est né en 1980, et a été révisé pour la dernière fois en 2012.

Les modèles OCDE et ONU sont les «bibles» indispensables des négociateurs des conventions fiscales. La France, comme la plupart des pays développés, s’efforce d’imposer le modèle OCDE1090. En effet, il est plus favorable à notre pays en ce qu’il limite le droit d’imposer de l’État de la source.

La France essaye également de négocier l’introduction de la clause «de la nation la plus favorisée». Cette clause permet, en présence de pays qui refusent les exonérations à la source, de demander l’application de taux de retenue à la source inférieurs à ceux prévus dans la convention fiscale. Tel serait le cas si l’autre État a accepté des taux plus faibles avec d’autres pays avec lesquels la France est en situation de concurrence (principalement les pays de l’OCDE)1091.

En pratique

On constate que les conventions fiscales signées par la France sont généralement établies sur le modèle OCDE, mais toutefois avec des variantes qui sont liées aux particularités du système fiscal français et parfois étranger1092.

La France, à l’occasion de la négociation, ou de la renégociation de conventions s’efforce actuellement de réduire les retenues à la source qui sont parfois à l’origine de frottements fiscaux.

Elle définit à cette occasion avec exactitude la notion de société à prépondérance immobilière afin de couvrir et de maintenir en droit interne le plus grand nombre d’impositions en matière de plus-values et d’impôt sur la fortune immobilière. Elle fait disparaître les doubles exonérations et élimine dorénavant la double imposition par le mécanisme de crédit d’impôt égal à l’impôt français (aux lieu et place du mécanisme d’exonération). De plus, elle facilite le contrôle fiscal en imposant l’échange d’informations entre nations et en reprenant désormais l’intégralité de l’article 26 du modèle OCDE et non plus partie de celui-ci (ainsi qu’il était parfois négocié dans le passé).

Les conventions comptent environ une trentaine d’articles pour celles relatives aux impôts sur le revenu et sur la fortune et une vingtaine pour celles concernant les successions et donations. Elles sont souvent complétées par un protocole qui a la même valeur juridique que la convention elle-même et qui contient des stipulations dérogatoires aux règles indiquées par la convention.

Section II – Les articles introductifs formant les chapitres I et II

2482-1 Les articles introductifs sont généralement au nombre de cinq. Ils expliquent la portée de la convention et posent les définitions des termes employés.

Ils indiquent les personnes concernées, les impôts et les territoires. Lors de la lecture de ce premier chapitre de la convention, on doit se poser plusieurs questions : la convention fiscale s’applique-t-elle ? (§ I) ; la personne concernée est-elle résidente d’un État ou de deux États ? (§ II) ; quelle est la définition des termes utilisés ? (§ III) ; l’impôt en cause entre-t-il dans le champ d’application de la convention ? (§ IV) ; le client est-il une personne au sens de la convention fiscale ? (§ V) ; la résidence du contribuable est-elle située dans le champ d’application géographique de la convention fiscale ? (§ VI).

§ I – Question préliminaire : la convention fiscale s’applique-t-elle ?

2483 À titre préliminaire, il faudra vérifier que la convention est en vigueur et qu’elle est applicable. Cela se fera de façon systématique en consultant la liste au BOI-ANNX-000306 qui est mise régulièrement à jour.

On déconseille de conserver les conventions fiscales dans un tiroir de son bureau et de s’y reporter par automatisme.

En pratique

Attention : la date de prise d’effet d’une nouvelle convention peut varier. Parfois elle distingue entre les impôts à la source (pour une application immédiate) et les autres impôts (pour une première application à compter de l’année civile suivant celle au cours de laquelle la convention fiscale est entrée en vigueur).

§ II – La personne concernée est-elle résidente d’un État ou de deux États ?

2484 Pour bénéficier de l’application d’une convention, le contribuable doit être résident au sens fiscal de l’un des États, ou résident des deux États à la fois. À défaut, la convention ne s’applique pas. Ce point paraît évident, on doit systématiquement commencer par cette vérification car il arrive que ce prérequis ne soit pas rempli. Posséder la nationalité de l’un des deux pays sera sans intérêt. L’article de la convention dénommé «Résidence»1093indique généralement qu’il faudra vérifier que le contribuable est un résident au sens du droit interne, c’est-à-dire au sens de l’article 4 B du Code général des impôts (V. infra, nos a2484 et s.). Vérifier que le contribuable est un résident français au sens du droit interne français semble relativement aisé. En cas de réponse négative, il faudra vérifier s’il est résident du pays cocontractant au sens du droit interne de cet autre État. Cette mission sera plus ténue et nécessite une excellente connaissance du droit interne de cet autre pays, ou à défaut il faudra consulter un fiscaliste de cet autre État. On conseille vivement d’obtenir un avis écrit d’un consultant étranger.

En cas de conflit de domicile dû à une double résidence, et si en application du droit interne de chaque État, la personne concernée peut être considérée comme résidente de chacun d’eux, alors la convention, en application des critères conventionnels, définira l’État de résidence.

Attention

Ne sont pas considérées comme des résidents les personnes qui ne sont assujetties à l’impôt dans cet État que pour les revenus de sources situées dans cet État ou pour la fortune qui y est située.

Exemple : une personne qui paye des impôts en France au titre de revenus fonciers pour un appartement loué à Paris et qui paye des impôts en Allemagne au titre de revenus fonciers pour un appartement situé à Berlin, mais qui est résident fiscal en Autriche. Il ne sera ni résident fiscal français ni résident fiscal allemand. Par conséquent, il ne peut demander à bénéficier de la convention franco-allemande pour ses revenus fonciers encaissés en France. Par contre, il pourra bénéficier de la convention fiscale franco-autrichienne pour ses revenus fonciers français.

Dans le cas des conventions qui n’exigent pas le passage par le droit interne et l’article 4 B du Code général des impôts1094(cas de la convention franco-belge ou de nombreuses conventions conclues avec les pays d’Afrique), il n’y a pas lieu d’en tirer de conséquences particulières du côté français. Ces conventions ne prennent pas appui sur le droit interne et indiquent des critères selon lesquels une personne doit être considérée comme résidente d’un État. Dans ce cas, peut-on réellement passer directement aux critères conventionnels sans avoir besoin de s’interroger sur le droit interne et les critères de l’article 4 B du Code général des impôts ?

Pour le Conseil d’État, il faut toujours en premier lieu se reporter au droit interne et n’appliquer les critères conventionnels que dans un second temps1095. Cette position est liée à l’idée que les conventions n’ont qu’un rôle «subsidiaire» et qu’il y a lieu de ne les faire jouer que s’il existe un problème de double imposition.

À la différence, la Cour de cassation considère qu’il n’y a pas lieu d’examiner le droit interne et applique directement les critères de la convention fiscale (elle n’applique pas le principe de subsidiarité).

En pratique, la divergence de position entre le Conseil d’État et la Cour de cassation n’est pas gênante. En effet, le Conseil d’État fait prévaloir in fine la convention en cas de contrariété par rapport au droit interne.

Lorsque le contribuable est considéré en droit interne résidant des deux États, l’application des critères conventionnels permet de résoudre le conflit de domicile et ainsi de connaître quel sera l’État de la résidence (V. infra, nos a2484 et s.).

– Le principe de subsidiarité (priorité du droit interne par rapport au droit conventionnel). – Il a été posé par l’arrêt Schneider Electric1096. Ce dernier n’est pas sans effet en matière de qualification des revenus et de leur définition. En effet, le Conseil d’État considère que les conventions ne donnent que des définitions incomplètes des revenus ou plutôt des énumérations et ainsi il s’autorise au passage au droit interne.

– Exemple du cas Aznavour1097. – Dans ce cas, l’artiste Charles Aznavour était résident de Suisse et avait réalisé des concerts en France. Il avait été rémunéré par des versements à une société britannique qu’il détenait. Il souhaitait ainsi échapper à l’impôt en France. Le Conseil d’État requalifie les rémunérations versées à la société britannique comme étant des revenus retirés par l’artiste en vertu du droit interne et plus spécialement de la présomption posée par l’article 155 A du Code général des impôts (le revenu versé à une personne interposée est un revenu retiré par l’artiste). Cette qualification émanant du droit interne français doit être retenue pour l’application de la convention franco-suisse. Par conséquent, la présomption posée par le droit interne français donne à la France le droit d’imposer dans le cadre de la convention franco-suisse et la convention franco-britannique n’est alors plus applicable. Ce principe de priorité retenu par le Conseil d’État est peu compatible avec celui de supériorité des conventions fiscales par rapport au droit interne. Certains auteurs considèrent que le recours aux qualifications de droit interne devrait permettre de déterminer comment la France doit imposer un revenu qu’elle a le droit d’imposer en vertu de la convention, mais non de dire si elle a le droit d’imposer au sens de la convention fiscale1098.

§ III – Quelle est la définition des termes utilisés ?

2485 Les termes utilisés par la convention sont définis par elle. À défaut de définition, il faut lui donner le sens que lui attribue le droit de l’État qui applique la convention. En cas de conflit d’interprétation avec l’autre État, il faudra alors recourir à la procédure amiable. Un même terme pouvant avoir plusieurs définitions dans un même État, la jurisprudence applique en priorité les définitions émanant de la législation fiscale1099. En ce sens, la définition fiscale de l’immeuble (immeuble par nature) est préférée à la définition civile (immeuble par destination).

§ IV – L’impôt en cause entre-t-il dans le champ d’application de la convention ?

2486 La convention énumère par pays les impôts concernés. Elle définit ainsi son champ d’application. Cette liste est-elle limitative ?

La réponse est négative, car parfois l’impôt est déterminé à l’aide d’une définition contenue dans la convention1100. En général il est indiqué qu’elle vise les impôts de natureidentique ou analogue qui s’ajouteraient dans l’avenir. Ainsi les conventions sur la fortune ont continué automatiquement à s’appliquer à l’impôt de solidarité sur la fortune puis à l’impôt sur la fortune immobilière (V. infra, n° a2531 ).

Les conventions fiscales s’appliquent aux impôts collectés par l’État. À titre exceptionnel elles peuvent s’appliquer aux impôts collectés par les subdivisions politiques ou collectivités locales : tel est le cas en France de l’ancienne taxe professionnelle.

À l’étranger, on constate que les États fédérés (en général), refusent que les impôts sur les revenus à l’échelon étatique entrent dans le champ d’application de la convention. Tel est le cas pour le Canada, les États-Unis et le Chili.

§ V – Le client est-il une personne au sens de la convention fiscale ?

2487 En matière de personne physique ou pour les sociétés classiques (sociétés de capitaux), il n’existe pas de difficulté, la question devient plus difficile en présence de sociétés de personnes (partnerships), de groupement d’intérêts économiques, ou autres.

En effet, dans ce cas les bénéfices ne sont pas directement imposables au niveau de la société, mais au niveau personnel des associés. Cela rend très compliqué le traitement fiscal. Pour certains pays il ne s’agit pas de sociétés mais de juxtapositions d’entreprises, pour d’autres il s’agit de sociétés comme les autres, même si celles-ci ne payent pas l’impôt. En droit français nous qualifions ces sociétés de personnes de sociétés translucides. Il s’agit des sociétés en nom collectif, sociétés en commandite simple, sociétés de participation, sociétés de fait, groupements d’intérêts économiques, et sociétés civiles.

En droit américain il existe deux types de sociétés de personnes ; les general partnerships et les limited partnerships. Ces sociétés sont transparentes sur le plan fiscal et leurs personnalités morales sont juridiquement reconnues en France1101.

Le problème est de savoir si ces sociétés de personnes sont résidentes au sens conventionnel. Une société de personnes est une «personne» au sens de la convention fiscale puisqu’il s’agit soit d’une société, soit d’un groupement de personnes. Par contre, on peut s’interroger sur sa qualité de résident.

En effet, la notion de résidence est liée à une condition d’assujettissement à l’impôt. Le problème est qu’une société de personnes n’est pas, en tant que telle, assujettie à l’impôt puisque celui-ci est payé par les associés et non par la société.

Les commentaires de l’OCDE depuis 1999 indiquent que lorsqu’une société de personnes est traitée comme une société ou imposée de la même manière, il s’agit d’un résident qui peut bénéficier de la convention et qu’à l’inverse, si elle est fiscalement transparente, alors elle ne saurait être considérée comme un résident.

Dans ce cas, les commentaires de l’OCDE indiquent que la convention est applicable aux associés qui deviennent éligibles à concurrence de leur quote-part de revenu, au bénéfice des dispositions des conventions conclues par les États dont ils sont résidents.

L’administration française considère que les sociétés de personnes françaises sont, pour l’application des conventions fiscales du côté français, considérées comme des résidents de France.

§ VI – La résidence du contribuable est-elle située dans le champ d’application géographique de la convention fiscale ?

2488 Pour la France, le champ d’application a été défini supra, aux nos a2431 et suivants. Rappelons qu’il s’agit de la France comprenant les départements européens et d’outre-mer. On considère que les territoires français dotés de l’autonomie fiscale doivent être exclus (c’est-à-dire les collectivités territoriales d’outre-mer).

Le cas de la France n’est pas un cas particulier. D’autres pays, tels que les États-Unis, les Pays-Bas et le Royaume-Uni ont un champ d’application de leurs conventions limité à une partie de leur territoire, ou excluant des îles ou territoires avec lesquels ils ont des relations spéciales.

Section III – Le corps de la convention. Articles formant les chapitres III, IV et V

2488-1 Ces chapitres forment le corps de la convention et traitent de la répartition du droit d’imposer et des techniques d’élimination des doubles impositions.

§ I – La répartition du droit d’imposer

2489 Les conventions répartissent le droit d’imposer, en listant revenu par revenu et en indiquant le pays qui aura le droit d’imposer. Or, selon le modèle OCDE, on constate que :

les revenus imposables exclusivement par l’État de résidence sont : les bénéfices des entreprises ; les redevances1102 ; les gains en capital (sauf les plus-values immobilières) ; les revenus d’emploi et les pensions privées ;

les revenus imposables (mais non exclusivement) dans l’État de leur source sont (dans les nouvelles conventions) : les revenus fonciers ; les bénéfices d’un établissement stable ; les revenus passifs (dividendes et intérêts) ; les plus-values immobilières ; les revenus de l’emploi (sauf si mission temporaire dans l’État de la source) ; les revenus des artistes et sportifs ;

les revenus exclusivement imposables dans l’État de leur source sont : les rémunérations «publiques»1103 ; les pensions «publiques»1104mais aussi, dans les anciennes conventions utilisant le taux effectif, les revenus fonciers et les plus-values immobilières.

Dans la pratique, les États sont libres de s’écarter de cette répartition. Il faudra lire avec attention la convention.

En pratique

Lorsque la convention indique la formule «tel revenu n’est imposable que dans tel État», il faudra se méfier. Il ne faut pas retenir cette formule à la lettre, car cette affirmation peut être vidée de son sens dans la clause relative à l’élimination des doubles impositions.

§ II – L’élimination de la double imposition

2490 Les lecteurs sont invités à se reporter au chapitre III du titre I de la partie IV. On rappelle que les conventions n’ont pas vocation à créer des impôts. En revanche, il arrive (très rarement) que les conventions organisent volontairement la double imposition1105.

§ III – Comment la convention fiscale qualifie-t-elle le revenu ?

2491 Ce point est important. En effet, la convention définit dans différents articles les types de revenus et indique celui des États qui est en droit de les taxer. Or, il faut préalablement s’assurer de notre compréhension des définitions conventionnelles, car parfois elles diffèrent du droit commun et du sens habituel.

En cas de difficulté, le juge par principe renvoie aux définitions de droit interne. En pratique, le basculement au droit interne est fréquent, il a été jugé pour les dividendes1106et pour les intérêts1107.

§ IV – Que doit-on faire si le revenu qu’on souhaite qualifier n’est pas visé dans la convention fiscale ?

2492 Dans ce cas particulier, il faudra suivre la règle énoncée à l’article sur les revenus «non dénommés». Généralement ces revenus sont imposés dans l’État de résidence1108.

On peut citer comme exemple de revenus non dénommés : des revenus d’origine indéterminée, une indemnité en contrepartie d’une renonciation à l’exercice de stock-option1109, de sommes détournées1110.

Dans le cas d’une convention fiscale1111ne contenant pas d’article sur les revenus non dénommés, alors chaque pays appliquera sa législation interne.

Précisons également que d’autre fois la convention prévoit un article sur les revenus non dénommés, mais la convention ou son protocole précise qu’il n’est pas applicable à tel type de revenus.

En ce sens, la convention franco-géorgienne du 7 mars 2007 : son protocole exclut le jeu de l’article relatif aux «autres revenus» pour les gains provenant de jeux.

Dans la pratique, le notaire peut également rencontrer des difficultés, notamment pour qualifier les revenus de parts de sociétés immobilières : revenus immobiliers ou revenus de parts et actions ?

On se gardera de lister toutes les difficultés de qualification des revenus, mais il faut retenir que cet exercice est parfois très compliqué, et qu’il faut lire avec beaucoup d’attention la convention et son protocole éventuel, en se gardant de faire des interprétations a contrario.

§ V – Quelles sont les règles d’imposition des revenus prévues par la convention ?

2493 Est-on en présence de la méthode de l’exonération ou de l’imputation ? La réponse à cette question se trouvera dans l’article dédié de la convention, mais également en combinant cet article avec les autres articles de la convention.

L’article dédié indique lequel des deux États(ou les deux)est en droit d’imposer tel type de revenus. La convention prévoit les modalités pour éliminer la double imposition.

A/ Que doit-on comprendre dans la formulation «sont imposables» dans un État ?

2494 Cette expression indique seulement que ces revenus peuvent (et non pas doivent) être imposés dans cet État. Pour être imposé, il faudra que la législation interne de ce pays l’ait prévu. Quid alors dans l’autre État ? Cette expression est sans lien avec le fait que cet autre État puisse ou pas imposer ce revenu. Par conséquent, ce n’est pas parce qu’un État peut imposer que l’autre État ne peut pas imposer.

B/ Que doit-on comprendre dans la formulation «ne sont imposables que» dans cet État ?

2495 Dans ce cas, on donne à un État le droit d’imposer et on le retire à l’autre. Tel est le cas en principe des revenus exclusivement imposables dans l’État de la résidence du contribuable ou dans l’État de leur source.

Dans les conventions, on rencontre parfois une expression selon laquelle les revenus «sont imposés» au lieu du terme «imposables». Dans ce cas particulier, l’État doit imposer les revenus visés, même si la législation interne ne le prévoyait pas.

C/ La combinaison des articles contenus dans les conventions

2496 Pour comprendre le mécanisme d’élimination des doubles impositions, il faut parfois combiner la lecture de plusieurs articles : l’article le plus précis doit être appliqué en priorité vis-à-vis de l’article général. Tel est le cas de celui des dividendes qui doit prévaloir sur l’article traitant des «bénéfices des entreprises». Enfin, les articles déterminant la règle d’imposition doivent être lus en les combinant avec ceux sur l’élimination des doubles impositions.

Section IV – Les dispositions terminales

2497 Ces dispositions sont contenues dans une série de sept à huit articles qui traitent des modalités pratiques d’application de la convention (notamment l’entrée en vigueur, la procédure amiable pour traiter des difficultés d’application de la convention et éventuellement l’arbitrage) et de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales internationales.

Section V – Le protocole éventuel

2498 Il s’agit d’un protocole annexé qui précise certaines dispositions de la convention et qui sert à dissiper les doutes que la rédaction de certains articles aurait pu faire naître. Par conséquent, on se doit de le lire.

Section VI – Autres principes
§ I – L’interprétation de la convention

2499 Il n’existe pas de principes généraux qui permettraient d’interpréter l’article ambigu d’une convention fiscale.

Sans que cela ait un caractère absolu, en présence d’une convention fiscale conforme au modèle de l’ONU ou de l’OCDE on pourra se référer aux commentaires publiés en annexe à ces modèles qui sont destinés à éclairer leur sens et leur portée. Ces commentaires ont valeur de travaux préparatoires. D’ailleurs, la jurisprudence y fait parfois référence, mais refuse de retenir des commentaires qui seraient postérieurs à la convention1112. Par conséquent, il ne faudra pas suivre la position du Comité fiscal de l’OCDE qui préconise que les conventions doivent être interprétées en tenant compte des commentaires révisés1113. Normalement l’interprétation d’une convention est du domaine du ministre des Affaires étrangères. Or ce dernier à un rôle très marginal. Cela étant, le Conseil d’État a jugé qu’il était compétent pour interpréter une convention sans préalablement être obligé de consulter le ministre pour interprétation1114.

La Cour de cassation admet également l’interprétation des traités, sauf en présence de «droit international public».

L’interprétation des conventions peut également être demandée par le contribuable à l’autorité compétente dans le cadre de la procédure amiable1115.

Pour interpréter les conventions, on se doit également de se reporter au BOFiP1116qui contient des indications, mais qui n’interprète que certaines stipulations des conventions en jeu, notamment pour la convention franco-américaine.

§ II – Conflit entre le droit conventionnel et le droit interne

2500 En cas de conflit entre le droit conventionnel et le droit interne, celui-ci sera résolu au bénéfice de la convention.

Cette solution peut être à l’origine d’une exonération d’imposition pour le contribuable, même si le droit interne prévoyait une imposition. La Cour de cassation applique directement ce principe.

D’autre part, une convention fiscale peut être le fondement d’une imposition1117, même s’il s’agit de revenus non imposables d’après le droit interne français. Pour certains fiscalistes1118, les articles 4 bis, 165 bis et 209, I du Code général des impôts sont une autorisation expresse du législateur donnant un fondement légal interne à une imposition qui serait générée par une convention fiscale.

En cas de litige, la qualification fiscale que le juge français peut donner à un revenu ou une activité est déconnectée de celle que l’institution judiciaire ou celle que l’État étranger a pu donner. À ce propos, on peut remarquer que le juge français applique les catégories qui sont pour lui familières en droit interne et n’accepte d’appliquer les définitions des conventions que si elles sont suffisamment précises.

Prioritairement, le Conseil d’État interprète littéralement les conventions fiscales. Toutefois, il lui arrive de rechercher l’intention des auteurs en faisant référence aux commentaires de l’OCDE.

Enfin, il faut également avoir à l’esprit que les conventions n’interdisent pas ce qu’elles ne prévoient pas, c’est-à-dire que le droit interne s’applique sauf si le texte de la convention l’interdit.


1085) À l’exception toutefois de certains États (dont les États-Unis).
1086) Elles n’ont pas pour objectif de traiter la double imposition dite «économique».
1087) Le Code général des impôts sera utile en cas de report à la notion de résidence en droit interne et pour les renvois aux notions contenues dans ce dernier.
1088) En référence à une conférence tenue à Mexico en 1943 par les membres de la Société des Nations (ancêtre de l’ONU) pour réviser le modèle établi en 1935.
1089) Le modèle OCDE est actualisé en moyenne tous les trois ans.
1090) Tel est le cas également si la convention est négociée avec un pays en développement.
1091) Tel est le cas avec l’Inde, le Mexique et le Kenya, notamment pour les dividendes, intérêts et redevances.
1092) La Direction de la législation fiscale a créé son propre modèle de convention fiscale ; il n’est pas divulgué.
1093) Modèle OCDE en matière d’impôt sur le revenu, art. 4.
1094) Précisons qu’il existe des conventions qui ne renvoient qu’à la notion de résidence en droit interne (sans ajouter une définition conventionnelle de la résidence). En ce sens la convention franco-irlandaise du 21 mars 1968.
1095) CE, 10e et 9e ss-sect., 11 avr. 2008, n° 285583, Cheynel : RJF 7/2008, n° 769 ;  BDCF 7/2008, n° 83, concl. C. Landais.
1096) CE, ass., 28 juin 2002, n° 232276, Min. c/ Sté Schneider Electric : RJF 10/2002, n° 1080.
1097) CE, 9e et 10e ss-sect., 28 mars 2008, n° 271366, Aznavour : RJF 6/2008, n° 629.
1098) B. Gouthière, op. cit., § 10650.
1099) CE, plén., 7 déc. 2015, n° 357189, Min. c/ Sté Crédit industriel et commercial : RJF 2/2016, n° 123.
1100) Exemple : on rencontre dans les conventions l’expression «impôts assis sur le montant global des salaires payés par les entreprises». Dans ce cas, la convention s’applique à la taxe sur les salaires.
1101) Cass. 1re civ., 17 mars 2011, n° 10-30.283, Sté F. c/ Cabinet O : RJDA 10/2011, n° 807.
1102) Dans le modèle de l’ONU, il y a un partage du droit d’imposer les redevances entre les pays.
1103) Rémunération payée par un État ou une collectivité locale ou une subvention politique de cet État, au titre de services rendus.
1104) Sauf si elles sont payées à un résident de l’autre État qui a également la nationalité de cet État.
1105) En ce sens, la convention fiscale franco-japonaise pour les intérêts versés à des résidents de France par des Tokumei Kumiai.
1106) En ce sens, le juge considère que la définition des dividendes contenue dans la convention franco-néerlandaise du 16 mars 1973 n’est pas une définition, mais une énumération : CE, 8e et 9e ss-sect., 13 oct. 1999, n° 190083, Min. c/ SA Banque française de l’Orient.
1107) CE, 9e et 10e ss-sect., 27 juill. 2001, n° 215127, SA Golay Buchel France : RJF 11/2001, n° 1428 ; BDCF 11/2001, n° 140, concl. G. Goulard.
1108) En ce sens, Modèle de convention fiscale OCDE, art. 21.
1109) CE, 3e et 8e ss-sect., 4 oct. 2013, n° 351065, Clive-Worms : RJF 1/2014, n° 29 ;  BDCF 1/2014, n° 6, concl. E. Cortot-Boucher.
1110) CAA Douai, 2e ch., 14 avr. 2015, n° 13DA00866 : RJF 10/2015, n° 829.
1111) En ce sens, Conv. franco-brésilienne 10 sept. 1971.
1112) CE, sect., 30 déc. 2003, n° 233894, SA Andritz : RJF 3/2004, n° 238 ;  BDCF 3/2004, n° 33, concl. G. Bachelier.
1113) Modèle OCDE, commentaires, Introduction, nos 33 et s.
1114) CE, 28 févr. 1913, Cie des Chemins de fer de l’Est : Rec. CE 1913, p. 307.
1115) En France, le contribuable doit saisir la Direction de la législation fiscale, sous-direction E, bureau E1, 139 rue de Bercy, 75572 Paris Cedex 12.
1116) BOFiP n° 1072.
1117) La convention ne crée pas d’impôts, mais dans ce cas elle élargit l’assiette des revenus entrant dans une catégorie imposable.
1118) J. Arrighi de Casanova, note ss l’arrêt Memmi, CE, 8e et 9e ss-sect., 17 mars 1993, n° 85894 : RJF 5/1993, n° 612.
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