CGV – CGU

Partie II – La circulation internationale de l’acte
Titre 2 – Les fondements et modalités de la circulation internationale
Sous-titre 3 – La circulation de l’acte au sein de l’Union européenne

2420 En instaurant un espace de liberté, de sécurité et de justice dont le principe fondateur est issu directement du droit primaire928, l’ Union européenne repose sur un deuxième principe directeur également issu du droit primaire : la reconnaissance mutuelle929.

Cette reconnaissance mutuelle, consacrée par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, lui est antérieure. La première fois que ce principe de reconnaissance mutuelle apparaît, c’est en effet au temps du «marché unique», dans un grand arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes, l’arrêt Cassis de Dijon930.

Depuis l’instauration du marché unique, puis de l’espace de liberté, de sécurité et de justice, les règlements européens ont pour objectif de simplifier et faciliter la mobilité des citoyens européens à travers les frontières. Pour y parvenir, la reconnaissance mutuelle, qui s’appliquait au commencement pour les produits manufacturés, a été étendue à tous les domaines, y compris à celui des actes authentiques, facteur de développement très important lié à la libre circulation dans l’espace de liberté, de sécurité et de justice.

Malgré la diversité des systèmes juridiques, les instruments européens assurent à l’acte authentique, selon la définition européenne qui en est donnée (ainsi qu’il a été dit supra, nos a2036 et s.), une prise en considération et une reconnaissance entre les États membres.

Car en effet, l’acte authentique «européen» est un acte qui voyage mais, pour reprendre l’expression de M. Gervasoni, ancien juge au Tribunal de la fonction publique des Communautés européennes, «comme tous les voyageurs, il n’emporte que quelques-uns de ses costumes. Sa valise est moins fournie que la garde-robe qu’il possède chez lui. Il peut même voyager sans effet particulier : si personne n’en conteste la validité à l’étranger, l’efficacité de l’acte authentique est admise sans aucune procédure, comme l’est tout acte sous seing privé à l’étranger. Convenons toutefois qu’un tel art du voyage est pour le moins précaire. C’est pourquoi le droit [européen] a muni l’acte authentique d’un costume de voyage pour ses déplacements au sein de l’Union européenne»931.

Il est proposé dans ce qui va suivre d’étudier les règlements définissant les modalités de ce voyage européen de l’acte : nous verrons alors qu’ils s’intéressent aux actes authentiques dans la mesure où ils constatent un acte juridique doté de la force exécutoire. À l’exception du règlement (CE) n° 805/2004 du 21 avril 2004 («Titre exécutoire européen») qui fera l’objet d’un développement à part (V. infra, n° a4261), les autres règlements peuvent être classés selon les matières traitées : du domaine judiciaire, civil et commercial (Chapitre I), au droit patrimonial de la famille (Chapitre II).


928) TFUE, art. 67-1 : «1. L’Union constitue un espace de liberté, de sécurité et de justice dans le respect des droits fondamentaux et des différents systèmes et traditions juridiques des États membres».
929) TFUE, art. 67-4 : «4. L’Union facilite l’accès à la justice, notamment par le principe de reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires et extrajudiciaires en matière civile».
930) CJCE, 20 févr. 1979, aff. 120-78 : JO n°C 256, 3 oct. 1980, p. 0002-0003 : en vertu du principe de libre circulation des marchandises, tout produit légalement fabriqué et commercialisé dans un État membre doit être en principe admis sur le marché de tout autre État membre.
931) Allocution de M. Gervasoni dans un colloque organisé sur le thème de «La circulation des actes authentiques dans l’espace judiciaire européen», co-organisé par le ministère de la Justice et le Conseil supérieur du notariat, lors de la présidence française de l’Union européenne en décembre 2008.
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