CGV – CGU

Partie II – La circulation internationale de l’acte
Titre 2 – Les fondements et modalités de la circulation internationale
Sous-titre 1 – Reconnaissance ou acceptation ? Question de terminologie
Chapitre I – Distinction entre reconnaissance d’un jugement et acceptation d’un acte notarié

2379 «Qu’est-ce exactement la reconnaissance ?», s’interrogeait un auteur817 ; un acte authentique est-il reconnu uniformément, s’agissant d’un jugement, d’un acte notarié ou d’un acte d’état civil ?

Au-delà des reconnaissances entre décisions et situations818, il est admis qu’un jugement ne peut être assimilable à un acte notarié819, car dans le jugement, «le juge fait œuvre de volonté à propos du rapport de droit qui lui est soumis. L’instrument contient la décision du juge qui est donc l’auteur, tout à la fois de l’instrumentum et du negotium. La reconnaissance du jugement désigne alors l’acceptation dans un autre ordre juridique de la norme dont le jugement est porteur»820, tandis qu’en recevant son acte, le notaire est un «organe public qui donne à son intervention un simple rôle réceptif, par opposition au caractère volitif de la décision d’un juge»821.

Le notaire, en rédigeant son acte, n’est que l’auteur de l’instrumentum : il joue un «rôle réceptif, lequel [acte] est le produit de la volonté des seules personnes privées ; le notaire se borne à dresser un instrument public»822.

Ainsi, dans un acte de vente, le notaire «n’émet aucune volonté propre, il consigne formellement la volonté des deux parties, vendeur et acquéreur ; sera au contraire une décision, le jugement prononçant la nullité de cette vente, car alors, le juge dit le droit, exprimant une volonté propre, indépendante des parties»823.

Il résulte de ce qui précède que le terme «reconnaissance» est réservé en droit international privé aux décisions de justice : elles émanent d’une autorité étatique qui tranche le litige, à la suite d’un débat contradictoire, et pouvant faire l’objet d’un recours824.

À défaut d’être reconnu au plan international, l’acte notarié sera accepté, accueilli, ou encore recevable dans les autres ordres juridiques.


817) P. Meyer, Les méthodes de la reconnaissance en droit international privé, in Mél. en l’honneur de P. Lagarde, Dalloz, 2005, p. 547 et s.
818) P. Meyer, op. cit., pour la reconnaissance des décisions, p. 549, n° 5 ; pour la reconnaissance des situations, p. 558, n° 19.
819) Concernant les travaux relatifs à la création du règlement européen «Successions» n° 650/2012 du 4 juillet 2012, voir le débat passionné du Max Plank Institute et son rapport virulent s’opposant à toute reconnaissance et assimilation des actes authentiques, énoncé dans l’article de M. Kohler et M. Buschbaum, La «reconnaissance» des actes authentiques ? – Réflexions critiques sur une approche douteuse entamée dans l’harmonisation des règles de conflit de lois (en ligne : www.iprax.de/de/dokumente/online-veroeffentlichungen/kohler-buschbaum.php, consulté le 13 nov. 2018).
820) P. Callé, L’acceptation et l’exécution des actes authentiques, in E. Fongaro (ss coord.), Droit patrimonial de la famille, LexisNexis, 2013, p. 50, n° 149.
821) R. Crône, La réception d’un acte étranger en France, in Mél. en l’honneur de M. Revillard, Liber amicorum, Defrénois, 2007, p. 79, n° 10.
822) M. Goré, L’acte notarié, instrument de l’exécution forcée : LPA 11 août 1997, n° 98, p. 5 et s.
823) R. Crône, op. cit.
824) C’est sur la base de ce raisonnement que la Cour de justice de l’Union européenne a rendu les arrêts du 24 mai 2011 étudiés dans la partie préliminaire : V. supra, n° a2031.
Aller au contenu principal