CGV – CGU

Partie II – Préparation et rédaction de l’acte : enjeux et méthodologie
Titre 9 – L’arbitrage
Sous-titre 1 – La convention d’arbitrage
Chapitre II – Fonctionnement de l’arbitrage en droit international
Section I – Développement de l’arbitrage

2309 Le phénomène d’arbitrage est en développement dans le domaine du droit interne, alors qu’il est déjà le mode habituel de règlement des litiges du commerce international.

En droit international, toutes les personnes qui souhaitent échapper aux juridictions nationales n’ont pas d’alternative et se tournent vers l’arbitrage.

Ce type de règlement des litiges a principalement pour avantages la confidentialité et la discrétion. En effet, la justice étatique est publique, alors que l’arbitrage est confidentiel.

Les parties au contrat peuvent souhaiter que l’existence de leur litige, ainsi que la sentence arbitrale, ne soient pas ébruitées : soit par discrétion, soit par volonté de ne pas ternir leur image. Parfois la publicité d’un procès peut être nuisible. En effet, une entreprise ayant besoin de contracter un emprunt serait vis-à-vis de la banque dans une situation plus délicate, cette dernière serait alors plus indécise ou le taux de l’emprunt pourrait être plus important.

Dans ce sens, il faut rappeler que l’instance arbitrale se déroule à huis clos.

Toutefois en pratique, et de façon indirecte, soit par le biais des voies de recours exerçables contre la sentence arbitrale, soit aussi à l’occasion de la procédure d’exequatur, le litige peut faire l’objet d’une publicité. La confidentialité n’a donc pas un caractère absolu. Parfois la confidentialité est mise à mal par l’une des parties qui divulgue des informations dans la presse afin de mettre une pression sur la partie adverse.

L’arbitrage aurait également l’avantage d’être une justice plus rapide et donc efficace. Cette idée n’est pas toujours réelle en matière d’arbitrage international.

En effet, contrairement à l’arbitrage applicable en droit interne qui prévoit713«que si la convention d’arbitrage ne fixe pas de délai, la durée de la mission du tribunal arbitral est limitée à six mois à compter de sa saisine», tel n’est pas le cas en matière d’arbitrage commercial international. Aucun délai n’est fixé, sauf si les parties en ont stipulé un dans la convention d’arbitrage ou éventuellement si elles se sont référées à un règlement d’arbitrage ou une loi qui en prévoit un.

Dans les faits, tant l’éloignement des parties que la complexité des dossiers, ainsi que la disponibilité des conseils ne rendent pas nécessairement ce mode de justice plus rapide ou efficace.

Est-ce que l’arbitrage est moins onéreux ? C’était le cas dans le passé. Aujourd’hui il n’est plus possible de l’affirmer. En effet, les parties doivent supporter les honoraires des conseils (qui sont souvent des cabinets spécialisés), des arbitres et bien souvent de l’institution d’arbitrage.

Ces honoraires et frais sont à la charge des parties. Cette procédure est bien souvent plus onéreuse que celle de la justice étatique.

En matière internationale, l’arbitre choisi est censé être un professionnel aguerri, car l’idée prévaut que le juge retenu par les parties est un spécialiste dans la matière dont dépend le litige à trancher, possédant du temps et les compétences, en particulier linguistiques, nécessaires.

Section II – La convention d’arbitrage est appelée «clause compromissoire» ou «compromis»

2310 L’arbitrage ayant pour essence une adhésion volontaire à ce mode règlement des litiges par les parties, il faut par conséquent que ces derniers aient manifesté leur volonté commune d’y recourir : cette volonté s’exprime par une convention d’arbitrage.

Cette convention peut être de deux types :

si la clause est prévue pour trancher le ou les litiges éventuels, on parle de clause compromissoire : l’accord d’arbitrage existe alors même que le litige n’est qu’éventuel ;

à l’inverse, si le litige est déjà né, les parties peuvent décider de le soumettre à un juge ou une collégialité de juges choisis par eux : il s’agit alors d’un compromis.

En pratique

En droit international, c’est essentiellement la clause compromissoire qui est utilisée alors que le compromis reste subsidiaire.

Les parties peuvent compromettre même au cours d’une instance déjà engagée devant une juridiction714. Il serait parfois intéressant de proposer cette procédure dans le cadre de successions internationales complexes ou bloquées. Ces dossiers engorgent les tribunaux et finissent par être plus onéreux que la procédure d’arbitrage. Surtout si l’on considère que la perte de temps entraîne pour les parties une perte d’argent (par ex. : absence de revenus si désaccord à propos de la location des biens).

Section III – Matière arbitrable

2311 L’arbitrabilité peut être définie comme étant l’aptitude d’une question litigieuse à faire l’objet d’un arbitrage715.

Attention, on ne doit recourir à l’arbitrage que si la matière du litige est arbitrable. D’un point de vue interne français, sont inarbitrables les litiges relatifs à des droits non disponibles en vertu de l’article 2059 du Code civil, ainsi que sur «les questions d’état et de capacité des personnes, sur celles relatives au divorce et à la séparation de corps (…) et plus généralement dans toutes les matières qui intéressent l’ordre public» en vertu de l’article 2060 du même code.

Qu’en est-il en matière d’arbitrage commercial international ? La jurisprudence716considère que l’ordre public interne n’est pas de nature à faire obstacle à l’arbitrabilité des litiges. Toutefois, l’arbitre aura l’obligation de respecter ce dernier pour rendre sa sentence, en particulier au regard de la nécessité de s’assurer de son caractère exécutable. Notons qu’il existe malgré tout quelques questions qui restent inarbitrables : celles qui intéressent l’ordre public international, ce dernier étant compris comme plus restreint que l’ordre public interne.

Section IV – Validité de la convention d’arbitrage

2312 La clause compromissoire est autonome par rapport aux lois étatiques : elle doit être valablement conclue. La validité de celle-ci ne s’apprécie pas au regard de la loi du contrat (c’est-à-dire de la loi désignée par la règle de conflit applicable en matière contractuelle), mais en considération d’une règle matérielle française de portée générale directement applicable dès lors que les juridictions françaises sont saisies717. L’existence et l’efficacité de cette clause s’apprécient, sous réserve des règles impératives du droit français et de l’ordre public international, d’après la commune volonté des parties, sans qu’il soit nécessaire de se référer à une loi étatique.

La clause compromissoire est indépendante juridiquement du contrat principal qui la contient directement ou par référence (même si les deux sont inclus dans le même acte) : il s’agit de deux conventions différentes, le contrat principal prévoyant la création de droits subjectifs et la clause compromissoire stipulant un droit d’action lié à ces droits. Ce principe d’indépendance de la clause a une origine jurisprudentielle718et a été repris par l’article 1447 du Code de procédure civile. Cet article est applicable dans l’arbitrage international comme faisant partie de la liste des articles énoncés par l’article 1506 du Code de procédure civile. La clause compromissoire fonctionne donc comme si elle était «un contrat dans le contrat»719. Il en découle que l’arbitre est compétent pour statuer dans le cas où l’une des parties soulève une cause d’inefficacité du contrat et il est en droit, à travers sa sentence, de déclarer le contrat inefficace.

En application de ces principes, il faut savoir qu’il sera très difficile pour l’une des parties d’obtenir en droit français l’annulation d’une clause compromissoire.

À retenir

Les dispositions du droit interne applicables à la clause compromissoire, notamment l’article 2061 du Code civil720ne s’appliquent pas en matière d’arbitrage international. Par conséquent, les règles de validité d’une convention d’arbitrage international sont particulièrement libérales et lui sont propres. Il suffit d’un consentement des parties, et que la convention ne soit pas contraire à l’ordre public international. Dès lors, il convient davantage d’apprécier la situation en termes d’opposabilité de la clause compromissoire. Par exemple, en présence d’une partie faible comme le salarié721, la clause compromissoire est inopposable à celui-ci. Ce dernier bénéficie de l’option de l’accepter ou de préférer le recours aux tribunaux étatiques.

Pour être valable, cette clause doit avoir été acceptée par des parties ayant la capacité de la conclure. Il faut alors se poser la question de la nature du pouvoir de compromettre entre actes de disposition ou d’administration. En effet, selon la réponse, il faudra parfois que l’une des parties dispose de pouvoir spécial pour conclure. La jurisprudence considère le pouvoir de compromettre comme un acte de gestion courante722.

En matière d’arbitrage interne, cette clause, conformément à l’article 1443 du Code de procédure civile, doit être écrite, à peine de nullité. Elle peut être contenue dans un acte authentique, ou sous seing privé et également résulter d’un simple échange d’écrits. En droit international, l’article 1443 du Code civil n’est pas applicable, il y a lieu de se référer à l’article 1507 du Code de procédure civile qui dispose que «la convention d’arbitrage n’est soumise à aucune condition de forme».

On se contentera alors de l’existence d’un consentement, quel qu’en soit le mode d’expression. Par conséquent, il faut retenir qu’une convention d’arbitrage verbale est valable, même si cela reste théorique, car en pratique on se réfère toujours à une convention écrite, quelle que soit sa forme, sans toutefois exiger une mention obligatoire. D’ailleurs, cette convention figure parfois dans un document annexe. Il s’agit alors d’une clause d’arbitrage par référence.

Au surplus, sans cette convention, il sera impossible d’obtenir l’exequatur en France de la sentence, car elle est exigée sous forme écrite en application de l’article 1443 du Code de procédure civile.

Cette clause a pour effet d’investir l’arbitre du pouvoir juridictionnel pour trancher le litige au fond.

Mais avant tout, il faut souligner que l’arbitre est également seul compétent pour statuer sur sa propre compétence. En effet, les juges étatiques sont privés de compétence et le Code de procédure civile impose que les juridictions étatiques se déclarent incompétentes si l’une des parties l’invoque en vertu de l’article 1448, alinéa 2 du Code de procédure civile.

Le juge étatique ne sera compétent que si la convention est manifestement nulle ou inapplicable723.

La clause compromissoire est opposable au subrogé724dans les droits d’une partie, ainsi qu’au cessionnaire du contrat qui la contient. La convention d’arbitrage fait l’objet d’une transmission «automatique».

Section V – L’arbitre

2313 L’arbitre en matière internationale est un tiers, personne physique ou morale725, qui a pour mission de juger. Il faudra recueillir son acceptation.

L’arbitrage est soumis au principe de confidentialité. Les arbitres, les conseils, les témoins et experts requis sont tenus par cette obligation. Cela s’explique par la volonté de protéger l’image des parties, surtout s’il s’agit d’entreprises ou de professionnels.

La clause d’arbitrage, sous réserve de ne pas être discriminatoire, peut imposer des conditions que l’arbitre devra remplir. Tel serait le cas en matière linguistique, et également en matière de nationalité si toutefois ce critère est indiqué pour obtenir une meilleure indépendance du juge (la nationalité indiquée devra être différente de celles des parties).

En droit interne, et en application de l’article 1451 du Code procédure civile, les arbitres doivent être en nombre impair. En matière internationale, cela n’est pas obligatoire. Il est toutefois préférable de respecter cette norme dans un souci d’efficacité. Cela permettra de dégager une majorité.

Juridiquement il n’existe aucun texte mentionnant les conditions particulières pour devenir arbitre. Les auteurs sont cependant unanimes pour retenir que l’arbitre doit être majeur, posséder le plein exercice de ses droits, être indépendant et impartial. Le notaire ne peut être à la fois le notaire chargé de la succession et l’arbitre du dossier726.

Un arbitre ayant accepté sa mission doit la mener à son terme et ne peut démissionner. Toutefois, il peut être révoqué si l’ensemble des parties sont d’accord ou si le juge étatique saisi en décide.

Section VI – Le tribunal arbitral

2314 Ce tribunal est constitué dès que le dernier des arbitres a accepté sa mission. En cas de difficultés, le juge étatique intervient en collaboration et en qualité de juge d’appui : il est censé débloquer la procédure d’arbitrage en réglant la difficulté de constitution. Cette collaboration est prévue en France, mais tel n’est pas le cas dans tous les pays.

En pratique il faut distinguer le siège de l’arbitrage du lieu de l’arbitrage : en effet, les parties peuvent indiquer dans la convention d’arbitrage que les réunions et les opérations se dérouleront dans tel pays alors que le siège (donc le rattachement juridique) dépendra d’un autre pays. Or le juge d’appui dépendra de la juridiction étatique du lieu du siège de l’arbitrage.

Le plus souvent, et dans le silence des parties, c’est l’arbitre qui détermine les règles de procédure qui seront appliquées. Mais les parties peuvent choisir expressément une loi applicable à la procédure arbitrale (cette dernière pourrait être différente de la loi qui régit le fond du litige), ou soumettre cet arbitrage à un règlement de procédure proposé par des centres d’arbitrage.

Par conséquent, l’arbitre ayant un pouvoir juridictionnel, il n’est pas tenu de suivre les règles établies pour les tribunaux étatiques. Il dirige l’instance. Toutefois, l’arbitrage étant un procès, il aura l’obligation de respecter les principes impératifs et fondamentaux de l’instance pour assurer un procès équitable, tels que la détermination de l’objet du litige, de l’obligation pour les parties de produire des éléments de preuve à l’appui de leurs prétentions, et surtout le principe du contradictoire.

En matière internationale, il n’existe pas de délai particulier pour rendre la sentence. Toutefois, si les parties en ont prévu un dans la convention, alors il ne peut être prorogé que par l’accord des parties ou par le juge d’appui. L’arbitre ne peut lui-même en décider727.

Section VII – Valeur de la sentence arbitrale

2315 La Convention de New York du 10 juin 1958 (convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales), qui est une convention multilatérale à vocation universelle ratifiée par la France (celle-ci regroupe environ cent cinquante pays), organise la réception des sentences arbitrales étrangères et favorise la circulation de celles-ci entre les États. Le droit positif, spécialement en France, est favorable à l’accueil et à l’efficacité des sentences.

La sentence qui est rendue par l’arbitre sera revêtue de l’autorité de la chose jugée, mais elle ne sera pas revêtue de la force exécutoire.

Il est prévu que la partie qui souhaite obtenir l’exécution forcée de la sentence puisse solliciter l’exequatur. L’absence en bas du jugement de la formule exécutoire est l’inconvénient principal de l’arbitrage. Par conséquent, l’arbitrage présente le risque, si la partie condamnée ne s’exécute pas, de devoir se prolonger devant les juridictions étatiques, tant par le biais de la procédure d’exequatur que par des voies de recours éventuelles.

La procédure d’exequatur consiste à demander au juge étatique de conférer à la sentence la force exécutoire que l’arbitre n’a pas le pouvoir de lui conférer. Dans ce cas, l’ordonnance d’exequatur est rendue par le tribunal de grande instance de Paris si la sentence a été rendue à l’étranger, ou par le juge dans le ressort duquel la sentence arbitrale a été rendue. La requête au juge de l’exequatur doit être accompagnée de l’original de la sentence et d’un exemplaire de la convention d’arbitrage ou de leurs copies réunissant les conditions requises pour leur authenticité.

En pratique

Il faudra distinguer entre les voies de recours exerçables contre la sentence elle-même et celles visant la décision du juge de l’exequatur.


713) CPC, art. 1463.
714) CPC, art. 1446.
715) P. Level, L’arbitrabilité : Rev. arb. 1992, p. 213.
716) En ce sens, Cass. 1re civ., 8 juill. 2010 : Rev. crit. DIP 2010, p. 743, note D. Bureau et H. Muir Watt.
717) Cass. 1re civ., 20 déc. 1993, Dalico : Rev. crit. DIP 1994, p. 663, note P. Mayer.
718) Cass. 1re civ., 7 mai 1963, Gosset : Rev. crit. DIP 1963, p. 615, note Motulsky.
719) Formule de Motulsky, note préc.
720) Cet article indique que : «La clause compromissoire doit avoir été acceptée par la partie à laquelle on l’oppose, à moins que celle-ci n’ait succédé aux droits et obligations de la partie qui l’a initialement acceptée. Lorsque l’une des parties n’a pas contracté dans le cadre de son activité professionnelle, la clause ne peut lui être opposée». L’article 2061 du Code civil ne s’applique pas dans l’ordre international : Cass. 1re civ., 5 janv. 1999, Zanzi.
721) Cass. soc., 28 juin 2005 : JDI 2006, p. 616, note S. Sana-Chaillé de Néré.
722) Pour approfondissement, V. C. Jarrosson : JCl. Commercial, Fasc. 199, Arbitrage commercial, n° 31.
723) CPC, art. 1448, al. 1er, sous réserve toutefois que les parties n’en soient convenues autrement en application de l’article 1506 du Code de procédure civile.
724) CA Paris, 13 nov. 1992 : Rev. arb. 1993, p. 632, note J.-L. Goutal.
725) Il est possible, en matière internationale, de désigner comme arbitre une personne morale. Cette dernière fera exécuter la mission par une personne physique qu’elle prendra le soin de désigner.
726) Cass. 1re civ., 4 nov. 2015, n° 1206, Vasarely.
727) Cass. 1re civ., 15 juin 1994 : Rev. crit. DIP 1994, p. 680, note D. Cohen.
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