CGV – CGU

Partie I – Préparation et rédaction de l’acte : enjeux et méthodologie
Titre 4 – La langue utilisée pour la rédaction de l’acte notarié
Sous-titre 2 – Solution de droit positif en présence d’une partie ne comprenant pas la langue française
Chapitre II – Maintien du devoir de conseil du notaire en présence d’un interprète

2110 La présence d’un interprète ne dispense pas le notaire de son devoir de conseil.

À quel professionnel recourir ? Il faut tout d’abord distinguer entre traducteur et interprète.

En effet, lorsque le traducteur, assermenté de surcroît, est habilité à faire par écrit la traduction de documents, l’interprète est habilité à traduire oralement les discussions ou conversations en langue cible.

S’il n’est pas inutile de faire précéder le rendez-vous de signature de l’envoi au client non francophone d’une traduction du projet d’acte pour s’assurer de sa meilleure compréhension, rien ne peut remplacer la présence d’un interprète au moment de la signature.

Cela tient au processus même de l’authentification : le notaire doit donner lecture de son acte. Cette précision est essentielle, car elle indique comment l’officier public vérifie le consentement éclairé de la partie dont il reçoit la signature. Le client est-il d’accord, et a-t-il bien compris ? Il est indispensable qu’un dialogue puisse avoir lieu entre le notaire et son client. Ce dernier doit pouvoir poser des questions au notaire et comprendre ses réponses. Dans le même temps, le notaire doit pouvoir lui aussi poser les questions nécessaires pour vérifier la bonne compréhension par son client. Cette dimension fondamentalement orale de la lecture de l’acte suppose la présence d’un interprète en l’absence de langue commune entre le notaire et le client.

C’est donc d’un interprète que le notaire a besoin. Mais quel interprète peut-il solliciter ? Dans un arrêt rendu par la cour d’appel de Bordeaux du 1er octobre 2001, les juges ont considéré que « l’interprète, professeur d’anglais, ne possède pas nécessairement les compétences juridiques nécessaires » et ont condamné le notaire pour insuffisance du devoir de conseil251.

Pour cette raison, le notaire doit rester particulièrement vigilant et prendre soin de vérifier que le choix de l’interprète présente les garanties suffisantes de maîtrise du langage juridique dans la langue concernée.

Il devra en outre résister à la pression des clients qui répugnent à débourser des frais de traducteur professionnel constituant des débours qui incombent, sauf convention contraire, à l’acquéreur en application de l’article 1593 du Code civil.

Ainsi, il a pu être jugé que la présence du fils des époux portugais comparant à l’acte en qualité de caution, déclarant à l’acte comprendre parfaitement le français (à la différence des ses parents), était malgré tout insuffisante, faute dans l’acte de voir mentionné que le fils traduisait simultanément et intégralement à ses parents l’acte dont le notaire donnait lecture. De même, la présence du fils ne saurait être analysée en indice de ce que les parties ont été instruites avant la signature sur le sens et les éventuelles conséquences de leur engagement auquel leur fils était personnellement quoiqu’indirectement intéressé252.

Il a encore été jugé par la cour d’appel de Nancy (21 oct. 2010, inédit) que la méconnaissance par les acquéreurs (néerlandais) de la langue française, quand bien même ils auraient été assistés par un frère, non professionnel de la traduction de documents juridiques, conduit à admettre que la formulation de l’acte ne leur permettait pas de se convaincre de l’obstacle juridique qui s’opposait à la prise de possession du fonds253.

Règles de bonnes pratiques en présence d’une partie non francophone à l’acte

Le notaire doit s’assurer que les parties ont mesuré les conséquences de leurs engagements.

Sa responsabilité est engagée s’il n’est pas en mesure d’apporter la preuve qu’il a bien averti les parties des conséquences de l’acte.

Il est conseillé d’adresser d’office, et préalablement à la signature de l’acte notarié, un projet de l’acte aux parties (la traduction n’étant pas obligatoire, même si l’on peut la juger opportune dans certains cas), surtout si elles ne maîtrisent pas la langue.

La faute commise par le client de ne pas se faire assister par un professionnel n’exonère pas le notaire de sa responsabilité d’avoir à l’inviter à le faire : le notaire doit se ménager la preuve d’avoir invité le client à se faire assister par un interprète dont la qualification a été vérifiée.

L’intervention d’un interprète assermenté permet d’avoir l’assurance de la fidélité de la traduction, mais aussi de sa neutralité.

L’intervention de l’interprète sera mentionnée au pied de l’acte.

L’intervention d’un interprète figurant sur la liste de la cour d’appel protège le notaire d’une action en responsabilité quant au choix du traducteur.

La présence de l’interprète assermenté préserve les intérêts et écarte les risques de conflits d’intérêt.

La doctrine conseille que les interprètes présentent les mêmes qualités que les témoins instrumentaires (i.e. majeurs avec absence de lien de parenté avec les parties, de nationalité française ou étrangère).

Proposition de clauses en présence d’un interprète

Clause avec un interprète non inscrit sur la liste de la cour d’appel

M. X, de nationalité Y, ne parlant et ne comprenant pas le français, reconnaît avoir reçu de la part de Me Dupond, notaire à Paris, un projet du présent acte depuis plus de huit jours.

M. X a été invité par le notaire soussigné à se faire assister par un interprète officiel dans sa langue maternelle, inscrit sur la liste de la cour d’appel de Paris.

Pour des raisons économiques, M. X a préféré que le présent acte soit traduit par M. W. né le… à… et demeurant à…, qui étant présent de manière non interrompue, a simultanément et intégralement traduit les propos du notaire soussigné à M. X.

M. W, interprète choisi par M. X, déclare maîtriser la langue maternelle de M. X, et avoir la connaissance et, plus particulièrement, les notions juridiques nécessaires pour assurer la traduction.

Clause avec le notaire instrumentaire comme interprète (traduction dans une langue cible autre que la langue maternelle)

M. X, de nationalité Y, ayant pour langue maternelle le chinois, ne parlant et ne comprenant pas le français, reconnaît avoir reçu de la part de Me Dupond, notaire à Paris, un projet du présent acte depuis plus de huit jours.

M. X a été invité par le notaire soussigné à se faire assister par un interprète officiel dans sa langue maternelle, inscrit sur la liste de la cour d’appel de Paris.

Pour des raisons économiques, M. X, déclarant parfaitement parler et comprendre l’anglais, a préféré que le présent acte soit traduit en anglais, par le notaire soussigné, qui maîtrise personnellement suffisamment cette langue.

Telle est la solution classique qui préserve de toute recherche en responsabilité le notaire instrumentant son acte rédigé obligatoirement en français, en présence de parties ne maîtrisant pas ou ne connaissant pas le français.

Mais de nouvelles contraintes, notamment liées à l’augmentation importante de ce type de dossiers au sein des offices, amènent à se demandersi de nouvelles solutions ne pourraient pas s’avérer plus opportunes aujourd’hui pour les notaires maîtrisant parfaitement une langue étrangère.


251) Caisse de garantie centrale de la responsabilité professionnelle des notaires, note en vue des assemblées générales de mai 2013, préc.
252) TGI Blois, 23 déc. 1993, inédit, cité in Caisse de garantie centrale, note préc.
253) Caisse de garantie centrale, note préc.
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