2026 Le notariat latin est une institution qui œuvre à la préservation et au développement de la sécurité juridique dans vingt-deux États membres68sur les vingt-sept que compte l’Union européenne.
Pourtant, ces vingt-deux États membres n’ont pas la même acception du métier, compte tenu de la diversité de leurs systèmes, des statuts et de la nature de l’activité de leurs notaires69.
Cette diversité n’est pas seulement constatée dans l’approche que chacun des États peut avoir de la fonction notariale. Elle se retrouve également dans la signification et la compréhension des règles relatives à l’authenticité, ou l’authentification, qui diffèrent aussi selon les systèmes juridiques70.
Cependant, la raison d’être de cette fonction notariale, dans tous ces États, part d’un socle commun : l’utilité sociale de l’authenticité. Parce que nommé par l’autorité publique (ainsi qu’il a été développé supra, n° a2012), le notaire est un officier public, administrateur – par excellence – d’une justice préventive dont il est au service, au moyen de l’authenticité qu’il confère aux actes qu’il rédige et qu’il reçoit.
De cette diversité qui fonde la richesse de l’Union européenne, énoncée en principe général dans le droit primaire du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne71, se dégage une force nouvelle et grandissante, un mouvement de fond provenant non seulement des règlements européens mais aussi des arrêts de la Cour de justice de l’Union européenne, érigeant le besoin d’ordonnancer enfin l’activité notariale et avec elle son essence, l’authenticité, en une norme juridique européenne, reconnue de tous.
2027 Le notaire assume depuis bien longtemps cette mission de service public que le droit européen lui reconnaît progressivement, en dessinant les contours de cette mission, au fil des décisions de justice et des règlements européens.
2028 La recherche d’une définition par le droit européen de l’acte notarié ainsi que la délimitation du périmètre de la fonction notariale ne sont pas aisées, ainsi qu’il sera démontré dans le développement qui suit.
C’est pourquoi, à titre liminaire, la notion de service public notarial, bien connue des notaires de France, sera abordée au regard de l’analyse que peut en faire le Conseil des notariats de l’Union européenne (CNUE), au vu notamment du Code européen de déontologie notariale, adopté par son assemblée générale le 11 décembre 2009.
Ce document, qui n’a évidemment pas vocation à « se substituer aux règles déontologiques nationales, affirme les traits communs à la profession, quel que soit le pays concerné. Le Code européen de déontologie notariale témoigne de la volonté de la profession de garantir aux citoyens et aux entreprises une même protection, une même sécurité juridique et une même efficacité tant dans les opérations transfrontalières que dans les opérations nationales »72, il donne une définition européenne du notaire comme suit :
« Le notaire est l’officier public ayant reçu délégation de l’autorité de l’État pour conférer le caractère d’authenticité aux actes dont il est l’auteur, tout en assurant la conservation, la force probante, et la force exécutoire desdits actes.
Afin d’assurer à son activité l’indépendance nécessaire, le notaire l’exerce dans le cadre d’une profession libérale qui couvre toutes les activités juridiques hors contentieux.
Tant par les conseils qu’il donne aux parties de manière impartiale, mais active, que par la rédaction du document authentique qui en résultera, son intervention confère à l’usager du droit la sécurité juridique qu’il recherche.
Celle-ci est d’autant mieux assurée que le notaire est un juriste de haute qualification universitaire, ayant accédé à la profession après diverses épreuves, stages et concours et qu’il exerce celle-ci en suivant des règles disciplinaires strictes sous le contrôle permanent de l’autorité publique et grâce à une implantation géographique permettant le recours à ses services sur tout le territoire national.
Enfin, l’intervention du notaire, en prévenant les litiges possibles, en fait un rouage indispensable dans l’administration d’une bonne justice »73.
Pour le Conseil des notariats de l’Union européenne, il est une certitude : le notaire, par son office, assure sans équivoque un service public notarial européen.
Une question se pose alors, à laquelle les développements qui suivent vont tenter de répondre : le droit de l’Union européenne converge-t-il avec cette vision du notaire, de son statut, et de ses actes ?
2029 Le statut du notariat est une question délicate à analyser en droit de l’Union européenne.
Les deux socles fondamentaux de l’Union – marché (intérieur) et espace (de liberté, de sécurité et de justice) – sont difficiles à harmoniser lorsque le prisme servant à l’analyse n’est pas orienté vers une vision traditionnelle d’un droit continental, dans lequel le notariat, sa fonction, son statut, ont naturellement toute leur place dans l’administration d’une justice préventive, volontaire, mais plutôt vers une vision bien fortement influencée par une philosophie juridico-économique issue de la culture anglo-saxonne.
Cette dernière vision a pu convaincre les membres de la Commission européenne et leurs fonctionnaires en parcourant toute une littérature économique de la mouvance de l’École de Chicago74.
2030 Imprégnée de cette conception anglo-saxonne, la Commission considérant le notariat non pas selon sa fonction, mais selon ses activités, a intenté des recours contre la Belgique, la France, Le Grand-Duché du Luxembourg, l’Autriche, l’Allemagne et la Grèce simultanément pour manquement à la liberté d’établissement eu égard aux règles de nationalité alors édictées dans ces États membres75.
Ces actions judiciaires intentées simultanément ont eu pour mérite de voir la Cour de justice rendre le même jour tous les arrêts, posant ainsi un socle de raisonnement illustrant la vision des hauts magistrats, et témoignant de leur habileté à tenter de démontrer que même si les activités notariales poursuivent des objectifs d’intérêt général, elles ne participent pas à l’exercice de l’autorité publique76.
Tout vient de l’approche essentiellement économique que la Commission européenne a du marché intérieur. Cette approche économique que la Cour a finalement adoptée, exclut toute autre considération possible.
De plus, la Commission a été soutenue dans ces recours par le Royaume-Uni et l’Irlande, intervenants à l’instance, qui ont conduit la Cour à rendre le 24 mai 2011 les arrêts sous examen77. Cette même conception est à l’œuvre en d’autres occasions78. Il faut avoir conscience de ce contexte pour mieux comprendre les décisions rendues par la Cour de justice. La jurisprudence évolue au fil du temps mais aussi des adoptions, depuis le 24 mai 2011, des règlements européens qui définissent les nouvelles règles de droit international privé européen79.
Pour l’heure, dans aucun de ces six arrêts la Cour n’aura mentionné une seule fois le terme de fonction, ou de statut, bien que le notaire soit le sujet central de ces six décisions. Elle parvient à définir systématiquement le notaire comme un professionnel. Parfois elle lui reconnaît la qualité d’officier public, mais considérant alors que compte tenu du fait que son activité est exercée dans un marché concurrentiel, le notaire n’est pas reconnu comme participant directement et spécifiquement à l’exercice de l’autorité publique. Les juges déploient plusieurs arguments pour ce faire :
2031 L’un des motifs mis en avant par la Cour concerne le consentement des parties : l’arrêt C-47/08 (Commission c/ Belgique)80précise que les parties « décident elles-mêmes, dans les limites posées par la loi, de la portée de leurs droits et obligations et choisissent librement les stipulations auxquelles elles veulent se soumettre lorsqu’elles présentent un acte ou une convention pour authentification au notaire. L’intervention de ce dernier suppose, ainsi, l’existence préalable d’un consentement ou d’un accord de volonté des parties ».
Ce motif pourrait faire écho à la dissociation classique entre negotium et instrumentum (V. supra , n° a2008). Cette dissociation est mise en lumière par Henri Motulsky lorsqu’il classe les actes de juridiction gracieuse (dont font partie les actes notariés, actes publics, pourtant niés par la Cour) en deux groupes : les actes réceptifs (dont semble s’inspirer la Cour) et les actes volitifs (dans lesquels une décision est prise par l’autorité délivrant l’acte public)81. Cette distinction a également fait l’objet d’une analyse plus récente par un autre auteur précisant que dans l’acte notarié, l’autorité joue un rôle réceptif puisque l’acte est avant tout le produit de la volonté des seules personnes privées, le notaire se bornant « à dresser un instrument public »82.
2032 En fait, il n’en est rien. La Cour reste concentrée sur une vision anglo-saxonne de l’autorité publique. Cette vision repose fondamentalement sur l’idée que le droit anglais est d’essence judiciaire, s’intéressant plus à l’action qu’au droit subjectif. Selon cette conception, comme a pu le résumer un auteur83, une convention préformée entre les parties, si elle peut répartir des droits, reste sans effet sur le juge et l’action en justice ; les signataires devront toujours venir témoigner et seules compteront leurs déclarations devant le juge, seul organe reconnu par le système anglo-saxon pour exercer l’autorité publique : terrible méprise, qui confond autorité et monopole de la force84.
Le consentement préalable des parties à l’acte à authentifier n’est pas le seul argument utilisé par la Cour pour nier au notaire une fonction ou un statut étatique : elle considère en outre que ce dernier n’exerce pas directement, ni de façon spécifique, une autorité publique.
2033 La Cour n’hésite pas à se pencher sur les thèmes de la légalité, la sécurité juridique, la force probante ou exécutoire de l’acte notarié, ou encore le rôle de collecteur d’impôt : autant de critères qu’elle reconnaît mais qui pour autant ne sont pas suffisants en soi pour lui permettre de reconnaître au notariat la qualité d’acteur étatique, exerçant de manière directe et spécifique l’autorité publique !
Tous ces attributs attachés à l’action d’authentifier que le notaire effectue en sa qualité d’officier public succombent face aux seules « conditions de concurrence » (dixit la Cour) dans lesquelles le notaire est amené à exercer son activité. Ce dernier aspect, du simple fait de son existence, prive ainsi le notariat de toute reconnaissance d’un statut délégataire de l’autorité publique85.
La portée de cette jurisprudence est cependant à relativiser. Selon l’arrêt Commission c/Belgique lui-même86, la décision est rendue seulement pour statuer sur le respect par la France des dispositions de l’article 45 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (« Condition de nationalité »), et ne porte « ni sur le statut et l’organisation du notariat dans l’ordre juridique français, ni sur les conditions d’accès, autre que celle de nationalité, à la profession de notaire dans cet État membre »87.
Le Conseil supérieur du notariat, dans un communiqué lapidaire, a pris acte de cette interdiction de la condition de nationalité, rappelant lui aussi la portée limitée de cet arrêt, tout comme le CNUE qui a réagi par un communiqué à travers lequel il indiquait avoir pris note que « la condition de nationalité est abandonnée, mais que les spécificités de la fonction notariale restent inchangées »88.
Toutefois, si la Cour refuse de reconnaître au notaire l’exercice de l’autorité publique, elle lui reconnaît non pas un statut (ne semblant pas contredite sur cette vision par le droit primaire, puisque dans le traité lui-même aucune reconnaissance d’une quelconque fonction ou statut à la profession notariale n’est consacrée)89, mais plutôt le fait que les activités relevant de la profession de notaire poursuivent des objectifs d’intérêt général. Cette position marque un repositionnement de l’analyse, annonçant une évolution de la jurisprudence.
2034 Il est aujourd’hui reconnu des activités réservées aux notaires (relevant du monopole, sans pour autant que cela puisse être contraire aux principes fondateurs contenus dans le traité), comme l’authentification des actes que ces derniers reçoivent. Ils participent par ce moyen à l’exercice direct de l’autorité publique90.
En effet, la Cour de justice de l’Union européenne admet aujourd’hui, de manière constante au fil de ses décisions, que le notaire exerce une activité qui répond effectivement à un objectif d’intérêt général, celui de l’authentification des actes.
Pour cette activité, qui demeure la raison d’être du notariat, le notaire doit vérifier notamment que toutes les conditions légalement exigées pour la réalisation de l’acte soient réunies ; qu’en procédant ainsi, « le notaire exerce cette vérification en poursuivant un objectif d’intérêt général, à savoir garantir la légalité et la sécurité juridique des actes conclus entre particuliers »91.
Cette activité correspond-elle pour autant à l’exercice d’une profession, organisée sur la base d’un statut conféré et reconnu par le droit de l’Union européenne ?
Cette question mérite d’être posée, au regard de la vision portée de longue date par la Commission européenne sur les professions réglementées dans l’Union.
Dans un arrêt du 10 septembre 2015, la Cour précise que dans la mesure où cette activité d’authentification est exercée « dans les limites de leurs compétences territoriales respectives, les notaires exercent leur profession dans des conditions de concurrence »92.
2035 Est-ce à dire que la reconnaissance du statut du notariat passera avant tout par la reconnaissance de l’utilité de l’acte notarié, dont l’authentification, qui se caractérise par le fait que « le notaire est tenu de vérifier, notamment que toutes les conditions légalement exigées pour la réalisation de l’acte soient réunies »93poursuit un objectif d’intérêt général, à savoir « garantir la légalité et la sécurité juridique des actes conclus entre particuliers »94 ?
La définition de l’acte authentique en droit de l’Union européenne permettra certainement de mieux en clarifier la portée ainsi que la contribution majeure que cet instrument apporte à l’espace de sécurité juridique de l’Union.
2036 Depuis le célèbre arrêt Unibank rendu par la cinquième chambre de la Cour de justice des Communautés européennes le 17 juin 1999 (V. infra, n° a2039), une première définition de l’acte authentique a pu être élaborée. Selon cet arrêt, un acte est authentique lorsqu’il est « dressé ou enregistré formellement en tant qu’acte authentique et dont l’authenticité porte sur la signature et le contenu de l’acte authentique et qui a été établi par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à ce faire »95.
Cette jurisprudence fondatrice est à la base de la définition de l’acte authentique dans les divers règlements européens, savoir :
1. l’article 4-3 du règlement « Titre exécutoire européen » du 21 avril 2004, qui définit l’acte authentique comme un acte dressé ou enregistré formellement en tant qu’acte authentique et dont l’authenticité porte sur la signature et le contenu de l’acte, et a été établie par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à ce faire par l’État membre d’origine ;
2. l’article 2-3 du règlement « Aliments » du 18 décembre 2008, qui définit l’acte authentique en matière d’obligations alimentaires comme un acte dressé ou enregistré formellement en tant qu’acte authentique dans l’État membre d’origine et dont l’authenticité porte sur la signature et le contenu de l’acte authentique et a été établie par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à ce faire ;
3. l’article 3-i) du règlement « Successions » du 4 juillet 2012, qui définit l’acte authentique comme un acte en matière successorale dressé ou enregistré formellement en tant qu’acte authentique dans l’État membre d’origine et dont l’authenticité porte sur la signature et le contenu de l’acte et a été établie par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à le faire ;
4. l’article 2-c) du règlement « Bruxelles I bis » du 12 décembre 2012, qui définit l’acte authentique comme un acte dressé ou enregistré formellement en tant qu’acte authentique dans l’État membre d’origine et dont l’authenticité porte sur la signature et le contenu de l’acte et a été établie par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à le faire ;
5. l’article 3-1-c) du règlement « Régimes matrimoniaux » du 24 juin 2016, qui définit l’acte authentique comme un acte en matière de régime matrimonial, dressé ou enregistré formellement en tant qu’acte authentique dans un État membre et dont l’authenticité porte sur la signature et le contenu de l’acte et a été établie par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à cet effet par l’État membre d’origine ;
6. l’article 3-1-d) du règlement « Partenariats » du 24 juin 2016, qui définit l’acte authentique comme un acte relatif aux effets patrimoniaux d’un partenariat enregistré, dressé ou enregistré formellement en tant qu’acte authentique dans un État membre et dont l’authenticité porte sur la signature et le contenu de l’acte et a été établie par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à cet effet par l’État membre d’origine.
2037
Bien que l’acte authentique ne fasse pas l’objet d’une seule et unique définition à laquelle les règlements européens se reportent, il résulte de ce qui précède qu’il pourrait être défini de la manière suivante : est acte authentique un acte dressé ou enregistré formellement en tant qu’acte authentique et dont l’authenticité porte à la fois sur le contenu et la signature, authenticité établie par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à cet effet.
Le tout naturellement dans l’espoir de voir un jour définitivement résolu le débat sur la question de savoir si le notaire, en droit de l’Union européenne, peut être considéré comme étant une autorité publique (V. supra, n° a2028, la définition du notaire par le Code européen de déontologie notariale).
Il faut observer que dans le règlement « Documents publics » du 6 juillet 2016, les actes notariés sont reconnus comme relevant des actes publics en vertu de l’article 3-1 c) : serait-ce une pierre de plus à la construction européenne d’un statut de l’acte notarié ?
Si tel était le cas, l’avenir du notariat serait pleinement consacré comme service public à part entière de la justice préventive, volontaire et européenne, gage de sécurité juridique dans un espace de liberté, de justice et de sécurité au sein de l’Union européenne.
2038 Ainsi qu’il résulte des développements qui précèdent, la reconnaissance par l’Union européenne du notariat comme service public nécessaire pour une bonne administration d’une justice non contentieuse dans l’Union reste très largement débattue.
La position de la Commission, sous forte influence anglo-saxonne, ainsi que l’interprétation de la Cour de justice de l’Union européenne des règlements sur cette question cruciale, rendent l’édification d’un statut européen du notariat lent et paradoxal.
Le paradoxe est multiple : en premier lieu, du fait de l’influence, malgré le Brexit, d’une doctrine outre-Manche et outre-Atlantique96encore bien prégnante et irriguant les réflexions des commissaires.
En second lieu, du fait de la convergence entre la vision des commissaires et l’interprétation de la Cour de justice de l’Union européenne, bien que sa jurisprudence n’ait pas toujours campé sur le déni de cette reconnaissance.
En effet, à regarder de plus près les arrêts antérieurs à ceux du 24 mai 2011, il est aisé de constater qu’un revirement de situation a bien eu lieu.
2039 Le premier arrêt ayant confirmé l’importance des conditions de solennité qui déterminent si un acte est authentique ou ne l’est pas, l’arrêt Unibank (V. infra, n° a2036), avait ouvert la voie vers une reconnaissance tant de l’acte authentique notarié que de l’autorité publique (ou habilitée) qui l’établit.
Avec cet arrêt, l’authenticité, ainsi que les officiers qui exercent pour la conférer aux actes qui en relèvent, prenaient place dans l’ordre juridique européen.
Cette notion multiséculaire n’est pas aisée à définir, ni à expliquer, au point que certains auteurs font appel à l’étymologie pour la cerner97, lorsque d’autres s’interrogent sur le lien étroit unissant le notaire et l’acte qu’il dresse, la force de cet acte reposant sur la compréhension directe que le notaire a de la volonté des parties98.
En rendant l’arrêt Unibank, la Cour de justice de l’Union européenne a lancé pour la première fois dans l’ordre juridique européen le débat sur les caractéristiques de l’authenticité ; elle a également déterminé quels étaient les attributs de l’acte authentique européen99.
La Cour de justice a ensuite été amenée à rechercher et définir les notions d’administration publique et d’exercice direct ou indirect de la puissance publique, en rendant le 30 septembre 2003 un arrêt remarqué100, l’arrêt Colegio de Oficiales de la marina mercante espagñola.
2040 Dans cet arrêt, en examinant les attributions notariales des capitaines et seconds de navire de marine marchande, la Cour a pu développer une réflexion sur les notions d’administration publique et d’exercice direct ou indirect de la puissance publique.
En premier lieu, la notion d’administration publique semble être une notion autonome du droit européen, la Cour estimant que cette notion « doit recevoir une interprétation et une application uniformes dans l’ensemble de la Communauté et ne saurait dès lors être laissée à la totale discrétion des États membres »101.
En second lieu, le même arrêt se prononce sur la question de savoir si la condition de nationalité des capitaines et seconds de navire battant pavillon espagnol est justifiée.
La construction du raisonnement est la suivante : l’article 39, § 4 du Traité instituant la Communauté européenne (TCE)102(« Liberté de circulation et non-discrimination ») peut être écarté, pour la nomination des capitaines et seconds de navires espagnols, dans la mesure où :
ils accomplissent des missions publiques qui leur sont dévolues ;
ce faisant, ils agissent en qualité de représentants de la puissance publique, au service des intérêts de l’État du pavillon ;
parce qu’ils participent à l’exercice de la puissance publique et occupent des fonctions ayant pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l’État, il existe nécessairement entre les officiers et l’État qu’ils représentent un rapport particulier de solidarité, dont la réciprocité des droits et devoirs est le fondement d’un lien de nationalité103 ;
le tout, à la seule condition que ces prérogatives soient effectivement exercées de façon habituelle par lesdits titulaires et qu’elles ne représentent pas une part très réduite de leurs activités ;
de plus, la portée de cette dérogation doit être limitée à ce qui est strictement nécessaire à la sauvegarde des intérêts généraux de l’État membre concerné.
La Cour constate que l’exercice direct ou indirect de missions publiques n’étant qu’occasionnel pour les capitaines de navire, la condition de nationalité doit par conséquent être écartée en vertu du principe de libre circulation et de non-discrimination du traité.
Si l’on transpose ce raisonnement à la question du notariat, force est de constater que le notaire, dans sa fonction et son statut, remplit bien toutes les conditions énumérées dans l’arrêt pour être reconnu comme participant à l’exercice direct ou indirect de l’administration publique.
En effet, le notaire :
accomplit bien une mission publique qui lui est dévolue en assumant directement le service public de l’authenticité ;
agit bien en qualité de représentant de la puissance publique, au service des intérêts de l’État qui l’a nommé ;
parce qu’il participe à l’exercice de la puissance publique et occupe une fonction ayant pour objet la sauvegarde des intérêts généraux de l’État, il existe bien entre cet officier public et l’État qu’il représente un rapport particulier de solidarité, dont la réciprocité des droits et devoirs est le fondement d’un lien de contrôle et de surveillance par l’État sur son activité ;
enfin le notaire exerce bien cette mission publique de façon habituelle, ce qui fonde sa fonction au regard de l’intérêt général.
Pourtant, le statut d’agent participant à l’exercice direct et spécifique de l’autorité publique n’a pas encore été reconnu au notaire depuis les arrêts « Nationalité » du 24 mai 2011 et ceux subséquents (nombreux sur ce thème (V. supra, n° a2030).
Cependant, les lignes semblent enfin bouger depuis les arrêts récents qui font l’objet de l’analyse qui suit.
2041 Même si le 1er février 2017, la Cour a encore condamné la Hongrie pour manquement au principe de non-discrimination pour condition de nationalité quant à l’accès à la profession de notaire104, plusieurs arrêts rendus dans le courant de l’année 2017 semblent amorcer un changement important dans le rapport qu’entretient le droit de l’Union avec l’institution notariale.
Trois d’entre eux sont examinés ci-après.
2042 Le 9 mars 2017, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu une décision importante quant à la reconnaissance pleine et entière d’activités réservées au notariat105par les États membres.
Par cet arrêt, la Cour reconnaît en effet la possibilité pour les États membres de réserver des activités au notariat, ce qui, bien que procédant d’une restriction manifeste à la libre prestation de services garantie par l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, reste approprié pour des raisons d’ordre public et de sécurité publique.
Lorsque l’objectif poursuivi est d’intérêt général, comme par exemple une bonne administration de la justice préventive ou le bon fonctionnement du système du livre foncier, les États membres peuvent réserver des activités aux notaires : la Cour considère en effet que ces activités réservées répondent à un besoin impérieux d’intérêt général106.
Avec l’arrêt Piringer, la Cour va même au-delà de la reconnaissance d’une réserve de compétence que les États membres peuvent accorder au notariat : elle considère que ces activités réservées, puisque relevant de l’exercice propre à garantir la légalité et la sécurité juridique des actes conclus entre particuliers, doivent être protégées, comme « constituant une composante essentielle de l’administration préventive de la justice »107.
Bien qu’en droit de l’Union européenne il faille toujours rester prudent pour ne pas courir le risque « de surinterpréter ce que dit la Cour » et « se défier d’une tendance trop marquée (notamment en France) à “surtransposer” les directives »108, force est de reconnaître, avec le professeur Cyril Nourissat, que « sans exagération aucune, il est possible de [voir au travers de cet arrêt] une contribution jurisprudentielle majeure à l’idée même d’un notariat européen »109.
2043 Afin de situer le contexte, un rappel sommaire des faits s’impose110 :
Mme Piringer, propriétaire pour moitié d’un immeuble situé en Autriche, a signé devant un avocat tchèque, en République tchèque, une demande d’inscription au livre foncier autrichien d’un projet de vente de sa quote-part indivise. En effet, le droit tchèque reconnaît aux avocats tchèques le droit de certifier les signatures en vue de leur inscription au livre foncier tchèque.
Mme Piringer a demandé au tribunal autrichien assurant la tenue du livre foncier de procéder à l’inscription de la formalité ainsi accomplie.
Le tribunal autrichien a refusé d’instruire cette demande, au motif que contrairement au droit autrichien qui exige l’authentification émanant soit d’un tribunal, soit d’un notaire, la demande déposée, certifiée par avocat tchèque, n’est pas conforme à la loi autrichienne.
Saisie d’un pourvoi en révision, la Cour suprême d’Autriche a estimé nécessaire de poser à la Cour de justice deux questions préjudicielles :
la première porte sur l’interprétation de l’article 1er, § 1 deuxième alinéa de la directive 77/249, et de savoir si cet article s’oppose à une réserve de compétence dans un État membre au profit des notaires en matière de transfert de droits réels immobiliers ;
la seconde porte en substance sur le point de savoir si l’article 56 TFUE s’oppose à une réglementation d’un État membre qui réserve aux notaires l’authentification des signatures apposées sur les documents nécessaires à la création ou au transfert de droits réels immobiliers, et exclut de ce fait la possibilité de reconnaître dans ledit État membre une telle authentification effectuée par un avocat conformément à son droit national, établi dans un autre État membre.
Autrement dit :
un État membre peut-il exclure de la libre prestation de services par les avocats l’authentification des signatures des documents nécessaires à la création ou au transfert des droits réels immobiliers, et réserver cette activité aux notaires ?
plus fondamentalement, un État membre (l’Autriche) peut-il réserver aux notaires l’authentification des signatures sur les documents nécessaires à la création ou au transfert des droits réels immobiliers et refuser d’enregistrer dans son livre foncier un document provenant d’un autre État membre (la République tchèque), dont la signature certifiée par un avocat tchèque a la même valeur en droit tchèque qu’une authentification établie par un notaire ou un tribunal autrichien ?
C’est à ces deux questions préjudicielles que la Cour va s’attacher de répondre, assurant de la sorte une reconnaissance éclatante des activités notariales réservées111, tant en droit dérivé (au regard de la directive 77/249) qu’en droit primaire112.
Mais, au-delà du système du livre foncier, l’analyse de la Cour est susceptible de s’appliquer dans sa généralité à toute question relative au domaine réservé par les États membres au notariat de type latin, sous réserve du respect du principe de proportionnalité.
C’est pourquoi la Cour reconnaît en outre la nécessité de protéger ces activités réservées aux notaires, notamment de la concurrence des avocats113, ainsi qu’il va être développé dans ce qui suit.
2044 En acceptant que les États membres puissent procéder à une restriction au principe de libre prestation de services consacré par l’article 56 TFUE pour motif impérieux d’intérêt général, la Cour confirme sa perception des activités notariales, qu’elle a déjà eu l’occasion d’énoncer.
En effet, dans l’arrêt C-50/08, Commission c/ France du 24 mai 2011 auquel il est ici renvoyé (V. supra, n° a2030), la Cour reconnaît déjà que la vérification par le notaire de toutes les conditions légalement exigées pour la passation d’un acte relève d’une mission publique : assurer la sécurité juridique aux actes conclus entre particuliers. Déjà en 2011, pour la Cour, l’activité notariale d’authentification des actes relève bien d’une mission poursuivant un but d’intérêt général114.
Par cet arrêt Piringer, la Cour exprime clairement son analyse à l’égard du monopole d’authentification, activité réservée au notaire et participant à l’administration préventive de la justice, dans son point 60 : « Le fait que les activités notariales poursuivent des objectifs d’intérêt général, qui visent notamment à garantir la légalité et la sécurité juridique des actes conclus entre particuliers, constitue une raison impérieuse d’intérêt général qui permet de justifier d’éventuelles restrictions à l’article 49 TFUE découlant des spécificités propres à l’activité notariale, telles que l’encadrement dont les notaires font l’objet au travers des procédures de recrutement qui leur sont appliquées, la limitation de leur nombre et de leurs compétences territoriales ou encore leur régime de rémunération, d’indépendance, d’incompatibilité et d’inamovibilité, pour autant que ces restrictions permettent d’atteindre lesdits objectifs et sont nécessaires à cette fin ».
Il est à noter que si la Cour reconnaît au notariat un champ de compétence réservé cette fois, c’est par l’analyse fouillée qu’elle établit des activités notariales : malgré cela, la Cour n’évoque toujours pas un statut du notariat, ni une fonction du notaire, ce que ne manque pas de relever un auteur115.
Pour reconnaître cette réserve de compétence au notariat au regard de la tenue du livre foncier, la Cour développe son argumentaire en expliquant au point 64 que : « L’intervention du notaire est importante et nécessaire afin de procéder à l’inscription au livre foncier, dans la mesure où la participation de ce professionnel ne se limite pas à confirmer l’identité d’une personne ayant apposé une signature sur un document, mais implique également que le notaire prenne connaissance du contenu de l’acte en question aux fins de s’assurer de la régularité de la transaction envisagée et vérifie la capacité de la requérante à accomplir les actes juridiques ».
Elle poursuit au point 65 : « Dans ces conditions, le fait de réserver les activités liées à l’authentification des actes portant sur la création ou le transfert de droits réels immobiliers à une catégorie particulière de professionnels, à laquelle s’attache une confiance publique et sur laquelle l’État membre concerné exerce un contrôle particulier, constitue une mesure appropriée pour atteindre les objectifs de bon fonctionnement du système du livre foncier ainsi que la légalité et la sécurité juridique des actes conclus entre particuliers ».
Les points 60, 64 et 65 ci-dessus, il faut en être persuadé, revêtent une importance capitale pour l’avenir de la prise en considération du notariat dans l’Union européenne.
En effet, la portée de l’arrêt Piringer semble bien aller au-delà du système du livre foncier. L’argumentaire de la Cour permet effectivement, ainsi qu’il a été mis en lumière par le professeur Cyril Nourissat, de considérer que tout État membre pourra se prévaloir du précédent Piringer même s’il ne connaît pas le système du livre foncier pour justifier réserver aux seuls notaires l’authentification des actes nécessaires à la création et au transfert de droits réels immobiliers116.
Si la portée de la réserve de compétence va bien au-delà du livre foncier, elle concerne plus fondamentalement la cohérence du système juridique de chaque État membre connaissant en son sein le notariat de type latin.
Pour cette raison, la Cour a estimé que les activités notariales réservées sont euro-compatibles117avec le principe de proportionnalité : ces mesures restrictives de compétence réservée au notaire sont en effet jugées appropriées par la Cour, comme constituant une composante essentielle de l’administration préventive de la justice118.
Ces activités réservées font par conséquent l’objet d’une protection nécessaire.
2045 Alors que l’avocat général, dans ses conclusions, a cherché à minimiser le rôle authentificateur du notaire, en tentant d’assimiler authentification et certification119, voire à nier la contribution du notaire en terme de sécurité juridique dans la préservation du système du livre foncier, la Cour a refusé de suivre cette voie.
Elle s’est au contraire attachée à distinguer de manière approfondie l’activité des avocats de celle des notaires, la première « consistant à certifier l’authenticité des signatures apposées sur les actes » n’étant pas « comparable à l’activité d’authentification effectuée par les notaires »120.
C’est précisément pour cette raison que « la mention d’authentification d’une signature apposée par un avocat tchèque ne constitue pas un acte authentique »121.
L’approche que la Cour semble faire de la distinction entre notaire et avocat va au-delà de la préservation des activités notariales pour une bonne administration de la justice dans les États membres le connaissant. Elle assure aussi, par l’analyse de la directive 77/249 propre à la libre prestation de services des avocats au sein de l’Union, un respect des deux professions et, ce faisant, au respect des spécificités du système juridique de l’État membre, notamment au Royaume-Uni, où seuls les solicitors peuvent établir des actes juridiques relevant du droit immobilier.
Ainsi, la Cour démontre que le notariat de type latin étant nécessaire pour la publicité foncière, le droit tchèque qui reconnaît l’intervention de l’avocat certificateur pour le livre foncier tchèque n’est pas transposable au droit autrichien.
D’une manière plus générale, le raisonnement de la Cour au final ne permet pas la transposition de cette règle entre deux systèmes de droits aux contenus différents : l’activité des notaires et des avocats (en ce compris les solicitors de droit anglo-saxon) n’est pas comparable, et à ce titre, l’authentification d’une signature par avocat (ou solicitor) ne peut avoir la même valeur juridique que celle d’un notaire dans un État connaissant le notariat de type latin122.
C’est ainsi que certaines activités notariales, reconnues comme participant à la poursuite d’objectifs d’intérêt général, constituent pour cela un élément essentiel à une bonne administration d’une justice préventive et doivent être différenciées des activités d’avocat, dont la libre prestation de services résulte de la directive 77/249.
La directive « Avocat » ne peut pas s’appliquer pour les activités notariales inhérentes au notariat de type latin que les États membres peuvent connaître, et qui constituent un des piliers fondateurs de leur système juridique.
2046 Si la Cour a su démontrer la nécessité de réserver certaines activités notariales et de surcroît les protéger de certaines autres professions du droit (avocat, de droit continental comme de common law), il est alors possible de se poser la question suivante :
L’arrêt Piringer annonce-t-il les prémices d’un notariat européen transfrontière ?
À bien y regarder, cette question, inspirée d’observations qu’un auteur123a pu tirer notamment de l’article 56 TFUE124mérite effectivement d’être posée sur un autre registre que celui du clivage entre notaires et avocats, celui du notariat européen.
En d’autres termes, un notaire italien ou espagnol pourrait-il avoir accès au registre des biens immobiliers en France ? La réponse à ce jour reste négative, en application de l’article 710-1 du Code civil français, qui prévoit que tout acte ou droit soumis à publicité foncière doit être reçu en la forme authentique par un notaire exerçant en France.
Mais se pourrait-il que l’article 710-1 puisse être considéré comme constituant une restriction de l’article 56 TFUE ?
Cette question paraît légitime à double titre : en vertu, d’une part, du principe de « reconnaissance mutuelle », qui a vu le jour pour la première fois pour les produits de consommation (en l’espèce des alcools fabriqués en France et interdits de commercialisation en Allemagne : arrêt Cassis de Dijon, 20 févr. 1979, V. infra, note de bas de page sous le n° a2420, élément essentiel à la construction du marché intérieur de l’Union, et en vertu, d’autre part, du principe de l’acceptation et de l’équivalence, fondé sur la confiance mutuelle, autre pilier sur lequel se construit et s’épanouit l’espace de liberté, de sécurité et de justice de l’Union (V. égal. infra, n° a2420).
Surtout que la Cour, dans l’arrêt Piringer, a eu l’occasion de rappeler que chaque État membre doit veiller à « l’élimination de toute discrimination à l’encontre du prestataire de services établi dans un autre État membre en raison de sa nationalité, mais également [à] la suppression de toute restriction à la libre prestation de services, même si cette restriction s’applique indistinctement aux prestataires nationaux et à ceux des autres États membres, lorsqu’elle est de nature à prohiber, à gêner ou à rendre moins attrayantes les activités du prestataire établi dans un autre État membre, où il fournit légalement des services similaires »125.
L’arrêt Piringer annoncerait-il donc l’avènement d’un notariat transfrontière, que d’aucuns appelleraient de leurs vœux126 ? Se basant sur cette culture commune de l’authenticité (V. supra, n° a2026) servant de socle à tous les notariats latins des vingt-deux États membres qui en connaissent, serait-il vraiment possible de « donner chair au notariat européen »127 ?
Certains auteurs en doutent128, car comment permettre à un notaire espagnol d’accéder au fichier immobilier du service de la publicité foncière, dont les règles de fonctionnement, de contrôle et d’inscription sont très différentes du registre espagnol ? Pour que la concurrence entre notaires européens soit possible, encore faut-il que le notaire de l’État membre qui établit la prestation soit soumis dans son État aux mêmes règles et conditions que celles de l’État membre où la prestation se trouve exécutée.
À cet égard, la Cour insiste sur le contrôle strictement exercé par l’État membre, d’autant que quelques difficultés réelles surgissent :
comment pouvoir contrôler dans ces conditions un notaire établi dans un autre État membre, pour s’assurer de la validité de la signature, de l’acte, et des formalités y relatives129 ?
comment accepter que la collecte de droits dus à l’État français soit effectuée par une autorité publique étrangère, eu égard à la souveraineté nationale de chaque État membre, sur laquelle l’État recevant l’impôt ne peut exercer aucun contrôle sur l’« agent collecteur » étranger ? Quid du lien de réciprocité unissant de façon solidaire et particulière l’État et son représentant, dont il a été parlé dans l’arrêt Colegio de Oficiales marina mercante española ? (V. supra, n° a2040) ;
comment – et sur quelles bases surtout – pourrait être mise en œuvre par le droit de l’Union la reconnaissance d’une autorité publique européenne, dont avant même une définition (autonome ?), le concept même reste entièrement à élaborer, avant toute autre avancée sur cette voie ?
Sous ces réserves seulement – reconnaissance d’une autorité publique relevant du droit européen ; coordination des modalités de contrôle identiques pour des conditions d’exercice identiques dans des États membres ; intégration des matières douanière, fiscale et administrative dans les chefs de compétence de l’Union, ne relevant plus des attributs de la souveraineté nationale –, le notariat européen pourrait alors effectivement prendre chair.
Commencerait alors une ère nouvelle où un espace européen de sécurité juridique pourrait être consacré, et dans lequel le notaire, officier public, nommé par l’autorité publique qui lui déléguerait une parcelle de puissance publique pour l’exercice de ses fonctions, serait pleinement reconnu comme agent public, remplissant une mission de service public notarial européen.
2047 Cette évolution remarquable que l’arrêt Piringer130amène à relever conduira-t-elle la Cour encore plus loin, c’est-à-dire à reconnaître le notaire comme étant aussi une juridiction ? En effet, certaines prérogatives attachées aux activités notariales pourraient laisser penser que le notaire pourrait être classé comme une autorité juridictionnelle.
Par exemple, le règlement refondu Bruxelles I bis n° 1215/2012 du 1er décembre 2012, dans son article 3 a), reconnaît expressément en tant que juridiction le notariat hongrois dans les procédures sommaires, concernant les injonctions de payer.
Mais la réponse, en l’état de la jurisprudence et des instruments européens, ne peut qu’être négative. Elle est d’ailleurs très bien illustrée par les deux prochains arrêts examinés ci-dessous, les arrêts Pula Parking et Ibrica.
2048 Le 9 mars 2017, deux autres arrêts sont rendus par la Cour de justice de l’Union européenne, qui intéressent également au premier chef le notariat, sous l’angle cette fois des règlements « Titre exécutoire européen » et « Bruxelles I bis »131.
Ces deux arrêts concernent le notariat croate, et plus particulièrement les attributions qui lui sont conférées en matière d’ordonnance d’exécution forcée.
La Cour de justice est amenée à se prononcer sur la question de savoir si le notariat croate, qui exerce des fonctions juridictionnelles certaines en rendant des ordonnances d’exécution forcée, doit pour autant être reconnu comme une juridiction à part entière.
Dans la première affaire, Pula Parking132, la Cour doit dire si :
une procédure d’exécution forcée diligentée par une personne de droit privé, domiciliée en Croatie, délégataire par une collectivité publique (une commune) de l’exploitation commerciale d’un parking public, à l’encontre d’un débiteur domicilié dans un autre État membre (en Allemagne), relève du champ d’application du règlement Bruxelles I bis ;
le notaire croate, compétent pour délivrer des ordonnances d’exécution forcée dans les conditions prévues par le droit croate et destinée à être exécutée dans un autre État membre, agit en tant que juridiction ou pas.
Dans cette affaire, la Cour :
confirme, d’une part, que la délégation de service public de l’exploitation commerciale d’un parking public par une personne de droit privé relève bien du champ d’application de Bruxelles I bis, le recouvrement d’une créance impayée ne présentant aucun caractère punitif, mais constituant simplement une contrepartie d’un service fourni, visé à l’article 1er du règlement ;
considère que le notaire croate, même s’il est compétent dans les matières relevant de l’exécution forcée au vu seulement de documents « faisant foi », ne peut être assimilé à une juridiction au sens strict, du fait de l’absence notamment de caractère contradictoire à la procédure de délivrance133.
En outre, dans le cadre du principe de confiance et de reconnaissance mutuelles devant gouverner les rapports entre les États membres, le traitement et l’exécution des décisions judiciaires des juridictions d’un État membre doivent être assurés de façon équivalente en vue de leur égale exécution dans les États membres.
Or, compte tenu de la diversité et de la différence des attributions que les notariats peuvent connaître selon les États, le principe de reconnaissance mutuelle ne peut être assuré en la matière.
Dans la deuxième affaire, l’affaire Ibrica134, la Cour a dû se prononcer sur les points suivants :
le notaire croate, compétent en matière de procédure exécutoire forcée selon le droit croate, doit-il être considéré comme une juridiction, de sorte que les notions de juge, tribunal et juridiction englobent également les notaires ?
les ordonnances d’exécution forcée délivrées par les notaires croates sur le fondement « d’un document faisant foi », selon l’expression consacrée par le droit matériel croate, peuvent-elles être à l’origine de la délivrance des certificats de titre exécutoire européen prévus par le règlement « TEE » se rapportant à des ordonnances d’exécution définitive et exécutoires ?
si tel n’est pas le cas, une juridiction peut-elle délivrer un certificat de titre exécutoire européen au vu d’une ordonnance d’exécution délivrée par un notaire croate, lorsque cette dernière porte sur une créance incontestée, et dans ce dernier cas, quel est le formulaire à utiliser ?
La Cour a répondu à la première question de façon identique à la première affaire, à savoir que le notaire ne peut être considéré comme une juridiction stricto sensu.
S’agissant de savoir si le notaire croate pouvait délivrer, au vu de son ordonnance d’exécution forcée, un certificat valant titre exécutoire européen au sens du règlement n° 805/2004, la Cour a répondu négativement.
En effet, pour cette dernière, même si l’ordonnance de droit croate est délivrée par un notaire croate (notaire qui aura par nature instrumenté un acte authentique au sens de l’article 4-3 du règlement [CE] n° 805/2004 ; V. supra , n° a2036), même en l’absence d’opposition de la part du débiteur, les conditions de reconnaissance expresse par ce dernier de la créance faisant défaut dans cette procédure, l’« acte authentique ne peut être certifié en tant que titre exécutoire européen »135.
Pour autant, il semble intéressant ici de faire un parallèle avec l’acte authentique notarié français, certifié en tant que titre exécutoire européen pour une circulation dans l’Union, conforme au principe de reconnaissance mutuelle.
En conclusion, et parce qu’il n’y a pas de façon plus pertinente pour synthétiser les développements qui précèdent, il suffit de reprendre les propos du professeur Nourissat qui écrit simplement : « Un notaire n’est pas un juge ; un avocat n’est pas un notaire. Et réciproquement… »136.
La compétence du notaire croate dans les matières relevant de l’exécution forcée, au vu seulement de documents « faisant foi », ne peut être assimilée à une compétence juridictionnelle au sens strict, du fait de l’absence du caractère contradictoire notamment dans la procédure de délivrance.
Le principe de confiance et de reconnaissance mutuelles qui gouverne les rapports entre les États membres doit assurer de manière équivalente le traitement et l’exécution des décisions judiciaires des juridictions d’un État membre à un autre, ce que la diversité des attributions reconnues aux notariats dans les États membres ne permet pas.
Par conséquent, la délivrance par le notaire croate d’un certificat au vu de son ordonnance d’exécution forcée ne peut valoir titre exécutoire européen au sens du règlement n° 805/2004, à la différence du titre exécutoire européen délivré par le notaire français.
2049 Cette mise en lumière des notions fondamentales pour le droit de l’Union de service public réservé aux activités notariales, acte authentique, ou encore administration préventive de la justice était nécessaire pour mieux comprendre cet espace européen de justice, de sécurité et liberté.
Il est en effet impossible de construire cet espace européen sans reconnaître, à côté de l’autorité judiciaire, une administration préventive de la justice, termes, qui, à maintes occasions, ont pu être consacrés par les arrêts de la Cour (V. supra, n° a2044).
2050 Le rapport entretenu par le notariat français avec le droit international privé n’a cessé de se renforcer au fil des années. Pour preuve, il suffirait d’égrener, tout au long des trente derniers Congrès des notaires de France, l’approche internationaliste de chaque thématique abordée137.
Cette pénétration du droit international privé dans la sphère notariale n’est pas due au hasard : le nombre d’Européens qui vivent en France augmente régulièrement ; ils s’y marient, divorcent, et y décèdent. En 2012, douze millions d’Européens vivaient dans un autre État membre que le leur, 170 000 divorces internationaux étaient comptabilisés en Europe, et 450 000 successions internationales s’ouvraient chaque année en Europe138.
Cette mobilité internationale des populations correspond à ce que les notaires de France rencontrent au quotidien dans leur office, instrumentant des achats avec des non-résidents, ouvrant des dossiers de succession ou de divorces internationaux, ou encore devant préparer des contrats de mariage pour des couples internationaux, ou des pactes successoraux dans le cadre d’une planification de transmission d’un patrimoine mondial.
Et quel que soit le degré de complexité de la matière, l’attirance qu’ils peuvent éprouver pour elle, ou le plaisir même à s’y spécialiser en leur qualité d’officier public, lorsqu’ils en sont requis, les notaires doivent instrumenter avec le même devoir d’efficacité tout acte relevant de matières plus familières ou non (V. supra, n° a2010).
Ce service notarial, reconnu au-delà des frontières, est essentiel pour assurer à tout usager de l’espace de liberté, de sécurité et de justice de l’Union européenne la même qualité de service public, amené à gérer une justice préventive.
C’est pourquoi il est temps d’évoquer les conditions dans lesquelles les notaires peuvent être tenus de respecter des règles de compétence à dimension internationale.
Si de nombreux ouvrages peuvent en effet traiter de l’office du juge dans l’application des règles de conflit de lois et de désignation de loi, très peu d’auteurs ont cherché à étudier les règles de compétence internationale pour les autorités non juridictionnelles.
Si très peu d’études ont pu être recensées pour les actes de juridiction gracieuse en droit international privé139, deux auteurs se sont penchés sur la compétence des notaires à instrumenter dans un cadre international140.
C’est la raison pour laquelle il est apparu intéressant, après avoir étudié l’idée d’un service public notarial international, d’évoquer un sujet peu couvert par la doctrine : la compétence internationale du notaire.
2051 En établissant son acte authentique, le notaire français participe à l’administration de la justice préventive.
Si le droit de l’Union européenne peine à reconnaître un statut à l’officier public, ainsi qu’une fonction spécifique à l’acte authentique, c’est parce qu’il s’agit de deux points de droit distincts.
Cette distinction est mise en lumière dans la définition des domaines de compétence respectifs du notaire et de l’acte authentique, sous l’angle du droit international.
Pour ce qui est de sa compétence, le notaire – autorité publique non contentieuse désignée par l’État souverain en vue d’assurer le service public de l’authenticité des actes sur le territoire – ne peut instrumenter que dans le respect rigoureux des règles procédurales élaborées par sa propre loi, la lex auctoris. En d’autres termes, le notaire officiant au nom de l’État qui l’a désigné doit respecter les règles procédurales de l’ordre juridique duquel il est délégataire (lex auctoris). Ce principe de base en droit international privé est la traduction de la règle auctor regit actum141.
Pour un auteur, la lex auctoris, tout comme l’autorité qui lui est soumise, est au service de la loi qui exige la production de l’acte notarié, laquelle, par voie de conséquence, est compétente pour en déterminer la sanction et les effets142.
Ce principe amène à évoquer les méthodes pratiquées, comme par exemple celle de la prise en considération, à laquelle la jurisprudence donne « une place de choix en matière d’acte authentique, démarquant celui-ci des jugements »143.
Pour d’autres auteurs, la compétence internationale du notaire, autorité non judiciaire, n’apparaît pas : lorsque la compétence territoriale est illimitée, comme c’est le cas pour les notaires, leur compétence internationale est également illimitée144.
La méthode de la prise en considération, tout comme celle de l’équivalence, ou encore celle de la reconnaissance, sera développée dans la partie suivante, ayant pour thème la circulation de l’acte authentique (V. infra, nos a2376 et s.).
Le sujet abordé sera ici limité au principe de la compétence internationale du notaire, et à quelques exceptions illustrées par une jurisprudence récente.
2052 Pourquoi et quand la compétence du notaire embrasse-t-elle une dimension internationale ? Le notaire bénéficiant d’un champ de compétence illimité (V. supra, n° a2051), il peut être requis par toute personne, physique ou morale, nationale ou étrangère, d’établir tout acte authentique dont les parties, l’objet ou les effets peuvent se trouver ou être produits en France comme à l’étranger, dans toutes les matières que la loi lui reconnaît de pratiquer.
Les seules réserves qui peuvent être faites à cette compétence illimitée reposent sur deux principes fondamentaux : le premier concerne le respect des dispositions d’ordre public, d’une part, et le second l’utilité et l’efficacité de son instrumentation, d’autre part. C’est ainsi que le notaire est confronté à des dossiers chargés d’éléments d’extranéité, dans tous ses domaines d’intervention.
Cette confrontation accentue massivement la pénétration du droit international privé dans l’activité quotidienne de tous les notaires. Ce mouvement profond conduit le notaire, qu’il soit installé en ville ou à la campagne, à en maîtriser les règles.
Car l’acte authentique pourrait-il être conçu autrement qu’un instrument à vocation internationale ?
Ainsi qu’il a été dit plus haut (V. supra, n° a2026), l’authenticité est le tronc commun aux notariats de type latin. Ce point commun autour des règles de l’authenticité permet aux notaires, quels que soient leurs statuts et leurs fonctions dans les différents systèmes de droit, d’assurer une même mission de droit privé : l’authentification des actes.
Partant, il est permis de les catégoriser comme s’ils appartenaient à une organisation unifiée, dont les démonstrations les plus significatives sont les organismes de représentation mondiale (l’Union internationale du notariat latin) et européenne (Conseil des notariats de l’Union européenne).
C’est précisément pour cela que les règles de compétence territoriale, conçues pour l’administration du droit privé dans les affaires internes, peuvent être étendues à l’ordre international145.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 30 octobre 1963, a d’ailleurs eu l’occasion de mettre en pratique cette méthode, en transposant une solution de droit interne à une dimension internationale. Un commentateur a d’ailleurs pu écrire : « Il est en effet naturel de puiser dans l’ordre interne, du fait de son antériorité, les principes de solutions qui gouvernent l’ordre international »146.
En vertu de l’article 2 de la loi du 25 ventôse an IX, les notaires sont tenus de prêter leur ministère quand ils en sont requis.
De ce principe simple, il en est déduit que : « Concrètement, les notaires ne sont limités ni par la nature de l’acte, ni par la qualité des parties. Par transposition, il convient d’admettre que leur compétence internationale est, en quelque sorte, illimitée »147.
Le principe d’une portée illimitée de la compétence notariale entraîne des conséquences compte tenu du principe de réciprocité applicable en la matière.
C’est ainsi que le notaire étranger pourra instrumenter un acte à la requête de personnes de nationalité française, domiciliées ou non en France, et pour des immeubles situés à l’étranger ou en France.
Toutefois, dans ce dernier cas, la loi du 28 mars 2011 a instauré dans le Code civil l’article 710-1 en vertu duquel tout acte ou droit doit, pour donner lieu aux formalités de publicité foncière, résulter d’un acte reçu en la forme authentique par un notaire exerçant en France.
De même, bien que la compétence internationale du notaire français soit illimitée, il existe des monopoles régionaux comme dans les cantons suisses, où seuls les notaires installés dans le canton du lieu de situation de l’immeuble ont le monopole d’instrumenter.
2053 Cela étant, la question a été posée de savoir s’il était possible de transposer les règles de compétence juridictionnelle aux notaires. Mais, à la démonstration, force est de constater qu’imposer des règles de compétence internationale au notaire serait tout simplement « imposer une contrainte aux parties, puisqu’aujourd’hui, aucune règle ne limite les compétences [du notaire] »148.
Mais si le notaire n’a pas particulièrement à s’interroger sur sa compétence, encore faut-il qu’il vérifie, si l’acte qu’il reçoit est destiné à circuler à l’étranger, que son intervention soit effectivement efficace, ainsi qu’il a déjà été dit ci-dessus (V. supra, n° a2010).
Aujourd’hui peut-être plus que jamais, tant par l’édiction de règlements européens que par la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour de cassation, des règles nouvelles s’annoncent.
De sorte qu’un travail de qualification s’imposera préalablement à tout notaire, afin de vérifier si son intervention est bien efficace.
2054 Même si la compétence internationale du notaire ne s’identifie pas à celle du conflit de juridiction, elle y reste cependant liée.
Ainsi, par un arrêt du 20 avril 2017, la Cour de cassation censure partiellement un arrêt d’appel ayant désigné un notaire français pour connaître des opérations de partage d’un immeuble indivis situé en Espagne et appartenant à deux concubins domiciliés en France149, le seul tribunal compétent à connaître du litige, en vertu de l’article 22-1 du règlement n° 44/2001 (aujourd’hui refondu par le règlement [UE] n° 1215/2012 Bruxelles I bis) étant le tribunal du lieu de situation de l’immeuble.
Cette décision a eu les honneurs des commentateurs, à plusieurs titres.
En premier lieu, parce qu’au moyen de cet arrêt, la Cour de cassation marque un revirement notable, dans la mesure où moins de deux ans auparavant elle considérait que l’action en partage d’une indivision relevant d’une action mixte, l’article 22 lui était inapplicable150.
La Haute Cour a finalement appliqué la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne en vertu de laquelle l’action réelle immobilière est une notion autonome de droit européen. La Haute juridiction a abandonné la qualification d’action mixte de droit français151pour reconnaître à l’action en partage de bien indivis la qualification d’action réelle immobilière.
De cette manière, les hauts magistrats font entrer cette action dans le champ d’application de l’article 22 de Bruxelles I (aujourd’hui Bruxelles I bis).
En second lieu, parce qu’il résulte de ce nouvel éclairage que, conformément au principe forum rei sitae immobilis, le notaire désigné par le juge du lieu de situation du bien sera en toute logique un notaire du lieu de situation du bien, dans le respect des dispositions de l’article 22-1 du règlement Bruxelles I bis.
2055 L’existence d’une hiérarchie bien définie entre les règles de compétence internationales « privilégiées » (des articles 3, 14 et 15 du Code civil – qui n’ont qu’un caractère subsidiaire –) et des règles de compétence internes « ordinaires » se trouve de la sorte renforcée.
En tout état de cause, qu’elles soient « privilégiées » ou « ordinaires », ces règles sont sans incidence en matière de compétence internationale du notaire puisque ce dernier n’est pas une juridiction, selon le droit de l’Union européenne tel qu’il se construit par les règlements comme par la jurisprudence de la Cour de justice.
Pour autant, ainsi qu’a pu l’écrire un auteur, le droit de l’Union européenne en construction doit être envisagé au pluriel152.
En effet, à côté des règlements européens et de la Cour de justice de l’Union européenne, le droit européen se façonne également au travers du respect, par le Conseil de l’Europe, de la Convention européenne des droits de l’homme et de la jurisprudence de sa Cour régulatrice, la Cour européenne des droits de l’homme.
Cette dernière a rendu des arrêts dans l’histoire contemporaine qui ont été fondateurs pour l’avancée de notre droit positif, au moyen notamment de ses arrêts Marckx (V. infra, n° a2059), ou Mazureck relatifs à la filiation naturelle, ayant permis de réformer les législations belge et française sur l’égalité de traitement des filiations.
Plus récemment, la Cour européenne des droits de l’homme a rendu des décisions concernant au premier plan le notariat et la perception que les magistrats de cette Haute juridiction peuvent avoir à l’égard de la fonction au sein de l’Europe.
C’est précisément ce point dont il va être question dans le chapitre qui suit.
la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968, par son article 50, avait surtout analysé les effets de l’authenticité, plutôt qu’à en donner une définition : « Les actes authentiques reçus et exécutoires dans un État contractant sont, sur requête, revêtus de la formule exécutoire dans un autre État contractant, conformément à la procédure prévue aux articles 31 et suivants. La requête ne peut être rejetée que si l’exécution de l’acte authentique est contraire à l’ordre public de l’État requis. L’acte produit doit réunir les conditions nécessaires à son authenticité dans l’État d’origine » ;
le rapport Jenard-Möller sur la Convention de Lugano de 1990 ne définit pas non plus l’authenticité, mais seulement les caractéristiques de ses effets : cf. 66e session de l’Assemblée de liaison, Rapport 2015, 3e partie, L’acte authentique : Outil commun de conquête, p. 106.