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2021 – Rapport du 117e congrès – Commission 2 – Chapitre II – Transmissions entre vifs des actifs numériques

PARTIE III – Le patrimoine familial
Titre 2 – Les transmissions du patrimoine numérique familial

Chapitre II – Transmissions entre vifs des actifs numériques

2770 Les transmissions entre vifs pouvant s’effectuer soit à titre onéreux (Section I) soit à titre gratuit (Section II), il conviendra d’en étudier les particularités en présence d’actifs numériques.

Section I – Les cessions à titre onéreux d’actifs numériques

2771 Le développement de la cryptoéconomie a été un facilitateur et un accélérateur des cessions à titre onéreux d’actifs numériques. Cette augmentation exponentielle du nombre de transactions dans l’univers numérique a inévitablement suscité des interrogations d’ordre civil et fiscal. Il serait illusoire de traiter de manière exhaustive les spécificités s’attachant à chaque cession d’actif1249. Aussi, les développements qui vont suivre analyseront la cession à titre onéreux de deux actifs les plus couramment rencontrés par le praticien : la cession de cryptoactifs tels que les cryptomonnaies (Sous-section I) et la cession d’un fonds de commerce électronique (Sous-section II).
Sous-section I – La cession de cryptoactifs
2772 Le particulier, détenteur d’actifs numériques, peut être amené à les céder soit en échange de nouveaux actifs numériques, soit en contrepartie d’un prix payé au moyen d’une monnaie ayant un cours légal.
L’engouement des Français pour les actifs numériques n’a d’ailleurs pas échappé au législateur qui, dans le cadre de la loi de finances pour 20191250, a mis en place un régime fiscal codifié sous un nouvel article 150 VH bis du Code général des impôts, afin d’imposer les plus-values réalisées lors d’une cession d’actifs numériques à titre onéreux (§ I). Toutefois, le nouveau régime mis en place présente un risque d’évasion fiscale (§ II).

§ I – Régime fiscal des plus-values sur cession d’actifs numériques et nouvelles obligations déclaratives

2773 Préalablement à la loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, il n’existait pas de régime fiscal spécifique.
Les gains liés à la cession d’actifs numériques pouvaient alors être soumis à l’un des trois régimes d’imposition suivants :

lorsque les gains étaient réalisés à titre occasionnel et qu’ils n’étaient pas constitutifs de revenus issus d’une activité de minage1251, s’appliquait le régime des plus-values de cessions de biens meubles (CGI, art. 150 UV). Le taux d’imposition était de 19 % auquel s’ajoutaient 17,2 % au titre des prélèvements sociaux, soit une imposition globale de 36,2 % ;

lorsque les gains étaient issus d’une activité de minage occasionnelle, s’appliquait le régime des bénéfices non commerciaux (BNC) (CGI, art. 92) ;

lorsque les gains provenaient de la cession à titre habituel d’actifs numériques acquis en vue de leur revente dans des conditions caractérisant l’exercice d’une profession commerciale (CGI, art. 34), s’appliquait le régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).

2774 La loi du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, en son article 41, a précisé le régime fiscal des cessions d’actifs numériques en introduisant un nouvel article 150 VH bis dans le Code général des impôts. L’instauration de ce régime fiscal spécifique aux actifs numériques a été complétée par un décret du 27 juin 20191252 relatif aux obligations déclaratives incombant aux redevables réalisant de telles cessions.
La délimitation du champ d’application de ce régime (A) permettra de déterminer l’existence d’une éventuelle plus-value. Dans l’affirmative, la loi a défini de manière précise les modalités d’imposition (B).
A/ Le champ d’application du régime fiscal des plus-values sur cession d’actifs numériques
2775 À compter du 1er janvier 2019, les plus-values réalisées lors de la cession d’actifs numériques ou de droits s’y rapportant relèvent du régime d’imposition des plus-values des particuliers prévu à l’article 150 VH bis du Code général des impôts.
Le champ d’application de ce nouveau régime est toutefois limité à certains actifs, certaines personnes et certaines opérations.
2776 Les actifs imposables sont les actifs numériques définis par l’article L. 54-10-1 du Code monétaire et financier.
Ils comprennent, aux termes de ce texte :

« les jetons, à l’exclusion de ceux répondant aux caractéristiques des instruments financiers mentionnés à l’article L. 211-1 et des bons de caisse1253 mentionnés à l’article L. 223-1 ». Sont ainsi concernés les jetons définis par l’article L. 552-2 du Code monétaire et financier comme « tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits, pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférésau moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien »1254.

« toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement ». Ces actifs numériques sont communément dénommés cryptomonnaies.

La loi n’a donné aucune précision pour les jetons non représentatifs d’actifs financiers, tels que des biens immeubles ou des biens corporels ou incorporels (droit de propriété intellectuelle).
Les cessions de tels jetons devront connaître de la fiscalité applicable à la catégorie à laquelle les droits qu’ils confèrent conduisent à les assimiler. Ainsi, dans la mesure où les jetons numériques sont relégués au rang de simple instrumentum, leur cession relève du régime applicable au bien représenté (plus-value mobilière, plus-value immobilière…) et non du dispositif propre aux actifs numériques.
2777 Les personnes imposables sont les particuliers qui réalisent des plus-values dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé (CGI, art. 150 VH bis I).
Ce nouveau régime ne s’applique donc pas en présence de profits réalisés dans le cadre d’une activité professionnelle.
La notion de foyer fiscal est retenue pour l’application de ce nouvel article. Ainsi seront prises en compte les cessions réalisées par le contribuable lui-même ou les époux soumis à une imposition commune (ou partenaires liés par un pacte civil de solidarité), mais également celles réalisées par les personnes considérées comme étant à charge pour le calcul de l’impôt sur le revenu, y compris les personnes rattachées au foyer fiscal en application de l’article 6, 3, 2odu Code général des impôts (enfants majeurs âgés de moins de vingt et un ans ou de moins de vingt-cinq ans s’ils sont étudiants, enfants mariés remplissant les mêmes conditions d’âge et leurs conjoints)1255.
Ce régime sera également applicable en cas de cessions réalisées à titre occasionnel par personnes interposées (CGI, art. 150 VH bis, I). Sont considérés comme des personnes interposées les sociétés ou groupements exerçant une activité civile telle que l’acquisition et la gestion d’un portefeuille d’actifs numériques et de droits s’y rapportant qui sont soumis au régime d’imposition des sociétés de personnes visées à l’article 8 du Code général des impôts et qui déterminent le montant des gains de cession des actifs numériques selon les règles prévues pour les particuliers conformément au II de l’article 238 bis K du Code général des impôts (CGI, art. 238 bis K)1256.
Sont donc exclues du nouveau dispositif fiscal les sociétés et autres personnes morales passibles de l’impôt sur les sociétés.
Sont également exclues les sociétés de personnes ayant un objet industriel, commercial, artisanal, agricole ou non commercial. Les plus-values réalisées par de telles sociétés relèvent alors du régime des plus-values professionnelles, que les cessions d’actifs soient réalisées à titre habituel ou occasionnel.
2778 Les opérations imposables1257 sont les cessions à titre onéreux d’actifs numériques ou de droits s’y rapportant, en contrepartie :

de monnaie ayant cours légal ;

de l’échange d’un bien autre qu’un actif numérique ;

de l’échange avec soulte d’un actif numérique ;

d’un service.

Dès lors que les cessions impliquent un avantage en contrepartie du transfert de propriété des actifs numériques, peu importe la nature de cette contrepartie, qu’elle soit monétaire (prix en euros) ou en nature (biens ou services), la plus-value dégagée sera alors imposée.
Ainsi, utiliser ses actifs numériques comme une monnaie pour acquérir un bien va donc conduire le contribuable à déclarer une plus-value (ou une moins-value le cas échéant), calculée en fonction de la valeur du bien acquis.
Les opérations d’échange sans soulte entre actifs numériques ou droits s’y rapportant bénéficient d’un sursis d’imposition (CGI, art. 150 VH bis, II, A).
Enfin, la loi exclut totalement de ce régime d’imposition les cessions d’actifs numériques dont la somme des prix n’excède pas 305 € au cours d’une année d’imposition (CGI, art. 150 VH bis, II, B).
B/ L’imposition de la plus-value
2779 Au cours d’une année d’imposition, est imposée l’éventuelle plus-value globale réalisée au titre des cessions d’actifs numériques contre de la monnaie ayant cours légal ou contre l’obtention de tout service, bien ou avantage.
Le III de l’article 150 VH bis du Code général des impôts (CGI, art. 150 VH bis, III) détermine le mode de calcul de la plus-value brute.
La plus ou moins-value brute est égale à la différence entre, d’une part, le prix de cession et, d’autre part, le produit du prix total d’acquisition de l’ensemble du portefeuille d’actifs numériques par le quotient du prix de cession sur la valeur globale de ce portefeuille.
Plus ou moins-value brute = Prix de cession – [Prix total d’acquisition × Prix de cession / Valeur globale du portefeuille].
2780 Le prix de cession est constitué du montant reçu en monnaie ayant cours légal ou de la valeur du bien acquis (autre qu’un actif numérique ou droit s’y rapportant remis à l’échange sans soulte) ou du service fourni en contrepartie des actifs numériques cédés.
Dans l’hypothèse où une soulte est versée, en sus de l’échange avec un actif numérique, le prix de cession comprend la valeur de l’actif numérique et la soulte reçue.
Deux charges diminutives permettront de minorer le prix de cession :

sur justificatifs, les frais supportés à l’occasion de la cession (frais de transaction perçus par les plateformes ou les « mineurs ») ;

la soulte versée par le cédant.

2781 Le prix total d’acquisition du portefeuille d’actifs numériques est égal à la somme :

des prix effectivement acquittés en monnaie ayant cours légal à l’occasion de l’ensemble des acquisitions d’actifs numériques ou de droits s’y rapportant réalisées avant la cession ;

et de la valeur de chacun des services et des biens (autres que des actifs numériques ou droits s’y rapportant remis lors d’échanges ayant bénéficié du sursis d’imposition prévu au A du II de l’article 150 VH bis du Code général des impôts), comprenant le cas échéant les soultes versées, remis en contrepartie d’actifs numériques ou de droits s’y rapportant avant cette même cession.

Comme en matière de calcul de plus-value immobilière, en cas d’acquisition à titre gratuit, ce prix d’acquisition à retenir est la valeur prise en compte pour la détermination des droits de mutation à titre gratuit.
2782 La valeur globale du portefeuille d’actifs numériques est égale à la somme des valeurs, évaluées au moment de la cession imposable, des différents actifs numériques et droits s’y rapportant détenus par le cédant et les différents membres du foyer fiscal avant de procéder à la cession.
Il est admis, pour la détermination de la valeur globale de son portefeuille au moment de la cession imposable, que le contribuable use de dispositifs communément utilisés de valorisation tels que des sites internet proposant des historiques de cotation moyenne journalière sur les principales plateformes d’échange.
2783 Sur la plus-value brute ainsi obtenue, il sera possible d’imputer des moins-values brutes de même nature réalisées au cours de la même année par le redevable (foyer fiscal).
Le contribuable peut donc compenser ses moins-values sur actifs numériques de l’année avec ses plus-values sur actifs numériques, afin de dégager une plus ou moins-value globale sur l’année. Toutefois, il ne pourra pas imputer l’éventuelle moins-value globale ainsi dégagée, ni sur les plus-values de cessions de biens d’une autre nature (telle une plus-value sur actions), ni sur des futures plus-values de cessions sur actifs numériques.
Alors que pour les valeurs mobilières traditionnelles, comme les actions, on calcule la plus ou moins-value par simple différence entre le solde en début et fin d’année, en matière d’actifs numériques, le calcul de la plus ou moins-value doit être réalisé pour chaque cession.
La conséquence de ce calcul systématique est qu’en cas de cessions successives, il convient de minorer le prix total d’acquisition de la fraction de capital initial déduite lors de la précédente cession.
À la fin de l’année, il y a donc lieu d’additionner l’ensemble des plus-values et moins-values pour déterminer la plus ou moins-value globale.
La plus-value nette ainsi dégagée est alors soumise à l’impôt sur le revenu au taux forfaitaire de 12,8 % (CGI, art. 200 C) ainsi qu’aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine au taux global de 17,2 %.
La plus-value concernée est donc imposée à un taux global de 30 %.
Aucune option n’est instituée pour l’imposition des revenus selon le barème progressif de l’impôt sur le revenu.
2784 – Modalités de déclaration et de paiement. – Une fois le montant de l’impôt déterminé, le décret no 2019-656 du 27 juin 2019 précise les modalités de déclaration et de paiement. Ainsi, depuis 2020, il y a lieu de déclarer, pour la première fois dans les revenus de l’année 2019, les gains réalisés en cas de cession d’actifs numériques.
Les redevables doivent porter sur la déclaration annuelle prévue à l’article 170 du Code général des impôts le montant global de la plus ou moins-value réalisée au titre des cessions imposables de l’année. Ils joignent à cette déclaration une annexe conforme à un modèle établi par l’administration1258, sur laquelle ils mentionnent et évaluent l’ensemble des plus ou moins-values réalisées à l’occasion de chacune des cessions imposables effectuées au cours de l’année ou les prix de chacune des cessions exonérées en application du B du II de l’article 150 VH bis du Code général des impôts.

§ II – Le risque d’évasion fiscale

2785 Même si le législateur a déterminé précisément les modalités d’imposition, en pratique le risque d’évasion fiscale demeure présent.
En effet l’administration se heurte à de nombreuses difficultés dans le contrôle du respect des obligations déclaratives (A). De plus, en l’état actuel des dispositions législatives et des commentaires de l’administration, le contribuable dispose d’outils juridiques permettant l’optimisation de ces transmissions (B).
A/ Difficultés dans le contrôle du respect des obligations déclaratives
2786 La loi no 2018-1317 du 28 décembre 2018 a modifié l’article 1649 bis C du Code général des impôts (CGI, art. 1649 bis C) en créant l’obligation pour les personnes physiques, les associations, les sociétés n’ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes d’actifs numériques mentionnés à l’article 150 VH bis du Code général des impôts ouverts, détenus, utilisés ou clos auprès d’entreprises, personnes morales, institutions ou organismes établis à l’étranger.
Le non-respect de cette obligation entraîne des sanctions financières (amende de 750 € par compte non déclaré ou de 125 € par omission ou inexactitude, dans la limite de 10 000 € par déclaration. Quand la valeur vénale dudit compte est supérieure à 50 000 € à un moment quelconque de l’année concernée, les montants des amendes sont portés à 1 500 € par compte non déclaré et 250 € par omission ou inexactitude).
L’administration entend donc exercer son pouvoir de contrôle sur la détention d’actifs numériques par le contribuable. Les mesures prises sont toutefois en pratique inefficaces en raison des difficultés liées à l’identification des détenteurs d’actifs numériques et à l’exercice du droit de communication par l’administration fiscale pour de tels actifs.
2787 – Difficultés quant à l’identification. – Bien que les transactions de cryptomonnaies fassent l’objet d’un enregistrement sur une blockchain dont l’historique est librement consultable, celle-ci ne fait pas apparaître l’identité réelle des individus mais leur adresse, suite de chiffres et de lettres sans signification. Le fonctionnement même de la blockchain ne se prête donc pas à une identification directe des détenteurs d’actifs numériques.
De plus, il existe des cryptomonnaies issues de blockchains traçables et d’autres de blockchains intraçables.
Ces niveaux variables d’anonymat et de traçabilité vont compliquer la tâche de l’administration fiscale pour faire respecter et sanctionner, le cas échéant, cette obligation de déclaration des comptes détenus à l’étranger.
2788 – Difficultés quant à l’exercice du droit de communication. – La loi relative à la lutte contre la fraude a aménagé, à compter du 1er janvier 2019, le droit de communication de l’administration fiscale auprès des opérateurs de communications électroniques, des fournisseurs d’accès à internet et des fournisseurs d’hébergement1259.
Le droit de communication de l’administration fiscale auprès de ces opérateurs est désormais limité à la recherche et à la constatation des infractions les plus graves (exercice d’une activité occulte ou illicite, manquement aux obligations déclaratives relatives à des avoirs étrangers, infractions aux règles de facturation, etc.).
Cependant, la détention des actifs numériques s’effectue le plus souvent par l’intermédiaire de plateformes établies à l’étranger et à l’encontre desquelles l’administration fiscale n’est pas en mesure d’exercer son droit de communication.
B/ Les optimisations en cas de plus-value
2789 – La donation avant cession. – Comme mentionné ci-dessus1260, le prix d’acquisition pour déterminer la plus-value brute est, en cas d’acquisition à titre gratuit, la valeur qui a servi de base au calcul des droits de mutation.
À l’instar de tout autre actif mobilier ou immobilier, la donation d’actifs numériques n’est pas un fait générateur de plus-value. Il est possible par conséquent d’effectuer une donation avant cession afin d’éviter une éventuelle taxation au titre des plus-values sur cession d’actifs numériques1261.
2790 Afin de ne pas encourir la sanction d’abus de droit, il est nécessaire que la donation préalable d’actifs numériques ne soit pas fictive et comporte des effets civils et patrimoniaux.
Il est utile de noter à ce sujet que le Comité consultatif pour la répression des abus de droit et la jurisprudence considèrent que lorsque la donation est réelle et antérieure à la cession, qu’elle participe d’une réelle intention libérale et que les opérations successives ne conduisent pas à une réappropriation du prix par le donateur, l’administration n’est pas fondée à mettre en œuvre la procédure de répression des abus de droit1262.
De plus, la brièveté du délai de revente semble indifférente1263.
Ainsi, dans la mesure où ces précautions sont prises, il peut être opportun pour le détenteur d’actifs numériques de procéder à une donation préalablement à la cession afin d’optimiser la fiscalité globale de l’opération.
2791 Toutefois, il conviendra également de rester vigilant au regard de la nouvelle procédure d’abus de droit fiscal instituée par la loi no 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 20191264.
Cette loi a introduit l’abus de droit pour motif principalement fiscal.
Mais la doctrine1265 confirme que la réforme de l’abus de droit fiscal n’aurait pas d’incidence sur les donations avant cession. Seule la première branche de l’abus de droit, la fictivité est susceptible d’impacter les donations avant cession.
2792 Cependant l’abus de droit pour motif principalement fiscal ne s’appliquera qu’aux rectifications notifiées à compter du 1er janvier 2021 portant sur des actes passés ou réalisés à compter du 1er janvier 2020. Plusieurs années vont donc s’écouler avant que le Conseil constitutionnel n’ait l’occasion de se pencher sur l’abus de droit pour motif principalement fiscal à l’occasion d’une question prioritaire de constitutionnalité. D’ici là, les contribuables et leurs conseils devront composer avec « l’obscure clarté » des textes fiscaux et l’insécurité fiscale inhérente à l’abus de droit pour motif principalement fiscal.
2793 L’optimisation fiscale recherchée sera cependant atténuée par les modalités de calcul des plus-values qui tiennent compte de la plus-value latente de l’ensemble du portefeuille1266.
Dans la mesure où le contribuable détient plusieurs types de cryptomonnaies et qu’il n’en cède que certaines, le calcul de la plus-value sera influencé par la valeur globale du portefeuille.
En pratique, conserver des cryptomonnaies qui sont restées stables et donner celles qui ont pris de la valeur ne sera pas la meilleure marche à suivre.
L’idéal serait de donner l’ensemble de son portefeuille pour arriver au résultat espéré1267.
Sous-section II – La cession d’un fonds de commerce électronique
2794 Ces dernières années ont connu une croissance importante des achats en ligne sur fond de crise sanitaire ; permettant à de nombreux commerces de maintenir une activité grâce à leur site internet.
Selon l’étude publiée par la Fédération e-commerce et vente à distance (Fevad) le 8 décembre 2020, les ventes sur internet ont progressé de 8 % au cours du troisième trimestre 2020.
Mais les chiffres les plus impressionnants révélés par cette étude sont ceux de la progression des ventes sur internet auprès des enseignes de magasins qui est de + 29 % au cours du troisième trimestre 2020. Depuis le mois de janvier 2020, l’augmentation du canal web des magasins est trois fois plus importante que pour la même période en 2019 (+ 41 % versus + 13 %).
Durant cette période de crise, les consommateurs ont donc essayé de privilégier l’achat en ligne auprès des commerces et magasins auxquels ils étaient le plus souvent déjà attachés.
2795 Compte tenu de cette tendance de plus en plus affirmée des consommateurs pour les achats en ligne, nul doute que le notaire sera de plus en plus confronté à la cession d’un fonds de commerce avec un site de e-commerce ou même la cession d’un fonds de commerce qui n’a d’existence que sur internet.
Avant de se pencher sur certaines spécificités liées à la cession d’un fonds de commerce électronique (§ II), il convient de qualifier cette notion (§ I).

§ I – La qualification d’un fonds de commerce électronique

2796 Le législateur a défini le commerce électronique comme l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens et de services1268.
Malgré cette définition, il demeure des situations où il est difficile de savoir si nous sommes en présence d’un fonds de commerce électronique.
2797 – La recherche d’un critère. – Les travaux du 105e Congrès des notaires de France1269 ont tenté de déterminer un critère pour caractériser un fonds de commerce électronique.
Le critère a été recherché autour de la nature dématérialisée de la livraison et l’exemple donné a été celui d’une librairie. Ainsi, le site marchand d’un libraire qui reçoit les commandes et paiements par internet mais qui livre les ouvrages par pli postal est un site accessoire inclus dans le fonds de commerce traditionnel. En revanche, si le libraire, par le biais du site marchand, réalise des livraisons dématérialisées d’ouvrages en temps réel, il s’agit alors d’un fonds de commerce électronique distinct. Ainsi le libraire qui cumule ces deux modes de livraison possède deux fonds différents.
Ce critère exclut de la qualification de fonds de commerce la vente de tous biens matériels uniquement par le biais d’un site par un commerçant qui ne distribue pas ses produits dans un magasin.
2798 – Clientèle autonome. – Nous savons qu’un fonds de commerce doit présenter diverses caractéristiques : des éléments corporels (marchandises, matériels, ordinateurs, entrepôts, etc.), des éléments incorporels (brevets, logiciels, bases de données, licences d’exploitation, etc.) énumérés à l’article L. 142-2 du Code de commerce (C. com., art. L. 142-2).
Mais l’élément indispensable dans le e-commerce, comme dans un commerce traditionnel, est l’existence d’une clientèle propre.
Les juges, à plusieurs reprises, ont ainsi affirmé qu’un site de vente en ligne, afin de bénéficier du régime protecteur du statut du fonds de commerce prévu aux articles L. 141-1 et suivants du Code de commerce, doit :

avoir une clientèle1270 qui doit être spécifique et donc se distinguer du reste de l’entreprise1271 ;

être indépendant ; un site est indépendant lorsqu’il se positionne sur « un marché distinct »1272.

2799 – Les sites de e-commerce créés par nos magasins de proximité. – Selon l’étude de la Fevad précitée, pour les acheteurs en ligne, les sites de e-commerce ayant également des magasins physiques présentent de nombreux avantages par rapport aux autres sites. C’est clairement la complémentarité des deux canaux, digital et physique, qui séduit les cyberacheteurs. Près de 50 % (46,4 %) de ces derniers mettent notamment en avant la possibilité de se rendre en magasin pour voir un produit avant un achat en ligne, faire appel au service après-vente ou aux conseils d’un vendeur (41,3 %), ou même finaliser un achat en magasin après l’avoir préparé en ligne (48,4 %).
Ainsi il sera difficile de distinguer une clientèle attachée à nos magasins de quartiers et celle de leurs sites de vente en ligne.
Pour établir cette distinction il conviendra, au cas par cas, de prendre des éléments de comparaison comme par exemple le chiffre d’affaires en ligne avec celui du magasin ou se poser la question du maintien de l’activité en ligne si le magasin venait à fermer.
À l’inverse si la clientèle en ligne n’est présente que par son attachement à un magasin existant, le site de e-commerce ne sera alors qu’un élément du fonds de commerce.
2800 – Les commerces virtuels utilisant des marketplaces. – Les commerçants, pour vendre leurs produits, ont également la possibilité de passer par une place de marché (marketplace).
Une place de marché est une plateforme en ligne où les vendeurs présentent leurs articles pour les mettre à disposition des acheteurs sur ce méga site avec une commission prélevée sur les ventes.
Il existe de nombreuses places de marchés en France. Elles peuvent être généralistes (Cdiscount, Rueducommerce, Rakuten, eBay, Amazon, Le Bon Coin, Fnac…) ou spécialisées (Etsy, ManoMano, Vinted, Truffaut, Asos, Les nouveaux cavistes, 1001pharmacies…). Ce peut être aussi des marketplaces locales qui mettent en avant des commerçants et productions sur les territoires (Ma Ville Mon Shopping, Ollca, The Ring…).
Dans cette situation, la clientèle appartient-elle au commerçant ou à la plateforme ? Les commerçants qui utilisent ces marketplaces disposent-ils d’une clientèle propre, critère essentiel à la définition du fonds de commerce1273 ?
2801 Pour répondre à cette question, un parallèle peut être fait avec les commerces se trouvant dans un centre commercial.
Traditionnellement, le commerçant dont l’exploitation est localisée au sein d’une autre entreprise ne dispose pas, en principe, de son propre fonds de commerce.
Il a notamment été jugé que les fonds ne bénéficiant d’aucune autonomie de gestion, car dépendant totalement pour les horaires d’ouverture du centre commercial où il se trouve, n’ont pas de clientèle propre1274. Il en est de même pour ceux bénéficiant uniquement de la renommée d’un site touristique1275.
À l’inverse en matière de contrat de franchise, il a été admis que le franchisé, malgré les contraintes fortes qui pèsent sur lui, puisse se constituer sa propre clientèle, clientèle locale que l’on distingue alors de la clientèle nationale1276.
2802 Un élément de réponse peut également être apporté par les règles de responsabilité.
Le e-commerçant est responsable des produits qu’il commercialise sur son site. Inversement, la marketplace est une plateforme qui héberge une transaction, mais la plateforme n’est considérée que comme un courtier. Seul le e-commerçant porte la responsabilité des produits qu’il propose sur la place de marché. Ainsi, en cas de litige, la plateforme est couverte.
En définitive, l’existence ou non d’une clientèle autonome va s’apprécier au cas par cas. Ce n’est qu’en présence d’une réelle clientèle attachée au fonds de commerce électronique que ce dernier pourra faire l’objet d’une cession dans son ensemble.

§ II – Les spécificités de la cession d’un fonds de commerce électronique

2803 Aucune réglementation particulière n’a été prise pour la cession d’un fonds de commerce électronique. Il conviendra d’appliquer les règles communes à toute cession de fonds de commerce.
Il ne s’agit pas ici de faire une étude détaillée de la cession de fonds de commerce électronique1277, mais de s’arrêter sur quelques spécificités qui résultent de son caractère international et de la dématérialisation de son lieu d’exploitation.
2804 – Clause de non-concurrence. – Rappelons que pour être valable, une clause de non-concurrence doit être justifiée par un intérêt légitime, et limitée à la fois dans le temps, dans l’espace et quant à son objet.
La condition liée à l’espace ne peut être remplie puisque le fonds de commerce électronique ne connaît pas de frontière.
En matière de cession de fonds de commerce électronique, il convient donc de substituer aux clauses classiques de non-concurrence ou de non-rétablissement limitées géographiquement, certaines interdictions temporaires, de ne pas faire, liées aux éléments cédés1278.
Toutefois, il conviendra d’être prudent dans la rédaction de cette clause.
Une clause interdisant purement et simplement d’exercer une activité concurrente sur internet sans limitation pourrait être jugée illicite car toute clause de non-concurrence ne doit pas être disproportionnée par rapport au risque allégué.
2805 – Publicité. – Les dispositions d’ordre public concernant la publicité de fonds de commerce dans un journal habilité à recevoir les annonces légales doivent être aménagées.
Comment en effet déterminer l’arrondissement ou le département dans lequel le fonds est exploité pour un commerce électronique développé sur internet qui ne connaît pas de frontière ?
Il convient, en l’absence de règle propre à la matière, d’emprunter les dispositions prévues pour les fonds forains. Les mesures de publicité devront s’effectuer au lieu où le cédant est inscrit au registre du commerce et des sociétés1279.
De plus certains auteurs préconisent de compléter cette publicité par une information sur le site ainsi qu’une démarche active pour parfaire l’information des créanciers1280.
2806 – Fiscalité. – Aucune disposition particulière du Code général des impôts ne prévoit l’imposition d’une cession de fonds de commerce électronique. Cette cession sera donc soumise comme pour toute cession de fonds à un droit d’enregistrement dont le taux varie en fonction du prix de vente1281.
Il sera cependant impossible de bénéficier du taux réduit prévu à l’article 722 bis du Code général des impôts pour les acquisitions de fonds de commerce ou de clientèle situés dans les zones de redynamisation urbaine ou les zones franches urbaines, définies respectivement aux A et B du 3 de l’article 42 de la loi no 95-115 modifiée du 4 février 1995, ainsi que dans les zones de revitalisation rurale mentionnées à l’article 1465 A du Code général des impôts.
En effet, une des conditions de la réduction de taux relative à la situation des biens acquis est impossible à remplir.
2807 – Enregistrement. – Si la cession est constatée par acte authentique, l’enregistrement s’effectue au service des impôts dans le ressort duquel réside le notaire1282.
Toutefois, si la cession est constatée par acte sous seing privé, la formalité de l’enregistrement doit s’effectuer dans le mois1283 de sa date au bureau de l’enregistrement du service des impôts de la situation du fonds1284.
Par application des dispositions de l’article 652 du Code général des impôts et compte tenu de l’impossibilité de déterminer le lieu de situation du fonds, il conviendra d’enregistrer ledit acte au service des impôts (SIE – pôle enregistrement) du domicile ou du siège de l’une des parties contractantes.

Section II – Les donations d’actifs numériques

2808 Avant d’aborder la pratique juridique et fiscale des donations, il convient de revenir sur les modalités de détention et de transfert des actifs numériques.
Cet aspect technique a été abordé dans la première partie de la présente commission1285, mais il est utile d’en reprendre certaines spécificités pour comprendre comment la remise de ces actifs s’effectue concrètement entre le donateur et le donataire.
2809 En matière de cryptomonnaies, le système repose sur un couple : clé privée-clé publique.
La clé privée est une signature alphanumérique secrète, soit un chiffre de 256 bits auquel personne d’autre que le titulaire n’est censé avoir accès.
Elle est encodée de façon à en condenser l’écriture sur cinquante et un caractères1286 et peut être représentée sous forme de QR code.
Cette clé est générée de manière aléatoire au moment de l’acquisition d’un portefeuille de cryptomonnaies.
Elle n’intervient pas dans la transaction, elle est le sésame qui donne accès à son portefeuille (wallet).
Une clé privée sert uniquement à prouver que vous êtes le détenteur d’une certaine adresse de cryptomonnaies. Celui qui a le contrôle d’une clé privée a tous les pouvoirs sur les transactions et les dépenses liées aux fonds sur cette adresse.
À partir de la clé privée, une deuxième signature est déduite, appelée clé publique.
Cette clé publique peut toujours être calculée en partant de la clé privée, tandis que l’inverse est impossible, d’où l’appellation de « cryptographie à clés asymétriques ».
La clé publique fait enfin l’objet d’opérations successives de « hachage » dont le résultat, toujours compris entre vingt-sept et trente-quatre caractères1287, constitue une « adresse ».
Ces clés sont les vecteurs des unités des différentes cryptomonnaies.
Celles que l’on génère sur son ordinateur ne sont au départ que des coquilles vides auxquelles ne correspond aucune cryptomonnaie.
2810 Pour détenir des cryptomonnaies, il faudra communiquer son adresse à la personne dont on attend un versement. Celle-ci initiera le transfert en signant, à l’aide de sa clé privée, et la personne qui va les recevoir accepte ce transfert avec sa propre clé privée.
C’est parce qu’il sera seul à disposer de cette clé privée, et donc à pouvoir utiliser les cryptomonnaies, que le destinataire en sera devenu « titulaire ».
En réalité aucune cryptomonnaie n’est en fait détenue. Dans le portefeuille ne figurent que des clés auxquelles les membres d’un réseau décentralisé reconnaissent le pouvoir d’associer un nombre donné d’unités.
2811 Rappelons que ces clés peuvent être détenues de deux manières :

soit une détention indirecte, par le biais de plateformes de détention et de gestion de cryptomonnaies qui détiennent les comptes de cryptomonnaies de leurs clients. L’accès aux comptes se fait alors sur internet comme on le fait pour une banque classique avec un mot de passe. C’est donc l’intermédiaire qui détient la clé privée. Ce mode de détention est risqué car ces plateformes peuvent être piratées ou faire faillite. Selon le rapport Landau1288, le montant des pertes enregistrées suite aux piratages atteignait, au 30 juin 2018, la somme colossale de 1,2 milliard de dollars ;

soit une détention directe, par le biais de deux types de portefeuilles :

un portefeuille papier dans lequel les clés sont conservées soit sur une simple feuille, soit dans un fichier sur l’ordinateur personnel du détenteur ou sur une clé USB,

un portefeuille froid se présentant sous la forme d’un mini-ordinateur de la taille d’une clé USB qui, pour fonctionner, devra être raccordé à un ordinateur. Cet appareil va générer les clés privée et publique qui ne seront pas connues de son utilisateur. Différentes unités de cryptomonnaies pourront être conservées dans ce coffre dont l’ouverture se trouve sécurisée par un code numérique. Dans l’hypothèse où le code est perdu, il est possible de retrouver les valeurs en réinitialisant un autre mini-ordinateur au moyen de mots placés dans un ordre précis (au nombre de douze ou vingt-quatre selon le genre de portefeuille) générés à l’origine. Ce sont ces mots qui doivent être précieusement conservés lorsque l’on active pour la première fois.

2812 En matière de jetons, une fois émis sur une blockchain, lorsqu’une ICO1289 est réalisée avec succès, les modalités de détention et de transmission sont similaires à celles des cryptomonnaies.
Le jeton n’a pas d’existence matérielle. C’est une suite de caractères inscrits sur un portefeuille qui déterminera le nombre de jetons que possède le titulaire.
Le transfert s’effectuera vers un autre portefeuille au moyen du couple clé privée-clé publique.
Cet aspect technique rappelé, il convient de souligner que les donations d’actifs numériques sont soumises aux règles de droit commun. Cette confrontation de la règle de droit à la donation d’actifs numériques présente toutefois des spécificités tant sur le plan civil (Sous-section I) que fiscal (Sous-section II).
Sous-section I – Spécificités civiles de la donation d’actifs numériques
2813 La donation d’actifs numériques n’est pas sans susciter des difficultés liées à la détermination de l’objet de la donation, d’une part, et aux modalités de transmission, d’autre part. À l’objet de la donation d’abord, parce qu’il conviendra de définir si la donation porte sur l’actif numérique seulement ou également sur son support (§ I). Aux modalités de transmission ensuite, parce que le transfert de ces actifs dans le monde numérique est bien souvent réalisé par simple virement de compte à compte ou simple « clic », et parfois même sans laisser de trace (§ II).

§ I – La détermination de l’objet de la donation

2814 – Transmission des seules unités numériques ou bien du portefeuille. – En matière d’actifs numériques, il y a lieu de déterminer si ce sont les seules unités qui sont transmises ou le portefeuille dans son intégralité.
Rappelons que le portefeuille peut se présenter sous la forme d’un logiciel sur ordinateur, d’une application mobile ou encore d’un portefeuille physique1290.
Une adresse de portefeuille est comme un numéro de compte bancaire1291.
Chaque adresse de portefeuille a une clé privée et publique unique ; la clé privée permettant d’accéder aux fonds liés à l’adresse du portefeuille.
Lors de la création d’un portefeuille, une seed (ou « phrase de sauvegarde ») va se générer de manière aléatoire. Il s’agit d’une suite de douze ou vingt-quatre mots tirée aléatoirement d’une base de données de 2 048 mots qui va permettre à tout moment de restaurer les fonds sur un nouveau portefeuille si l’investisseur venait à perdre le premier.
Le travail d’un portefeuille est de mettre à disposition de l’utilisateur une interface permettant d’interagir avec les fonds liés à la seed.
Pour transférer des actifs numériques, il faut donc communiquer l’adresse de portefeuille du destinataire.
Mais encore faut-il que ce portefeuille soit compatible avec les actifs reçus car chacun à sa propre blockchain. Il convient de vérifier avec le fournisseur de portefeuille avant d’effectuer le transfert, car s’il n’est pas compatible ils sont perdus pour toujours.
Cependant il existe des portefeuilles cryptographiques permettant de stocker différentes cryptomonnaies dans le même portefeuille1292.
2815 Les actifs numériques sont stockés numériquement sur la blockchain. La blockchain est comme un grand livre comptable qui stocke chaque transaction produite dans le système, ainsi que le solde total des comptes de chaque adresse publique.
Le logiciel du portefeuille, qui est directement connecté à la blockchain, va générer les clés publique et privée permettant d’accéder aux fonds.
Ainsi en donnant la clé privée, le possesseur va être considéré comme le propriétaire des actifs et avoir tout pouvoir sur ceux-ci.
La donation de cette clé privée va avoir pour conséquence la transmission de l’intégralité du portefeuille au profit de son nouveau détenteur.
2816

§ II – La pratique du don manuel comme mode de transmission privilégié des actifs numériques

2817 À ce jour, aucun régime juridique particulier n’est prévu pour les donations d’actifs numériques. Cependant, étant donné leur mode de détention et leur facilité de transmission (remise du document papier ou informatique, de la clé USB ou du portefeuille froid contenant la clé d’accès), le don manuel semble être la solution privilégiée par les propriétaires d’actifs numériques.
2818 – Le régime du don manuel à l’épreuve de la transmission immatérielle. – Le don manuel, qui s’affranchit de tout formalisme, est déjà la forme de libéralité la plus usitée pour la transmission des actifs traditionnels. En 2007, sur les 586 500 donations recensées, il y a eu 286 000 dons manuels1295.
Rappelons que le don manuel est une libéralité entre vifs qui se réalise par la remise matérielle d’un bien par simple tradition.
Deux conditions sont nécessaires et suffisantes pour qu’il y ait don manuel. Il faut, d’une part, qu’il y ait une intention libérale et, d’autre part, une tradition réelle par remise de l’objet donné, investissant le donataire par le seul fait de cette remise d’une possession légale, complète et définitive1296.
Les tribunaux ont confirmé depuis longtemps et à plusieurs reprises la tradition1297.
Toutefois l’exigence originaire d’une transmission « de la main à la main » s’est considérablement assouplie.
La jurisprudence admet en effet que l’objet d’un don manuel peut être dématérialisé, en dehors donc de toute remise directe de la chose.
Il a notamment été jugé que les titres au porteur pouvaient faire l’objet d’un don manuel. Dès lors qu’ils sont dématérialisés, ces titres inscrits en compte peuvent se transmettre par virement de compte à compte1298.
De même que le virement de somme d’argent est reconnu comme une remise matérielle1299, le virement de valeurs dématérialisées constitue l’équivalent de l’ancienne remise matérielle des titres.
Ainsi, même si la remise matérielle du bien ne pourra avoir lieu, le don manuel d’actifs numériques est concevable.
2819 Les modes d’exécution du don manuel d’actifs numériques. Il sera alors possible de le réaliser de deux manières :

soit par virement entre deux portefeuilles. Le donataire aura, préalablement à la donation, créé son propre portefeuille électronique sur la plateforme de son choix ;

soit par remise de la clé privée.

La condition du dessaisissement réel et immédiat au profit du donataire est alors respectée.
2820 – Les inconvénients du don manuel d’actifs numériques. – Les nombreux inconvénients du don manuel déjà connus pour la transmission d’actifs matériels sont encore plus caractérisés s’agissant de la transmission d’actifs numériques.
Le formalisme simplifié du don manuel conduit parfois à l’éviction des règles de fond des donations entre vifs.
Ainsi, les règles concernant la capacité et les vices du consentement ne sont pas toujours respectées.
Mais ce sont surtout des difficultés quant à la preuve, notamment en l’absence de déclaration à l’administration fiscale, qui apparaissent.
Certes, les héritiers du donateur qui entendent exercer leur droit à la protection de la réserve ou le droit au rapport se voient reconnaître le droit d’en établir l’existence par tous moyens.
Cependant, derrière les cryptomonnaies, il y a la technologie de la blockchain qui est un protocole pseudonyme. Une adresse de portefeuille ne contient pas de nom.
De nombreuses autres informations peuvent s’y trouver. Cela inclut toutes les transactions précédentes que l’adresse de portefeuille a effectuées (à la fois envoyées et reçues), y compris les montants et les autres adresses impliquées dans la transaction. Mais il sera très difficile de savoir à qui appartient l’adresse.
Pour de nombreux auteurs1300, le don manuel ne doit donc avoir pour objet que des biens de faible valeur et l’on pourrait aisément transposer cette affirmation s’agissant du don manuel d’actifs numériques.
Sous-section II – Spécificités fiscales de la donation d’actifs numériques
2821 La fiscalité applicable à la donation d’actifs numériques ne sera guère différente de celle applicable aux libéralités portant sur d’autres types d’actifs.
Comme tout autre bien, les actifs numériques transmis à titre gratuit sont compris dans l’assiette des droits de succession ou soumis aux droits de donation en cas de donation entre vifs1301.
Ainsi, l’ensemble des règles fiscales propres à cette matière s’appliqueront, avec une difficulté toutefois concernant la détermination de l’assiette taxable (§ I).
Il conviendra par ailleurs de s’interroger sur l’applicabilité, d’une part, du dispositif de dons familiaux de sommes d’argent (§ II) et, d’autre part, des différents dispositifs de transmission d’activités (§ III).

§ I – Difficultés liées à la détermination de l’assiette taxable

2822 – Application des règles de droit commun. – La connaissance de la valeur des biens donnés est impérative, aussi bien pour déterminer la valeur imposable au jour de la donation que pour anticiper les conséquences civiles sur la succession à venir.
Par exception au principe de l’évaluation des biens imposables à leur valeur vénale1302, la loi a fixé, pour certains biens, des bases légales d’évaluation.
Il en est ainsi pour les valeurs mobilières françaises et étrangères de toute nature, admises aux négociations sur un marché réglementé. Selon l’article 759 du Code général des impôts (CGI, art. 759), le capital imposable est déterminé en prenant la moyenne des trente derniers cours qui précédent la transmission.
De même des règles sont édictées pour les créances à terme (CGI, art. 760), les parts ou actions d’organisme de placements collectifs en valeurs mobilières(CGI, art. 799), les titres non cotés ou actifs incorporels(CGI, art. 764 A), les biens ou droits transférés dans un patrimoine fiduciaire (CGI, art. 766 bis) et les titres, sommes, valeurs ou avoirs quelconques frappés d’indisponibilité hors de France par suite de mesures prises par un gouvernement étranger (CGI, art. 766).
En matière d’actifs numériques, aucune règle particulière n’a été prise. La détermination de leur valeur imposable n’échappe donc pas à la règle fiscale de l’article 666 du Code général des impôts (CGI, art. 666) qui retient comme assiette taxable aux droits de mutation à titre gratuit la valeur vénale du bien au jour du fait générateur.
2823 – Une difficulté d’évaluation liée à la forte volatilité des actifs numériques. – Mais la difficulté en la matière réside dans le fait que les actifs numériques en général et les cryptomonnaies en particulier sont des valeurs très volatiles.
Le bitcoin par exemple valait moins d’un euro jusqu’en 2011 ; environ 800 € fin 2013 ; en 2017, il s’est échangé à plus de 15 700 € l’unité ; en 2019 sa valeur la plus haute était de 11 400 € et en 2020 il est retombé à 4 300 € dans les premiers jours suivant l’annonce des confinements massifs pour finalement dépasser les 50 000 € en mars 2021.
L’instabilité du bitcoin est notamment due au fait que son marché ne bénéficie pas des outils de régulation en vigueur sur les autres marchés (interdiction de ventes à découvert, suspension de cotation en cas de variation extrême, etc.).
2824 Pour les cryptomonnaies qui reposent sur un marché non régulé et sans aucun cours officiel, leur valeur va dépendre de l’offre et de la demande.
Il y aura donc lieu de retenir la valeur du cours de conversion en euros la plus proche possible du jour de la donation. Pour ce faire, il est admis que le contribuable use de dispositifs communément utilisés de valorisation tels que des sites internet proposant des historiques de cotation moyenne journalière sur les principales plateformes d’échange.
Toutefois, ces valeurs peuvent être différentes en fonction des plateformes. En effet, il peut y avoir des variations significatives au niveau des cotations. De nombreuses plateformes ou « bourses », où les bitcoins et altcoins se négocient, peuvent offrir la même cryptomonnaie à des prix différents.
2825
2826 – Un risque fiscal accru pour les dons manuels. – Le risque associé à la forte volatilité des cryptomonnaies est particulièrement important en cas de dons manuels1305.
Selon l’article 757 du Code général des impôts (CGI, art. 757), les droits sont calculés sur la valeur du don manuel au jour de sa déclaration ou de son enregistrement, ou au jour de la donation si cette valeur est supérieure.
C’est donc la plus forte des deux valeurs (jour de la taxation ou jour de la donation) qui sert d’assiette au calcul des droits. Mais encore faut-il que la date de la donation puisse être déterminée par l’administration fiscale. Ce qui suppose non seulement que cette dernière puisse établir la date à laquelle la tradition ainsi que le concours de volontés du donateur et du donataire ont coexisté, mais encore qu’elle puisse opposer cette date au gratifié, sans pouvoir en apporter la preuve bien souvent.
Ainsi, en cas de chute brutale de la valeur des actifs reçus, le gratifié sera alors doublement pénalisé en payant des droits sur une valeur qu’il ne détient plus.

§ II – Applicabilité du dispositif fiscal des dons familiaux de sommes d’argent à la donation de cryptomonnaies

2827 L’article 790 G du Code général des impôts (CGI, art. 790 G), inséré par la loi TEPA du 21 août 20071306, exonère de droits de mutation à titre gratuit, dans la limite de 31 865,00 €, les dons de sommes d’argent consentis en pleine propriété au profit d’un enfant, d’un petit-enfant, d’un arrière-petit-enfant, ou à défaut d’une telle descendance, d’un neveu ou d’une nièce ou par représentation d’un petit-neveu ou d’une petite-nièce.
Par « dons de sommes d’argent », il faut entendre les dons effectués par chèque, par virement, par mandat ou par remise d’espèces1307.
Pour pouvoir bénéficier de ce dispositif, encore faut-il que les cryptomonnaies puissent avoir l’ensemble des caractères attachés à la monnaie.
Cette question renvoie à la résolution préalable du problème de la qualification d’une cryptomonnaie.
2828
2829 En définitive, pour les juristes, la monnaie est vue comme constituant à la fois une unité de valeur, c’est-à-dire un instrument d’évaluation, une unité de paiement et enfin une réserve de valeur, un actif de patrimoine, qui pourra être réutilisé pour acquérir de nouveaux biens ou services1312. Or, les cryptomonnaies ne sont pas des véritables unités de paiement. L’effet libératoire n’est que conventionnel et non pas légal. Et il n’est pas possible d’imposer un paiement en cryptomonnaies en dehors de la communauté d’utilisateurs.
2830 La position tant du législateur que de la jurisprudence écarte cette qualification.
Dans son article 86, la loi Pacte1313 définit les actifs numériques comme, entre autres : « Toute représentation numérique d’une valeur… qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie » (C. monét. fin., art. L. 54-10-1).
Et le tribunal de commerce de Nanterre1314 n’assimile pas le bitcoin à de la monnaie. Bien que les juges aient estimé qu’il s’agit d’un bien fongible et consomptible tout comme de la monnaie légale, ils ont immédiatement précisé « quand bien même il n’en est pas une ».
2831 Ainsi l’administration fiscale ayant précisé, depuis de nombreuses années, que seuls les dons de sommes d’argent en pleine propriété pouvaient bénéficier de l’exonération, dès lors les libéralités portant sur des cryptomonnaies ne semblent pas pouvoir se prévaloir des articles 790G et 790 A bisdu Code général des impôts1315.

§ III – Applicabilité du dispositif de transmission d’activités

2832 Les actifs numériques pouvant être le support d’une activité économique génératrice d’impôt, on pourrait envisager que les donations de ces actifs soient éligibles aux différents dispositifs de transmission d’activités tel que le pacte Dutreil.
Nous n’allons pas ici traiter de toutes les conditions nécessaires pour bénéficier d’un allégement de 75 % des droits de mutation à titre gratuit. Mais rappelons tout de même que ce dispositif a été institué afin d’assurer la stabilité de l’actionnariat et la pérennité des entreprises et qu’il bénéficie aux détenteurs des titres qui prennent des risques et qui disposent du pouvoir décisionnel.
2833 La détention d’actifs numériques ne confère pas à son détenteur l’ensemble des prérogatives et risques attachés aux titulaires de parts ou actions de société.
En conséquence, le bénéfice de l’exonération partielle ne semble pas pouvoir s’appliquer à la donation d’actifs numériques.
Sous-section III – Les solutions à privilégier pour la donation d’actifs numériques
2834 Les libéralités d’actifs numériques sont soumises aux mêmes règles de réduction et de rapport que celles portant sur des actifs traditionnels. Il convient donc de les confronter aux règles du Code civil à l’ouverture de la succession pour pouvoir en maîtriser au mieux les conséquences dans le cas de transmissions à titre gratuit.
2835 – Règles applicables au rapport d’actifs numériques. – L’héritier appelé avec d’autres à recueillir la succession doit rapporter dans la masse successorale les biens dont le défunt l’avait gratifié.
Les actifs numériques ne sont pas exclus de cette règle du rapport dans le cas de libéralités, et ce même dans le cas de dons manuels.
2836 – Le cas particulier du rapport de dons de cryptomonnaies. – Il convient toutefois de s’interroger sur l’applicabilité des dispositions de l’article 860-1 du Code civil (C. civ., art. 860-1) relatives au rapport de sommes d’argent en présence de dons de cryptomonnaies.
Cet article prévoit, par principe, que le rapport d’un don de sommes d’argent se fait au nominal. Toutefois si l’argent reçu a servi à l’acquisition d’un bien, il y aura lieu de rapporter la valeur du bien à l’époque du partage selon son état au jour de l’acquisition.
Comme évoqué plus haut, les cryptomonnaies ne sont pas considérées comme une monnaie1316.
Le rapport de dons de cryptomonnaies ne peut donc pas se faire en appliquant les règles du rapport de dons de somme d’argent prévu par l’article 860-1 du Code civil, précisément parce que les biens donnés ne sont pas des sommes d’argent au sens d’une monnaie ayant cours légal1317.
2837 – Application des règles de droit commun relatives au rapport. – Le rapport s’effectuera alors selon les règles applicables à tous autres biens et conformément aux dispositions des articles 843 à 863 du Code civil.
Les principales règles sont les suivantes :

le rapport en valeur constitue le principe et le rapport en nature l’exception (C. civ., art. 858, al. 2) ;

la valeur du rapport est alors l’évaluation du bien à l’époque du partage d’après son état à l’époque de la donation (C. civ., art. 860, al. 1) ;

si le bien objet de la donation a été aliéné : soit l’aliénation n’a pas donné lieu à un remploi, le rapport se fera alors de la valeur du bien au jour de l’aliénation. Soit l’aliénation a été suivie d’un remploi, il y aura alors lieu de rapporter la valeur du nouveau bien à l’époque du partage d’après son état au jour de l’acquisition (C. civ., art. 860, al. 2).

2838 – De l’utilité du rapport forfaitaire d’actifs numériques ? – En raison de l’extrême volatilité de certains actifs numériques, l’augmentation de la valeur des unités concernées entre la date de la donation et celle du décès peut porter atteinte à la réserve héréditaire et à l’égalité entre les héritiers. En effet, si l’actif numérique donné a fortement évolué à la hausse entre la donation et le décès du donateur, le donataire risque alors de devoir une indemnité de rapport et/ou de réduction importante. À l’inverse, une forte évolution à la baisse de l’actif donné imposera aux autres héritiers de rétablir l’égalité.
Il serait alors tentant de spécifier une clause de rapport forfaitaire dans l’acte de donation des actifs numériques. Lors du règlement de la succession du donateur, il faudra alors procéder à une double liquidation.
En effet, il conviendra d’évaluer la donation selon les règles de l’article 922 du Code civil relatives à l’établissement de la masse de calcul de la réserve et de la quotité disponible, puis de comparer ce résultat à l’évaluation dérogatoire telle que voulue par les parties.
Et lorsque le montant du rapport forfaitaire s’avère inférieur au montant de la réunion fictive, ce qui sera le cas si les actifs numériques ont pris beaucoup de valeur entre le jour de la donation et celui du décès, la différence est alors traitée comme un avantage indirect hors part successorale.
À travers cet exemple chiffré, nous pouvons comprendre qu’à l’ouverture de la succession, même le rapport forfaitaire ne permettra pas d’éviter les conséquences d’une forte variation de la valeur des unités concernées au décès du donateur.
2839 – La donation-partage d’actifs numériques. – Pour corriger les difficultés liées à la volatilité et à la valorisation des actifs numériques1318, la donation-partage est sans aucun doute le mode de transmission à privilégier1319.
En effet, dès lors que la donation-partage respecte les conditions de l’article 1078 du Code civil (C. civ., art. 1078), les biens donnés n’auront pas à être réévalués au jour du décès du donateur pour le calcul de la réserve et de la quotité disponible.
L’article 1078 du Code civil pose ainsi trois conditions pour que la donation puisse bénéficier de la fixité des valeurs :

la participation à la donation-partage de tous les héritiers réservataires vivants ou représentés au décès de l’ascendant ;

l’absence de réserve d’usufruit portant sur une somme d’argent à laquelle est assimilée la réserve d’usufruit sur créance ;

l’absence de clause contraire.

Ces trois conditions sont parfaitement transposables à la donation-partage d’actifs numériques. Les donataires copartagés seront alors dispensés du rapport de leurs lots ou de ce qui en est la représentation, le rapport ne se concevant pas pour des biens qui ont été déjà partagés1320.
2840 Cette exclusion du rapport a pour conséquence que les plus ou moins-values qui adviennent aux biens postérieurement au partage entre vifs profitent ou nuisent à ceux-là seuls qui en ont été allotis.
Il s’agit là d’un effet de la donation-partage qui peut toutefois être redoutable si certains donataires reçoivent des actifs numériques dont la valeur a fortement varié, à la hausse comme à la baisse, entre le jour de la donation et le jour du décès, alors que d’autres reçoivent des biens immobiliers dont la valeur est malgré tout moins instable.
2841 – L’utilité d’une clause de remploi. – Afin d’éviter les inégalités en raison de la volatilité des actifs numériques lors du rapport de la donation, le professeur Régis Vabres1321 préconise de mettre à la charge du donataire une obligation d’échanger les cryptomonnaies contre de la monnaie ayant cours légal et de stipuler une clause de remploi dans un actif de nature moins spéculative.
2842 – Intérêt du pacte adjoint au don manuel d’actifs numériques. – Les règles qui s’appliquent au don exceptionnel en l’absence d’acte de donation sont généralement inopportunes et ne correspondent pas le plus souvent aux souhaits des parties ; particulièrement pour ce qui concerne le rapport. Elles fragilisent en outre le don. Il est donc préférable de les écarter ou de les aménager aux termes d’un pacte adjoint.
Le don manuel portant sur des actifs numériques peut atteindre une valeur importante.
Afin de conserver la preuve de l’existence du don manuel et des conditions de sa réalisation il peut-être opportun de rédiger un pacte adjoint qui mentionnera notamment si le don a été fait en avancement de part ou hors part successorale, prévoir une clause de retour conventionnel…
Toutes les clauses afférentes aux donations entre vifs peuvent être envisagées.
Ce pacte peut également préciser la nature des actifs numériques transmis, leurs valeurs.

1249) Pour une étude exhaustive sur la fiscalité du numérique, V. F. Douet, Fiscalité 2.0. Fiscalité du numérique, LexisNexis, coll. « Précis fiscal », 2e éd. 2019.
1250) L. fin. no 2018-1317, 28 déc. 2018, art. 41 : JO 30 déc. 2018.
1251) Le minage est le procédé par lequel les transactions en cryptomonnaies sont sécurisées. À cette fin, les mineurs effectuent avec leur matériel informatique des calculs mathématiques pour le réseau de cryptomonnaies.
1252) D. no 2019-656, 27 juin 2019 : JO 28 juin 2019.
1253) Les bons de caisse sont des titres nominatifs, non négociables et non fongibles, comportant engagement par un commerçant de payer à échéance déterminée, délivrés en contrepartie d’un prêt.
1254) Il s’agit notamment des jetons ou tokens issus d’opérations de levées de fonds (ICO : Initial Coin Offering), effectuées à travers une technologie de registre distribué (blockchain) pour financer une entreprise nouvelle ou innovante (V. supra, nos 2139 et s.).
1255) BOI-RPPM-PVBMC-30-10, no 10.
1256) BOI préc, nos 20 et 30.
1257) BOI préc, no 70.
1258) Annexe no 2086, Cerfa no 16043*01.
1259) L. no 2018-898, 23 oct. 2018, art. 15 ; LPF, art. L. 96 G.
1260) V. supra, no 2781.
1261) P.-H. Conil, Le notaire ou l’heureuse rencontre du notariat traditionnel et des nouvelles technologies : JCP N 2018, no 11, act. 302.
1262) CE, 28 nov. 2014, no 359911. – CE, 9 avr. 2014, no 353822. – CAA Lyon, 7 nov. 2013, no 12LY02321.
1263) Un avis favorable du Comité de l’abus de droit fiscal a été émis dans le cas d’une donation précédant la vente de seulement deux jours, sans que cette circonstance ne soit de nature à remettre en cause l’intention du donateur d’avoir voulu donner les titres et non pas les fonds représentatifs du prix de cession (avis no 2004-40, 2005-9, 2005-21).
1264) LPF, art. L. 64 A.
1265) P. Fernoux, Revisitons le passé à l’aune du but principalement fiscal : Dr. fisc. 2019, no 22, 279.
1266) V. supra, no 2783.
1267) Pour un exemple chiffré, V. R. Vabres, La donation de cryptomonnaies : JCP N 2019, no 47, 1313.
1268) L. no 2004-575, 21 juin 2004, art. 14.
1269) Rapport du 105e Congrès des notaires de France, Lille, 2009, Propriétés incorporelles, 4e commission.
1270) Cass. com., 16 janv. 1990 : JCP N 1991, II, 21662.
1271) Cass. com., 23 mai 1960 : Bull. civ. 1960, III, no 192. – Sur la reconnaissance d’une telle clientèle à un site internet, CA Paris, 4e ch., sect. B, 9 nov. 2007 : JurisData no 2007-350066.
1272) CA Paris, 14e ch., sect. B, 23 juin 2006 : JurisData no 2006-310349.
1273) La condition d’une clientèle propre au fonds de commerce est exigée par une jurisprudence constante (Cass. com., 7 avr. 2009 : JurisData no 2009-047893. – V. égal. Cass. com., 28 mai 2013, no 12-14.049 : JurisData no 2013-010948 ; JCP E 2013, 1391).
1274) Cass. 3e civ., 1er oct. 2003, no 02-11.239 : JurisData no 2003-020380.
1275) Cass. com., 7 avr. 2009 : JurisData no 2009-047893.
1276) Cass. 3e civ., 27 mars 2002, no 00-20.732 : JurisData no 2002-013715 ; Bull. civ. 2002, III, no 77 ; D. 2002, p. 2400, note H. Kenfack.
1277) Pour une étude détaillée et pratique de la cession de fonds de commerce électronique, V. JCl. Notarial formulaire, Fasc. 250, Fonds de commerce – Fonds de commerce électronique-cession, par S. Castagné.
1278) G. Decocq, L’avènement du fonds de commerce électronique : Gaz. Pal. mai-juin 2009.
1279) C. com., art. L. 141-12.
1280) P. Stoffel-Munck et G. Decocq, L’avènement du commerce électronique : Gaz. Pal. mai-juin 2009.
1281) CGI, art. 719. – V. en ce sens, A. Benarab, Vente d’un site E-commerce et cession du fonds de commerce : CGV Experts 13 août 2012.
1282) CGI, art. 650, 1.
1283) CGI, art. 635, 2, 5o.
1284) CGI, art. 652.
1285) V. supra, Commission 2, Partie I, nos 2034 et s., Chapitre « Le fonctionnement technique ».
1286) Exemple de clé privée : 5Jd4kDBTJnDmQwLv94gjWheWwsrvmRMGfLj438BBLdRtw4axSAy.
1287) Exemple de clé publique : 1BFW79d584dt2RXDBTsqBjnYeLWtgRjVhk.
1288) Rapport du 4 juill. 2018 au ministre de l’Économie et des Finances sur les cryptomonnaies, J.-P. Landau, sous-gouverneur honoraire de la Banque de France.
1289) Initial Coin Offering, V. supra, nos 2126 et s.
1290) V. supra, nos 2043 et s.
1291) Adresse du portefeuille qui appartiendrait au créateur du bitcoin, Satoshi Nakamoto : 1A1zP1eP5QGefi2DMPTfTL5SLmv7DivfNa.
1292) La plupart des jetons disponibles ont été construits au-dessus de la chaîne de blocs Ethereum avec des caractéristiques spécifiques. Ces jetons contiennent un registre avec différentes informations qui sont un standard. À partir du moment où un jeton est créé avec ces informations, il appartient à la norme ERC-20. Donc les jetons bénéficiant de cette norme peuvent parfois tous être stockés dans le même portefeuille multidevise.
1293) Sur cette comparaison entre legs et donation, V. R. Vabres, La donation de cryptomonnaies : JCP N 2019, no 47, 1313.
1294) Sur les difficultés pratiques du transfert des clés privées en cas de legs, V. infra, nos 2857 et s.
1295) Chiffres cités au 108e Congrès des notaires de France, Montpellier, 2012, nos 1008 et s.
1296) TA Maguéro, Vo Don manuel, nos 2 et s.
1297) Cass. 1re civ., 11 juill. 1960 : D. 1960, p. 702, note Voirin. – Cass. 1re civ., 19 nov. 1996, no 95-10.242 : JurisData no 1996-004438 ; Dr. famille 1997, comm. 19, B. Beignier ; D. 1997, p. 365, M. Nicod. – Cass. 1re civ., 10 oct. 2012, no 10-28.363 : JurisData no 2012-022672 ; JCP G 2012, act. 1129, B. Watz.
1298) Cass. com., 19 mai 1998, no 96-16.252 : JurisData no 1998-002059 ; Bull. civ. 1998, IV, no 161 ; JCP N 1998, no 47, p. 1663, note H. Hovasse.
1299) Cass. 1re civ., 12 juill. 1966 : Bull. civ. 1966, I, no 424 ; D. 1966, jurispr. p. 614, note J. Mazeaud ; RTD civ. 1967, p. 198, obs. R. Savatier.
1300) M. Planiol, obs. in D. 1890, 2, p. 345. – M. Grimaldi, Libéralités. Partages d’ascendants, Litec, 2000, no 1282.
1301) BOI-ENR-DMTG-10-10-20-10.
1302) BOI-ENR-DMTG-10-40-10.
1303) P.-A. Conil, Le notaire et le bitcoin ou l’heureuse rencontre du notariat traditionnel et des nouvelles technologies : JCP N 2018, 302.
1304) En ce sens, L. Boyer, Legs et donation de bitcoins : pour le notaire, conseiller et innover : Bull. Cridon Paris 15 avr. 2018, no spécial, p. 10.
1305) V. supra, no 2820.
1306) L. no 2007-1223 : JO 22 août 2007.
1307) BOI-ENR-DMTG-20-20-20, nos 120 et s.
1308) V. supra, nos 2054 et s., Partie I, Chapitre « Les éléments du débat », pour l’examen des analyses en présence.
1309) Rapport du 4 juill. 2018, préc., no 135.
1310) Institut Sapiens, Rapport Bitcoin, totem & tabou. Que présage l’essor des cryptomonnaies ?, févr. 2018, p. 39.
1311) Rapport Institut Sapiens, préc., p. 5.
1312) J. Carbonnier, Droit civil, t. II, Les obligations. Les biens, PUF, 2004, no 675.
1313) L. no 2019-486, 22 mai 2019, relative à la croissance et à la transformation des entreprises.
1314) T. com. Nanterre, 26 févr. 2020, BitSpread c/ Paymium : JurisData no 2020-002798.
1315) Cridon Lyon 24 mars 2020, no *20016639*.
1316) V. supra, no 2828.
1317) En ce sens M. Julienne, Les cryptomonnaies : régulation et usages : RD bancaire et fin. 2018, no 6, étude 19. Notons que l’application de l’article 790 G du Code général des impôts relatif aux dons manuels exceptionnels doit être exclue pour les mêmes raisons (V. supra, no 2831).
1318) V. supra, nos 2822 et s.
1319) P.-H. Conil, Le notaire et le Bitcoin ou l’heureuse rencontre du notariat traditionnel et des nouvelles technologies : JCP N 2018, no 11, act. 302. – L. Boyer, Legs et donation de Bitcoins : pour le notaire, conseiller et innover : Bull. Cridon Paris 15 avr. 2018, no spécial, p. 10. – R. Vabres, La donation de cryptomonnaies : JCP N 2019, no 47, 1313.
1320) Cass. 1re civ., 16 juill. 1997, no 95-13.316 : Bull. civ. 1997, I, no 252 ; D. 1997, p. 370, obs. M. Grimaldi.
1321) JCP N 2019, no 47, préc., 146.


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