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2021 – Rapport du 117e congrès – Commission 2 – Chapitre II – La digitalisation de la publicité foncière en France

PARTIE II – Le patrimoine immobilier
Titre 2 – La digitalisation des transactions immobilières
Sous-titre 1 – Les transactions immobilières traditionnelles digitalisées

Chapitre II – La digitalisation de la publicité foncière en France

2549 La publicité foncière digitalisée sera abordée avec une approche globale intégrant le service de la publicité foncière lui-même, mais également ses principaux acteurs comme les notaires ou le cadastre. Après une présentation de la digitalisation du système foncier français (Section I), l’architecture actuelle de la publicité foncière digitalisée sera analysée (Section II) avant de conclure, dans une démarche prospective, sur l’intérêt de la blockchain en guise de fichier immobilier (Section III).

Section I – La présentation de la publicité foncière digitalisée

2550 Bien que le modèle de la publicité foncière en France n’ait pas fondamentalement changé depuis les années 1950, tel qu’il sera présenté en première partie (Sous-section I), l’informatisation de la publicité foncière (Sous-section II) et du cadastre (Sous-section III) dans les années 1980 ont permis l’établissement d’un système de publicité foncière entièrement informatisé au début des années 2000 (Sous-section IV).
Logiquement ce mouvement a été suivi d’une dématérialisation progressive des flux d’échange avec son principal utilisateur, le notaire, via l’application Télé@ctes (Sous-section V). L’aboutissement de cette dématérialisation des échanges avec les notaires est la création d’une application d’accès direct au fichier par les notaires, dit « ANF » (Sous-section VI). Enfin, le système particulier du Livre foncier d’Alsace-Moselle, qui est également digitalisé, mérite d’être analysé et comparé au système de droit commun (Sous-section VII).
Sous-section I – Le modèle de la publicité foncière en France
2551 – L’architecture de la publicité foncière contemporaine. – Le système de publicité foncière français, hors départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle892, est très largement issu des décrets des 4 janvier et 14 octobre 1955893 (les « décrets de 1955 »), qui ont posé les bases du fonctionnement actuel du système foncier894. Ces décrets n’ont pas été substantiellement modifiés depuis leur adoption et n’ont pas été codifiés.
La publicité foncière, dans le sens de la gestion d’un registre public des inscriptions et publications immobilières, ne peut se concevoir sans les données auxquelles elle se rattache et les acteurs qui l’alimentent, à savoir :

une identification foncière fiable, par l’intermédiaire d’un cadastre qui donne une référence propre à chaque parcelle sur une section et des plans via des données accessibles au public. Les décrets de 1955 emploient l’expression « mutation cadastrale » pour désigner les formalités à inscrire relativement aux immeubles, et édictent un principe de concordance entre le fichier immobilier et le cadastre895 ;

des transactions publiées au travers d’actes sécurisés par le recours à l’acte authentique obligatoire896 pour la quasi-totalité des actes soumis à publication, lesquels actes sont reçus principalement par des notaires.

Ce triptyque cadastre, actes authentiques et publicité foncière assure la fiabilité globale du système et sa robustesse notable par rapport à d’autres pays897.
Ainsi les développements qui suivent porteront de manière générale sur le système de publicité foncière, englobant à la fois les services de la publicité foncière898 et le cadastre, tous deux administrés par la Direction générale des finances publiques (DGFiP), et les actes authentiques. Le Livre foncier des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, qui bénéficie d’un régime particulier, fera l’objet de développements spécifiques.
2552 – Les principes régissant la publicité foncière. – Le système de publicité foncière, qui a maintenant presque soixante-cinq ans d’existence, met notamment en œuvre les principes suivants :

la publicité est obligatoire pour certains actes ou formalités899 aux fins d’opposabilité900 ou d’information901, sans être créatrice de droit. Le droit préexiste à sa publication. À titre d’exemple, la vente d’un immeuble produit tous ses effets dès la signature de l’acte authentique par les parties, sans attendre sa publication. Ce système traduit le principe du consensualisme qui régit les conventions en droit français ;

la publicité est facultative pour d’autres actes ou formalités aux fins de simple information des tiers ou d’opposabilité aux tiers pour certains droits902, sans création de droit903 ;

le principe dit « d’effet relatif de la publicité foncière », qui consiste à interdire toute publication sur un immeuble tant que le titre du disposant n’a pas été publié904. Ainsi un créancier ne peut pas inscrire une hypothèque sur un immeuble du chef du vendeur dès lors que la vente a été publiée, et que le vendeur/débiteur ne justifie plus d’un titre publié à cette date. Le fichier immobilier forme ainsi une sorte de chaîne de propriété qu’un précédent auteur ne pourra pas dégrader.

2553 – Présentation des missions du service de la publicité foncière. – Les services de la publicité foncière905 qui tiennent les fichiers de la publicité foncière et veillent au respect des principes susvisés exercent principalement deux missions :

une mission civile d’enregistrement des documents déposés au registre de dépôt906, d’analyse des actes et de leur publication au fichier immobilier pour délivrer tous les renseignements sur la situation juridique des immeubles à toute personne en faisant la demande907. L’accès n’est toutefois pas direct en ligne comme d’autres bases de données publiques telles que le cadastre, et les demandes doivent être exercées individuellement sous forme de réquisition au format papier ou numérique pour les notaires908 ;

une mission fiscale de collecte des impôts exigibles au titre des actes et droits publiés, versés à guichet unique au service de la publicité foncière (formalité fusionnée de publicité et d’enregistrement)909.

2554 – Présentation du nouveau cadastre. – Le cadastre est l’ensemble des documents qui recensent et évaluent les propriétés foncières de chaque commune en vue d’établir les impôts fonciers. Le cadastre actuel, ou nouveau cadastre, est l’héritier du premier cadastre napoléonien910, ou ancien cadastre, rénové et révisé au titre de plusieurs lois successives et par un décret de 1955, contemporain de la création de la publicité foncière moderne911.
Malgré son orientation fiscale, le cadastre constitue le socle de la propriété foncière et de la publicité foncière, et sa fiabilité est essentielle au bon fonctionnement de cette dernière. Le cadastre n’a pas de valeur juridique quant à la propriété ou à la délimitation d’un bien.
La documentation cadastrale est établie par la DGFiP au sein de laquelle exercent des géomètres-cadastreurs, et comprend le plan cadastral et la matrice cadastrale, ce dernier document ayant une vocation purement fiscale en indexant un relevé des propriétés d’une même personne dans le ressort de la commune.
2555 – Le fonctionnement papier de la publicité foncière avant sa digitalisation. – Jusqu’à la fin des années 1990, l’ensemble des activités de la publicité foncière reposait principalement sur du papier, que ce soit les plans et fiches du cadastre, les fichiers hypothécaires par personne, parcelle ou immeuble, les demandes et réponses à demande d’état hypothécaire, copie de document, mais également l’envoi des actes à la publication. Cette architecture et ce fonctionnement papier n’empêchaient pas les administrations et notaires de commencer à utiliser des systèmes d’information et progiciels pour exercer leurs activités, mais le support d’échange et de conservation des informations était principalement, et souvent obligatoirement, sur papier.
Compte tenu du nombre massif d’informations à indexer et du flux des demandes à traiter, les bureaux des hypothèques fonctionnaient avec des systèmes d’archivage physiques à la pointe, tels que des bacs rotatifs automatisés ou du microfilm. L’intervention humaine était à chaque fois indispensable pour traiter individuellement chaque demande, déposer les demandes d’information ou d’inscription, adresser les réponses, traiter l’échange d’informations entre cadastre et conservation des hypothèques, etc. À cette époque, toutes les tâches n’étaient pas accessibles via un poste de travail unique, chaque tâche nécessitant des acteurs dédiés et un déplacement de personnes pour consultation, désarchivage, envoi de copies, courriers, etc.
Cet âge industriel de la donnée indexée et classifiée, mais dans une version papier, a connu ses limites à mesure que le flux des informations s’est intensifié912 et que l’intervention humaine pour toutes les tâches de manière itérative empêchait toute scalabilité.
L’adoption massive des systèmes d’information et l’essor de l’internet ont conduit les pouvoirs publics à initier dès le milieu des années 1980 un programme de numérisation du cadastre et des données hypothécaires. Ce programme progressif s’est intensifié pendant les années 1990 jusqu’à devenir obligatoire à l’orée de l’an 2000.
Sous-section II – L’informatisation de la publicité foncière
2556 – Les enjeux de l’informatisation de la publicité foncière. – L’un des principaux objectifs de la digitalisation de la publicité foncière a été l’augmentation de la productivité afin d’assumer l’intensification croissante du flux des demandes913 (inscriptions, réquisitions, etc.).
Cet objectif a été assumé dès le milieu des années 1980 en permettant, d’une part, la mutation progressive d’un registre papier vers un registre informatique avec le même niveau de fiabilité que le papier sur le plan technique avec la création du Fidji914 et en développant, d’autre part, des logiciels permettant la gestion du flux des actions courantes des agents sur un poste de travail, tel le logiciel « Madére 1 » (Module accéléré de délivrance des renseignements) déployé à partir de 1991. Les opérations comptables ont également été automatisées au début des années 1980 avec le système « Médoc » (Mécanisation des opérations comptables).
Malgré la possibilité d’informatiser les registres et d’utiliser des logiciels métiers, le numérique n’avait pas valeur probante et n’était qu’un miroir d’un registre tenu sur papier avec des fiches toujours plus nombreuses. En effet, malgré l’informatisation, le registre du dépôt institué par l’article 2200 du Code civil était servi manuellement sur un support « papier » avec un cadre préétabli et, après avoir été coté et paraphé par le juge d’instance, devait être arrêté chaque jour par le conservateur915. Il aura fallu attendre la fin des années 1990 pour qu’une loi de 1998916 reconnaisse à la donnée numérique une valeur équivalente au registre papier.
Il fallait ainsi admettre que les solutions logicielles de la publicité foncière (« Médoc » et « Madére ») présentaient tous les caractères de fiabilité, notamment quant aux obligations imposées par l’article 2200 modifié, en ce qui concerne l’identification du registre, sa date et la chronologie de la pagination.
2557 – La mise en œuvre du Fichier informatisé des données juridiques immobilières (Fidji). – Le système Fidji créé en 1984 a véritablement pris son essor en 1998 grâce à l’adoption de la loi du 6 avril 1998917 et ses décrets d’application918.
La mise en œuvre du Fidji a consisté, d’une part, à numériser le stock de fiches existantes depuis 1956 au sein d’une base dénommée « Fidji Stock » et, d’autre part, à informatiser entièrement la procédure d’inscription des nouvelles formalités dans une nouvelle base dénommée « Fidji Flux » sans recourir à des fiches papier, avec différents champs de personnes, immeubles et formalités. La mise en œuvre de ce basculement vers le numérique s’est étalée sur cinq ans (1998-2003)919, et a été favorisée par la normalisation progressive de certains contrats comme les ventes.
Les fonctions du nouveau traitement informatisé ont été détaillées dans un arrêté du 28 décembre 2001920 redéfinissant le fonctionnement du fichier. L’outil logiciel a ainsi permis aux agents du service de la publicité foncière d’administrer l’ensemble des tâches à partir d’un poste de travail unique. Cela n’excluait pas un travail manuel de désarchivage/copie et d’alimentation des fiches sous l’ancien format dans l’attente de la numérisation complète des fiches antérieures à cette époque.
À partir de la numérisation complète des fiches en Fidji Stock et du déploiement des logiciels, les services de la publicité foncière ont basculé entièrement sous Fidji pour la gestion des formalités et le traitement des réquisitions, selon un processus entièrement accessible au poste de travail constituant le Fidji-flux. En 2003, l’administration a définitivement acté la fin des fiches papier, qui avait été programmée dès 1998921.
2558 – Le service de la publicité foncière informatisé et l’exécution des formalités. – Le déploiement progressif de Fidji s’est accompagné de la digitalisation complète des registres de la publicité foncière antérieurement au format papier, à savoir notamment le registre des dépôts et le fichier immobilier.
L’exécution des formalités s’en est trouvée simplifiée, mais n’a pas été bouleversée dans son organisation qui mérite d’être rappelée succinctement : quel que soit le support de la demande de publication (Télé@ctes ou papier), la demande est formulée dans un formalisme et selon un contenu devant respecter les décrets de 1955. Le service de la publicité foncière exerce en la matière un contrôle préalable à la publication, mais uniquement sur les points visés par les textes légaux et réglementaires922, sans aucun contrôle du fond.
Sous-section III – L’informatisation du cadastre
2559 – L’informatisation du cadastre indissociable de la publicité foncière. – La numérisation du cadastre est contemporaine de celle du service de la publicité foncière, dont les avancées logicielles et réglementaires sont concomitantes, voire indissociables923. Bien qu’ayant débuté dès la fin des années 1960, il a fallu attendre le début des années 1990 pour que des initiatives locales de numérisation du plan cadastral soient véritablement initiées par les collectivités au moyen du système Majic (mise à jour des données cadastrales).
S’agissant de la matrice cadastrale, la gestion des données a été informatisée à partir du 1er janvier 1994 pour toutes les communes de France924 comprenant les données littérales.
S’agissant du plan cadastral, c’est en 1993 qu’un accord national a été signé par la Direction générale des impôts et les acteurs publics, géomètres et concessionnaires925 afin de permettre des conventions de numérisation avec une aide financière de l’État pour la mise en place d’un plan cadastral informatisé (PCI)926.
Cette numérisation dépassait le simple scan des plans et a consisté à informatiser les données au moyen de normes et nomenclatures informatiques dans un format d’échange de données recommandé (PCI-Vecteur employant la norme Edigeo)927, dit « cadastre vectorisé »928. Toutefois, ces accords impliquaient que les collectivités prennent l’initiative et supportent en grande partie la charge de numérisation du cadastre, ce qui nécessitait du personnel, des outils et un investissement, excluant ainsi certaines petites communes.
Aussi, en parallèle de ces initiatives conventionnelles, la Direction générale des impôts lança en 2002 un travail de scannage des plans non couverts par un protocole de cadastre numérisé. Toutefois, cette méthode de simple scan désigné « PCI-Image », par opposition au « PCI-Vecteur » susvisé, ne permet pas une véritable utilisation informatique des données. La numérisation du cadastre aux deux formats vectoriels et simple image s’est achevée en 2006. Aujourd’hui encore, certaines petites communes n’ont toujours pas de cadastre vectorisé929.
En parallèle, a été mis en place dès 2003 par la Direction générale des impôts un serveur traitant des opérations nominatives et réservé aux seuls notaires, géomètres-experts et géomètres-topographes930, dénommé « serveur professionnel de données cadastrales (SPDC) ». Ce serveur permet des recherches par personne et contient des données personnelles (noms, adresses, date de naissance, etc.) non accessibles sur le fichier public.
L’aboutissement de la numérisation du cadastre a été l’ouverture en 2008 du fichier numérisé au public par l’intermédiaire d’internet sur le site cadastre.gouv.fr931.
2560
Sous-section IV – Synthèse des formalités d’inscription dans le fichier informatisé
2561 Le circuit d’une demande de publicité foncière peut être résumé comme suit :
2562 – Dépôt à la formalité. – Les sommes et documents déposés sont inscrits sur des registres internes au service de la publicité foncière, comptables et d’arrivée (non obligatoire) et sont examinés par le service du dépouillement.
2563 – Inscription dans le registre des dépôts ou refus. – Après analyse de la régularité formelle de la demande de dépôt, le service de la publicité foncière peut soit inscrire la formalité sur le registre des dépôts informatisé932, soit, si cela est justifié, prendre une décision de refus933 notifiée au déposant sur format papier dans le délai maximum de quinze jours934 à compter de la remise des documents. Le refus est une forme de rejet définitif de la tentative de dépôt qui ne donne lieu à aucune mention au registre des dépôts ni a fortiori au fichier immobilier. Le refus est consigné dans un registre interne spécial, le registre de surveillance des refus. L’acte n’est pas considéré comme enregistré et le déposant doit donc refaire toute la procédure. Sont notamment des causes de refus le défaut d’avance des droits, taxes et contributions, l’absence de déclaration estimative, ou encore l’absence d’une des mentions obligatoires tel l’effet relatif.
2564 – Inscription au fichier immobilier. – Le fichier immobilier est annoté par le service de la publicité foncière en indiquant notamment la date du dépôt, la nature de l’acte et ses références, ainsi que le volume et le numéro de l’inscription. Si le service constate des irrégularités, il sursoit à son inscription en annotant le registre de dépôts mais également le fichier immobilier de la date et du numéro de classement du document déposé avec la mention « formalité en attente », et notifie un rejet. La notification du rejet935 doit intervenir dans le délai maximum d’un mois à compter du dépôt936, mais la jurisprudence ne sanctionne pas le retard de notification du rejet qui reste valide937 et qui n’est pas rare en pratique938.
2565 – Inscription de formalité corrigée. – La mise en attente n’emportera aucune conséquence pratique ultérieure si une régularisation intervient dans le délai légal d’un mois sans possibilité de prorogation gracieuse939. Dans ce cas, le service de la publicité foncière annote le registre des dépôts d’une nouvelle mention de « reprise pour ordre » valant rétroactivement inscription de la formalité à la date de la formalité provisoire940. À défaut de régularisation dans le délai d’un mois, le rejet est définitif et fait l’objet d’une décision de rejet définitif notifiée dans les huit jours à compter de l’expiration dudit délai. Le rejet définitif est mentionné sur le registre des dépôts et le fichier immobilier. Dans tous les cas, l’enregistrement entraîne la perception définitive de la totalité des droits et taxes exigibles941 au titre de l’enregistrement.
2566 Les causes de rejet942 sont plus nombreuses que celles de refus et ont également un caractère limitatif. Bien que les décrets de 1955 n’aient pas fixé de critère de répartition, on considère que le rejet sanctionne des fautes ou des irrégularités moins graves que celles motivant un refus de dépôt, et qui sont généralement décelées après un examen un peu plus approfondi des documents produits943. Le rapport Aynès944 se prononce en faveur d’une unification des règles de refus et de rejet, l’informatisation du dépôt devant conduire, selon le rapport, à la suppression des causes actuelles de refus.
Sous-section V – La dématérialisation des flux de la publicité foncière avec Télé@ctes
2567 – Le projet de télétransmission des formalités. – La mise en place du Fidji ne traitait que du fonctionnement interne aux services de la publicité foncière, dans une approche back-office. Ainsi, les relations avec les services de la publicité foncière digitalisés via le Fidji reposaient sur des interactions (réception/envoi) au format papier, que ce soit les réquisitions ou les publications.
Le parachèvement de la digitalisation des services de la publicité foncière et du cadastre aurait été incomplet sans digitaliser également les flux d’échanges avec les requérants et déposants, mais également les paiements y afférents.
La « télétransmission », évoquée dès septembre 2000945, promettait d’accroître considérablement la productivité des agents des services :

en évitant la ressaisie des informations par les agents ;

en réduisant la gestion/classification de flux papier par les agents ;

et en limitant le travail de vérification aux contrôles de cohérence avec les informations déjà connues de la base informatique, par exemple pour le contrôle de l’effet relatif, c’est-à-dire des références des actes d’origine de propriété, de l’état civil des parties, de la désignation des immeubles.

L’enjeu de la télétransmission impliquait également d’administrer en parallèle les paiements associés aux formalités et réquisitions.
2568 – Le projet Télé@ctes construit avec les notaires. – C’est naturellement avec les notaires, rédacteurs des actes authentiques et grands consommateurs des états hypothécaires, représentant 90 % de l’activité des services946, que la digitalisation des flux a été pensée, en partenariat avec la Direction générale des impôts mais également la Caisse des dépôts et consignations qui était devenue en 2000 l’établissement bancaire unique des notaires pour gérer la partie paiement.
L’application Télé@ctes dans son architecture actuelle est évoquée pour la première fois en 2002 et, après plusieurs années de développement et d’essais, sera officiellement consacrée par un arrêté du 22 mai 2006947 pour une mise en œuvre à partir de mars 2007.
Outre les obstacles techniques et réglementaires susvisés948, l’échange de fichiers et de données personnelles entre personnes morales de droit public et personnes morales de droit privé a nécessité également une validation par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), veillant au respect des termes de la loi informatique et libertés949.
2569 – L’architecture de Télé@ctes avec la plateforme Planète et le système CDC-Net-EDI. – La dématérialisation complète du flux entre les notaires, les services de la publicité foncière, mais également les services de paiement assumés par la Caisse des dépôts et consignations et la Banque de France, impliquait : 1) un langage informatique commun standardisé opérable par les logiciels de chaque acteur ; 2) un environnement d’échange sécurisé et fiable et 3) une infrastructure de paiements/virements associée aux flux et respectant les règles de la comptabilité publique qui impose un rapprochement quotidien. Télé@ctes950 a répondu ces objectifs de la manière suivante :
2570 L’échange entre les actes/réquisitions des notaires et le service de la publicité foncière et leurs logiciels propres a été rendu possible par la standardisation des formulaires et actes et l’emploi de la norme XML (Extensible Markup Language)951 encouragée dès 2002 pour toutes les administrations françaises952.
2571 La sécurisation des échanges au moyen d’une plateforme sécurisée administrée par le Conseil supérieur du notariat, via la société Real.Not, filiale de l’Association pour le développement du service notarial (ADSN) en charge du réseau et des applications centrales de la profession des notaires de France. Cette plateforme, dénommée « Planète »953 et accessible aux partenaires du projet, repose sur le réseau « Real » intranet de la profession notariale sécurisé et authentifié par une carte Real (devenue clé Real), et permet de garantir notamment que les flux sont bien signés par la bonne personne et bien adressés dans leur intégrité. Les logiciels des acteurs de la procédure sont obligatoirement labellisés.
2572 La mise en place d’un système de virement rattaché au flux de formalités prouvé par un avis d’opéré. Ce procédé a été rendu possible par la mise en place d’un système de virement électronique entre les notaires et la Caisse des dépôts et consignations, dénommé CDC-Net-EDI (Échange de données informatisées). En pratique, les logiciels combinent dans un même flux les formalités à publier et la preuve du paiement via la Caisse des dépôts, assurant à la fois le rapprochement de la somme et le paiement concomitant à la formalité.
Le Conseil supérieur du notariat et la Direction générale des finances publiques ont par ailleurs organisé et réglé conventionnellement certains effets juridiques particuliers liés aux échanges Télé@ctes aux termes d’une convention en date du 2 mai 2006, actualisée depuis954.
Schéma Télé@ctes représentant Deux circuits d'échanges
Source : Direction générale des finances publiques (2017)
2573 – La digitalisation du back-office notarial. – La mise en œuvre de Télé@ctes a également nécessité la digitalisation du back-office et du front-office des notaires955, au même titre que la démarche Fidji pour les services de la publicité foncière.
Concernant le back-office, l’informatisation des notaires a débuté à la fin des années 1960956, poursuivant la transition de la rédaction manuscrite vers la machine à écrire957 entamée au début du XXe siècle. La rédaction des actes et formalités a été assistée par ordinateur avant que l’ordinateur devienne le support même de la rédaction vers la fin des années 1980958. Cet usage s’est intensifié au fur et à mesure de l’amélioration des outils et de l’essor de l’internet et de la capacité pour les offices d’interagir avec certains services grâce au réseau intranet Real déployé par l’ADSN.
Les logiciels des notaires couvrent principalement la rédaction d’actes et formalités internes/externes, qui est en quelque sorte la partie « littéraire », et la comptabilité qui est la partie « chiffres » qui représente un flux important dans la mesure où les notaires traitent de la fiscalité et généralement des flux associés à la vente.
En ce qui concerne la rédaction des actes, elle a été en partie standardisée dès 1998959 pour permettre la mise en œuvre du Fidji, avec la création de la partie normalisée pour les actes de vente, et la structure informatique des actes a été adaptée en langage XML pour permettre la mise en œuvre de Télé@ctes. L’aboutissement de cette évolution est l’acte authentique électronique960.
En ce qui concerne la partie comptabilité, les principales évolutions ont concerné l’interopérabilité et la communication avec le logiciel de rédaction, et la connexion au réseau CDC-Net-EDI. Les notaires bénéficient également d’un service de banque en ligne (BEL) : portail web sécurisé des services bancaires de la Caisse des dépôts et consignations où l’utilisateur habilité s’identifie avec sa clé Real. L’irrévocabilité et la sécurité des opérations sont garanties.
2574 – La digitalisation du front-office notarial. – Concernant le front-office et l’interaction numérique avec les tiers, les notaires ont publié le site internet des notaires de France en 1997, et déployé via l’ADSN un réseau intranet sécurisé Real961 de 1999 à 2004. Au sein du réseau Real, les notaires ont pu ainsi évoluer de manière sécurisée et authentifiée grâce à la carte Real (devenue depuis clé Real). Ce système a progressivement ouvert le notariat aux e-mails et à des services en ligne (internes/externes) avec les administrations. Enfin, en 2004 le notariat a déployé la plateforme « Planète » interagissant avec la Caisse des dépôts et consignations et la Direction générale des impôts et qui a permis la mise en œuvre de Télé@ctes et CDC-NET-EDI, aboutissement d’une proposition de 1995962.
L’entrée des offices dans la procédure Télé@ctes a été sécurisée par une homologation (conformité technique) et une labellisation (conformité d’usage) des offices par l’ADSN.
La dématérialisation des flux d’échanges des actes et formalités via Télé@ctes a été adoptée progressivement à partir de 2006963, d’abord sur les réquisitions d’états hypothécaires, puis sur des actes simples comme la vente « simple », avant de s’ouvrir à des actes de plus en plus complexes.
2575 – État du déploiement de Télé@ctes et perspectives. – Le recours à Télé@ctes possible à partir de 2006 pour les réquisitions et les ventes simples à partir de mars 2007 a été peu à peu ouvert à d’autres actes plus complexes pouvant contenir plusieurs dispositions à publier964. Malgré une très forte incitation du Conseil supérieur du notariat et des pouvoirs publics, le procédé Télé@ctes est demeuré facultatif pour les notaires pendant une dizaine d’années avant d’être rendu obligatoire le 1er janvier 2018 sous peine de refus965.
En décembre 2017, le taux de Télé@ctes était déjà à 78,8 %966. En 2019, 85,8 % des formalités toutes causes et provenances confondues ont été faites en Télé@actes967.
Le notariat s’est engagé envers les pouvoirs publics à atteindre un taux de 96 % de dématérialisation des échanges d’ici la fin 2020, puis un taux de 99 % à la fin 2023968.
2576 Les derniers actes à rendre « télé@ctables » sont les plus complexes et les moins standardisés, comme les donations qui demeurent une part chronophage du traitement des formalités par les services de la publicité foncière. Cela implique un travail des notaires pour la standardisation minimale des actes, qui sont aujourd’hui en rédaction libre, mais également des directions des services d’information (DSI) pour le développement d’un langage opérable entre notaires et services de la publicité foncière afin de structurer le flux des données des donations. L’année 2021 sera déterminante à ce sujet.
La dématérialisation des demandes d’état hypothécaire n’est pas obligatoire, ce qui s’explique certainement par la coexistence avec d’autres requérants qui continuent à devoir procéder par demande papier en dehors de Télé@ctes.
2577 – Le volume et l’enjeu de la réduction des flux de la publicité foncière. – La digitalisation de la publicité foncière n’a pas conduit à modifier la répartition et la responsabilité des tâches, avec :

d’une part, des requérants (principalement les notaires), qui demandent : 1) à inscrire ou radier des formalités ; 2) l’état des inscriptions au fichier immobilier au moyen de demandes de renseignements hypothécaires ou encore 3) la copie d’un document ou acte publié ;

et d’autre part, l’administration (DGFiP) qui traite via les services de la publicité foncière les demandes d’inscription, qu’elle peut rejeter ou refuser969 en cas d’erreur ou d’insuffisance, et délivre les renseignements ou copies, en s’appuyant également sur les services du cadastre dont le fichier immobilier est indissociable970.

En résumé, des demandes sont formulées par des agents économiques, et l’administration fiscale inscrit et traite les demandes relatives au fichier public qu’elle administre.
2578 Après avoir achevé leur digitalisation, à tâches et responsabilités constantes971, les services de la publicité foncière ne pouvaient être plus optimisés sans envisager de réduire leur périmètre d’intervention.
Du point de vue de l’administration, le flux à traiter se répartit de la manière suivante972 :

les inscriptions/radiations de formalités de toutes natures représentent 35 % du flux annuel à traiter (4 338 827 formalités en 2019) ;

les demandes de renseignements hypothécaires représentent 59 % du flux annuel à traiter (7 163 183 demandes en 2019) ;

les demandes de copies représentent 6 % du flux annuel à traiter (722 786 demandes en 2019) ;

dont presque 86 % via Télé@ctes (10 485 458 formalités ou demandes).
Ainsi, presque 70 % du flux consiste pour les services de la publicité foncière à traiter une demande de renseignement ou la copie d’un document extrait du fichier immobilier entièrement informatisé, ce qui représenterait 10 à 15 % de leur temps de travail973. C’est donc naturellement ce flux qui a fait l’objet des dernières avancées en partenariat avec les notaires ; il s’agit du projet d’accès direct des notaires au fichier (ANF).
Sous-section VI – L’accès direct à la publicité foncière (dispositif ANF)
2579 – La consultation directe du fichier immobilier par les notaires via l’ANF. – Le projet ANF a été mis en chantier par le Conseil supérieur du notariat et la DGFiP aux termes d’une convention-cadre du 6 juin 2016, puis expérimenté en 2017 aux termes d’un arrêté974. Cet arrêté prévoit la mise en œuvre, dans les services de la DGFiP, d’un traitement automatisé dit « ANF », indépendant du fichier immobilier.
Après plus d’un an d’expérimentation, un décret du 26 décembre 2018975 a définitivement consacré la possibilité pour les notaires d’obtenir directement des renseignements hypothécaires et copies dématérialisés au moyen d’une application informatique dédiée mise en place par la DGFiP. Un arrêté du 12 novembre 2019976 précise que la restitution aux notaires est immédiate et que le déploiement sera départemental et progressif.
2580 – Le concept ANF, une base miroir. – L’application mise en place par la DGFiP est un portail miroir unique et distinct des fichiers immobiliers, qui restitue l’ensemble des bases Fidji (flux et stock) administrées par les services de la publicité foncière locaux977. Le portail est mis à jour quotidiennement par rapport à la journée d’enregistrement clôturée la veille par les services de la publicité foncière.
Comptablement, c’est directement la DGFiP qui administre les demandes dans les mêmes conditions tarifaires, sur un compte centralisé détenu par la direction des créances spéciales du Trésor, rattachée à la DGFiP. Pour mémoire, les règles de la comptabilité publique imposent un paiement concomitant au traitement de la demande.
2581 – Le transfert de charge et de responsabilité vers les notaires par l’ANF. – Le fonctionnement de l’ANF directement entre les notaires et la DGFiP va corrélativement décharger les services de la publicité foncière d’un flux important lié aux demandes de renseignements et copies qui représente 60 % du flux total978. Le transfert de charge ne s’opère pas en direction de la DGFiP qui ne fait qu’héberger et mettre à jour la base ANF, mais sur les notaires eux-mêmes qui confectionnent leur propre demande de renseignements et état-réponse, en naviguant si besoin dans les fiches antérieures à l’informatisation du fichier (ANF-Stock). Ce transfert de charge a également consisté à faire supporter principalement l’investissement financier sur le Conseil supérieur du notariat. Corrélativement, les notaires ont obtenu l’assurance d’une exclusivité d’usage du fichier pour vingt ans aux termes de la convention d’objectifs du 8 octobre 2020979.
Ce transfert de charge s’accompagne corrélativement d’un transfert de responsabilité, les données extraites par le notaire via ANF « ne donnent pas lieu à certification »980. Ainsi les notaires établissent leur propre réponse à demande de renseignement via ANF, ce qui inclut un travail de recherche et d’interprétation des fiches ANF-Stock, travail que le service de la publicité foncière assumait auparavant. Ce transfert des risques n’est pas sans poser des questions pratiques et assurantielles pour les notaires981.
2582 – État de déploiement de l’ANF et perspectives à court terme. – L’utilisation de la plateforme ANF est pour le moment optionnelle pour les notaires qui continuent de fonctionner via leur progiciel en double commande, ANF via la DGFiP et Télé@ctes standard via les services de la publicité foncière982.
La volonté conjointe du Conseil supérieur du notariat et de la DGFiP est de contraindre progressivement à l’abandon des demandes Télé@actes, et donc de soulager définitivement les services de la publicité foncière du traitement des demandes de renseignement et copies par les notaires. Pour assumer cet objectif, côté notaires, il était prévu un temps d’apprentissage en double commande de deux mois, puis un passage à la réponse ANF uniquement. Ce traitement obligatoire vers l’ANF devait être technique via les progiciels des notaires en accord avec les instances professionnelles.
Côté DGFiP, il était prévu qu’après concertation avec le Conseil supérieur du notariat, treize départements soient intégrés dans le dispositif en 2018, puis quarante-cinq départements supplémentaires en 2019 et les trente-neuf derniers en 2020983. Toutefois, cette ambition louable était sans doute un peu précoce compte tenu des défis à relever. D’une part, il faut que la réponse ANF soit aussi qualitative qu’une réponse délivrée par le service de la publicité foncière, ce qui implique une indexation parfaite des fiches ANF-Stock, et une réponse aux trois facteurs (personne/immeuble et immeuble + personne) ; d’autre part, il faut que le système de paiement soit compatible avec la comptabilité publique et rapproché quotidiennement.
Sous-section VII – L’exception du Livre foncier d’Alsace-Moselle
2583 – Le Livre foncier d’Alsace-Moselle. – Compte tenu de leur héritage germanique, la publicité foncière dans les départements de la Moselle, du Bas-Rhin et du Haut-Rhin se caractérise par l’existence d’un Livre foncier, tenu sous l’autorité d’un juge du Livre foncier qui dépend ainsi du ministère de la Justice et non pas de la DGFiP.
Le Livre foncier est régi par un dispositif particulier, principalement une loi du 1er juin 1924984, et sauf exception, les dispositions des décrets de 1955985 ne lui sont pas applicables. Bien qu’effectuée sous le contrôle d’un juge judiciaire, l’inscription au Livre foncier produit des effets très proches de la publicité auprès des services de la publicité foncière, notamment parce qu’elle est requise aux fins d’opposabilité986 des droits réels sur les immeubles ou aux fins d’information des tiers.
Il existe un bureau foncier par tribunal judiciaire et un Livre foncier par commune qui forme une circonscription foncière.
Les conditions de la publicité sont principalement les mêmes que celles prévues par les décrets de 1955, à savoir :

l’exigence de la forme authentique de l’acte (L. 1er juin 1924, art. 42, al. 1er) ;

la règle de l’effet relatif de la publicité987.

2584 L’architecture du Livre foncier est assez proche du fichier immobilier des services de la publicité foncière :

cadastre séparé administré par les services de l’État (DGFiP comme pour le reste de la France) ;

requête en inscription auprès du juge du Livre foncier (idem SPF) d’actes dressés en la forme authentique, principalement par les notaires988 ;

inscription au registre des dépôts qui donne le rang à l’inscription (idem SPF) ;

contrôle par le juge foncier qui rend une ordonnance d’inscription (équivalent inscription SPF), une ordonnance intermédiaire (équivalent d’un rejet à régulariser), et une ordonnance de rejet (équivalent à un refus pur et simple de la requête) ;

le contrôle exercé par le juge est plus étendu que celui offert aux services de la publicité foncière. Le juge peut notamment soulever des cas de nullité absolue des actes juridiques989 ;

publication aux fins d’opposabilité ou information ;

l’effet attaché à l’inscription au Livre foncier des droits inscrits à peine d’inopposabilité est toutefois plus puissant que celle au service de la publicité foncière, puisque le contrôle du juge confère à la formalité une présomption d’existence du droit (L. 1er juin 1924, art. 41 et 38). Cette présomption renverse la charge de la preuve, ce qui dispense le titulaire du droit inscrit d’avoir à prouver son droit. Étant rappelé qu’à l’inverse, la publication au service de la publicité foncière n’a aucune force probante sur l’existence des droits immobiliers inscrits et la charge de la preuve en cas de litige sur un droit990.

2585 – Le Livre foncier informatisé Amalfi : un fichier public mais asynchrone. – Le Livre foncier est, depuis le 1er juillet 2008, accessible au moyen d’un système informatique dénommé « Amalfi » (Alsace-Moselle application pour le Livre foncier Informatisé). Le fonctionnement technique d’Amalfi a été confié à un établissement public distinct dénommé « Epelfi »991.
Ce système assure la dématérialisation totale de la procédure d’inscription, de la numérisation de la requête à la signature électronique de l’inscription par le juge du Livre foncier. Il est construit dans une architecture à la fois plus ouverte que l’ANF, dans la mesure où l’accès est ouvert à d’autres professionnels que les notaires992, mais en même temps plus fermé dans la mesure où il faut justifier d’un titre pour avoir un accès aux annexes (Livre foncier complet) et copies des actes.
En ce qui concerne les inscriptions, le système se rapproche de Télé@ctes et Fidji pour la gestion des formalités.
2586 S’agissant de l’accès aux informations et annexes et copies des actes publiés au Livre foncier, l’informatisation est assez proche de l’ANF dans un modèle ouvert à d’autres professionnels, mais également ouvert informatiquement aux particuliers dans un modèle indirect, en distinguant :

l’accès avec visualisation directe pour les notaires et professionnels (dont les avocats) et administrations admises, pour les consultations par immeuble ou personne (D. no 2009-1193, 7 oct. 2009, art. 6, al. 3) ;

l’accès avec visualisation indirecte sous forme de demande/réponse ouvert à tous pour les consultations par immeuble ;

l’accès avec visualisation indirecte sous forme de demande/réponse ouvert à toute personne justifiant d’un titre, à savoir les professionnels susvisés ou les personnes autorisées sur demande par le juge du Livre foncier ;

l’accès en navigation dans le fichier global qui permet d’effectuer des recherches en ligne et de déposer des requêtes en ligne (eRIN), ouvert aux mêmes acteurs que l’accès direct sauf les avocats ;

la consultation des annexes et copies sous forme de demande/réponse ouverte aux mêmes acteurs que l’accès direct sauf les avocats, ou aux personnes autorisées sur demande par le juge du Livre foncier.

La différence par rapport à Fidji-Stock semble être que toutes les annexes existantes antérieurement au 1er juillet 2008 n’ont pas été informatisées ; il y a donc un délai de numérisation.

Section II – L’appréciation du modèle français de publicité foncière dans un monde digital

Sous-section I – Les critères d’appréciation qualitative de la publicité foncière digitalisée au regard de ses protagonistes
2587 – La valeur de la publicité foncière digitalisée. – En s’inspirant des méthodes de démarche design (design thinking)993, la recherche du futur souhaitable de la publicité foncière pourrait avoir pour point de départ ses protagonistes et la compréhension de leurs attentes et besoins, pour parvenir à définir les éventuels problèmes subsistant et rechercher des solutions en lien avec le numérique. Par protagoniste, il faut entendre à la fois les acteurs intermédiaires, comme les notaires ou le service de la publicité foncière lui-même qui participent à la chaîne de production, mais également les usagers finaux, qui sont les parties prenantes à l’acte ou à la formalité et qui en sont les véritables bénéficiaires.
Les développements de la présente section sont voulus comme une synthèse des besoins et attentes des acteurs et usagers de la publicité foncière digitalisée dans son état actuel.
2588 – Les acteurs de la publicité foncière digitalisée. – Il a été vu dans la section précédente que la publicité foncière repose principalement sur un triptyque à deux têtes public/privé avec, d’une part, la DGFiP qui administre : 1) le cadastre numérisé, et 2) les services de la publicité foncière qui gèrent un fichier immobilier informatisé Fidji ; et, d’autre part : 3) les notaires qui reçoivent des actes reçus en la forme électronique et qu’ils soumettent à la publication auprès des services de la publicité foncière presque exclusivement de manière dématérialisée.
Ce circuit consiste principalement à ce qu’un acte soit reçu par un notaire, puis envoyé via un serveur sécurisé et l’application Télé@actes au service de la publicité foncière, qui vérifie sa validité formelle, l’inscrit dans son registre des dépôts, puis au fichier immobilier Fidji après un contrôle plus approfondi et la vérification de la concordance avec le cadastre, et retourne au notaire les informations correspondantes, avec pour effet de rendre l’acte opposable.
Dans cette architecture, chaque acteur est garant de son propre compartiment et responsable de son back-office. Ainsi les notaires sont seuls garants de l’efficacité et du contenu de leurs actes et des formalités subséquentes. L’État, via le service de la publicité foncière, est responsable de la gestion des dépôts reçus et de l’inscription au fichier immobilier, sans aucune responsabilité sur le fond des actes soumis à la publication ; pour le service du cadastre, l’État est responsable uniquement de gérer et de tenir à jour les données du plan cadastral et de la matrice cadastrale.
Sous-section II – Les améliorations pour les acteurs de la publicité foncière
2589 L’analyse critique et la recherche d’amélioration possible de la publicité foncière digitalisée pour chacun des acteurs seront menées en premier lieu pour le notaire lui-même (§ I), puis au niveau des services de la publicité foncière (§ II), et enfin au niveau de l’État et de la DGFiP (§ III).

§ I – Les améliorations possibles pour le notaire

2590 – Approche métier du notaire. – Le notaire a principalement deux besoins dans sa relation avec la publicité foncière. D’une part, il doit connaître au plus juste le contenu du fichier immobilier et le cadastre par rapport au dossier qu’il traite, afin d’adapter son conseil et ses contrats. D’autre part, dès lors qu’il reçoit un acte soumis à publicité foncière, il doit veiller à le publier au plus vite dans toutes ses dispositions pour en obtenir l’opposabilité aux tiers, et s’assurer in fine qu’aucune action intercalaire n’a privé d’effet ou amoindri sa publication.
2591 – Le notaire et la vérification du fichier immobilier. – La connaissance du fichier immobilier par le notaire repose sur les demandes de renseignement qu’il formule informatiquement via Télé@ctes, avec un délai de réponse en principe de dix jours maximum994, ou via ANF qui est en principe immédiat. Le contenu de ces renseignements peut ne pas être entièrement à jour, certains services de la publicité foncière ayant un décalage important entre le registre des dépôts et la journée de traitement des inscriptions995. Mais le notaire est bien informé de l’existence de ces dépôts en cours de publication sur l’état réponse généré. Ainsi, en termes de délai et de fiabilité, l’ANF offre une donnée la plus fraîche possible au notaire selon des modalités informatiques et comptables simples996.
2592 – Le notaire et la publication au fichier immobilier. – L’envoi de la demande de publication au fichier immobilier effectuée via Télé@ctes permet un traitement quasi instantané du côté du notaire qui en reçoit accusé de réception via la plateforme « Planète ». Il n’a toutefois pas la certitude du traitement à cette étape dans l’attente de l’inscription au registre des dépôts, sauf refus, puis de l’inscription au fichier immobilier, directement ou via une inscription intercalaire en cas de rejet, avec un retour dématérialisé au notaire. Le flux des refus/rejets est malheureusement toujours en courrier recommandé pour les refus et principalement en télécopie pour les rejets. Ces flux, qui font courir un risque important pour l’exécution de la formalité voulue par le notaire, ne bénéficient pas d’une digitalisation suffisante. Par ailleurs, le rejet peut être très tardif au regard du retard de traitement des services de la publicité foncière, parfois plusieurs mois après le dépôt. Ce qui fait courir un risque plus important d’inscription intercalaire si jamais le rejet n’est pas régularisé/régularisable.
2593 – La vérification de la publication au fichier immobilier. – Une fois l’acte publié, le notaire va vérifier que l’inscription de la formalité n’a pas été précédée d’une inscription intercalaire (autre mutation, inscription d’un créancier, etc.). Actuellement cette démarche résulte d’une demande de renseignements « sur formalité » qui accompagne le dépôt de l’acte. Dans le système Télé@ctes, la demande sur formalité s’opère sous la forme dématérialisée d’une demande complémentaire, qui contiendra tous les dépôts et formalités sous Fidji intervenus entre la date de dépôt et la date de la publication de l’acte, étant rappelé que seule la date de dépôt fait foi. Ainsi le notaire n’est informé de la situation intercalaire de la publication qu’à partir de la publication et le retour informatisé qui lui sera fait par le service de la publicité foncière, ce qui peut prendre plusieurs mois en cas de retard de dépôt.
2594 – Les améliorations du côté des notaires. – Du point de vue du notaire, l’architecture Télé@ctes/ANF lui offre une sécurité et un délai de traitement quasi instantané, qui semble raisonnable au regard de l’objectif poursuivi et de la sécurité de la procédure. Il subsiste toutefois quelques leviers d’amélioration :
2595 Sur la gestion du flux des refus/rejets, qui devrait être administrée en ligne en lien avec Télé@ctes, pour éviter les courriers et télécopies qui sont peu sécurisants et non rattachés à la procédure informatique. Cet aspect pouvant probablement être amélioré avec la suppression du refus en considération du formalisme et de la standardisation de Télé@ctes qui devraient techniquement empêcher les vices rédhibitoires997.
2596 Sur le temps de réponse entre le dépôt et les rejets, qui peut prendre plusieurs mois et qui est le résultat du retard pris par les services de la publicité foncière dans le traitement des formalités. Le décret de 1955 prévoit un délai d’un mois998 qui devrait être un maximum opérationnel. Toutefois il a été vu999 que l’adoption de l’ANF devrait permettre d’alléger fortement l’activité des services de la publicité foncière liée aux réquisitions, qui représentent plus de 60 % de leurs tâches, et de recentrer en conséquence le travail des agents sur l’actualisation du fichier immobilier. Ainsi, les délais aujourd’hui excessifs, notamment entre le dépôt et les décisions de rejet, devraient être réduits.
2597 Sur le délai de traitement des demandes de renseignements sur formalité, il semble que le notariat pourra à terme modifier ou abandonner la pratique consistant à attendre le retour de publication de l’acte en raison de l’ANF, dans la mesure où l’état sur formalité en Télé@ctes est formellement une demande complémentaire, mais également car l’ANF devrait lui permettre d’automatiser la démarche à un mois et une semaine, pour couvrir un éventuel refus, ce qui lui donnera une vision du dépôt en attente d’inscription et d’éventuels dépôts intercalaires. Le dépôt étant la seule formalité qui fait foi, les informations combinées du retour de l’acte publié par le service de la publicité foncière avec mention de publication et la preuve de dépôt sans dépôt intercalaire seraient suffisantes.

§ II – Les améliorations possibles pour le service de la publicité foncière

2598 – Approche organique de la publicité foncière. – Le service de la publicité foncière, en tant que service public, est habité par les principaux objectifs suivants1000 :

l’adaptation des outils et de la masse salariale, en tenant compte des évolutions logicielles, afin de maintenir la bonne qualité de traitement du service de la publicité foncière, dans de bonnes conditions de travail et dans des délais favorables au tissu économique ;

le parachèvement de la digitalisation des flux hors Télé@ctes, à savoir les utilisateurs hors notaires, et de manière résiduelle certains actes complexes des notaires, qui représentent environ 10 % du flux mais une part chronophage de l’activité, et qui forcent les services de la publicité foncière à maintenir un double flux/circuit chronophage ;

le traitement quotidien des formalités au plus près de la date de dépôt, certains services de la publicité foncière accusant un retard de plusieurs mois.

2599 – Les améliorations possibles du côté des services de la publicité foncière. – La décharge progressive des demandes de renseignements et copies via l’ANF, qui représentent 60 % du flux, va leur permettre de se recentrer sur l’administration pure du fichier immobilier. L’architecture Télé@ctes et les logiciels de gestion interne offrent un sas sécurisé globalement performant pour la gestion des formalités par le service de la publicité foncière.
Le bon fonctionnement des services de la publicité foncière, tant en personnel que sur le plan technique, dépasse la question de la publicité foncière et concerne plus généralement la relation de la DGFiP avec ses services au regard, notamment, de son budget, de ses recettes et des préconisations faites par la Cour des comptes1001. On observera que le notariat se présente comme un partenaire technique volontaire dans l’amélioration des outils dans lesquels il investit, au bénéfice des services de la publicité foncière également1002.
2600 La question du parachèvement de la digitalisation est tout aussi complexe. Pour ce qui concerne les actes des notaires, le notariat s’est engagé à atteindre 99 % de Télé@ctes pour la fin de l’année 20231003. Le 100 % ne sera pas loin et pourrait raisonnablement arriver avant 2025. Pour ce qui concerne les tiers au notariat, que ce soit les professionnels (huissiers, avocats, administrations, etc.), ou les particuliers, l’accès au fichier immobilier est garanti mais repose toujours sur des demandes par formulaires papier. Les choix et développements à faire à ce sujet dépendent de la DGFiP1004.
2601 – La question du délai de traitement des dépôts. – En conservant la séquence actuelle, avec consécutivement une première étape d’inscription en registre de dépôt suivi, une phase de vérification intermédiaire, et l’inscription au fichier immobilier, la performance en terme de délai repose sur les outils et la main-d’œuvre déployée par les services de la publicité foncière au regard des flux. Sur la partie technique, il semble que les logiciels de la publicité foncière permettent une meilleure automatisation de la saisie de données acheminées via « Planète »1005, et sur la partie humaine ANF devrait libérer de la main-d’œuvre.
2602 – La question de la centralisation des services de la publicité foncière. – La standardisation du service de la publicité foncière, en grande partie liée à l’informatisation et à la dématérialisation des flux, pourrait possiblement aboutir à la disparition des services locaux au profit d’un service national de la publicité foncière ou de services concentrés au niveau régional. Cette évolution est proposée par la Cour des comptes dans son rapport de 20181006, avec un horizon de temps de trois ans (2021). Un mouvement de fusion des services de la publicité foncière a déjà été initié1007, mais la démarche d’unification régionale ou nationale n’a pas encore fait l’objet d’une étude d’impact ou d’un projet rendu public. Cela imposerait toutefois de parachever le travail d’indexation des archives de chaque service de la publicité foncière dans un langage interopérable pour tous les centres de manière centralisée. Ce travail a déjà été initié pour la mise en œuvre d’ANF.
2603 – La question de la gestion du fichier immobilier centralisé. – Le mouvement de concentration des services de la publicité foncière souhaité par la Cour des comptes semble assez inéluctable, et se justifie au regard des évolutions présentées ci-avant qui convergent vers une meilleure digitalisation/standardisation du service à l’échelle nationale. Logiquement, ce ou ces services de la publicité foncière concentrée devraient être administrés par la DGFiP. Il n’est toutefois pas certain que cela soit souhaitable au regard des objectifs de maillage du territoire et de dynamisation des bassins d’emploi.
Dans le futur, l’étape ultime du partenariat DGFiP/notaires pourrait être la délégation aux notaires de la gestion du fichier immobilier1008.

§ III – Les améliorations possibles pour la DGFiP

2604 – Approche organique de la DGFiP au regard de la mission de publicité foncière – La DGFiP indique que ses missions de service public permettent « à la fois de contribuer à la solidité financière des institutions publiques et de favoriser un environnement de confiance dans la société, l’économie et les territoires »1009. Si l’on traduit cette double exigence vis-à-vis du service de la publicité foncière, la DGFiP est garante de la maîtrise du coût de la publicité foncière et doit rendre ce service collecteur d’impôts1010 le plus rentable possible, tout en déployant un service aux usagers le plus efficient possible.
La DGFiP est devenue un acteur direct de la publicité foncière en abritant la plateforme ANF présentée plus haut1011, qui est le fruit d’un investissement important du notariat, son partenaire privilégié. Cette fonction consiste toutefois à abriter la copie des données traitées par les services de la publicité foncière via une plateforme miroir, ce qui ne participe pas directement à l’administration de la publicité foncière qui demeure exercée localement par les trois cent cinquante-quatre services de la publicité foncière.
2605 – Les évolutions souhaitables du côté de la DGFiP. – La question de la réduction du coût du service de la publicité foncière peut être abordée du point de vue des dépenses/recettes. Le déploiement de l’ANF rentre parfaitement dans cet objectif en permettant de réduire le travail des agents des services de la publicité foncière sur le flux des demandes de renseignements, tout en maintenant une taxation équivalente des formalités1012. Grâce notamment à Fidji et Télé@ctes, l’État a réduit les effectifs affectés à la publicité foncière de presque moitié en vingt ans1013. La prochaine étape pourrait être une forme de concentration du service de la publicité foncière1014.
2606 En ce qui concerne la question de l’efficience du service vis-à-vis du public et du virage numérique inéluctable, la question d’une meilleure accessibilité au fichier est centrale et possiblement vecteur d’économie1015. Mais le sujet est à forts enjeux.
2607 Si l’État décidait d’ouvrir la publicité foncière à l’accès direct en ligne, en l’incluant par exemple dans la mission Etalab1016, cela impliquerait de lourds investissements en infrastructures informatiques. Étant rappelé que la matrice cadastrale n’est pas en accès direct, et que les données nominatives du cadastre ne sont accessibles qu’aux notaires et géomètres-experts.
Cet accès direct poserait le problème du contenu du fichier immobilier et de ses modalités d’accès : est-il souhaitable d’ouvrir en ligne un accès facile et immédiat à la propriété de son voisin, avec son nom, date de naissance, et le prix de son achat, et la copie de son titre de propriété ? Est-il souhaitable de permettre à des plateformes ou des géants du numérique de prélever les données du fichier immobilier ?
2608 – Si l’État décidait de dupliquer Planète/Télé@ctes. – Une alternative à l’ouverture en accès direct en ligne serait de dupliquer l’architecture technique de Planète/Télé@ctes à destination de certains professionnels uniquement.
2609 – Si l’État décidait d’ouvrir Planète/Télé@ctes. – Soit enfin l’État revoit son partenariat avec les notaires et décide de s’appuyer sur l’architecture existante en trouvant un modèle et des accords avec les professionnels afin d’encadrer un usage raisonnable du fichier.
Sous-section III – Les améliorations pour les usagers de la publicité foncière
2610 – Les usagers finaux de la publicité foncière. – Les parties aux actes et les bénéficiaires des formalités publiées au service de la publicité foncière, à savoir principalement les acquéreurs, vendeurs, débiteurs et créanciers, etc., ont une connaissance assez limitée des enjeux y afférents. Cette situation s’explique principalement car leur rapport à la transaction immobilière est intermédié par des professionnels, principalement les notaires, qui assument le rôle de front-office de la publicité foncière à leur égard. Lorsque le notaire est le point d’accès au fichier immobilier, tous les développements qui précèdent serviront également à améliorer la situation des usagers de la publicité foncière en termes de sécurité et de fiabilité.
Lorsque le notaire n’est pas le point d’accès à la publicité foncière, toute demande d’inscription au fichier immobilier, par exemple à la diligence d’un avocat pour les assignations, est requise en papier, ce qui peut paraître inefficient eu égard au niveau de digitalisation globale de l’administration et des démarches possibles en ligne. Cela pose la question de l’accessibilité en ligne du fichier immobilier1019.
2611 – La protection des données personnelles. – L’exécution de la formalité de publicité foncière va rendre public le contenu de la transaction immobilière, que ce soit au moyen d’une demande de renseignement, numérique pour les notaires ou papier pour tout autre requérant, ou une demande de copie du titre publié. Les services de la publicité foncière délivrent aujourd’hui la copie des actes publiés1020 et demandes de renseignements sans qu’il soit nécessaire de justifier une quelconque qualité. Il en résulte que n’importe qui, des voisins, parents, entreprise, employeur, etc., peut aujourd’hui faire la demande de la copie du titre de propriété dans son intégralité. La création d’une nouvelle modalité d’accès au fichier poserait évidemment des questions de conformité avec le règlement général sur la protection des données (RGPD)1021, dans la mesure où les données personnelles des parties à l’acte se trouveraient diffusées en ligne. Le fichier existant pose déjà question quant à son architecture totalement ouverte accessible au format papier. Ne faudrait-il pas s’appuyer sur les travaux de mise en œuvre du fichier Amalfi pour le Livre foncier, et réduire les modalités d’accès à des personnes ayant un intérêt raisonnable à disposer d’une copie des actes ?

Section III – Les enjeux de la blockchainisation des registres immobiliers

2612 Le futur de la publicité foncière et des registres immobilier passe-t-il par la blockchain ? Afin de tenter de répondre à cette question, sera d’abord présenté le concept de blockchainisation des registres immobilier (Sous-section I), avant d’analyser les premiers projets conduits dans le domaine (Sous-section II), pour conclure sur l’intérêt d’une telle évolution en France (Sous-section III).
Sous-section I – La présentation du concept de blockchainisation des registres immobiliers
2613 – Les promesses de la blockchain en matière de registre. – Le protocole blockchain a pour fonction première d’assurer un registre numérique présumé infalsifiable compte tenu de son architecture distribuée et de l’utilisation de techniques cryptographiques. Il faut rappeler que la blockchain ne sauvegarde pas à proprement parler les données complètes des transactions au format numérique, mais simplement leur empreinte cryptographique. La blockchain reste à ce titre un outil back-office qui doit être conjugué avec d’autres solutions de sauvegarde et un site internet front-office qui en permettent l’utilisation pour horodater et encapsuler des échanges/transactions. Ainsi, il n’est pas question de stocker des données sur la blockchain directement, comme dans un serveur ou un data center, mais simplement de tenir un livre de comptes/transactions.
2614 – Exemples de registre. – Les applications blockchain dans le domaine du registre numérique sont potentiellement nombreuses, dont notamment :

l’agroalimentaire, pour la mise en œuvre d’une politique de traçabilité et de vérification des conditions de stockage, le respect de la chaîne du froid et le transport ;

le domaine de l’art et du luxe, afin de certifier l’authenticité de l’œuvre ;

les documents officiels tels que diplômes, identité, certificats de naissance, afin de lutter contre la contrefaçon ;

le transport maritime et international, afin d’assurer la traçabilité des marchandises ;

et généralement, pour rapprocher formellement l’intégrité d’un échange de données, à une date déterminée, par exemple un envoi d’e-mail ou la signature d’un contrat, etc., dont il faut assurer par ailleurs la sauvegarde ;

les paiements en ligne et transferts de fonds internationaux.

2615 – La blockchain pensée comme substitut des tiers de confiance. – Traditionnellement, les registres sont tenus par l’une des parties prenantes à la transaction, par exemple une banque détenant un compte, ou par un tiers de confiance, par exemple pour un certificat d’authenticité d’une œuvre ou le fichier immobilier. Le numérique est à la fois le principal vecteur d’optimisation de l’indexation et de la puissance des registres, qui dépasse largement le papier, et en même temps le porteur des risques associés à l’intégrité et à la sauvegarde des données conservées dans un format numérique. Le besoin de confiance dans un registre au format numérique est possiblement plus fort que dans un format papier.
La blockchain se présente comme une réponse à un défaut de confiance entre les parties prenantes d’une transaction, qui peuvent s’en remettre à une donnée encapsulée sur une blockchain, en principe infalsifiable. Ces mêmes parties pourraient tout à fait préférer, comme le plus souvent dans l’économie traditionnelle, s’en remettre à un tiers hébergeant la transaction, dès lors que la confiance dans ce tiers est suffisante. À cet égard, il semble que le meilleur exemple soit les prestataires certifiés eIDAS qui ont qualité pour certifier certaines données en ligne comme une signature, une date, un envoi de recommandé électronique.
2616 – La blockchain en matière de registres immobiliers. – Les registres immobiliers font également l’objet de projets associés à la blockchain, avec un enjeu de sécurisation des transactions immobilières. Actuellement 30 % seulement des habitants dans le monde détiennent un titre de propriété officiel1022, et de nombreux pays sont dépourvus de cadastre officiel.
La blockchain publique se présente comme une solution extérieure aux États permettant de sauvegarder de manière sécurisée une transaction en relation avec l’immobilier. La blockchain jouerait un rôle de chaîne d’enregistrement transparente, décentralisée conservant en mémoire toutes les étapes d’une opération immobilière et des documents associés.
Ces applications pourraient impacter les différents acteurs traditionnels d’une chaîne de transactions immobilières, comme ceux administrant le cadastre et le fichier immobilier ou encore les officiers publics recevant les actes authentiques qui alimentent ces fichiers, mais surtout être employées dans les pays où de tels fichiers n’existent pas.
2617 – Le numérique comme réponse à l’insécurité de la propriété immobilière. – La sécurisation de la propriété foncière est un enjeu essentiel dans un État de droit, tant pour l’usage (habitation, production, etc.) qu’elle procure aux concitoyens que pour le crédit qu’elle permet. Cette sécurisation passe d’abord par la reconnaissance et la protection d’un véritable droit de propriété du sol, héritage romain qui a été longtemps amoindri par la féodalité, avec uniquement des droits démembrés sur le sol, et auquel il a été mis un terme par la Révolution française abolissant les droits féodaux1023. Ainsi la sécurité de la propriété foncière diffère d’un pays à l’autre selon l’héritage social et politique, et le système juridique du pays concerné. D’ailleurs, la propriété selon les systèmes peut être collective ou individuelle, avec des mécanismes d’indivision et de superposition de droits qui n’en annulent pas les effets.
Mais la reconnaissance d’un droit de propriété véritable sur la terre ne suffit pas à en sécuriser le plein exercice, dès lors que la preuve du droit n’est pas garantie par un système fiable reconnu par tous. C’est le principal enjeu des registres immobiliers, à la fois cadastre et/ou fichier immobilier des transactions, auquel la France a répondu dès la Révolution française avec le cadastre napoléonien1024, même si le but était principalement fiscal.
L’informatique et l’internet permettent aujourd’hui d’envisager une évolution progressive des systèmes fonciers peu fiables vers des registres de propriété publics et vérifiables. Cette évolution pourrait permettre à des États dont le système foncier est peu développé et fiable de faire un bond technologique en passant directement de l’absence de fichier à un fichier informatique reposant sur la blockchain, en tant que certificateur décentralisé.
2618 – L’intérêt de la blockchain pour les pays sans fichier immobilier fiable. – À défaut de registre fiable dans sa forme et son contenu, la propriété immobilière se heurte au risque de fraude, de contestation, voire d’expropriation dans des États parfois corruptibles. C’est l’enjeu d’avoir un tiers de confiance et un système de fichier inviolable à même de garantir l’opposabilité des droits de propriété, qui font souvent défaut dans certains États.
Il a été vu qu’en France la solidité actuelle du système foncier (cadastre et fichier immobilier) est l’héritage de lentes consolidations et modernisations sur plus d’un siècle, avec l’aboutissement final vers la digitalisation à partir des années 2000. Il semble illusoire d’imaginer pouvoir transposer à brève échéance les solutions mises en œuvre par la France.
C’est la raison pour laquelle la blockchain publique se présente comme une solution immédiate : d’accès libre et peu coûteuse, elle est publique, accessible partout dans le monde et réputée inviolable. Alors qu’il semble facile de modifier un registre des titres de propriété au format papier ou même numérique dans un pays sujet à la corruption et au népotisme, de telles modifications ne sont pas possibles sur la blockchain publique qui échappe au contrôle de l’État. Selon une étude de l’organisation non gouvernementale Transparency International, 20 % des utilisateurs de services fonciers dans le monde ont admis avoir payé un pot-de-vin pour enregistrer leur propriété ou vérifier les informations relatives à la propriété foncière1025.
Sous-section II – Les premières expériences de registre immobilier en blockchain
2619 – Le premier registre blockchain associé à un fichier immobilier en Géorgie. – La Géorgie, modeste nation caucasienne de quatre millions d’habitants, héberge la plus grande société de minage du monde (Bitfury)1026, et affecte près de 10 % de sa production énergétique annuelle au minage. C’est donc naturellement que ce pays, qui a beaucoup misé sur la blockchain et les fermes de minage1027, s’est tourné vers la technologie blockchain afin de sécuriser les transactions immobilières nationales.
2620 Le système de publicité foncière/cadastre de Géorgie a été réformé en 2004, avec la création de la National Agency of Public Registry (NAPR) pour remplacer le Bureau de l’inventaire technique et le Département de la gestion des terres de l’État. Ces fichiers ont été digitalisés par la NAPR, qui a créé la « NAPReg », une base de données numérisée qui comprend des informations sur le cadastre, telles que les titres de propriété et les photos satellites. Cependant, ces réformes n’ont pas suffi à enrayer totalement le risque de corruption des fonctionnaires administrant les registres fonciers. Alors qu’elle était presque dernière (cent vingt-troisième) dans l’indice de perception de la corruption de Transparency International en 2003, elle se classe maintenant à la quarante-quatrième place1028. La Géorgie devait encore relever le défi de garantir l’intégrité des données et de protéger le système contre les manipulations internes et les cyberattaques externes.
En 2016, le ministère géorgien de la Justice et la société minière Bitfury, l’Agence nationale du registre public de la République de Géorgie et le célèbre économiste péruvien Hernando de Soto ont annoncé un partenariat pour concevoir et piloter un projet blockchain de titres fonciers. Après un premier test en 2016, le projet a été officiellement concrétisé en 2017.
2621 Le projet a consisté à adjoindre la technologie blockchain aux services d’enregistrement, sans les remplacer. Ainsi, Bitfury a déployé une blockchain permettant d’horodater les flux traités par le système d’enregistrement des fonciers au format numérique existant de la NAPR. Cette blockchain est hybride et met en œuvre une blockchain privée, « Exonum », pour l’administration des flux, cette blockchain étant elle-même ancrée à la chaîne publique Bitcoin1029. Cela signifie que les titres fonciers sont gérés dans un système fermé privé, ancré à intervalles réguliers sur la blockchain publique pour en assurer l’intégrité.
Selon Forbes, le projet géorgien est le premier d’un gouvernement officiel reposant sur la blockchain Bitcoin pour enregistrer des titres fonciers1030. En 2018, un total de 1,5 million de titres fonciers ont été publiés sur la blockchain en République de Géorgie. Ce projet a été rendu possible grâce à une forte volonté politique.
2622 – L’expérience de registre blockchain des transactions en Suède. – Un projet de fichier immobilier en blockchain a été initié en Suède, par l’intermédiaire du Lantmäteriet (The Swedish Mapping, Cadastral and Land Registration Authority) qui est l’établissement public administrant l’équivalent du cadastre et du fichier immobilier en Suède.
Partant du constat qu’un délai de trois à six mois est nécessaire entre la signature de l’acte de vente et le moment où le Lantmäteriet reçoit l’acte de vente et approuve le titre, et que son intervention est très tardive dans le processus transactionnel qui implique principalement des envois papiers, le Lantmäteriet a initié un projet de blockchain des transactions immobilières.
La première phase du projet multipartite a impliqué le Lantmäteriet, la compagnie téléphonique Telia Company1031, la blockchain Chromia (CHR)1032 développée par ChromaWay1033 et fonctionnant en lien avec la blockchain Ethereum, et une société de conseil Kairos Future1034.
Le rapport de synthèse émis en juillet 2016 décrit l’architecture potentielle et non encore testée d’une application mobile permettant de suivre une transaction immobilière avec les parties prenantes, le Lantmäteriet, les banques avec des signatures cryptographiques et des enregistrements blockchain1035.
Des expérimentations ont été poursuivies en 2017 et 2018, notamment avec les banques suédoises SBAB Bank et Landshypote, et une première preuve de concept a fait l’objet d’une démonstration en direct en juin 2018, comprenant la vérification côté client des signatures numériques approuvées par le gouvernement et l’exportation finale des contrats juridiques nécessaires1036.
2623 – Le projet de registre blockchain de cadastre au Ghana avec le projet Bitland. – Le Ghana bénéficie de l’un des produits intérieurs bruts les plus élevés d’Afrique de l’Ouest1037, lui valant le titre « d’Eldorado africain ». Pour autant, un rapport de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) de 20131038 dresse un bilan assez sombre de la question de la sécurité des droits fonciers et de l’inégalité d’accès à la terre. Ce rapport met notamment en cause le système foncier quasi inexistant au Ghana, pays dans lequel l’État détient et gère environ 20 % des terres uniquement, le reste étant soumis à un droit coutumier1039 avec principalement des terres rurales non enregistrées dans des bases officielles. Avec pour conséquence des ventes frauduleuses, des litiges sur les frontières, des destructions de biens lors des conflits, voire de violents affrontements entre les demandeurs de terre.
C’est dans ce contexte qu’une organisation non gouvernementale dénommée « Bitland » avait annoncé en 2016 un nouveau projet de blockchain de conservation des données du cadastre et des titres de propriété1040. Techniquement, le projet consistait à émettre un nouveau token dénommé le cadastrals sur une blockchain « Bitland », la réserve de jetons étant hébergée sur OpenLedger1041. Une ICO a été lancée en 2016 avec l’émission de jetons, dont le succès n’est toutefois pas connu. Sur CoinMarket, le marché a connu deux phases au lancement fin 2016 et fin 2017 lors de la ruée vers le bitcoin. « Bitland » visait la signature de contrats avec l’État du Ghana dans les quatre ans. Le livre blanc décrivant l’architecture technique du projet n’a pas été retrouvé.
Le projet semble être toujours au stade de projet, après le lancement d’un token ayant cessé toute activité sur les plateformes d’échange depuis fin 2017. Tous les sites référencés en 2016 sont expirés et tous les comptes twitter de « Bitland » sont inactifs depuis 2017-20181042.
2624 – Le projet de cadastre blockchainisé en Amérique du Sud. – La Banque interaméricaine de développement (BID) et la société ChromaWay, qui a accompagné le projet suédois, se sont liées en 2019 dans un projet au Pérou, au Paraguay et en Bolivie intitulé « Distributed Ledger Technology (Blockchain) : L’avenir de l’enregistrement et de l’enregistrement des titres de propriété foncière ».
À titre d’exemple, le rapport de présentation précise qu’en Bolivie, la procédure d’enregistrement des terres comporte quatorze étapes et demande près de quarante jours de travail, pour un coût de plus de mille dollars, ce qui aboutit parfois à ne pas réaliser la formalité1043.
L’objectif principal du projet est d’évaluer comment la technologie blockchain pourrait contribuer à résoudre certains des problèmes les plus urgents de l’administration foncière en Amérique du Sud. Le consortium implique ainsi des registres fonciers urbains et ruraux, des banques, des notaires et d’autres agences gouvernementales pour piloter un projet dans les trois pays. Le projet est actuellement en phase 2 d’un projet de cadastre financé par la BID.
2625 – La blockchain pour sécuriser un fichier des locations. – La blockchain pourrait faciliter et réduire le coût de mise en œuvre de nouveaux registres, que l’on pourrait qualifier de « secondaires » aux registres traditionnels, pour toutes les opérations portant sur des immeubles mais non soumis à publicité, par exemple les droits personnels tels que ceux résultant de locations. Ainsi, il serait possible d’animer des registres visant à conférer une date certaine aux baux et une garantie d’intégrité s’ils sont signés au format numérique. L’expérience montre que des baux peuvent être antidatés, voire frauduleux, par exemple en cas de squat, et que les parties égarent souvent l’original de leur bail. Dans ce secteur, des applications privées ont déjà été lancées.
2626 – Exemple de baux en blockchain. – Fin 2016, la ville de Rotterdam aux Pays-Bas, en partenariat avec Deloitte et le Cambridge Innovation Center (CIC), ont été les premiers au monde à enregistrer des contrats de location immobilière sur une blockchain. Sous le nom de Blockchain in Real Estate, le projet mettant en œuvre la blockchain était surtout un exercice de design thinking de la procédure de location dans un environnement entièrement numérique, et dans laquelle la blockchain assure un rôle d’encapsulage du contenu échangé et du contrat (grâce à l’empreinte des documents)1044. Ce projet correspond à l’offre d’un acteur français, la société Olarchy1045, qui propose notamment depuis 2018 une plateforme de gestion de la procédure de bail entièrement numérique et sécurisée par blockchain.
Les pouvoirs publics pourraient se saisir de cette technologie pour offrir une plateforme de signature des baux sans qu’il soit besoin d’une autorité de confiance pour l’administrer. Si tous les baux étaient obligatoirement enregistrés avec preuve de dépôt à l’appui, cela permettrait de répondre par exemple à la question de la location meublée touristique intempestive, aux squats ou encore aux marchands de sommeil.
On retrouve dans cette architecture les principaux enjeux de la blockchain, à savoir qu’un registre n’a d’intérêt que si les données qui l’alimentent sont fiables (contenu de la transaction) et les agents qui les inscrivent sont réputés fiables (oracle et tiers de confiance)1046.
2627 – Conclusion sur les premières expériences de registre immobilier en blockchain. – Les implications techniques et financières pour déployer une solution blockchain doivent se justifier par des économies de frais d’administration ou par une défiance vis-à-vis de la fiabilité des systèmes existants.
Les initiatives suédoise et géorgienne illustrent ces enjeux. La Suède a souhaité optimiser son fichier immobilier et la gestion des transactions immobilières sur téléphone mobile, et il semble que la blockchain, au-delà des effets d’annonce, ait été relativement secondaire dans cette démarche. La Géorgie avait l’infrastructure numérique du fichier, mais voulait donner de la fiabilité à son système pour contrer la corruption ; la blockchain est dans ce cas l’objet principal du projet. Dans les deux cas, c’est toute la chaîne de transaction qui est repensée et pas uniquement le fichier support des transactions. Avec cette approche, il a été démontré que la digitalisation des transactions et de la publicité foncière en France était déjà très avancée et globalement fiable.
La France doit-elle envisager à brève échéance le recours à la blockchain pour sécuriser les transactions immobilières et ses registres ?
Sous-section III – L’intérêt limité de la blockchain pour le registre immobilier français
2628 – Intérêt de la blockchain pour les registres existants et réputés fiables ? – Classiquement, un fichier immobilier est alimenté et administré par un tiers de confiance (un État, un établissement public, un agent à statut particulier, etc.), qui s’assure de sa sauvegarde et de sa sécurité dans des locaux d’archives, et pour la partie informatisée sur des serveurs centralisés classiques, le plus souvent dans le pays hôte pour éviter la fuite de données. C’est ce que l’on pourrait qualifier « d’architecture classique » d’un fichier public, tenu par un agent de confiance qui en assume la garde et la responsabilité.
L’intérêt de la blockchain serait possiblement d’adjoindre au modèle de sauvegarde centralisée sur des serveurs, en théorie plus facilement attaquable, une couche blockchain pour prévenir les modifications et certifier la date sur des serveurs distribués, comme en Géorgie1047.
2629 Quel que soit le back-office informatique des institutions, l’ajout ou la substitution d’un outil en blockchain n’apporte qu’une réponse très limitée aux enjeux de la publicité foncière. Ainsi, comme le souligne un avocat spécialiste : « Une information de propriété inscrite sur le registre de blockchain vaut-elle propriété dans le droit ? Quelle force juridique accorder à cette technologie ? Une propriété inscrite sur ce grand livre numérique est-elle opposable à un tiers ? Tant de questions qui méritent d’être éclairées »1048.
En d’autres termes, le support que constitue la blockchain n’apporterait aucune réponse à la fiabilité de la procédure et des auteurs des inscriptions. Par ailleurs, en l’absence d’un cadre juridique adapté et d’une reconnaissance par les États concernés, le fichier blockchain n’aurait aucune validité dans l’ordre interne, sauf à ce qu’un juge y reconnaisse un début de preuve. Pour ces raisons, il ne semble pas raisonnable d’imaginer substituer aux experts actuels de l’immobilier des experts informatiques décidant de ce qui est une preuve valable ou non de la propriété immobilière.
2630 – L’équilibre subtil des institutions. – Il a été vu qu’en réalité la complexité juridique et fiscale qui entoure une transaction immobilière en France ne rend pas souhaitable sa digitalisation complète, et a fortiori sa désintermédiation totale1049. En compilant objectivement les besoins et aspirations associés à une transaction immobilière, il n’est pas apparu un décalage flagrant entre le modèle actuel et un modèle idéal numérisé. Retirer un organe de l’architecture actuelle, comme le notaire, le fichier immobilier ou le cadastre, priverait l’ensemble de la sécurité et de la fiabilité qui sont actuellement les siennes. Ainsi le recours à la blockchain n’apparaît pas comme une réponse évidente à un problème structurel ou de confiance.
2631 – La méconnaissance de la blockchain comme substitut des organes traditionnels. – À titre d’illustration, un amendement déposé en 20161050 démontre l’engouement possiblement exagéré pour la blockchain. Cet amendement, qui prévoyait que l’acte en blockchain vaut acte authentique, portait plus spécifiquement sur les opérations de règlement-livraison1051 d’instruments financiers ou de devises. Nonobstant la bonne volonté du député, l’ouverture d’un acte blockchain authentique traduisait le sentiment de nombreux agents économiques qui voient dans l’authenticité une forme d’enregistrement formel, auquel un protocole informatique sécurisé serait substituable.
Cet amendement illustre le risque associé à la méconnaissance des acteurs et à leur fonction organique dans le système des transactions immobilières, couplé avec des attentes exagérées envers la blockchain. Il n’est ainsi pas exclu qu’une proposition vise un jour à remplacer le fichier immobilier et l’acte authentique par une simple inscription en blockchain. Il faut toutefois tempérer ce risque, comme l’illustre Sébastien Choukroun, manager du Blockchain Lab chez PwC : « Il faut plutôt envisager la blockchain comme un enjeu de transformation des métiers, d’avocat ou de notaire notamment, et non comme un enjeu de suppression de ces expertises »1052.
2632 – Conclusion quant à l’intérêt limité de la blockchain pour le registre immobilier français. – Le système de publicité foncière français, dans son architecture d’ensemble, est digitalisé de manière presque optimale selon des critères de performance, de temps et de sécurité. À ce titre, l’ajout de la blockchain dans l’architecture actuelle ne présente pas d’intérêt évident, et les modalités de conservation des données au sein des services de la publicité foncière et de la DGFiP, sur des serveurs sécurisés très robustes, ne posent pas question.
Les agents de la publicité foncière et leurs outils ne posent actuellement pas de question de fiabilité ou de sécurité. Les enjeux sont plus généralement d’informatisation et d’automatisation sécurisée des tâches pour ces agents, dans une approche d’amélioration de la performance principalement en interne.
En conclusion, il semble raisonnable d’affirmer que le système de publicité foncière français n’a pas d’intérêt immédiat à reposer sur la blockchain.
2633 – Intérêt résiduel de la blockchain pour de nouveaux outils de la publicité foncière. – Si, dans l’architecture actuelle de la publicité foncière, la blockchain semble présenter un intérêt limité, il est possible que de nouvelles fonctionnalités soient associées en tout ou partie à la blockchain. Par exemple, si l’État décidait d’ouvrir la consultation informatisée du fichier immobilier à d’autres acteurs que les notaires, voire au public, il faudrait notamment répondre au défi de l’octroi de droits de consultation au fichier1053.
L’enjeu du droit d’accéder au fichier immobilier et d’obtenir copie des documents recèle deux questions, à savoir : qui peut accéder au fichier et pour quoi ? Et comment assurer le paiement sécurisé de l’accès au fichier ou de la délivrance de copie ? Ces questions pourraient être analysées à la lumière du fichier Amalfi présenté précédemment1054.
2634 – La blockchain comme outil de sécurisation d’un fichier ouvert ? Il est possible que la blockchain apporte en partie une réponse technique à l’enjeu de l’ouverture de droits d’accès dans un contexte d’absence de confiance, contrairement à l’architecture actuelle qui implique un duo État-notaire. La blockchain pourrait faire office de péage en y associant des jetons numériques conférés à une personne afin de lui octroyer un accès sécurisé au fichier selon certaines modalités.
L’enjeu du traitement du paiement des consultations et des obligations de la comptabilité publique pourrait trouver une solution avec une blockchain de paiement, qui par nature efface le risque de défaut de contrepartie. Ces possibilités sont toutefois très prospectives en ce qu’elles impliqueraient non seulement la mise à jour, voire la restructuration complète des infrastructures informatiques de la publicité foncière, mais également la confiance des pouvoirs publics dans la technologie blockchain. Ces réflexions nous amènent naturellement à la tokenisation immobilière, présentée comme une nouvelle forme de transaction immobilière.

892) Les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle sont soumis au Livre foncier informatisé, au registre des associations et au registre des associations coopératives de droit local tenus par les tribunaux judiciaires des départements concernés présentés supra, no 2583.
893) D. no 55-1350, 14 oct. 1955, pris pour l’application du décret no 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière.
894) Pour une présentation détaillée de la publicité foncière, V. L. Aynès, Rapport de la Commission de réforme de la publicité foncière, Pour une modernisation de la publicité foncière, 2018 (www.justice.gouv.fr/art_pix/rapportpublicitefonciere.pdf ; également accessible ici : www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/184000725.pdf).
895) V. D. no 55-22, 4 janv. 1955, art. 2 et D. no 55-1350, 14 oct. 1955, art. 17 et s.
896) V. D. no 55-22, 4 janv. 1955, art. 4 : « Tout acte sujet à publicité (…) doit être dressé en la forme authentique », sous peine de refus de dépôt à la publication (D. 14 oct. 1955, art. 68, 2).
897) Pour une synthèse des différents systèmes foncier dans le monde, V. par ex. l’étude de l’organisation Solidarité des intervenants du foncier (www.foncier-developpement.fr/wp-content/uploads/SIF_Synth%C3%A8se-des-%C3%A9tudes-sur-le-syst%C3%A8me-foncier.pdf).
898) Anciennement « conservations des hypothèques », elles sont devenues « services de la publicité foncière » en conservant le même rôle vis-à-vis des usagers, par D. no 2012-1462, 26 déc. 2012, pris pour l’application de l’ordonnance no 2010-638 du 10 juin 2010.
899) V. D. no 55-22, 4 janv. 1955, portant réforme de la publicité foncière, art. 28 : « Sont obligatoirement publiés au service chargé de la publicité foncière de la situation des immeubles : 1o Tous actes, même assortis d’une condition suspensive, et toutes décisions judiciaires, portant ou constatant entre vifs : a) Mutation ou constitution de droits réels immobiliers… ».
900) V. D. no 55-22, 4 janv. 1955, art. 30.
901) Par ex. : attestation notariée : art. 28, 3o ; actes déclaratifs comme un partage : art. 28, 4o.
902) Notamment les inscriptions de sûretés immobilières.
903) Par ex. : la promesse unilatérale de vente (art. 37, 1) ou une assignation judiciaire en réalisation de vente (art. 37, 2, 1o).
904) V. D. 14 oct. 1955, Section III, « Effet relatif de la publicité », art. 32 à 37.
905) 266 services de la publicité foncière selon les données DGFiP 2021 (https://lannuaire.service-public.fr/navigation/hypotheque).
906) Registre des dépôts prévu à l’article 2453 du Code civil.
907) V. C. civ., art. 2449 : « Les services chargés de la publicité foncière sont tenus de délivrer, à tous ceux qui le requièrent, copie ou extrait des documents, autres que les bordereaux d’inscription, qui y sont déposés (…) ».
908) V. infra, no 2568.
909) V. CGI, art. 878.
910) La loi de finances du 15 septembre 1807 est à l’origine du cadastre parcellaire français, appelé « Cadastre napoléonien » ou encore « Ancien cadastre ».
911) D. no 55-471, 30 avr. 1955, relatif à la rénovation et à la conservation du cadastre.
912) En 1996, le fichier comprenait 140 millions de fiches pour 8 millions de formalités annuelles (étude d’impact du projet de loi portant réforme de la réglementation comptable et adaptation du régime de la publicité foncière – L. no 98-261, 6 avr. 1998).
913) V. C. Dauchez. La coproduction de la publicité foncière en ligne par l’État et le notariat : RF adm. publ. 2020/1, no 173, p. 181 à 194.
914) A. 16 août 1984, relatif à la gestion automatisée de la documentation civile des conservateurs, qui définit les fonctions et les caractéristiques d’un nouveau fichier, dit « Fidji » (Fichier informatisé de la documentation juridique sur les immeubles). Il s’agit d’un traitement informatisé de la documentation civile des conservateurs des hypothèques.
915) V. Commentaire de la loi no 98-261 du 6 avr. 1998 : JCP N 22 mai 1998, no 21, p. 801.
916) V. L. no 98-261, 6 avr. 1998, art. 14 : « L’article 2201 du même code est complété par un second alinéa ainsi rédigé : « Par dérogation à l’alinéa précédent, un document informatique écrit peut tenir lieu de registre ; dans ce cas, il doit être identifié, numéroté et daté dès son établissement par des moyens offrant toute garantie en matière de preuve » ».
917) L. no 98-261, 6 avr. 1998.
918) D. no 98-516, 23 juin 1998 : JO 25 juin 1998, p. 9673 et L. no 98-553, 3 juill. 1998 : JO 4 juill. 1998, p. 10231.
919) V. C. Dauchez, La coproduction de la publicité foncière en ligne par l’État et le notariat : RF adm. publ. 2020/1, no 173, p. 181 à 194.
920) V. A. 28 déc. 2001, art. 2 : « Le traitement Fidji assure les fonctions suivantes :

la constitution et la mise à jour du fichier immobilier par prise en compte informatique des résumés des formalités, des personnes et des immeubles concernés ;

le calcul et la liquidation des taxes, salaires et pénalités ;

la délivrance ordinaire de renseignements en réponse aux demandes déposées par les usagers ;

l’aide à la gestion des travaux du bureau des hypothèques ;

la gestion du registre des dépôts ;

la délivrance accélérée de renseignements en réponse aux demandes des usagers, indépendamment du délai de traitement des formalités au fichier immobilier ;

la gestion comptable : comptabilité générale, comptabilité des usagers et surveillance de l’apurement des comptes créditeurs et débiteurs, taxation des actes déposés.

Le module Madére (module d’accélération de la délivrance des renseignements) assure également les trois dernières fonctions précitées ».
921) Note du 14 août 1998, Instruction sur l’adaptation du droit de la publicité foncière (BOI 10 D-2-98.199) : « Compte tenu de l’objectif de numérisation du fichier « manuel » et sous peine d’obérer de manière importante les gains de temps attendus de la délivrance automatisée des renseignements, la mise à jour technique du fichier « papier » ne sera plus effectuée (soulignement de certaines formalités notamment). Si une formalité requise postérieurement à la date de l’informatisation (formalité du flux) a eu pour objet de modifier une formalité déjà publiée, elle figurera sur l’état-réponse informatisé délivré avec la copie de fiche ».
922) L’article 2452 du Code civil fait défense au service de la publicité foncière de refuser le dépôt ou de rejeter une formalité en dehors des cas prévus par les dispositions législatives ou réglementaires en matière de publicité foncière.
923) Ainsi l’arrêté du 16 août 1984 portant création du fichier Fidji intervient le même jour qu’un arrêté portant création du nouveau traitement informatisé, dit « Majic 2 », qui assurera la gestion de la documentation cadastrale (Dr. fisc. 8 août 1984, no 32, comm. 1528).
924) Grâce à la mise en place du système Majic 2 (mise à jour des informations cadastrales, 2e version) par la Direction générale des impôts par arrêté du 5 janvier 1990.
925) Protocole d’accord national sur la numérisation du plan cadastral revêtu des signatures effectives au 1er mars 1993, entre notamment la Direction générale des impôts, l’Association des maires de France, les conseils régionaux, différents ministères, l’Ordre des géomètres, des concessionnaires publics (Gaz de France, France Télécom, La Poste, etc.).
926) Pour une présentation du contexte et des enjeux, V. Recommandations pour la numérisation des plans cadastraux, Direction générale des impôts, Ministère du Budget, mai 1995 (www.craig.fr/sites/www.craig.fr/files/contenu/60-2010-le-pci-en-auvergne/docs/recommandationsnumerisation.pdf).
927) Échange de données informatisées dans le domaine de l’information géographique (Edigeo) désignant la norme définie par l’Afnor dans le domaine de l’information géographique (référence Z13-150 août 1992 puis NF Z 52000 en juillet 1999). Cette norme de transmission est destinée à transférer des données entre différents systèmes d’information géographique (SIG) et est orientée base de données : elle décrit les différents objets par leurs relations de construction et sémantiques entre eux (topologiques ou non).
928) L’image vectorielle est composée de lignes de segments qui sont liés par des formules mathématiques. C’est un système de proportionnalité et de coordonnées. Du point de vue informatique, la vectorisation désigne le processus de conversion d’un programme informatique à partir d’une implémentation scalaire, qui traite une seule paire d’opérandes à la fois, à une implémentation vectorielle qui traite une opération sur plusieurs paires d’opérandes à la fois. Le terme vient de la convention de mettre les opérandes dans des vecteurs ou des matrices.
929) V. www.data.gouv.fr/fr/datasets/cadastre – 34 700 communes sont couvertes par le PCI Vecteur, sur un total de près de 35 200, soit encore cinq cents communes non couvertes.
930) A. 2 avr. 2003, portant création par la direction générale des finances publiques d’un traitement automatisé d’informations nominatives dénommé « serveur professionnel de données cadastrales (SPDC) ».
931) A. 21 janv. 2008, portant création par la Direction générale des impôts d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Service de consultation du plan cadastral (SCPC) ».
932) La tenue du registre des dépôts est prescrite par l’article 2453 du Code civil ou encore l’article 406 A 27 de l’annexe III du Code général des impôts.
933) D. no 55-1350, 14 oct. 1955, art. 74, 1.
934) La notification de la décision de refus est effectuée à l’aide d’un imprimé no 3272 « Notification de refus » établi en deux exemplaires (dont un conservé par le service). Le formulaire doit être dûment rempli et signé par le service de la publicité foncière en énonçant les motivations du refus.
935) La notification du rejet est toujours principalement au format papier, le plus souvent par télécopie, mais peut également intervenir pour les notaires via le site www.notaires.fr, dès lors que le notaire y accuse réception.
936) D. 14 oct. 1955, art. 34, 3o, al. 1er.
937) Cass. 3e civ., 13 juill. 1994 : JurisData no 1994-002993 ; JCP N 1995, II, p. 897, note P. Frémont ; Gaz. Pal. 1995, 1, 306, note Salats.
938) Plusieurs services de la publicité foncière accusent un retard de traitement des formalités de plus de six mois, ce qui conduit à reporter l’analyse du dépôt.
939) Cass. 3e civ., 29 nov. 2000, no 99-11.022 : JurisData no 2000-007115 ; Bull. civ. 2000, III, no 181 ; Defrénois 2001, p. 1286, obs. S. Piédelièvre.
940) D. 14 oct. 1955, art. 34, 3o, al. 8.
941) CGI, art. 47-IV, en cas de rejet de la formalité de publicité foncière, « l’acte est néanmoins réputé enregistré à la date du dépôt ».
942) Par ex. omission, inexactitude ou imprécision dans la mention de certification de l’identité des parties ou inexactitude dans les références à des publications antérieures, ou encore discordance, pour la désignation des immeubles, entre l’acte déposé et les documents déjà publiés (D. 4 janv. 1955 et D. 14 oct. 1955).
943) S. Piedelièvre : JCl. Notarial Formulaire, Vo Publicité foncière, fasc. 60.
944) V. L. Aynès, Rapport de la Commission de réforme de la publicité foncière, « Pour une modernisation de la publicité foncière » (V. supra, no 2551).
945) Ce sont les notaires qui sont à l’initiative du projet de télétransmission, évoqué par la DGI dès septembre 2000, peu de temps après la consécration de la signature électronique. Les premiers échanges ont porté sur les formats et la structuration des échanges qui permettrait, à terme, la dématérialisation du flux entre les notaires et la publicité foncière. Le notariat avait présenté un projet de description type de document intitulé « DTD XML » portant sur les données d’un acte (V. O. Boudeville : JCl. Notarial Formulaire, Fasc. 15, Publicité foncière. – Télé@ctes).
946) V. L. Aynès, Rapport de la Commission de réforme de la publicité foncière, Pour une modernisation de la publicité foncière, p. 40 (V. supra, no 2551).
947) A. 22 mai 2006, NOR : BUDL0600073, art. 1 (JO 8 juin 2006, no 131) : « La Direction générale des finances publiques met en œuvre dans les conservations des hypothèques un traitement automatisé de données à caractère personnel, dénommé Télé@ctes ».
948) V. supra, no 2567.
949) L. no 78-17, 6 janv. 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés (JO 7 janv. 1978), dont l’article 25, I, 5o énonce que doivent être autorisés par la Cnil les traitements automatisés ayant pour objet « l’interconnexion de fichiers relevant d’une ou de plusieurs personnes morales gérant un service public et dont les finalités correspondent à des intérêts publics différents » ainsi que « l’interconnexion de fichiers relevant d’autres personnes et dont les finalités principales sont différentes ».
950) Pour une présentation de Télé@ctes lors de son déploiement, V. l’étude rédigée par D. Froger : JCP N 24 mars 2006, no 12, 1133.
951) L’Extensible Markup Language, généralement appelé « XML » ou encore « langage de balisage extensible » en français, est un métalangage informatique de balisage générique. Il est reconnaissable par son usage des chevrons (<, >) encadrant les noms des balises. L’objectif initial de XML est de faciliter l’échange automatisé de contenus complexes (arbres, texte enrichi, etc.) entre systèmes d’informations hétérogènes (interopérabilité) (Source : Wikipédia).
952) Circ. Premier ministre, 21 janv. 2002, NOR : PRMX0205357C (JO 5 févr. 2002, no 30) : « Enfin, il sera bon que chaque nouveau projet de système comportant des échanges d’informations (au sein de l’administration ou avec les tiers) soit l’occasion de poursuivre, et même d’intensifier, l’élaboration de schémas XML, dont on connaît l’importance pour faciliter les échanges ».
953) Pour une présentation complète de la plateforme Planète et du réseau Real, V. Rapport du 113e Congrès des notaires de France, Lille, 2017, #Familles #Solidarités #Numérique, nos 3340 et s.
954) Cette convention a été actualisée par les conventions des 31 janvier 2007, 13 juillet 2007, 1er juillet 2008 et 20 juillet 2011 afin de prendre en compte les évolutions du périmètre de dématérialisation des actes et la mise en œuvre de chaque nouvelle version du système Télé@ctes (Source : JCl. Notarial Formulaire, Fasc. 15, Publicité foncière. – Télé@ctes, préc.).
955) Pour une présentation complète des outils réseaux et logiciels du notariat, V. Rapport du 113e Congrès des notaires de France, Lille, 2017, #Familles #Solidarités #Numérique, Partie 2 « Le notariat numérique : acteur de la régulation », p. 895 et s.
956) Rapport du 66e Congrès des notaires de France, Grenoble, 1969, Le Notaire à l’heure de l’informatique.
957) Rapport du 47e Congrès des notaires de France, Genève, 1948, traitant de l’emploi de la machine à écrire, à une époque ou seule l’écriture manuscrite semblait conforme aux textes régissant la profession.
958) Rapport du 78e Congrès des notaires de France, Bordeaux, 25‐28 mai 1982, L’informatique au service du droit et des libertés.
959) L. no 98-261, 6 avr. 1998 ; D. no 98-516, 23 juin 1998 et D. no 98-550, 2 juill. 1998.
960) Rapport du 113e Congrès des Notaires de France, Lille, 2017, #Familles#solidarités#numériques, p. 994 et s.
961) Pourquoi Real ? C’est une référence à Pierre François Réal, né à Paris en 1757, proche de Danton, qui le nomma Accusateur public près du Tribunal révolutionnaire. C’est à ce titre qu’il rédigea un rapport de présentation au corps législatif lors des débats de la loi du 25 ventôse an XI, dans lequel il exprimait d’une manière parfaite une conception du notariat fondée sur l’histoire de l’institution.
962) L’assemblée de Liaison de 1995 sur le thème « Sur les autoroutes de l’information, le notaire cybernétique : agir ou subir », a formulé des propositions préfigurant des projets Télé@ctes/Planète.
963) V. O. Boudeville, JCl. Notarial Formulaire, Fasc. 15, Publicité foncière. – Télé@ctes.
964) V2005, V2007 et V2008 puis V4 généralisée au cours du troisième trimestre 2012, et dernière modification en 2018 avec la transmission dématérialisée des actes accompagnés d’un document d’arpentage.
965) D. no 2017-770, 4 mai 2017, imposant le recours au dépôt électronique, art. 1 (JO 6 mai 2017, no 0107) et A. 2 juin 2017, listant les actes concernés, art. 1 (JO 13 juin 2017, no 0137), mod. par A. 30 avr. 2018 (JO 20 mai 2018, no 0115).
966) J.-F. Humbert, ‘Télé@ctes : de bons chiffres en janv.’ (article du 20 février 2018 (CSN @actu).
967) Source : DGFiP, Rapport d’activité, Cahier statistiques 2019, p. 48.
968) Convention d’objectifs pour la période 2021-2024 signée le 8 octobre 2020 par le président du Conseil supérieur du notariat et le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, lors de la cérémonie d’ouverture du 116e Congrès des notaires de France (JCP N 23 oct. 2020, no 43, act. 831).
969) V. supra, no 2563 et 2566.
970) V. supra, no 2552.
971) Étant toutefois précisé que du fait de la disparition des bureaux des hypothèques au profit des services de la publicité foncière dépendant de la DGFiP, la responsabilité qui pesait sur les conservateurs des hypothèques a été transférée vers l’État par l’ordonnance de 2010.
972) Source : DGFiP, Rapport d’activité, Cahier statistiques 2019, p. 48.
973) L. Aynès, Rapport de la Commission de réforme de la publicité foncière, Pour une modernisation de la publicité foncière, 2018, p. 41 (V. supra, no 2551).
974) A. 27 juin 2017, portant création d’un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « Accès des notaires au fichier immobilier » : JO 13 juill. 2017, no 0163.
975) D. no 2018-1266, 26 déc. 2018 (JO no 0300, 28 déc. 2018) codifié sous les articles 54 ter à 54 septies du décret no 55-1350 du 14 oct. 1955.
976) A. min. Action et Comptes publics, 12 nov. 2019, NOR : CPAE1908524A : JO 21 nov. 2019, no 0270.
977) L’opposabilité des droits sur les immeubles est attachée à leur mention au registre des dépôts (C. civ., art. 2453. – D. 4 janv. 1955, art. 8, 30 et 31) et non au fichier immobilier, qui a uniquement une fonction informative.
978) V. supra, no 2578.
979) Convention d’objectifs, 8 oct. 2020, p. 8, citée supra.
980) D. 14 oct. 1955, nouvel art. 54 sexies.
981) V. M. Bourassin et C. Dauchez : JCP N 29 mars 2019, no 13, 1151.
982) V. M. Bourassin et C. Dauchez, op. cit. : le nouvel article 54 ter du décret du 14 octobre 1955 prend en effet bien soin d’indiquer que le dispositif ANF est mis en place « pour l’application de l’article 2449 du Code civil et sans préjudice des dispositions des articles 38-1 à 44-1 », qui encadrent les demandes de renseignements et de copies d’actes aux services de la publicité foncière.
983) Rapport CGT Groupe de travail, 30 mai 2018, sur les missions assurées par les 354 services de la publicité foncière, fiche no 3 (www.financespubliques.cgt.fr/sites/default/files/fiches_gt_os_pfe_30-05-2018.pdf).
984) L. 1er juin 1924, mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle (JO 3 juin 1924, no 0151), aujourd’hui aux articles 36 à 65. Principalement modifiée par la loi no 2002-306 du 4 mars 2002 et complétée par un décret no 2009-1193 du 7 octbre 2009.
985) V. Cass. 3e civ., 1er oct. 2020, no 18-16.888 (D. no 55-22, 4 janv. 1955 et D. no 55-1350, 14 oct. 1955 cités supra, no 2551).
986) L. 1er juin 1924, art. 38.
987) V. L. 1er juin 1924, art. 44.
988) « Tout acte portant sur un droit susceptible d’être inscrit doit être, pour les besoins de l’inscription, dressé, en la forme authentique, par un notaire, un tribunal ou une autorité administrative. ».
989) CA Metz, 26 févr. 2015, no 15/00112.
990) Dans un souci de bonne gestion du Livre foncier, il a été décidé de l’extinction des servitudes conventionnelles établies avant le 1er janv. 1900 non transcrites au Livre foncier dans les cinq années ayant suivi la promulgation de la loi no 2002-306 du 4 mars 2002 (extinction depuis le 4 mars 2007). Un tel effet n’existe pas avec les services de la publicité foncière, les servitudes non publiées antérieures à 1900 pouvant toujours être opposables.
991) Établissement public national à caractère administratif dénommé « Epelfi » (Établissement public d’exploitation du Livre foncier informatisé) organisé par la loi no 2002-306 du 4 mars 2002 et le décret no 2007-1852 du 26 décembre 2007.
992) La requête électronique (eRIN) ne peut être formée que par les notaires, géomètres-experts, huissiers de justice, agents de l’État, des collectivités territoriales et des établissements publics de coopération intercommunale, ainsi que par les avocats (D. no 2009-1193, 7 oct. 2009, art. 76).
993) Méthode de gestion de l’innovation élaborée à l’Université Stanford aux États-Unis dans les années 1980 par Rolf Faste. Contrairement à la pensée analytique, le design thinking est un ensemble d’espaces qui s’entrecroisent plutôt qu’un processus linéaire ayant un début et une fin (Source : Wikipédia).
994) C. civ., art. 2449 ; D. 14 oct. 1955, art. 43.
995) V. Cour des comptes, Rapport public « La DGFiP, dix ans après la fusion. Une transformation à accélérer », juin 2018 : entre 2007 et 2016, le délai de mise à jour du fichier est passé de seize à quatre-vingt-six jours.
996) Cf. M. Bourassin et C. Dauchez, Accès des notaires au fichier immobilier : les notaires au cœur de la transformation numérique de l’action publique : JCP N 27 mars 2019, étude 1151, nos 4 à 6 sur les avantages de l’ANF et nos 7 à 11 sur les risques de l’ANF.
997) En ce sens notamment le rapport Aynès cité supra, no 2551, qui critique le caractère trouble de la distinction refus/rejets et les différences de pratique sur ce point entre les services de la publicité foncière en l’absence de critères réglementaires, et préconise la suppression du refus compte tenu de Télé@ctes, d’autant que le régime des recours contre les décisions de refus, qui peuvent avoir un impact dramatique pour le rang des inscriptions, n’est pas stabilisé.
998) V. supra, no 2563.
999) V. supra, no 2563.
1000) Sur les perspectives d’amélioration, cf. C. comptes, Rapport public « La DGFiP, dix ans après la fusion. Une transformation à accélérer », juin 2018.
1001) Cour des comptes, Rapport public « La DGFiP, dix ans après la fusion. Une transformation à accélérer », juin 2018.
1002) En ce sens, cf. M. Bourassin et C. Dauchez, Notariat et évolutions numériques de la publicité foncière : Bull. Cridon Paris 15 juill. 2019, no 14. – C. Dauchez, La coproduction de la publicité foncière en ligne par l’État et le notariat : RF adm. publ. 2020/1, no 173, p. 181 à 194.
1003) V. supra, no 2575.
1004) V. infra, no 2604.
1005) La plateforme Planète impose un langage informatique standardisé qui doit favoriser l’automatisation des saisies. V. Rapport du 113e Congrès des notaires de France, Lille, 2017, #Familles #Solidarités #Numérique, nos 3340 et s. (V. supra, no 2571).
1006) Rapport de la Cour des comptes, juin 2018, préc., p. 106 : « Le remplacement des 354 SPF par un service à compétence nationale, concentré sur un nombre limité d’implantations, voire sur une seule implantation, et doté d’effectifs peu nombreux doit être mise à l’étude sans délais et la transformation mise en œuvre à un horizon de trois ans ».
1007) https://forumeco.fr/depeches/reorganisation-des-services-de-publicite-fonciere-de-la-marne/. Par ex. : A. 21 févr. 2020, portant ajustement de périmètre des services déconcentrés de la direction générale des finances publiques fusionnant plusieurs SPF en Gironde, Loire, Marne, Meuse, Oise, Pyrénées-Atlantiques et Vosges à effet d’avril 2020.
1008) V M. Bourassin et C. Dauchez, Notariat et évolutions numériques de la publicité foncière : Bull. Cridon Paris 15 juill. 2019, no 14. La Commission de réforme de la publicité foncière a anticipé ce bouleversement en proposant que la mention de « service de la publicité foncière » disparaisse des futurs textes évoquant l’organisme chargé de cette mission de publicité. Le président du Conseil supérieur du notariat a quant à lui déclaré que la profession était « prête à assumer la gestion d’un fichier immobilier informatisé et centralisé ».
1009) Présentation de la DGFiP sur le site www.economie.gouv.fr/dgfip/presentation
1010) Pour les activités impliquant les notaires, plus de 25 milliards d’impôts ont été collectés en 2019 (Source : Rapport annuel des notaires de France, https://www.notaires.fr/fr/search?keywords=rapport).
1011) V. supra, no 2579.
1012) À ce sujet la loi de finances pour 2019 a modifié l’article 881 D du Code général des impôts pour rendre applicable le tarif de la contribution de sécurité immobilière (CSI) relatif aux demandes de renseignements hypothécaires, « quelles que soient leurs modalités de traitement ».
1013) 46 % des effectifs des services de la publicité foncière ont été supprimés (Cour des comptes, Rapport 2017, p. 99).
1014) V. supra, no 2602.
1015) La commission Aynès se déclare favorable au principe de la généralisation d’un accès dématérialisé au fichier immobilier, via l’infrastructure Planète/Télé@actes, mais sans le justifier par des considérations budgétaires.
1016) Etalab est un département de la direction interministérielle du numérique (DINUM), dont les missions et l’organisation sont fixées par le décret du 30 octobre 2019. Il coordonne notamment la conception et la mise en œuvre de la stratégie de l’État dans le domaine de la donnée  (www.etalab.gouv.fr/). V. supra, no 2521.
1017) Sur la base d’une demande réelle au coût de 12 € par lot/parcelle, soit (62 000 * 20 % + 62.000 * 80 % * 20) * 12 € = 12 052 800 € ; et (62 000 * 20 % + 62 000 * 80 % * 20) * 15 € = 15 066 000 €.
1018) Au total, la capitalisation boursière cumulée de ces cinq géants atteint environ 5 300 milliards d’euros, soit près de quatre fois le CAC 40 français.
1019) V. supra, no 2607.
1020) D. no 55-1350, 14 oct. 1955, art. 38-1 et s.
1021) V. supra, nos 1367 et s.
1022) V. Banque mondiale, Pourquoi la sécurisation des droits fonciers est un enjeu important, article publié 24 mars 2017 Conférence annuelle de la Banque mondiale sur la terre et la pauvreté à Washington, DC du 20-24 mars 2017 (www.banquemondiale.org/fr/news/feature/2017/03/24/why-secure-land-rights-matter?cid=ECR_TT_WorldBank_FR_EXTP).
1023) DDHC 1789, art. 17 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».
1024) V. supra, no 2554.
1025) Doing Business 2018, Registering Property, Using Infirmation to curb corruption, p. 1 (http://documents1.worldbank.org/curated/en/270331513854675950/pdf/122195-WP-DB18-Registering-property.pdf).
1026) Rapport de la Banque mondiale, Cryptocurrencies and blockchain, mai 2018, p. 43 (https://openknowledge.worldbank.org/bitstream/handle/10986/29763/9781464812996.pdf?sequence=2&isAllowed=y).
1029) Qiuyun Shang and Allison Price, Innovations : Technology, Governance, Globalization : The MIT PressJournals, Winter-spring 2019, vol. 12, no 3-4 : 72-78.
1031) Anciennement TeliaSonera, cette société suédoise est l’opérateur de téléphonie historique suédois et finlandais (www.teliacompany.com/en).
1033) Entreprise suédoise développant des solutions en blockchain fondée en 2014 (https://chromaway.com/about-us).
1034) Kairos Future est une société suédoise de conseil et de recherche qui aide les entreprises, les organisations et les dirigeants à comprendre et à façonner leur avenir notamment grace au numérique.
1036) V. C. Kim, Sweden’s Land Registry Demos Live Transaction on a Blockchain, CoinDesk, 15 juin 2018 (www.coindesk.com/sweden-demos-live-land-registry-transaction-on-a-blockchain).
1037) Selon le classement de la Banque mondiale pour l’année 2019, le Ghana est dans le top 10 des pays d’Afrique les plus riches avec un produit intérieur brut de 66,98 milliards de dollars (9e place et 74e mondiale).
1038) Cedeao, Rapport, Ghana : la question foncière dans l’El Dorado, août 2013 (https://issafrica.s3.amazonaws.com/site/uploads/ECOWAS-Report-6-FR.pdf).
1039) F. Gbadamassi, Le blockchain, la technologie qui pourrait donner vie à des cadastres virtuels : Franceinfo Afrique févr. 2016 (www.francetvinfo.fr/monde/afrique/ghana/le-blockchain-la-technologie-qui-pourrait-donner-vie-a-des-cadastres-virtuels_3063973.html).
1042) À noter toutefois qu’un nouveau site (https://www.do4africa.org/projets/bitland/) a été activé en septembre 2020 et propose un service d’enregistrement des titres de propriété présenté comme gratuit. Il n’est toutefois pas mentionné si le titre est inscrit en blockchain ou pas.
1046) V. infra, Commission 3, nos 3648 et s.
1047) V. supra, no 2619.
1048) Hubert de Vauplane, avocat lors du Paris FinTech organisé fin janvier 2017.
1049) V. supra, nos 2543 à 2547.
1050) Amendement no CF2 déposé par Laure de La Raudière, alors députée d’Eure-et-Loire, le 13 mai 2016, dans le cadre des débats parlementaires précédant l’adoption de la loi no 2016-1691 du 9 décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (www.assemblee-nationale.fr/14/amendements/3623/CION_FIN/CF2.asp).
1051) Le règlement-livraison désigne la phase finale du processus d’achat-vente de titres, qui va permettre, par l’échange simultané des titres contre les espèces, de finaliser le transfert de propriété issu de la négociation entre l’acheteur et le vendeur.
1053) Cette possibilité a été analysée supra, nos 2607 et s.
1054) V. supra, no 2583.


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