CGV – CGU

2021 – Rapport du 117e congrès – Commission 2 – Chapitre Unique – La « tokenisation » immobilière

PARTIE II – Le patrimoine immobilier
Titre 2 – La digitalisation des transactions immobilières
Sous-titre 2 – Les nouveaux modèles de transactions immobilières digitalisées

Chapitre Unique – La « tokenisation » immobilière

2635 Les récentes transactions immobilières via blockchain, dites de « tokenisation » immobilière, et leur retentissement médiatique, montrent l’appétit du marché pour les nouvelles technologies et les espoirs, parfois exagérés, placés autour de la numérisation des transactions immobilières. Les attentes sont fortes dans le secteur de la pierre, actif tangible par excellence, mais il faut nuancer l’aspect révolutionnaire de la blockchain, au risque de décevoir les plus optimistes.
Après avoir présenté le concept de tokenisation, ses débouchés actuels et ses nombreuses limites (Section I), les véritables enjeux de la tokenisation appliquée à l’immobilier seront analysés (Section II).

Section I – La présentation de la tokenisation appliquée à l’immobilier

2636 Le concept de tokenisation, déjà évoqué en matière de cryptoactifs1055, se comprend plus facilement en immobilier en le comparant à une transaction immobilière classique, dont il se démarque très difficilement. Ainsi, après avoir dressé un constat de ce que la tokenisation appliquée à l’immobilier est et n’est pas (Sous-section I), les différents modes de tokenisation seront analysés (Sous-section II).
Sous-section I – Les différences irréductibles entre tokenisation immobilière et « blockchainisation » de la vente immobilière

§ I – Le concept de tokenisation immobilière

2637 – La représentation numérique d’un actif par un jeton. – La tokenisation est la création de la représentation numérique d’un actif sur une blockchain. Elle désigne l’inscription d’un actif et de ses droits sur un token afin d’en permettre la gestion et l’échange en pair-à-pair sur une blockchain (ou dispositif d’enregistrement électronique partagé [DEEP]), de façon instantanée et sécurisé1056.
Lorsqu’un jeton est créé ou transféré sur la blockchain, différents intervenants (les mineurs) authentifient la transaction au moyen d’un cryptage qui est alors enregistré et horodaté sur la chaîne. Le protocole informatique du token permet donc d’identifier son porteur, mais également de tracer les différentes transactions opérées sur celui-ci, avec l’historique des échanges. De la sorte, se constitue un registre distribué (public, privé ou hybride) et décentralisé permettant de valider et retracer des transactions accessibles à tout moment via les ordinateurs participant à cette blockchain (les « nœuds »).
L’émetteur d’un token va définir ce qu’il représente en vertu d’une convention, par exemple un droit de propriété, un droit à des revenus locatifs, un droit à dividendes ou encore un droit de jouissance.
2638 – Le token support de smart contract. – L’émetteur de token peut également intégrer des fonctions au programme informatique constituant le token (smart contract ou « contrat intelligent »)1057 L’émetteur des jetons peut ainsi définir le périmètre de cessibilité du token, imposer des restrictions à certaines personnes déterminées ou pré-agréées ou à certains types d’agents économiques, entités relevant de certaines zones économiques ou systèmes juridiques prédéterminés, etc.
2639 – La tokenisation, des possibilités infinies. – L’usage de la blockchain est libre, et toute personne peut décider de stocker des données, notamment confidentielles, sur un DEEP sous réserve du respect des droits de propriété intellectuelle, de la loi informatique et libertés et du règlement général sur la protection des données.
Tout objet dont les droits n’impliquent pas un support de détention, des contrats, des modalités de gestion ou encore des formes d’enregistrement réglementées peut ainsi être tokenisé.
Ainsi, tokeniser une location de vélo à l’heure, en distribuant des jetons d’utilisation à des souscripteurs via une application ne nécessite aucune régulation ou réglementation particulière, les relations entre émetteur et souscripteurs étant alors régies par le contrat sur l’application qui fixera les droits et obligations respectives des parties. Dans ce contexte, et sauf dysfonctionnements causant une inexécution du contrat, le support blockchain, qui constitue en quelque sorte la partie back-office d’une application, est indifférent à la convention qui porte sur la location d’un vélo.
2640 – La limite de la tokenisation. – Dès lors que l’objet de la convention est soumis à un formalisme particulier, par exemple une vente immobilière qui implique un acte authentique et la publicité foncière, ou encore la tenue d’un registre d’actionnaires ou de parts qui répond à un formalisme légal obligatoire, il n’est pas possible de recourir au seul support blockchain qui n’a pas valeur d’écrit. Pour ces objets, l’intervention du législateur est obligatoire afin d’atténuer le formalisme auquel ils sont soumis pour autoriser l’emploi d’un DEEP.
2641 – Le token immobilier : un objet protéiforme. – L’immeuble peut s’appréhender sous deux angles : il représente, d’une part, un bien procurant un usage dans le temps prenant diverses formes (logement, travail, production, etc.), mais il est également d’un point de vue financier un bien frugifère produisant des revenus locatifs. La tokenisation immobilière consiste à représenter numériquement, en support d’un contrat, la propriété d’un bien immobilier ou de l’un ou plusieurs de ses attributs.
Les possibilités sont tellement nombreuses qu’il serait inopportun d’en dresser une liste exhaustive, mais, à titre illustratif, un jeton pourrait représenter :

la propriété de l’actif immobilier1058 ;

la propriété des parts d’une société détenant un ou plusieurs immeubles ;

le droit à percevoir des revenus fonciers générés par un actif immobilier ;

le droit de jouir de l’immeuble pour une durée déterminée ;

le droit d’utiliser une partie déterminée ou indéterminée de l’immeuble, par exemple un bureau ou une chambre pour une durée déterminée.

2642 – Les deux catégories de token. – Ainsi, comme il a été vu1059, la tokenisation immobilière peut prendre deux formats selon que les jetons émis procurent : 1) des revenus, un droit politique ou financier contre l’émetteur, sur le modèle d’une action (qui donne un droit en capital sur l’émetteur) ou d’une obligation (qui donne un droit au remboursement d’une créance sur l’émetteur), lui conférant la qualification de security token, ou 2) un usage ou un service sur l’immeuble (par ex., une semaine de vacances).

§ II – L’impossible tokenisation directe d’un immeuble en France

2643 – Le rêve d’un immeuble tokenisé. – De nombreux investisseurs rêvent de pouvoir atomiser la propriété immobilière en fractions pouvant être échangées aussi facilement que des actions ou obligations. Si la réglementation a ouvert la possibilité à une tokenisation indirecte des actifs immobiliers, elle semble inappropriée à la tokenisation directe des immeubles, au format d’utility token, à savoir un jeton matérialisant directement tout ou partie de l’actif immobilier, que ce soit sa propriété ou un droit de jouissance personnel ou réel.
2644 – Le système de publicité foncière. – L’un des principaux obstacles à la tokenisation directe de l’immobilier réside en l’incompatibilité, pour ne pas dire la concurrence entre la blockchain et le système foncier français qui repose sur un duo : registre de publicité foncière administré par l’État1060, et alimentation exclusive par l’intermédiaire de tiers de confiance réglementés1061, les notaires français, les juges (décision judiciaire) ou autorités administratives1062, qui soumettent des demandes d’inscription. Les deux systèmes ont la particularité de constituer des registres publics enregistrant tout à la fois des informations sur les actifs et des transactions.
Alors que la réglementation a facilement admis la coexistence de registres de titres de sociétés sous forme numérique ou papier1063, il semble difficilement concevable que l’État autorise dans les années à venir la coexistence d’une publicité des transactions immobilières sur la blockchain et sur le fichier immobilier pour les raisons qui suivent.
2645 – La valeur du fichier immobilier. – La publicité foncière est un enjeu de politique publique, d’abord parce que son efficacité a une incidence sur la valeur économique des immeubles, mais également parce que le fichier immobilier est une base importante pour établir la fiscalité immobilière, qu’elle soit sur la propriété ou sur les transactions. Le fichier immobilier moderne a été conçu comme un lieu de collecte des impôts, droits et taxes exigibles, le conservateur des hypothèques1064 ayant dès 1956 une mission de comptable public, en percevant au profit de l’État et des collectivités territoriales les impôts, droits et taxes exigibles lors des opérations de publicité foncière. Cette mission de collecte et de contrôle des taxes s’exerce en pratique conjointement avec les notaires qui collectent les taxes générées par leurs actes.
2646 – Question de l’opposabilité. – S’il est aujourd’hui techniquement possible de tokeniserdirectement un actif immobilier (c’est-à-dire d’accorder au porteur de parts la titularité directe de l’immeuble sans interposition d’une société), la détention d’un token immobilier n’est pas juridiquement opposable aux tiers1065 et à l’administration fiscale à défaut d’acte authentique publié.
La pleine efficacité juridique d’une tokenisation immobilière directe nécessiterait aujourd’hui une double inscription de la transaction sur la blockchain et au fichier immobilier, ce qui retire tout l’intérêt d’un recours à la blockchain, qui est un vecteur d’économie et d’optimisation.
2647 – La question du paiement de la fiscalité. – En admettant que l’État autorise un nouveau fichier immobilier blockchain bénéficiant d’un régime particulier, en dérivation ou à part du fichier dans sa forme actuelle, comment s’organiserait alors le paiement de la fiscalité à l’occasion des transactions, et quel serait le régime juridique de la multipropriété en cas de détention directe de l’immeuble sous forme de token ?
2648 – La fiscalité sécurisée par le tiers de confiance. – Dans la mesure où le notaire est un redevable légal des impôts vis-à-vis du Trésor public pour les actes qu’il reçoit1066, les parties aux actes et l’État sont garantis quant au paiement des droits dus si la provision versée est insuffisante. Ainsi, et dans la mesure où la publication de l’acte est intimement liée au paiement des taxes – ce que le législateur appelle la « formalité fusionnée » –, le notaire assure la fiscalité et la publicité de l’acte de vente, sous peine de ne pas pouvoir payer les taxes et de s’exposer aux pénalités.
Le système foncier actuel français garantit que les impôts seront payés et que l’acte de vente sera publié, ce qu’un système alternatif, même en blockchain, ne semble pas pouvoir offrir dans l’immédiat.
2649 – La difficulté à concevoir un modèle alternatif aussi sécurisant pour l’État. – Pour l’État, la procédure actuelle est très sécurisante car il dispose d’un agent qui calcule, liquide et perçoit sous sa responsabilité les taxes et impôts. Il serait sans doute possible aujourd’hui d’automatiser et de traduire informatiquement les modalités de calcul, de prélèvement, et de paiement des taxes dues au titre d’une transaction immobilière, même dans un schéma fiscal complexe.
Toutefois, des données informatiques devront bien être saisies dans la plateforme. Qui sera alors le garant de la validité des données saisies ? Cette question renvoie à la présence d’un « oracle » fiable, sorte d’agent de confiance confirmant la validité des données saisies, et la licéité des échanges1067.
2650 – Les effets « indésirables » de la propriété collective de l’immeuble. – À admettre que l’évolution du droit permette la tokenisationde la propriété immobilière directe, se poserait la question de la propriété collective d’un même immeuble, dont le régime devrait nécessairement être modifié.
Il ne semble exister en France que deux alternatives de détention d’un bien immobilier par plusieurs propriétaires dotés de la personnalité juridique : l’indivision1068, d’une part, qui n’est pas connue pour être le régime le plus souple, et les organisations prévues par la loi du 10 juillet 19651069, d’autre part, à savoir la division en lots de copropriété et la division volumétrique adossée à une association de gestion.
Les deux régimes ne semblent pas correspondre aux attentes de la tokenisation.
2651 – La copropriété et la tokenisation. – Le concept de tokenisation, qui viserait à diviser la propriété d’un immeuble en fractions échangeables sur blockchain, ne semble pas compatible avec la copropriété, qui implique la division de l’immeuble en lots affectés d’une quote-part indivise du sol correspondant à des emprises privatives. L’inverse impliquerait de créer un nombre limité de tokens équivalent à chaque lot privatif, ce dont on voit mal l’intérêt sauf à vouloir en faire une forme de société d’attribution en propriété ou en jouissance. Sous cet aspect, la copropriété semble incompatible avec les enjeux de la tokenisation, à savoir créer de la granularité dans la détention et de la liquidité.
Le régime de l’indivision, éventuellement adossé à la société en participation, mérite de plus amples développements.
2652 – L’inadaptation du régime de l’indivision / société en participation à la tokenisation immobilière. – La tokenisation s’accompagne nécessairement d’un contrat qui pourrait prendre la forme d’un contrat de société en participation1070 dépourvu de personnalité morale. Ce contrat régirait les relations entre associés, mais ne serait pas opposable aux tiers.
Le patrimoine de la société en participation étant inopposable aux tiers, il s’ensuit que l’immeuble est aux yeux des tiers détenu par un ou plusieurs des associés qui sont seuls propriétaires. Le législateur a offert la possibilité de conférer au patrimoine social une unité dans les rapports avec les tiers, soit en attribuant la propriété des biens sociaux à l’un des associés (C. civ., art. 1872, al. 4), soit en les mettant en indivision (C. civ., art. 1872, al. 3).
2653 L’attribution de la propriété de l’immeuble de la société en participation à un seul des associés, généralement le gérant, serait particulièrement risquée. D’une part, l’associé investi de la pleine propriété aurait les pouvoirs les plus étendus sur les biens sociaux, sans même que puisse jouer la limite de la fraude puisque le pacte social est inopposable aux tiers1071. Mais également car l’immeuble viendrait se confondre dans le patrimoine de l’associé, étant ainsi offert en gage non seulement aux créanciers sociaux mais aussi aux créanciers personnels de l’associé. Un tel montage visant à organiser la tokenisation d’un immeuble détenu par l’émetteur au travers d’une société en participation présente donc peu d’intérêt.
2654 L’hypothèse de la détention indivise de l’immeuble par les associés de la société en participation titulaires de tokens serait donc la seule solution. Cette situation poserait la question de l’entrée en indivision de l’immeuble, achat indivis ou apport à l’indivision, qui devra, aux fins d’opposabilité, faire l’objet des formalités légales et/ou conventionnelles. Il faudrait donc admettre que la publicité foncière soit adaptée pour permettre une tokenisation indivise de l’immeuble sans recourir à l’acte notarié qui priverait d’intérêt le montage, sauf adaptation technique et formelle de l’acte authentique.
2655 Dans les rapports avec les tiers, ce sont les règles de gestion de l’indivision qui prévalent sur les règles internes de la société en participation1072. Aussi les modalités de gestion de l’immeuble indivis résulteraient uniquement du régime de l’indivision du Code civil éventuellement adapté par convention. En l’absence de convention d’indivision, les règles de principe applicables à la gestion de l’immeuble seraient celles édictées par les articles 815-2 et suivants du Code civil, impliquant, hors le cas des actes conservatoires, le consentement de tous les indivisaires. L’éclatement de la propriété aurait alors pour conséquence de rendre la gestion de l’immeuble impossible.
Une convention d’indivision permettrait d’adapter en partie les modalités de gestion de l’immeuble en organisant la représentation et l’administration de l’indivision, ce qui gommerait imparfaitement les défauts de l’indivision mais ne permettrait pas de régler les droits de disposition qui nécessitent l’unanimité. Aussi il semble que ce régime ne soit pas adapté à la détention d’un immeuble.
2656 – L’enjeu rédhibitoire de la responsabilité des indivisaires. – À admettre que les souscripteurs acceptent de devenir propriétaires indivis de l’immeuble, il ne faut pas oublier que la responsabilité de la gestion du bien indivis incomberait personnellement à tous les indivisaires qui seraient alors tenus sur leurs biens personnels. En effet, que l’acte ou le fait dont procède l’engagement soit accompli personnellement par les indivisaires ou par leur représentant, il l’est toujours en leur nom et pour leur compte. Il s’ensuit que les indivisaires seraient tenus, conjointement ou solidairement, de ces engagements selon que l’activité, dont les biens sociaux réputés indivis sont le support, est civile ou commerciale1073. Cela semble très dangereux et inadapté à la gestion d’un actif immobilier.
Sous-section II – Les différents modes de tokenisation immobilière
2657 La tokenisation peut être effectuée selon plusieurs montages et avec différents régimes juridiques selon la nature des droits conférés par les jetons émis. Après avoir présenté les premiers montages réalisés en France (§ I), les deux principaux types de tokenisation seront présentés, à savoir la tokenisation d’une société (§ II) et les utility token (§ III).

§ I – La présentation des tokenisations déjà réalisées en France

2658 – Des opérations de tokenisation du registre de titres d’une société par actions. – Les premières opérations de tokenisation françaises ont consisté à inscrire le registre des titres d’une société par actions non cotée, détenant un actif immobilier, non pas dans un registre de titres traditionnel, mais directement sur la blockchain ou DEEP1074.
Ces opérations ne bouleversent donc pas l’architecture classique des ventes immobilières, contrairement à ce qui a pu être annoncé dans la presse qui y voyait les « premières ventes en blockchain »1075 alors que ce sont plutôt des formes de titrisation digitale. En définitive, il s’agit d’une nouvelle modalité de tenue d’un registre d’actionnaires dont le sous-jacent, détenu par la société, est un immeuble. Même si ce montage nouveau n’est pas intrinsèquement révolutionnaire, l’utilisation du numérique, et plus particulièrement de la blockchain, permet d’envisager de nombreuses simplifications et de nouvelles applications.
2659 – La première opération française : l’hôtel particulier dit « AnnA ». – La première opération de tokenisation française est une opération francilienne dénommée « AnnA ». L’hôtel particulier AnnA, destiné à la restructuration en logements, a tout d’abord été acquis aux termes d’un processus d’achat classique devant notaire par une société par actions simplifiée pour un montant estimé à 6,5 millions d’euros.
La société Equisafe1076, plateforme d’investissements fonctionnant via la technologie blockchain, a ensuite enregistré la société en tant qu’émetteur dans son système. Le 25 juin 2019, l’émetteur a ainsi transformé en tokens (cent au total) le capital social de la société détentrice de l’hôtel particulier. À chaque token correspond une action de cette société, et l’ensemble des parts/tokens a ainsi été réparti entre les deux acquéreurs1077, engagés à les conserver au minimum un an. Précisons également qu’il a été créé au préalable une identité numérique pour chacun des acheteurs1078.
2660 – La mise en œuvre de smart contracts. – Pour cette opération, Equisafe indique avoir également conçu quatre smart contrats et exploité près de deux cents fonctions, faisant notamment référence à des règles métier relatives au pacte d’actionnaires, aux droits et restrictions du registre1079. Ces fonctions interviendront ainsi lors d’une éventuelle revente ultérieure des cent tokens, entiers ou fractionnés, chaque token pouvant être scindé.
Le projet a reposé sur la blockchain publique Ethereum et des smart contracts développés en Solidity1080 pour leur solution (standard ERC-20)1081. Equisafe a toutefois précisé envisager de basculer leurs smart contracts existants vers la plateforme Tezos, qui n’utilise pas le même langage de programmation qu’Ethereum pour ses smart contracts.
À ce jour, aucune communication n’a été faite sur une éventuelle revente et/ou fractionnement des tokens du projet, et il semble que l’organisation d’un marché secondaire en soit au stade de projet potentiel1082.
2661 – La première opération de tokenisation tertiaire française. – La première opération de tokenisation d’un projet tertiaire a été menée peu de temps après par un institutionnel français (Mata Capital)1083. Ce projet, structuré en club-deal, a porté sur un actif parisien dans le 15e arrondissement, transformé en un hôtel quatre étoiles, pour un volume d’investissement de vingt-six millions d’euros.
Ce club-deal, réservé à une clientèle professionnelle, a été constitué sous forme de société par actions simplifiée, dont les actions ont été enregistrées dans un DEEP. Les actions de la société ont ainsi été tokenisées sur la blockchain Ethereum1084. Pour ce projet, et dans la perspective d’héberger tous les projets éligibles, Mata Capital a développé une plateforme blockchain, opérationnelle depuis le 31 juillet 2019.
Cette plateforme est destinée à permettre la tenue des comptes-titres de véhicules immobiliers via la blockchain, mais permettrait également de réaliser l’ensemble des démarches AML (anti-money laundering) et KYC (Know Your Customer) à travers la plateforme. L’objectif serait de permettre, à terme, aux investisseurs de souscrire et de revendre facilement leurs titres de gré à gré, à partir d’un centime d’euro1085.

§ II – La tokenisation du passif de la société (registre de parts)

2662 – La tokenisation par inscription du registre des titres en DEEP. – L’ordonnance du 8 décembre 20171086 a introduit la possibilité d’inscrire certains instruments financiers dans un dispositif électronique d’enregistrement partagé (DEEP)1087 en lieu et place d’une inscription en compte. Ce texte a posé un principe d’équivalence entre l’inscription traditionnelle en compte-titres et l’inscription dans un DEEP, qui tient lieu d’inscription en compte.
L’inscription sur DEEP permet de matérialiser et de présumer la propriété sur les titres ainsi inscrits au même titre que l’inscription en compte-titres. Il est indifférent que le patrimoine social sous-jacent soit constitué de biens immobiliers (parts ou actions de sociétés civiles de placement immobilier, d’organismes de placement collectif immobilier, de sociétés par actions simplifiées, etc.).
2663 – Peut-on véritablement parler de tokenisation ? – On peut s’interroger sur la qualification véritable de l’action consistant à inscrire les titres d’une société en DEEP. En effet, l’inscription en blockchain des titres en lieu et place d’un registre des titres papier semble être une démarche technique de substitution de support sans révolution. La qualification de jeton ou token pour ces actions n’est pas évidente si l’on se réfère au Code monétaire et financier qui précise que les actifs numériques comprennent les jetons à l’exclusion de ceux qui présentent les caractéristiques des instruments financiers1088. Si l’on suit ce raisonnement, les actions de société sur blockchain ne seraient pas des actifs numériques, mais des titres financiers.
Certains auteurs en concluent que les actions inscrites en DEEP sont des titres financiers dits « blockchainisés » et non pas véritablement des jetons/tokens, qui seraient réservés à ceux reproduisant contractuellement les droits financiers, voire les droits politiques d’un titre financier, mais sans en être1089. Mais ce débat n’a pas de conséquence juridique immédiate, et au niveau mondial, le concept de tokenisation renvoie de manière générique à l’action d’inscrire en blockchain sans distinguer.
2664 L’inscription des titres financiers1090 dans un DEEP relève d’une décision de l’émetteur (la société dont le capital est inscrit en DEEP)1091 et ne doit pas nécessairement être prévue dans les statuts. Ainsi, plusieurs situations peuvent se présenter :

soit les statuts de la société prévoient l’inscription en DEEP, et dans ce cas une simple décision du représentant légal de procéder à l’inscription suffit ;

soit les statuts prévoient que les titres sont au nominatif, sans pour autant viser l’inscription en DEEP, et dans ce cas la décision pourrait relever également d’une simple décision du représentant légal de la société. Il est toutefois conseillé de faire valider cette modalité en assemblée générale des actionnaires pour adapter les statuts ;

soit enfin, les statuts ne sont pas clairs sur la nature des titres qui pourraient être au porteur (ou le sont obligatoirement), et dans ce cas il est impératif de modifier les statuts avant toute inscription en DEEP.

2665 Si l’émetteur est en principe en charge de l’inscription des titres en DEEP, il peut cependant désigner un mandataire pour l’accomplissement des missions qui lui incombent en raison de la forme nominative des titres qu’il émet. Il lui appartient alors de publier au Bulletin des annonces légales obligatoires la dénomination et l’adresse de son mandataire, ainsi que la catégorie de titres financiers qui fait l’objet du mandat.
Le DEEP doit être conçu et mis en œuvre de façon à garantir l’enregistrement et l’intégrité des inscriptions et à permettre, directement ou indirectement, d’identifier les propriétaires des titres, la nature et le nombre de titres détenus. Et le propriétaire des titres inscrits en DEEP doit pouvoir disposer de relevés des opérations qui lui sont propres.
Ainsi la technologie blockchain (DEEP) doit être déployée en back-office d’une application ou plateforme délivrant des informations aux souscripteurs, qui doivent pouvoir y accéder par des moyens sécurisés.
2666 Les inscriptions réalisées en DEEP doivent faire l’objet d’un plan de continuité d’activité actualisé comprenant notamment un dispositif externe de conservation périodique des données. Cela implique que l’émetteur, par l’intermédiaire de son représentant légal, organise un dispositif de sauvegarde externe à la solution. Dans le cas d’une blockchain publique, cette sauvegarde peut consister à doter l’émetteur d’un dispositif de minage afin de devenir un des nœuds du réseau, disposant à ce titre d’une copie de la blockchain.
2667 – Les titres susceptibles de tokenisation. – L’ordonnance du 8 décembre 2017 ne vise que les titres financiers qui ne sont pas admis aux opérations d’un dépositaire central ni livrés dans un système de règlement et de livraison d’instruments financiers. Il faut ainsi en déduire que seuls les titres non cotés sont concernés.
Sont ainsi susceptibles d’être inscrits en registre DEEP :

les titres de créance négociables1092, qui sont des dépôts à terme ouvrant droit à un remboursement à une échéance convenue. Par exemple un bon du Trésor. Ces titres ne sont pas impliqués dans le dispositif de tokenisation ;

les titres de capital émis par les sociétés par actions1093, principalement des actions, et les titres de créance autres que les titres de créance négociables (titres non cotés), à condition que ces titres ne soient pas négociés sur une plateforme de négociation1094 ;

les parts ou actions d’organismes de placement collectifs (OPC). En matière immobilière ils prennent la forme d’OPCI1095. Ces OPC doivent être gérés par des sociétés de gestion de portefeuille disposant d’un agrément délivré par l’Autorité des marchés financiers1096.

Ainsi deux principales formes de titres peuvent faire l’objet d’une tokenisation immobilière : les sociétés commerciales de type société par actions, société anonyme ou société en commandite par actions, ou encore les parts et titres des OPCI.
Pour autant, la seule inscription des titres en registre DEEP ne répond pas à l’objectif véritable de liquidité porté par la tokenisation, qui est la capacité technique mais surtout juridique d’organiser des marchés secondaires.
2668 – La tokenisation des SCPI. – Les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) sont des sociétés civiles, qualifiées d’OPC et plus particulièrement des fonds ouverts à des investisseurs non professionnels relevant de la catégorie des fonds d’investissement alternatifs (FIA)1097. Ainsi les parts de SCPI sont qualifiées d’instruments financiers, et devraient pouvoir bénéficier des dispositions de l’ordonnance du 8 décembre 20171098.
Toutefois, la réglementation prévoit que les transferts de propriété des parts de SCPI obéissent à un régime ad hoc, par inscription sur le registre des associés, et non pas en compte-titre1099. Le régime spécifique relatif à la tenue de registre des associés de SCPI, droit spécial, semble exclure le recours alternatif à l’inscription en DEEP, même si aucun texte réglementaire ne l’interdit.
2669 En l’absence de disposition législative ou réglementaire contraire, le choix technologique quant à la tenue du registre des associés par la SCPI semble possible. Pourrait-on admettre qu’il prenne la forme d’un DEEP ? Il semble qu’aucune obligation réglementaire n’interdise le recours à la blockchain en appliquant volontairement le dispositif de l’ordonnance du 8 décembre 20171100. À notre connaissance, aucune SCPI n’a initié une telle démarche.
L’intérêt de la tokenisation des parts de SCPI est actuellement limité par les conditions de revente sur marché secondaire, notamment pour les sociétés à capital variable pour lesquelles on parle de retrait par l’intermédiaire de la société de gestion qui fixe le prix en fonction de la valeur du patrimoine de la société, indépendamment de l’offre et de la demande. Dans ce cas, il n’y a pas véritablement de marché et l’intérêt de la blockchain serait de réduire les coûts de back-office et d’optimiser les procédures.
S’agissant des sociétés à capital fixe, le marché secondaire est organisé par la société de gestion qui confronte des ordres d’achat/vente inscrits chronologiquement sur un registre tenu au siège de la société1101. Là encore, le formalisme imposé aux souscripteurs rend la traduction informatique dans une blockchain, à admettre qu’elle soit juridiquement possible, très complexe.

§ III – L’utility token

2670 – Concept d’utility token. – Il n’y a pour l’heure pas de définition légale précise des actifs numériques classifiant les utility tokens et les security tokens. Il est communément admis que les utility tokens sont des jetons numériques qui donnent aux utilisateurs le droit d’accéder à un produit ou un service et dont la valeur provient principalement de ce droit. À ce titre, les utility tokens ne confèrent à leurs détenteurs aucun droit de propriété sur la plateforme ou les actifs de l’entreprise.
Les utility tokens ne doivent pas non plus poursuivre une logique ou une attente de rendement financier sous peine de devenir des security tokens. En outre, bien que les utility tokens puissent être échangés entre leurs détenteurs, ils ne sont pas utilisés en premier lieu comme un moyen d’échange (à l’inverse d’une cryptomonnaie). Cela implique que même si un utility token peut être utilisé en règlement d’un bien ou d’un service distinct de celui en vue de la livraison duquel il a été émis, cette utilisation n’est qu’incidente à sa fonction principale.
2671 – L’intérêt avéré des utility tokens. – Les utility tokens sont le carburant des levées de fonds en ICO1102, permettant, en théorie, et sous réserve de respect des règles de régulation et du Code monétaire et financier, de financer un projet de services par la vente anticipée des services d’une société sous forme de token.
À ce jour, aucun projet notable d’utilty token n’a été publié dans le domaine de l’immobilier, même si de nombreux articles de presse font la promotion de cette idée1103.
2672 – La diversité des usages possibles des utility tokens en immobilier. – L’immobilier offre avant toute chose un usage pour ses occupants, que ce soit pour vivre, travailler ou produire des biens et services. À ce titre, l’immobilier se prête tout particulièrement à l’imagination de jetons numériques matérialisant un usage de tout ou partie d’un immeuble dans le temps. Dès lors qu’un token ne matérialiserait pas la propriété et/ou un revenu, il est probable qu’un token immobilier relèverait de la catégorie des utility tokens.
Le champ des possibles est vaste et l’on pourrait citer à titre d’exemple :

token d’utilisation d’un bureau de coworking. On peut imaginer qu’un token puisse matérialiser le droit de jouir d’un bureau dans un espace de coworking de bureaux, pour un nombre d’heures ou jours déterminé ;

token d’utilisation d’une chambre d’hôtel. Dans le même esprit, un token hôtelier pourrait servir de carte d’accès à une chambre d’hôtel pour une nuit dans une chaîne déterminée ;

token d’utilisation d’une servitude de passage. Idem, avec l’utilisation pour un temps donné d’un espace de stockage ou rangement.

Ces idées devront se vérifier par des cas d’usage concrets, justifiant un investissement dans une blockchain par les pionniers de l’économie du numérique. À l’heure actuelle, ces services ne semblent pas justifier le recours à la blockchain.
2673 – La blockchain comme outil de modernisation des sociétés de time-share. – La tokenisation pourrait permettre de donner un nouvel élan aux résidences de vacances en time-share, qui permettent actuellement à des associés de jouir une ou plusieurs fois par an d’une résidence secondaire. Bien que cela puisse prendre la forme de titres de sociétés par actions tokenisées, et donc des titres financiers, on peut s’interroger sur leur nature d’utility token ou security token, dans la mesure où la finalité première et prépondérante est l’attente d’un service.
Si le projet était conduit sous forme d’une société tokenisée, ce projet de société devrait respecter et mettre en œuvre le dispositif de la loi sur les sociétés d’attribution en jouissance1104.

Section II – Les enjeux de la tokenisation immobilière en France

2674 Le concept de tokenisation incarne principalement un enjeu financier et économique (Sous-section I), qui pose toutefois de nombreuses questions juridiques (Sous-section II). La place du notaire dans l’accompagnement de l’éventuel essor de la tokenisation sera analysée en troisième partie (Sous-section III).
Sous-section I – Les enjeux économiques et financiers de la tokenisation
2675 – La tokenisation, un enjeu de liquidité. – Du point de vue financier, la tokenisation de l’économie permettrait de rendre plus liquides toutes les catégories d’actifs, y compris les biens de nature immobilière1107. Le bien immobilier est pourtant un bien qui ne peut pas être déplacé1108 et possiblement le moins liquide des actifs.
L’investissement immobilier sous forme de bien meuble, présentant une certaine forme de « liquidité », existe déjà au travers des actions des foncières cotées (SIIC), des parts de sociétés civiles de placement immobilier (SCPI), des actions d’organismes de placement collectif immobilier (OCPI), ou encore des parts d’un organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM). Ces placements sont habituellement nommés « pierre-papier ».
La blockchain permettrait de donner un nouvel élan à ces investissements qui deviendraient « pierre-digitale »1109, en permettant une plus grande granularité des investissements avec des tickets d’entrée plus faibles et des micromarchés.
Pour autant, de nombreux auteurs soulèvent le risque de création de bulles spéculatives et de montages juridiques non maîtrisés.
2676 – La tokenisation comme vecteur d’optimisation par le numérique. – L’utilisation de la blockchain pour la tenue du registre des parts permet d’optimiser le processus de transfert de titres entre actionnaires, en automatisant l’exécution technique (plus besoin d’écrire sur le registre papier). Elle permet ainsi de sécuriser la transaction (plus de risque de perte, de vol ou de destruction), tout en réduisant le risque de fraude, et les coûts liés à cette tenue de registre.
L’exécution technique étant grandement accélérée et automatisée, aussi bien pour les transactions sur le marché primaire que secondaire, cela permet d’augmenter le nombre d’opérations traitées sur une même période.
2677 – La tokenisation comme vecteur de démocratisation de l’investissement. – La tokenisation pourrait permettre une réduction du coût des transactions sur le marché primaire et le marché secondaire et le coût d’accès aux investissements non cotés. Cette réduction des frais de transaction pourrait contribuer à baisser le ticket minimum d’investissement, en abaissant le seuil de rentabilité.
On peut donc imaginer dans un futur proche des titres à moins d’un euro, souscrits via des plateformes accessibles sur téléphone mobile. La taille du marché en sera potentiellement augmentée, et de nouvelles opportunités pourraient s’ouvrir pour l’ensemble des acteurs du monde de l’investissement afin de diversifier les supports d’investissement.
La technologie blockchain permet également la mutualisation de l’information. Ainsi, sous réserve d’adopter un cadre réglementaire favorable, il serait possible de partager les éléments de documentation d’un investisseur (AML/KYC) avec d’autres acteurs de l’écosystème, matérialisés par un token de vérification de l’investisseur, réduisant encore plus les coûts de traitement d’une transaction.
Sous-section II – Les enjeux juridiques de la tokenisation
2678 – La protection des épargnants et les enjeux de régulation. – La tokenisation est conçue comme une nouvelle rampe de diffusion des produits d’investissements et de levée de capitaux, que ce soit sous un format de STO, sur des instruments financiers avec l’attente d’un rendement, ou par le biais d’ICOs via des jetons procurant des produits ou services futurs, sans toutefois exclure totalement une intention spéculative1110. Les auteurs reconnaissent d’ailleurs que la tokenisation est une nouvelle forme de financement1111.
L’internet démultiplie la capacité de sollicitations frauduleuses, et les promesses de la blockchain portées par la folie de l’envolée des cours des cryptomonnaies renforcent cette situation de risque pour les épargnants. De nombreuses règles existent dans le Code monétaire et financier afin de prévenir les appels à l’épargne et les démarchages intempestifs, l’Autorité des marchés financiers luttant quotidiennement afin de faire respecter ces normes1112. L’utilisation de la tokenisation ne doit pas être un mode de contournement de la réglementation applicable et, en particulier, de la réglementation qui s’applique en cas d’offre au public de titres financiers1113.
2679 – La tokenisation n’est pas une dérivation du droit. – Il semble difficile d’admettre que la tokenisation puisse permettre de s’affranchir des règles assurant la sécurité juridique, la transparence des marchés et la protection des investisseurs. Ces règles de régulation qui impliquent des visas, passeports ou informations de l’Autorité des marchés financiers sont indispensables pour protéger contre les montages frauduleux ou trompeurs. Le droit français, transposant le droit européen, prévoit un principe d’interdiction de procéder à une offre au public de titres financiers ou de parts sociales, sauf autorisation expresse prévue par la loi sous peine de nullité1114.
2680 L’immobilier en tant que classe d’actif ne bénéficie pas forcément de protections particulières dans l’arsenal du Code monétaire et financier, dans la mesure où sa titrisation est portée par des sociétés/groupements réglementés et régulés par l’Autorité des marchés financiers. Aujourd’hui, avec la tokenisation et les nouveaux canaux d’investissement par internet, l’investissement immobilier pourrait être porté par de nouveaux acteurs souhaitant s’affranchir des règles actuelles. Dans la mesure où l’immobilier est un objet très protégé par des dispositifs normatifs, notamment quant à ces usages (logement, commerce, etc.), il est possible que l’essor du concept de tokenisation immobilière pousse les pouvoirs publics à émettre des règles particulières.
2681 – L’obligation de Prospectus en cas d’offre au public de security token. – La procédure d’émission de security tokens est soumise à la législation Prospectus1115, à la réglementation AMF et à la directive MIF21116. Par ailleurs, l’acceptation des investisseurs et des capitaux est soumise aux règles classiques de la procédure de vérification des bénéficiaires effectifs KYC (Know Your Customer) et de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme (LCB-FT). L’architecture technique et les services offerts par une plateforme doivent donc traduire scrupuleusement ces normes et procédures.
Ainsi, tout projet consistant à diffuser des titres tokenisés, détenant ou devant acquérir un actif immobilier, notamment par internet ou tout mode de communication, constituerait une offre au public de titres financiers soumise à l’obligation d’un document d’information dès lors qu’elle remplit un des critères susvisés de dispense de prospectus, ou à défaut devrait faire valider au préalable un prospectus et obtenir un visa de l’Autorité des marchés financiers.
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2683 – Le problème de la qualification des tokens immobiliers. – Le « jeton » est défini par l’article L. 552-2 du Code monétaire et financier comme « un bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien »1124. Or, selon que les jetons seront des titres financiers ou des utility tokens, ils seront alternativement soumis aux règles susvisées quant à l’appel au public, et les levées de fonds peuvent prendre la forme de Security Token Offerings (STO), ou aux règles relatives aux Initial Coin Offerings (ICOs).
Cette distinction pourrait s’avérer délicate dès lors que ces jetons s’appliquent à des biens de nature immobilière, dans la mesure où un bien immobilier peut alternativement, et souvent de manière non définitive, procurer un revenu ou un usage.
2684 – La négociabilité très limitée des titres en DEEP. – Si une plateforme propose la transmission des tokens, et dès lors que le fonctionnement de la plateforme s’apparente à celui d’un système multilatéral de négociation ou d’un système organisé de négociation, la plateforme sera soumise aux règles applicables aux marchés d’instruments financiers1125.
L’ordonnance du 8 décembre 20171126 ferme la possibilité d’inscrire en DEEP les actions négociables sur une plateforme de négociation. Cette possibilité est intacte pour les OPCI qui peuvent organiser un marché secondaire par l’intermédiaire du gestionnaire d’OPC agréé par l’Autorité des marchés financiers (AMF).
2685 – L’interdiction des plateformes de négociation. – Ainsi la tokenisation par le biais d’une inscription en DEEP des titres d’une société par actions simplifiée ne doit pas s’accompagner de la mise en place d’une plateforme de négociation, et les statuts devront interdire l’inscription des titres sur de telles plateformes.
À ce sujet, le concept de plateforme de négociation en relation avec un DEEP a été précisé par l’AMF en mars 20201127. Selon l’AMF, la plateforme de négociation répond à trois critères. C’est un système multilatéral1128, permettant la rencontre en son sein des intérêts des vendeurs et acheteurs et de conclure des transactions. Ainsi la plateforme qui accompagnerait la tokenisation d’une SAS ne doit pas organiser une marketplace d’achat-revente des titres formalisés sur la plateforme.
Enfin, bien que les OPC puissent en théorie animer une plateforme de négociation, cela nécessiterait l’obtention d’un agrément de système multilatéral de négociation, impliquant le recours à un gestionnaire centralisé, ce qui ferme la possibilité de recourir à la blockchain publique. Ce qui conduit l’AMF à conclure que l’animation d’un véritable marché secondaire des tokens est, dans l’état actuel de la réglementation, impossible1129.
2686 – La tolérance des tableaux d’affichage des intérêts des titres en DEEP. – Bien que l’organisation d’un véritable marché secondaire soit rendue presque impossible en tokenisation décentralisée, l’AMF s’est prononcée favorablement à des tableaux d’affichage utilisés pour la publicité des intérêts acheteurs et vendeurs, qui ne constitueraient pas des marchés réglementés ou des systèmes multilatéraux de négociation, sous réserve de ne pas permettre d’exécution ni de rencontre des intérêts acheteurs et vendeurs.
Cette publicité sur la plateforme peut inclure des prix et des quantités disponibles, mais sans appariement des intérêts ni recours à un carnet d’ordres centralisé. La plateforme ne doit avoir aucune action favorisant la rencontre entre un vendeur et un acheteur. Les coordonnées des acheteurs et des vendeurs peuvent en revanche être affichées de manière à ce qu’ils prennent contact de manière bilatérale hors du système. La négociation et la conclusion des transactions doivent par conséquent s’effectuer de manière bilatérale, en dehors du système.
Ainsi, le choix de l’un ou l’autre de type de gestionnaire sera conditionné par le souhait d’animer un véritable marché secondaire, ou un simple tableau de publicité des intérêts, et la capacité de disposer d’un agrément de gestionnaire d’OPC dont les règles et coûts de fonctionnement peuvent amoindrir l’intérêt de la tokenisation.
Sous-section III – Les enjeux de la tokenisation pour le notariat
2687 – La pierre-papier ancêtre de la pierre numérique. – La naissance de la pierre-papier en France date des années 1960 avec les premières sociétés civiles immobilières à capital variable, rapidement devenues les1130 sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) réglementées par une loi no 70-1300. L’enjeu principal de cette loi était d’encadrer ces nouvelles sociétés d’investissement collectif en immobilier, sous un angle de régulation pour protéger les épargnants, mais également pour préserver le système boursier et les banques contre des investissements alternatifs leur échappant.
2688 – Rôle du notaire dans l’essor des SCPI. – En admettant que la tokenisation se présente comme une forme d’évolution technologique naturelle de la « pierre-papier », le notaire doit s’interroger sur son rôle dans le développement et les cycles de la détention indirecte d’actifs immobiliers au moyen de la « pierre-papier ».
Le notaire ne semble pas être un des grands acteurs de la pierre-papier, la pratique et les lois ayant autorisé ce type d’investissement en immobilier ne le mentionnant à aucun moment. Il aurait pu être confié un rôle aux notaires dans ce nouveau mode d’investissement, pour sécuriser les opérations et rassurer les investisseurs, mais leur intervention semble s’être limitée aux actes d’achat ou apport des actifs aux sociétés. Cela s’explique sans doute par le fait que le législateur ne voulait pas alourdir la procédure de souscription, mais également car la loi était orientée régulation et droit des sociétés en traitant assez peu du sous-jacent immobilier.
2689 – Rôle du notaire dans l’essor des héritiers des SCPI. – D’autres supports d’investissement collectifs en immobilier ont été par la suite adoptés en France, tels que les sociétés d’investissement immobilier cotées (SIIC) en 20031131, les organismes de placement collectif immobilier (OPCI) en 20051132, ou plus récemment en 20141133 avec le crowdfunding immobilier présenté comme un mode d’investissement alternatif. Le notaire n’a pas non plus été visé par ces nouveaux dispositifs.
Le notaire semble globalement absent de l’investissement indirect en immobilier1134, auquel il participe pour constater les mutations de l’immeuble par la société, lors de l’entrée de l’actif dans le patrimoine social, lors sa cession et lors de la liquidation de la société.
2690 – La pierre digitale, de nouvelles opportunités pour les tiers de confiance ? – La digitalisation de la pierre-papier semble inéluctable compte tenu des évolutions technologiques et de l’intérêt, tant pour les souscripteurs que pour les sociétés de gestion, d’employer le numérique pour la souscription et la gestion de leurs actifs.
Pour autant, bien que d’apparence révolutionnaire, il a été vu que la tokenisation semble à moyen terme1135 un enjeu de back-office, avec l’espoir d’une minoration des coûts de gestion et d’administration de la gestion des investisseurs et des investissements.
De ce point de vue, la tokenisation offre simplement un nouveau support à la pierre-papier, pour la porter vers un « tout-numérique », sans en changer les mécanismes et sans véritablement « désintermédier » la filière qui reste centrée autour de gérants d’actifs. Des projets en dessous des seuils de régulation peuvent bousculer un peu les supports établis, mais cela reste marginal à l’heure actuelle.
Que ce soit par les acteurs traditionnels ou de nouveaux acteurs, l’emploi du 100 % numérique n’est pas anodin en termes de sécurité et d’intégrité des transactions. Le rôle des tiers de confiance pourrait se trouver renforcé afin d’offrir une infrastructure fiable et des sauvegardes de sécurité, que la blockchain publique ne semble pas pouvoir offrir.
2691 Le notaire, tiers de confiance, voire autorité de confiance1136, pourrait se voir confier de nouvelles missions pour rétablir la confiance et la solidité de montages 100 % numériques que l’immatérialité et l’immédiateté pourraient fragiliser. Quelles pourraient être ces nouvelles missions ?
2692 – Le notaire en tant que dépositaire de confiance. – Le notaire est un détenteur de fonds traditionnel pour le compte de ses clients, ce qui se justifie par son statut d’officier ministériel, et par un partenariat privilégié avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui a le monopole de la détention des comptes des notaires1137. Le notaire exerce d’ailleurs une forme de délégation de service public en taxant les actes qu’il reçoit pour le compte de l’État et des collectivités à qui il reverse les impôts dus. En tant que tiers de confiance, le notaire efface le risque d’absence de contrepartie pour le vendeur en lui assurant le paiement de son prix, ce qui se rapproche de la philosophie déployée par la blockchain pour automatiser le paiement (delivery versus payment).
Ainsi le notaire dispose d’une expertise et d’outils performants avec la CDC pour détenir en toute sécurité les fonds de ses clients, ce qui en fait, en France, un des seuls dépositaires de confiance à côté des banques habiles à exécuter des ordres de virement en temps réel. Aucun autre professionnel du droit ne bénéficie d’une telle agilité dans la détention et l’exécution d’opérations, et cette spécificité pourrait ouvrir la voie à des missions nouvelles dans le cadre de l’économie numérique.
2693 – Une mission légale ou contractuelle. – Cette fonction de détenteur de fonds et de tiers de confiance s’exerce de manière générale dans tous les actes du notaire, mais également à l’occasion d’actes particuliers dont l’objet est de détenir une somme litigieuse, que ce soit par l’effet d’un dispositif réglementaire ou du fait de la pratique contractuelle.
S’agissant des dispositifs réglementaires, le notaire exerce un rôle de dépositaire des souscriptions en numéraires au capital des sociétés par actions1138 et des sociétés à responsabilité limitée1139.
S’agissant de la pratique contractuelle, le notaire est le tiers de confiance de référence pour le séquestre de sommes litigieuses en attente de la réalisation d’un événement, au moyen d’une convention de séquestre authentique. Le notaire peut également être rendu dépositaire d’un contenu numérique par le biais d’une convention de dépôt au coffre-fort électronique1140, conférant date et contenu certains à un ou plusieurs fichiers. Il semble que le rôle du notaire en tant que tiers de confiance dépositaire d’un contenu numérique ou d’une somme liée à une convention en relation avec le numérique devrait se développer dans les prochaines années, à mesure que l’économie se digitalise.
2694 – Le notaire, tiers de confiance des ICOs. – Le notaire s’est également vu reconnaître, en marge de la loi Pacte1141, la qualité de dépositaire et tiers de confiance dans les opérations d’Initial Coin Offering (ICO)1142, en exerçant les missions suivantes :
2695 Le suivi et la sauvegarde des fonds recueillis dans le cadre de l’offre ICO, au moyen d’une convention de séquestre des fonds recueillis dans le cadre de l’offre de jetons. Cette convention ne porterait que sur les sommes remises en monnaie traditionnelle, et viserait, à l’issue de la levée de fonds et selon les critères fixés par le livre visé par l’Autorité des marchés financiers, soit à remettre les fonds séquestrés à l’émetteur, soit à restituer les fonds aux dépositaires.
En pratique, cela pose de nombreuses questions pratiques pour le notaire et la Caisse des dépôts et consignations, relatives à la mise en œuvre d’une telle convention, notamment en cas de paiement en devises étrangères et si le nombre d’investisseurs déposant des fonds est très important (parfois plusieurs milliers).
Mais cela pose également la question des diligences quant à la lutte contre le blanchiment de capitaux et l’identification des bénéficiaires effectifs.
2696 – La mise en place d’un système de signatures multiples pour débloquer les opérations en actifs numériques, en désignant un notaire comme tiers indépendant détenteur d’une clé privée. – Cette convention porterait sur les souscriptions en cryptoactifs qui ont vocation à être centralisées sur une adresse unique et dont la libération à l’émetteur ou la restitution aux souscripteurs doit être sécurisée. À ce titre, l’émetteur s’engage contractuellement à ne signer les transactions matérialisant (i) un retrait ou (ii) un transfert des actifs numériques détenus sur l’adresse vers le compte d’un tiers, qu’en cas de réalisation des conditions de transfert ou de retrait des fonds et des actifs numériques, telles que définies par l’émetteur. Afin de garantir l’exécution de ce contrat, il est prévu de prévoir une signature multiple des ordres à exécuter avec plusieurs détenteurs de clés privées, dont au moins une remise à un tiers de confiance, qui pourrait être un notaire. Dans ce contexte, le notaire n’aurait pas à héberger les cryptoactifs mais détiendrait une clé pour les débloquer selon une convention de dépôt de clé.
Le notariat devrait se saisir de ces nouvelles missions potentielles pour en apprécier la faisabilité et, si cela s’avère pertinent et conforme à la mission traditionnelle des notaires, favoriser l’adoption d’une offre dédiée par les offices.
2697 – Le notaire en tant qu’expert immobilier. – l’objectif de la tokenisation immobilière serait de rendre l’investissement immobilier plus accessible, en permettant des souscriptions plus faibles (par ex., de quelques euros par mois), et plus liquide tout en utilisant la blockchain comme support des transactions. Il a été vu que ces objectifs ne pourraient pas être atteints à brève échéance1143 compte tenu des règles protectrices des épargnants. Pour autant, il faut s’interroger sur le rôle possible du notaire dans la confiance donnée à un investissement numérique ayant un sous-jacent immobilier.
Il faut reconnaître au notaire français qu’il dispose, de par son activité et la diversité de sa clientèle (acteurs publics, privés, entreprises, etc.), de la pleine compétence immobilière, son expertise couvrant tous les cycles de vie de l’immeuble.
Aussi l’intervention du notaire en tant que conseil ou expert immobilier pourrait se concevoir en dehors même de son activité liée à la rédaction et la préparation des actes, afin d’offrir un service d’audit et d’expertise sur les actifs immobiliers au format électronique sécurisé. À titre d’exemple, dans le projet AnnA1144, l’audit notarial de l’actif a été inscrit sur la blockchain et a été diffusé aux investisseurs qui ont eu ainsi la capacité d’en vérifier l’intégrité formelle, comme une sorte de copie authentique de l’audit.
2698 – Le notaire, vecteur de confiance. – La confiance dans le sous-jacent immobilier est d’autant plus importante que l’investissement est ciblé sur un ou quelques actifs. Si la tokenisation immobilière devait permettre des micromarchés avec des investissements en commun sur des actifs déterminés, possiblement de petite taille, il est impératif que les investisseurs puissent s’assurer que les fondamentaux de l’actif immobilier ont été audités par un tiers qualifié et sont conformes aux promesses de l’émetteur (propriété, location, etc.). Le notaire semble être l’expert de référence capable d’émettre un avis par rapport à une grille d’audit sur un actif immobilier, avec une bonne connaissance des enjeux de la multipropriété.
Comme pour l’industrie qui va de plus en plus se tourner vers une économie des services1145 du fait du numérique, il est possible que le notaire mute d’un métier presque exclusivement centré sur la transaction (vente, transmission, etc.) vers des missions plus orientées sur les services, avec notamment des missions de tiers de confiance en immobilier pour donner de la confiance aux investissements opérés par l’intermédiaire du numérique.
2699 – Le notaire en tant que service numérique sécurisé. – Au-delà de son statut particulier et de ses missions de tiers de confiance, le notariat est l’un des métiers du droit le plus numérisé de France. Cette situation s’explique en grande partie par une dotation exceptionnelle des instances professionnelles qui mettent en œuvre, aux côtés des pouvoirs publics, des solutions innovantes de numérisation depuis le début des années 2000.
Les outils employés par les notaires sont à la pointe de la technologie (réseau Real, plateforme « Planète », Télé@ctes, l’acte authentique électronique, à distance, etc.), et reposent sur une infrastructure technique polycentralisée très robuste1146.
À l’heure actuelle, les solutions développées par le notariat sont orientées vers les notaires et les pouvoirs publics, afin de digitaliser et d’optimiser la procédure notariale et sa relation avec les administrations et les clients.
2700 – Le notaire face à l’essor possible des utility tokens. – Les utility tokens comme support d’un droit à un usage ou un service devraient trouver une utilité en immobilier1148. Pour autant, en tant que supports numériques facilitant l’échange, ils ne modifient pas les droits dont ils sont l’objet qui donneront lieu à un contrat. À ce titre, il est possible que les notaires aient un rôle à jouer dans le développement de ce type de support. Cela reste à ce stade assez flou dans la mesure où de tels jetons n’ont pas encore trouvé d’applications concrètes dans l’économie réelle. Dans l’hypothèse où le notaire devrait participer à un contrat se matérialisant par l’émission d’un utility token, se posera la question de sa responsabilité et de son conseil sur la partie technique. En effet, si l’on considère que l’aspect technique du token va participer à l’exercice concret des droits conférés par le jeton, peut-on en dissocier complètement le contrat ? En d’autres termes, les notaires pourront-ils circonscrire leur responsabilité à la seule partie juridique du contrat sans avoir aucune responsabilité en cas de défaillance du token émis ?

1055) V. infra, nos 2128 et s.
1056) V. Glossaire : « DEEP ».
1057) V. présentation complète du smart contract par la Commission 3, infra, nos 3237 et s.
1058) Ce qui est impossible en France (V. infra, no 2645).
1059) V. supra, no 2637.
1060) D. no 55-22, 4 janv. 1955, portant réforme de la publicité foncière, art. 1 : « Il est tenu, pour chaque commune, par les services chargés de la publicité foncière, un fichier immobilier sur lequel, au fur et à mesure des dépôts, sont répertoriés, sous le nom de chaque propriétaire, et, par immeuble, des extraits des documents publiés, avec référence à leur classement dans les archives.

Le fichier immobilier présente, telle qu’elle résulte des documents publiés, la situation juridique actuelle des immeubles ».
1061) V. C. civ., art. 710-1 : « Tout acte ou droit doit, pour donner lieu aux formalités de publicité foncière, résulter d’un acte reçu en la forme authentique par un notaire exerçant en France, d’une décision juridictionnelle ou d’un acte authentique émanant d’une autorité administrative ».
1062) Les préfets reçoivent les actes d’acquisitions immobilières passés en la forme administrative par l’État, en assurent la conservation et confèrent à ces actes l’authenticité en vue de leur publication au fichier immobilier (CGPPP, art. L. 1212-4) ; il en va de même pour les baux (CGPPP, art. L. 2222-1 et L. 4111-3. – Pour les maires, V. CGCT, art. L. 1311-13).
1063) Exemple de la tenue sur un DEEP du registre des titres d’une société par actions en lieu et place d’un registre papier (V. infra, no 2662).
1064) Cette mission est aujourd’hui dévolue au service de la publicité foncière qui dépend de la Direction générale des finances publiques (DGFiP).
1065) V. D. no 55-22, 4 janv. 1955, portant réforme de la publicité foncière, art. 30 : « 1. Les actes et décisions judiciaires soumis à publicité par application du 1o de l’article 28 sont, s’ils n’ont pas été publiés, inopposables aux tiers qui, sur le même immeuble, ont acquis, du même auteur, des droits concurrents en vertu d’actes ou de décisions soumis à la même obligation de publicité et publiés, ou ont fait inscrire des privilèges ou des hypothèques. Ils sont également inopposables, s’ils ont été publiés, lorsque les actes, décisions, privilèges ou hypothèques, invoqués par ces tiers, ont été antérieurement publiés ».
1066) CGI, art. 1705 : « (…) Les droits des actes à enregistrer ou à soumettre à la formalité fusionnée sont acquittés, savoir :

1o Par les notaires, pour les actes passés devant eux ; (…) ».
1067) V. la présentation du concept d’oracle et ses enjeux, infra, Commission 3, nos 3477 et s.
1068) V. C. civ., art. 815 à 815-18, « Du régime légal de l’indivision ».
1069) L. no 65-557, 10 juill. 1965, art. 1 : « La présente loi régit tout immeuble bâti ou groupe d’immeubles bâtis à usage total ou partiel d’habitation dont la propriété est répartie par lots entre plusieurs personnes ».
1070) V. C. civ., art. 1871 à 1873.
1071) V. supra, no 2652.
1072) V. C. civ., art. 1872-1, al. 4.
1073) En principe les coïndivisaires sont tenus au passif conjointement, chacun pour leur part, et non pas solidairement (V. Cass. 3e civ., 12 mai 1975, no 74-11.154 : JurisData no 1975-098165 ; Bull. civ. 1975, III, no 165) ; toutefois, si les indivisaires exploitent une entreprise commerciale, ils acquièrent alors la qualité de commerçant, ce qui entraînera une solidarité pour le paiement des dettes communes.
1074) En application du décret no 2018-1226, 24 déc. 2018 analysé supra, nos 2097 et s.
1077) Sapeb, Immobilier et Valorcim promoteurs immobiliers impliqués dans l’opération.
1078) Via un smart contract de gestion de l’identité numérique : nationalité, typologie d’investisseurs, niveau de qualification… qui font l’objet d’une vérification Know Your Customer, puis sont enregistrées pendant une durée d’un an (renouvelable) sur la blockchain comme le permettent les règles financières européennes.
1080) Solidity est un langage de programmation orienté objet dédié à l’écriture de smart contracts sur diverses blockchains, notamment Ethereum (https://journalducoin.com/ethereum/solidity-langage-ethereum/).
1081) Comme le souligne Blockchain magazine : « Développé il y a environ un an et demi, l’ERC 20 définit une liste commune de règles à suivre. Il permet aux développeurs de prédire avec précision comment les nouveaux tokens fonctionneront dans le système Ethereum. Son impact sur les développeurs est énorme, car les projets n’ont pas besoin d’être changés à chaque fois qu’un nouveau token est émis. Ils sont conçus pour être compatibles avec tous les nouveaux tokens répondant aux mêmes standards. Un nouveau standard ERC 223 est en préparation » (http://blockchainmag.fr/token-mais-au-fait-quest-ce-que-erc-20).
1084) Mentionnée supra, no 2044.
1086) Ord. no 2017-1674, 8 déc. 2017 analysée supra, no 2662.
1087) Le terme « Dispositif d’enregistrement électronique partagé » (DEEP), correspond à la manière dont la technologie blockchain était déjà désignée par les dispositions de l’article L. 223-12 du Code monétaire et financier relatives aux minibons, introduites par l’ordonnance no 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse.
1088) Mentionnés à l’article L. 211-1 du Code monétaire et financier, ce qui inclut les actions de société.
1089) V. par ex., P. Pailler : RD bancaire et fin. mai 2020, no 3, dossier 10, cité infra, no 2678.
1090) Les titres financiers comprennent les titres de capital émis par les sociétés par actions, les titres de créance et les parts ou actions d’organismes de placement collectif. (C. monét. fin., art. L. 211-1 à L. 211-34, art. D. 211-1 à R. 212-3).
1091) C. monét. fin., art. L. 211-7, al. 2.
1092) V. C. monét. fin., art. L. 213-1 à L. 213-4-1.
1093) V. C. monét. fin., art. L. 212-1 A : « Les titres de capital émis par les sociétés par actions comprennent les actions et les autres titres donnant ou pouvant donner accès au capital ou aux droits de vote ».
1094) Au sens du I de l’article L. 420-1 du Code monétaire et financier.
1095) L’OPCI peut prendre deux formes juridiques :

Les FPI (Fonds de placement immobilier) : les associés sont copropriétaires car le FPI n’a pas de personnalité morale et ne peut être représenté que par la société de gestion.

Les SPPICAV (Sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable). Ce sont des sociétés ayant la personnalité morale, en général des sociétés anonymes ou sociétés par actions simplifiées.

1096) V. C. monét. fin., art. L. 532-9 à L. 532-13 qui fixent les conditions générales relatives à l’agrément des sociétés de gestion de portefeuille, sans distinguer selon qu’il s’agit d’un agrément OPCVM ou AIFM.
1097) C. monét. fin., art. L. 214-1 et L. 214-24.
1098) Ord. no 2017-1674, 8 déc. 2017.
1099) C. monét. fin., art. L. 214-93.
1100) Ord. no 2017-1674, 8 déc. 2017.
1101) C. monét. fin., art. L. 214-93, al. 1er.
1102) Présenté infra, nos 2126 et s.
1103) V. par ex. : Blockchains et financement de l’immobilier – La « tokenisation » des actifs immobiliers (www.ieif.fr/revue_de_presse/blockchains-et-financement-de-limmobilier-la-tokenisation-des-actifs-immobiliers).
1104) L. no 86-18, 6 janv. 1986, relative aux sociétés d’attribution d’immeubles en jouissance à temps partagé.
1105) C. com., art. R. 225-63 qui prévoit les modalités de recours par la société à la communication électronique des convocations en lieu et place d’un envoi postal.
1106) L’adjudication à la hollandaise est une technique de vente au cours de laquelle un bien est mis aux enchères à un prix plus élevé que sa valeur et dont le prix est progressivement abaissé jusqu’à ce qu’il trouve acheteur. Ce type d’enchères doit son nom à la méthode utilisée par la bourse aux fleurs des Pays-Bas.
1107) V. D. Legeais : RD bancaire et fin. mai 2020, no 3.
1108) La racine latine d’immobilier signifiant « qui ne bouge pas » ; les biens immeubles sont définis aux articles 517 à 526 du Code civil.
1109) V. F. Tixier, Mata Capital lance la première plateforme blockchain dédiée à l’investissement immobilier : Pierre-Papier.fr 25 juill. 2019 (www.pierrepapier.fr/actualite/premiere-plateforme-blockchain-investissement-immobilier-mata-capital).
1110) Pour une présentation complète des ICOs/STOs, V. infra, nos 2126 et s.
1111) V. D. Legeais : JCl. Commercial, Fasc. 535, Actifs numériques et prestataires sur actifs numériques – La tokenisation est une nouvelle forme de financement. C’est celle qui est privilégiée pour l’économie numérique en lien avec le développement des DEEP.
1113) V. P. Pailler : RD bancaire et fin. mai 2020, no 3, dossier 10.
1114) C. monét. fin., art. L. 411-1 : « Il est interdit aux personnes ou entités n’y ayant pas été autorisées par la loi de procéder à une offre au public, au sens du règlement (UE) no 2017/1129 du 14 juin 2017, de titres financiers ou de parts sociales, à peine de nullité des contrats conclus ou des titres ou parts sociales émis. Il leur est interdit, à peine des mêmes nullités, d’émettre des titres négociables (…) ».
1115) PE et Cons. UE, règl. (UE) no 2017/1129 14 juin 2017.
1116) PE et Cons. UE, dir. 2014/65/UE, 15 mai 2014.
1117) Le prospectus constitue un document d’information obligatoire dans le cadre de certaines opérations financières, qui inclut des informations relatives à l’émetteur, aux risques et aux instruments financiers créés. En France, l’Autorité des marchés financiers s’assure de la clarté et de l’existence de ces différentes informations.
1118) Ensemble le règlement délégué (UE) no 2019/980 du 14 mars 2019 (sur la forme, le contenu, l’examen et l’approbation des prospectus), et le règlement délégué (UE) no 2019/979 du 14 mars 2019 (sur les informations financières clés dans le résumé, la publication et le classement des prospectus, les communications à caractère promotionnel, les suppléments au prospectus, la publication et le portail de notification).
1119) Ord. no 2019-1067, 21 oct. 2019, modifiant les dispositions relatives aux offres au public de titres.
1120) Constitue une telle offre « une communication adressée sous quelque forme et par quelque moyen que ce soit à des personnes et présentant une information suffisante sur les conditions de l’offre et sur les titres à offrir, de manière à mettre un investisseur en mesure de décider d’acheter ou souscrire ces valeurs mobilières », ou le placement de titres par des intermédiaires financiers (Règl. Prospectus, art. 2).
1122) La France ayant retenu le seuil maximal permis par l’article 3.2 du règlement Prospectus.
1123) V. Règl. gén. AMF, art. 212-44.
1124) V. supra, nos 2026 et s.
1125) AMF, État des lieux et analyse relative à l’application de la réglementation financière aux security tokens, 6 mars 2020 (www.amf-france.org/sites/default/files/2020-03/analyse-juridique-security-tokens-amf-fr_2.pdf).
1126) Ord. no 2017-1674, 8 déc. 2017.
1127) V. AMF, Position no DOC-2020-02, publiée le 6 mars (www.amf-france.org/fr/reglementation/doctrine/doc-2020-02).
1128) V. Dir. MIF 2, art. 4(1)(19) : un système multitéral est « un système ou un dispositif au sein duquel de multiples intérêts acheteurs et vendeurs exprimés par des tiers pour des instruments financiers peuvent interagir ».
1129) Cf. analyse AMF du 6 mars 2020 supra note sous no 2684.
1130) L. no 70-1300, 31 déc. 1970 fixant le régime applicable aux sociétés civiles autorisées à faire publiquement appel à l’épargne.
1131) L. fin. 2003, no 2002-1575, 30 déc. 2002.
1132) Ord. no 2005-1278, 13 oct. 2005, définissant le régime juridique des organismes de placement collectif immobilier et les modalités de transformation des sociétés civiles de placement immobilier en organismes de placement collectif immobilier.
1133) Ord. no 2014-559, 30 mai 2014, relative au financement participatif.
1134) Fin 2018, la part de l’immobilier collectif non coté est d’environ 70 milliards d’euros, à comparer à la valeur de l’immobilier résidentiel estimé à 6 000 milliards d’euros, ou encore l’assurance vie qui pèse 1 715 milliards d’euros (Source : Fédération française de l’assurance).
1135) V. supra, no 2629.
1136) V. infra, nos 3475 et s.
1137) A. 30 nov. 2000, relatif au dépôt et au retrait des sommes versées par les notaires sur leurs comptes de disponibilités courantes et sur leurs comptes de dépôts obligatoires à la Caisse des dépôts et consignations.
1138) C. com., art. R. 225-6.
1139) C. com., art. R. 223-3.
1140) V. infra, nos 3663 et s.
1141) L. no 2019-486, 22 mai 2019.
1142) Instr. AMFDOC-2019-06, p. 4 et 5.
1143) V. supra, no 2644.
1144) V. supra, no 2659.
1145) V. par ex., G. Brooks, L’industrie du futur sera une industrie de service : Les Échos 13 sept. 2018 : « À l’avenir, les industriels ne se contenteront plus d’écouler des produits. Ils vendront aussi des services. La numérisation de notre société et les progrès technologiques vont accélérer cette transition » (www.lesechos.fr/idees-debats/cercle/lindustrie-du-futur-sera-une-industrie-de-service-138796).
1146) Pour une analyse détaillée des outils du notariat, V. Rapport du 113e Congrès des notaires de France, Lille, 2017, #Familles #Solidarités #Numérique, Partie 2, « Le notariat numérique : acteur de la régulation », p. 895 et s.
1148) V. supra, no 2670.


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