CGV – CGU

PARTIE I – Le patrimoine entrepreneurial
Titre 1 – L’identification des actifs numériques
Sous-titre 2 – Les qualifications

Chapitre I – Les éléments du débat

2054 – Richesse des débats. – Différentes qualifications ont été envisagées en doctrine et dans des rapports parlementaires75. La diversité des approches possibles découle notamment de la diversité elle-même des usages des cryptoactifs. Les questions se cristallisent autour de deux grands débats : où se situent les cryptomonnaies par rapport aux monnaies ? (Section I) ; plus généralement, comment rattacher les cryptoactifs aux classifications générales et spéciales du droit des biens ? (Section II). Sur ces questions se sont aussi penchés les parlementaires et auteurs de rapports pour le gouvernement (Section III).

Section I – Les cryptomonnaies : des monnaies ?

2055 – Monnaie ou pas monnaie : récurrent problème. – La résolution de la qualification ou non de monnaie s’impose comme la question préalable obligée pour classifier les cryptomonnaies sur le plan du moment du paiement ; la première d’entre elles n’a-t-elle pas été imaginée, rêvée76, comme la nouvelle monnaie universelle ? Des arguments pour (Sous-section I) et contre (Sous-section II) une assimilation peuvent être avancés, ces derniers semblant l’emporter.
Sous-section I – Pour une assimilation des cryptomonnaies à une monnaie
2056 Dans une approche économique de la monnaie, les cryptomonnaies peuvent trouver des points de rencontre avec les monnaies « classiques », ou dépasser leur conception habituelle.

§ I – Une pure monnaie privée

2057 – Un usage communautaire basé sur la confiance. – La « communauté » des utilisateurs de cryptomonnaies considère implicitement que la cryptomonnaie, comme moyen de paiement, est une monnaie comme une autre, nonobstant ses caractéristiques singulières77.
Certes, elles se créent et circulent indépendamment de toute banque et sont détachées de tout compte bancaire. Finalement, ne seraient-elles pas des monnaies purement privées, sans cours légal, non convertibles en aucune monnaie légale, dénuées de soutien public ?
Leur déconnexion d’avec une monnaie existante les fait échapper, semble-t-il, aux traits singuliers des monnaies étatiques.
Mais est-ce une raison pour ne pas les qualifier de monnaie ? Les utilisateurs la considèrent comme telle, d’une catégorie à part, ce qui interpelle les auteurs sur le plan de son sous-jacent78.
Nous sommes en présence d’une monnaie intégrée à son système de paiement. En quelque sorte, elle est « plateformisée », et sa valeur tient à la confiance de ses utilisateurs. Cette approche rejoint une définition plus comportementale de la monnaie. Pour certains auteurs79 en effet, la nature juridique de monnaie serait caractérisée sur un plan plus psychologique que juridique : tout découlerait de la croyance privée en son acceptation en tant que monnaie.
2058 – Une émission privée. – Dans cette perspective, il faudrait s’affranchir de la règle selon laquelle l’émission d’une monnaie serait nécessairement une prérogative uniquement régalienne.
Ce ne serait pas le premier cas d’une monnaie d’un nouveau type ; la monnaie scripturale elle-même dans l’histoire n’a pas été d’évidence immédiatement assimilée à une monnaie.
Pour reprendre les termes de Dominique Legeais : « Après le coquillage, la pièce, le billet, la monnaie scripturale, c’est peut-être une nouvelle étape ! Dans cette perspective, la cryptomonnaie peut apparaître comme étant la monnaie de la nouvelle économie en voie de gestation »80.
En définitive, le passage de l’étape de la stabilité, de la régulation, pourrait conférer aux monnaies virtuelles le statut de véritable monnaie.

§ II – Un moyen de paiement acceptable

2059 – Une monnaie complémentaire. – Dans son acception classique, la monnaie représente une créance que son détenteur particulier tient contre son émetteur banque centrale d’un État ou d’une union monétaire d’États. Or, l’économie du bitcoin et de ses dérivés ou successeurs réside dans la croyance d’une communauté dans un mode de paiement, via des valeurs communes, dont la matrice en quelque sorte réside dans la libre émancipation des intermédiaires des États. Est-on en présence d’une monnaie d’un type nouveau ou d’une catégorie existante ?
Pour essayer d’y répondre, il faut se rappeler qu’une cryptomonnaie réalise la confusion entre unité de valeur et unité de paiement. Or la doctrine, au-delà de chacun de ses développements particuliers, distingue en général le support des fonctions de la monnaie81. La cryptomonnaie à cet égard bouscule le raisonnement, ce qui ne doit pas pour ses détenteurs conduire à lui dénier le rôle d’une monnaie.
Dans ce cas, le paiement en cryptomonnaie obéirait aux règles relatives au paiement de sommes d’argent.
Si l’on admet que les cryptomonnaies sont bel et bien des monnaies n’ayant pas cours légal – dès lors les créanciers ne sont pas obligés de les accepter comme telles –, elles ont cependant un pouvoir libératoire lorsqu’elles sont acceptées comme mode de paiement par les créanciers82. La blockchain, par définition non rattachée à un territoire donné, échapperait à l’obligation de payer en euros.
2060 – Le cas du bitcoin. – De surcroît, l’envolée régulière du cours par exemple du bitcoin (le dimanche 27 décembre 2020, son cours a franchi quelques instants la barre des 28 000 $ – soit 22 840 €) et la souscription de plus en plus massive de ses unités plaident pour sa crédibilité comme valeur d’échange ou de paiement, voire comme une valeur refuge, à l’instar de l’or, compte tenu de la rareté du nombre de ses unités programmée par son fondateur83. Le bitcoin en effet s’institutionnalise malgré son caractère décentralisé à taille géante ; certains fonds d’assurance s’y intéressent84.
Au-delà du seul bitcoin d’ailleurs, des plateformes mettent en place des services d’achat en cryptomonnaies85, ce qui serait un autre signe de leur acceptabilité comme monnaie de paiement.
Sous-section II – Contre une assimilation des cryptomonnaies à une monnaie
2061 Dans la théorie du droit de la monnaie, ou droit monétaire, qui peut se définir comme « l’ensemble des règles de droit, public ou privé, qui régissent l’appropriation et la circulation de la monnaie, comme aussi l’évaluation de toutes choses en monnaie »86, la cryptomonnaie s’éloigne radicalement des caractéristiques d’une monnaie, tant sur le plan de son émission extra-étatique (§ I) que de son détachement de toute réserve de valeur (§ II).

§ I – Cryptomonnaies versus Autorité centrale étatique

2062 – L’empreinte régalienne des monnaies. – Sur le plan de sa création, pour la doctrine dominante une monnaie ne peut être que régalienne. C’est fondamentalement une question de souveraineté87. Le bitcoin à cet égard ne peut être appréhendé hors d’une question politique plus générale : la monnaie relève du domaine étatique.
2063 – Exclusion de la qualification de devise. – Généralement, trois arguments principaux88 sont avancés pour refuser la qualification de devise ou monnaie au bitcoin :

1. le Code monétaire et financier affirme que « la monnaie de la France est l’euro » (C. monét. fin., art. L. 111-1), et non toute cryptomonnaie ;

2. la monnaie est essentiellement une émanation de l’autorité publique, qui lui confère un véritable pouvoir libératoire, corollaire du cours légal dont les cryptomonnaies, précisément, sont dépourvues ;

3. les unités monétaires classiques sont par essence fongibles, tandis que les unités de cryptomonnaies seraient des corps certains dont on peut retracer le parcours.

Même si ce dernier argument ne convainc guère, car il ne faut pas confondre fongibilité et traçabilité, la doctrine en conclut que la cryptomonnaie n’est ainsi pas une monnaie dans sa conception classique89.
Notons enfin que la cryptomonnaie ne peut être assimilée à une monnaie locale90 au sens de sa reconnaissance, sa consécration, par le Code monétaire et financier.
À rebours des arguments mettant en avant la confiance privée des utilisateurs, la négation du qualificatif de monnaie tient tant à l’absence de distinction entre unité et support qu’au défaut de confiance donnée dans sa monnaie par un État souverain ; on serait en présence non d’une monnaie mais d’un actif particulier, un cryptoactif91.

§ II – Cryptomonnaies et valeur d’échange, instrument de mesure et réserve de valeur

2064 – L’absence des marqueurs classiques d’une monnaie. – La référence à un cours légal fait défaut pour une cryptomonnaie ; elle ne peut avoir un pouvoir libératoire, au sens d’imposer à un cocontractant un paiement en bitcoins, ou de payer ses impôts dans cette monnaie.
Y a-t-il par ailleurs remise de billets ou toute monnaie de paiement en contrepartie de la création d’une cryptomonnaie à l’instar d’une monnaie dite « électronique » ? On ne peut assimiler une cryptomonnaie à une monnaie électronique92, car leur reconnaissance passe par l’émission de monnaie électronique contre la remise de fonds.
2065 – La contestation d’un pouvoir libératoire. – Le paiement en cryptomonnaie, donc sans faire appel à l’euro si l’on se place en droit monétaire français, est-il libératoire ? Si l’on suit certains auteurs93 qui dénient aux cryptomonnaies tout cours légal, le paiement en cryptomonnaie ne serait pas un paiement de somme d’argent et ne serait pas soumis aux règles figurant aux articles 1343 à 1343-5 du Code civil (C. civ., art. 1343 à 1343-5).
Tout règlement en cryptomonnaie d’une obligation régie par le Code civil serait en soi inefficace.

Section II – Les cryptoactifs : des biens incorporels singuliers ?

2066 – Enjeux dans l’ordre juridique. – Les enjeux de la détermination du type de bien incorporel dont il s’agit, en présence d’un actif numérique, sont importants. Chaque opération juridique le concernant a vocation à se loger ou non dans un cadre légal ou réglementaire existant, et dépend d’une source de droit singulière.
À titre d’exemple, un gage sur une cryptomonnaie est-il assimilé à un gage-espèces ? Une cryptomonnaie est-elle un instrument de paiement comme un autre ? Un actif immobilier tokenisé demeure-t-il un immeuble ? Comment inventorier des jetons dans une succession ? Ces applications particulières seront abordées au fil de la présente commission. À ce stade, il faut s’intéresser à certaines grandes catégories de rattachement du droit des biens, pour prendre la mesure de la singularité des cryptoactifs.
2067 – Un bien meuble. – Une certitude s’impose : un cryptoactif, une cryptomonnaie ne peuvent être appréhendés comme un bien immobilier ; il convient de les rattacher aux « biens meubles ». Au sein des biens meubles, on distingue classiquement les biens corporels par nature des biens meubles par détermination de la loi96.
Toute l’évolution contemporaine du droit des biens, en termes de catégories de rattachement, est marquée par l’accroissement de l’abstraction, l’importance grandissante accordée à l’incorporel97 au fur et à mesure de la reconnaissance de la valeur d’usage de certaines choses.
Ce que M. Libchaber qualifie d’« étonnante multiplication des biens incorporels »98 traduit le mouvement de fond de développement infini de ce type de biens, par opposition à la catégorie limitée de biens corporels : « Apparaissant sous la forme de valeurs économiques, incroyablement multipliées par l’informatique et les réseaux, stimulées parfois par des autorisations administratives, ces choses nouvelles imposent désormais une présence constante au droit qui ne parvient pas davantage à les ignorer en bloc qu’à les reconnaître en tant que catégorie générale »99. À tout le moins le droit s’efforce de garantir leur circulation.
À défaut de texte spécial propre à chaque usage, le juge cherchera la qualification adéquate.
2068 À quelle catégorie de biens meubles incorporels rattacher les cryptoactifs : monnaie100, bien fongible, bien immatériel, créance, propriété intellectuelle ?
Faut-il adapter le régime des biens mobiliers incorporels, notamment eu égard au mode de transmission des cryptoactifs (usage d’une clé privée confidentielle) ? Le juriste doit réfléchir aux rattachements possibles de ces « choses incorporelles ». Comme l’a souligné un auteur101, la qualification juridique des monnaies virtuelles reste pour l’instant fonctionnelle ; celle des « cryptoactifs » n’est pas un enjeu purement juridique mais conditionne un choix politique et économique.
2069 – Un bien commun ? Le cryptoactif en général, et le bitcoin en particulier, semble aux antipodes de la notion de bien commun. Celui-ci représente l’usage d’un bien ou d’un service sans qu’il en résulte un quelconque caractère marchand entre les parties prenantes. Sa fonction collective ou sociale empêche toute appropriation. Or une cryptomonnaie comporte une valeur marchande ; la valorisation de son usage participe de son existence.
2070 – Un bien fongible ? Rappelons qu’un bien fongible est un bien pouvant être remplacé par un autre bien de nature et de qualité comparables. Les choses fongibles, non déterminées par leur nombre, leur poids ou leur mesure, peuvent être employées indifféremment les unes pour les autres dans un paiement102. Un cryptoactif, expression aboutie de la dématérialisation d’une richesse, semble participer de la fongibilité croissante des biens, y compris dans l’expression de la volonté individuelle pour transformer un corps certain en chose fongible, en faisant prévaloir la valeur d’un bien sur sa consistance matérielle.
À ce titre, la monnaie est un bien fongible par excellence ; dès lors, un bitcoin peut être analysé comme un bien fongible, c’est-à-dire substituable à un autre dans le commerce juridique. Le fait qu’il soit traçable via un code informatique essentiel à sa transaction ne remet pas en cause son caractère fongible103.
2071 – Un « bien divers » ? La protection des investisseurs utilisateurs de cryptoactifs obligerait, faute de catégorie claire, à se rattacher à cette qualification104. Une telle qualification a pu permettre de placer les cryptoactifs sous le régime de l’ancien article L. 550-1 du Code monétaire et financier.
Le terme de « biens divers » est depuis employé au titre du chapitre ouvrant les articles L. 551-1 et suivants dudit code, relatif aux « intermédiaires en biens divers ».
Cette approche concrète renvoie aux solutions de droit positif abordées au chapitre suivant.

Section III – L’approche des rapports gouvernementaux et travaux parlementaires

Sous-section I – Le rapport Landau
2072 On désigne sous le nom de « rapport Landau », le rapport sur les cryptoactifs remis par M. Jean-Pierre Landau, sous-gouverneur honoraire de la Banque de France, le 4 juillet 2018, au ministre de l’Économie et des Finances.
Le rapport dresse un panorama du développement et des potentialités des cryptomonnaies, en considérant leurs implications pour l’économie réelle et la sphère financière105.
Il propose des orientations sur l’évolution souhaitable de la réglementation nationale, européenne et internationale, afin de créer un environnement qui soit à la fois souple et sécurisé, capable de faciliter l’épanouissement des cryptomonnaies et de la blockchain, tout en protégeant les épargnants et les investisseurs et en empêchant leur utilisation à des fins illicites.
2073 La première partie du rapport analyse techniquement les cryptomonnaies ; la deuxième partie expose leur univers global et la troisième partie passe en revue les politiques publiques à leur égard et propose des pistes visant à une clarification des pratiques et du cadre réglementaire français et européen.
La qualité professionnelle de son auteur explique que le rapport envisage de façon très mesurée une éventuelle substitution des monnaies classiques par les nouvelles cryptomonnaies, mais intellectuellement le rapport n’écarte pas cette hypothèse, fût-elle d’école.
Surtout, il souligne l’intérêt à encourager toutes les applications possibles de la technologie blockchain en elle-même, au regard par ailleurs de son approche des cryptomonnaies sous l’angle des risques potentiels qu’elles enfermeraient106.
2074 C’est pour les prévenir que le rapport formule des propositions. Il s’agit par exemple de renforcer le statut des acteurs et notamment des plateformes. Il faut aussi limiter la possibilité pour les cryptos de devenir des actifs négociables en raison des menaces que cela peut faire peser sur les investisseurs potentiels.
Le rapport relève notamment107 qu’autoriser ou tolérer une exposition des intermédiaires financiers et des investisseurs institutionnels au risque des cryptomonnaies aurait trois conséquences graves :

affaiblir la sécurité de l’épargne ;

permettre un transfert de risque des investisseurs informés vers les particuliers (…) ;

créer un risque général pour la stabilité financière. Il y aurait un risque systémique, car tout choc dans l’univers crypto affecterait immédiatement les bilans des intermédiaires financiers avec le risque d’une contagion et d’une amplification à l’ensemble du système.

Sous-section II – Les rapports de mission parlementaire
2075 – Assemblée nationale, Rapport d’information no 1501 du 12 décembre 2018. – Le 18 décembre 2018, l’Assemblée nationale a publié le rapport de la mission d’information commune sur les usages des chaînes de blocs (blockchains)108.
Dans ce rapport, la mission s’est attachée à présenter l’état de la technique blockchain et ses possibles utilisations, à mesurer son impact sur les activités économiques et l’organisation de la vie sociale, y compris pour la vitalité des institutions et le bon fonctionnement des services publics, et enfin à aborder les contours d’un cadre juridique109.
2076 – La question du cadre de régulation. – De nombreux points y ont été abordés, dont les cryptoactifs. Leur cadre a ainsi été analysé et des propositions ont été formulées. Le rapport souligne110 que la France enregistre un retard important dans le cadre de la compétition dont font l’objet les offres publiques de jetons (Initial Coin Offerings [ICOs]), à l’échelle européenne et mondiale, rejoignant ainsi les constats récents de l’Autorité des marchés financiers sur ce point.
Le rapport fait également référence aux cadres réglementaires ou pratiques rencontrés à l’étranger. Un parallèle est fait avec le cadre souple et sécurisé de la Suisse, qui lui permet de devancer largement notre pays, avec dix fois plus d’ICOs lancées (deux cents en Suisse, contre une vingtaine en France) ; par ailleurs, le rapport fait état de ce qu’entre un tiers et la moitié d’ICOs lancées dans le monde relèveraient, en réalité, d’escroqueries, et ce essentiellement aux États-Unis.
Au regard de ces considérations, les rapporteurs insistent sur la nécessité de garantir un cadre de régulation des cryptoactifs qui réponde à l’exigence de protection des investisseurs français111.
2077 – La question des services en matière de cryptoactifs. – Ensuite, le rapport relève que les services de vente de supports de clés privées ou les services de conservation de clés cryptographiques privées ne peuvent être assimilés à des services de dépôt d’actifs numériques. Aussi les rapporteurs proposent-ils de revoir les équilibres du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dit « Pacte »112, afin que la régulation des services financiers et bancaires soit clairement distincte des services tiers en matière de cryptoactifs113.
Enfin, la mission commune s’est interrogée sur l’impact des cryptomonnaies ou cryptoactifs sur la monnaie émise par les banques centrales et distribuée par les banques commerciales.
2078 – Vers une monnaie digitale. – Les rapporteurs de la mission proposent in fine d’envisager la création de monnaies digitales émises par les banques centrales114, tel que le préconisait le rapport Landau sur les cryptomonnaies du 4 juillet 2018, précité. Notons que cette possibilité a fait l’objet depuis de réflexions au sein du Fonds monétaire international (FMI), qu’elle a été évoquée lors du Singapore FinTech Festival et que plusieurs banques centrales examinent sérieusement cette piste.
2079 – Assemblée nationale, Rapport no 1624 du 30 janvier 2019. – La mission d’information sur les monnaies virtuelles de la commission chargée des finances de l’Assemblée nationale a publié le 1er février 2019 un rapport no 1624 en date du 30 janvier 2019, en conclusion de ses travaux115.
Le rapport s’attache à présenter les problématiques de la technologie et de l’écosystème des monnaies virtuelles, mais également à identifier les différents obstacles, qu’ils soient de nature technologique, juridique, fiscale ou réglementaire, qui bloqueraient le développement des cryptoactifs en France116. La mission d’information a formulé vingt-sept propositions. Certaines ont déjà été adoptées par les dispositions de la loi de finances pour 2019, comme l’assujettissement des plus-values sur les opérations en cryptoactifs effectuées à compter du 1er janvier 2019, à un taux d’imposition de 12,8 %, auquel s’ajoutent les prélèvements sociaux à hauteur de 17,2 %. D’autres ont été inscrites dans le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dit « Pacte », comme l’instauration d’un régime de visa optionnel de l’Autorité des marchés financiers pour les levées de fonds en cryptoactifs, ou d’un agrément optionnel pour les prestataires de services en cryptoactifs. Le rapport plaide également pour la création d’une véritable politique publique en faveur des innovations de rupture : créer de nouvelles filières de formation et mettre en place des investissements publics conséquents en termes de recherche et d’innovation.

75) Spéc. Rapp. AN no 1624, 30 janv. 2019, visé au chapitre suivant.
76) JCl. Commercial, Fasc. 535, Actifs numériques et prestataires sur actifs numériques, no 71, par D. Legeais.
77) Preuve en serait que des ICOs sont réalisées grâce à elles ; sur ces opérations, V. infra, nos 2126 et s.
78) N. Barbaroux, Un exemple de blockchain à la frontière du droit et de l’économie, in Blockchain et droit, ss dir. F. Marmoz, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2019, p. 19.
79) G. Bourdeaux, Propos sur les « cryptomonnaies » : RD bancaire et fin. 2016, dossier 39. – N. Mathey, La nature juridique des monnaies alternatives à l’épreuve du paiement : RD bancaire et fin. 2016, dossier 41.
80) JCl. Commercial, Fasc. 535, préc., no 83, par D. Legeais.
81) R. Libchaber, Recherches sur la monnaie en droit privé, préf. P. Mayer, t. 225, LGDJ, 1992.
82) V. S. Benilsi, Paiement – Règles particulières aux paiements de sommes d’argent : Rép. dr. civ. Dalloz, no 166. Exception en question : le paiement en cryptomonnaie.
83) Soit vingt et un millions de bitcoins, montant estimé atteint autour de 2140.
84) V. Le Monde 31 déc. 2020, relatant qu’une vénérable mutuelle américaine née en 1851, la Massachusetts Mutual Life Insurance Company, a acheté le 10 décembre 2020 pour cent millions d’euros de bitcoins pour l’un de ses fonds.
85) En octobre 2020, la société de services de paiement en ligne PayPal a annoncé la création d’un service d’achat, vente et paiement en plusieurs cryptomonnaies : bitcoin, ethers, lirecoin, pour courant 2021.
86) J. Carbonnier, Flexible droit ; Pour une sociologie du droit sans rigueur, LGDJ, 2013, Chapitre « La monnaie en quête de son droit ».
87) T. Bonneau, Régulation bancaire et financière européenne et internationale, Bruylant, 4e éd. 2018, p. 836 ; Analyse critique de la contribution de la CJUE à l’ascension juridique du bitcoin, in Mél. B. Sousi, RB édition, 2016, p. 290.
88) M. Julienne, Les cryptomonnaies : régulation et usages : RD bancaire et fin. nov. 2018, no 6, étude 19.
89) JCl. Commercial, Fasc. 535, préc., nos 73 et s., par D. Legeais.
90) Une monnaie locale ou complémentaire consiste à créer une unité monétaire dans une zone géographique limitée disposant d’une histoire culturelle, spécifique. Elle privilégie une approche en circuits courts dans les échanges économiques entre acteurs.
91) La Banque de France, après avoir qualifié la cryptomonnaie de « monnaie virtuelle non régulée » (Banque de France, Les dangers liés au développement des monnaies virtuelles : l’exemple du bitcoin : Focus 5 déc. 2013, no 10), emploie depuis la terminologie de cryptoactifs (Banque de France, Focus 5 mars 2018, no 16. – J. Lasserre Capdeville et J.-Ph. Kovar : Banque avr. 2018, no 820, p. 90. – P. Storrer, Nouveaux moyens de paiement, banque digitale et protection des données : « Ceci n’est pas une monnaie » [Que sont les cryptomonnaies devenues ?] : Banque et droit mars-avr. 2018, no 178, p. 46).
92) JCl. Commercial, Fasc. 535, préc., no 80, par D. Legeais.
93) H. de Vauplane, L’analyse juridique du bitcoin, in Rapport moral sur l’argent dans le monde, Régulation, gouvernance, complexité dans la finance mondialisée, Association d’économie financière, 2014, p. 351. – M. Roussille, Le bitcoin : objet juridique non identifié : Banque et droit 2015, no 159, p. 27 et s.
94) Kiosque Figaro, 2 déc. 2020.
95) Pour une analyse complète de tous les défis soulevés, V. H. de Vauplane, Les défis juridiques du Libra et plus généralement des cryptomonnaies : RD bancaire et fin. janv. 2020, no 1, étude 2.
96) JCl. Notarial Répertoire, Vo Biens, fasc. 60, Biens meubles pas nature ou meubles corporels, nos 5 et s., par G. Loiseau ; du même auteur : Fasc. 70, Biens meubles par détermination de la loi ou meubles corporels.
97) F. Terré et Ph. Simler, Les Biens, Dalloz, 9e éd. 2014, nos 43 et 53 et s. ; Arch phil. dr. 1999, t. 43, « Le droit et l’immatériel », p. 35 et s. – W. Dross, Droit des biens, Domat-Lextenso, 2e éd. 2014, nos 426 et s.
98) R. Libchaber : Rép dr. civ. Dalloz, Vo Biens, Présentation des biens selon le Code civil, Chap. 3, « Perspectives d’avenir sur la répartition des biens », nos 280 et s.
99) R. Libchaber, op. cit., no 287.
100) V. supra, nos 2055 et s.
101) M. Mekki, Intelligence artificielle et contrat(s), in Droit de l’intelligence artificielle, ss. dir. A. Bensamoun et G. Loiseau, LGDJ-Lextenso, coll. « Les intégrales », 2019, nos 305 et s.
102) F. Terré et Ph. Simler, Les Biens, Dalloz, 9e éd. 2014, no 43.
103) D. Legeais, Blockchain et actifs numériques, LexisNexis, 2019, no 245.
104) F. Drummond, Bitcoin, du service de paiement au service d’investissement : Bull. Joly Bourse 2014, p. 249.
105) G. Rozier, Remise du rapport Landau sur les cryptoactifs : RD bancaire et fin. sept. 2018, no 5, alerte 88. Pour consultation du rapport Landau : https://minefi.hosting.augure.com/Augure_Minefi/r/ContenuEnLigne/Download?id=CBF9A04E-8AE8-4DBC-906C-B92A29515EBA&filename=Rapport%20Landau%20sur%20les%20crypto-actifs.pdf
106) D’où les propositions du rapport pour prévenir ces risques notamment par l’encadrement du statut des acteurs (prestataires, plateformes) ; esprit qui sera repris par le législateur : V. infra, Chapitre II, « Les éléments de réponse », nos 2094 et s.
107) JCl. Commercial, Fasc. 535, préc., no 55, par D. Legeais, no 55.
108) Rapp. AN no 1501, présenté par Mme L. de La Raudière et J.-M. Mis sur les chaînes de blocs, enregistré le 12 déc. 2018.
109) JCP A 29 avr. 2019, no 1, act. 24.
110) Publication du rapport de la mission d’information commune de l’AN sur la blockchain : focus sur les cryptoactifs : RD bancaire et fin. janv. 2019, no 1, alerte 24.
111) Rapp. AN no 1501, préc., Prop. no 9.
112) Projet de loi AN no 179, 9 oct. 2018, art. 26 bis A, nouveau.
113) Rapp. AN no 1501, préc., Prop. no 10.
114) Rapp. AN no 1501, préc., Prop. no 4.
115) É. Woerth et P. Person, Rapp. AN no 1624, relatif aux monnaies virtuelles, 30 janv. 2019 (www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rap-info/i1624.pdf).
116) Comm. com. électr. avr. 2019, no 4, alerte 39, veille par O. de Mattos. V. aussi J.-M. Mis, Cryptomonnaie : une régulation/réglementation « contre nature » ou « naturellement indispensable » à son développement ? : Dalloz IP/IT oct. 2019, 549.
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