L'utilisation du droit de jouissance pour traiter des communs

L'utilisation du droit de jouissance pour traiter des communs

– L'intérêt du droit de jouissance spéciale. – Afin de désigner le droit de jouissance le plus à même de réaliser une jouissance partagée d'un bien, il convient d'en rechercher la nature idoine. Autrement dit, entre les droits réels et personnels : lesquels choisir ? Au regard de l'opposition structurelle entre ces deux types de droits, la réponse semble évidente. Les droits réels, opposables erga omnes par nature, sont tout désignés pour assurer une jouissance partagée durable. Mieux, certains auteurs ont relevé les bénéfices environnementaux d'une multiplication de droits réels sur un même bien.
Or, parmi les droits réels de jouissance, le droit réel de jouissance spéciale fait figure de candidat idéal. En effet, là où l'usufruit octroie à son titulaire une jouissance équivalente à celle du propriétaire, le droit réel de jouissance spéciale se distingue par la possibilité d'une jouissance réduite, limitée à un ou quelques usages précis. Ce partage d'utilités restreintes contient également en lui des virtualités environnementales. Le propriétaire est ainsi en mesure de déterminer, au regard de la destination environnementale de son bien, les utilités qui participent à sa préservation afin d'en consentir la jouissance à autrui.
– Le droit réel de jouissance spéciale ne peut être perpétuel. – Si certains auteurs ont appelé de leurs vœux la perpétuité de ces droits lorsqu'il est question de protection de l'environnement, la jurisprudence de la Cour de cassation reste ferme : les droits réels de jouissance spéciale ne peuvent être perpétuels. Une solution alternative est peut-être à trouver dans la détermination du terme du droit conféré. En effet, selon l'arrêt Maison de Poésie II , n'est pas considéré comme perpétuel le droit réel de jouissance spéciale consenti pour toute la durée de vie d'une fondation. Une association peut ainsi être constituée pour un temps illimité. Dès lors, concevoir un droit dont le terme est fixé sur la durée de vie d'une association, n'est-ce pas reconnaître une forme de perpétuité factuelle ? Un propriétaire pourrait donc concéder un droit réel de jouissance spéciale à une association de protection de l'environnement pour toute la durée de sa vie. Ce faisant, c'est la pérennité de la destination environnementale du bien qui serait assurée, et cela même après le décès du propriétaire.
– Affirmation du principe d'impossibilité de créer un droit réel de jouissance spéciale en dénaturation d'un droit réel nommé. – Julien Dubarry et Vivien Streiff soulignent que si la Cour de cassation encourage incontestablement l'utilisation de ce nouveau droit réel, la prudence est néanmoins de mise pour les rédacteurs d'actes, et dispensent le conseil suivant :
« Conseil pratique : À l'avenir, il conviendra pour les praticiens de vérifier que le type ou les modalités de la jouissance envisagée ne sont pas appréhendés par un droit réel connu et régi par un texte ».
Céline Kuhn abonde dans le même sens en ces termes : « S'il existe un flou autour de la qualification, comment être sûr des règles applicables et des effets juridiques qui seront produits ? ».