Compensation par un opérateur

Compensation par un opérateur

– Compensation dite « par la demande ». – L'article L. 163-1 du Code de l'environnement prévoit en son II que : « Toute personne soumise à une obligation de mettre en œuvre des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité y satisfait soit directement, soit en confiant, par contrat, la réalisation de ces mesures à un opérateur de compensation défini au III du présent article (…) ».
Ce texte permet au porteur de projet de demander à un intermédiaire, qu'il mandate à cet effet, de réaliser les mesures de compensation.
Le porteur de projet est ainsi libéré de la réalisation concrète de ces mesures, ce qui présente un grand avantage s'il ne dispose pas des compétences techniques ni des moyens humains pour le faire.
– Opérateur de compensation. – Le III de l'article L. 163-1 du Code de l'environnement donne la définition suivante de l'opérateur de compensation : « Un opérateur de compensation est une personne publique ou privée chargée, par une personne soumise à une obligation de mettre en œuvre des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité, de les mettre en œuvre pour le compte de cette personne et de les coordonner à long terme ».
Le champ est donc très large puisque peut être opérateur de compensation toute personne de droit public ou de droit privé. Leur statut n'étant pas précisé, de nombreux acteurs de la compensation ont vu le jour. Il est possible de citer notamment des collectivités locales ; CDC Biodiversité, filiale de la Banque des Territoires ; l'Office national des forêts ; des associations ; des conservatoires d'espaces naturels ; des conservatoires du littoral ; des exploitants agricoles ; des groupements particuliers ; des groupements d'intérêt public ; des sociétés privées.
– Contrat de compensation. – Avant que soient définies les mesures de compensation auxquelles va s'engager l'opérateur de compensation, l'enjeu principal du contrat va être celui de la maîtrise foncière (I). Le contrat de compensation, quant à lui, n'est pas défini par les textes mais il doit contenir, selon nous, un certain nombre de points que l'on examinera dans un second temps (II).

La question préalable de la maîtrise foncière

Le porteur de projet est propriétaire du terrain ou destiné à l'être

– Mise au point du contrat de compensation. – Si le porteur de projet est déjà propriétaire du foncier sur lequel il projette de réaliser des mesures de compensation, il n'aura pas d'autre démarche à entreprendre que la mise au point du contrat de compensation.
S'il n'est pas encore propriétaire mais qu'il souhaite le devenir pour maîtriser le foncier, les outils à sa disposition sont les mêmes que ceux qui ont été développés précédemment.

L'opérateur de compensation est propriétaire du terrain ou destiné à l'être

– Gisements fonciers des opérateurs. – De nombreux opérateurs de compensation disposent de gisements fonciers importants.
Les porteurs de projet n'ont donc pas l'obligation dans tous les cas de s'assurer de la maîtrise foncière des terrains voués à accueillir des mesures de compensation environnementale.
Ils ont également la possibilité de demander à un opérateur de compensation de se porter acquéreur d'un foncier qu'il a identifié pour y réaliser de telles mesures. Cette façon de procéder présente un double intérêt : d'une part, pour le porteur de projet, qui n'a pas à se soucier d'une dépense supplémentaire pour acquérir le foncier dont il ne devrait plus avoir l'utilité à terme ; d'autre part, pour l'opérateur de compensation, qui pourra accroître son gisement foncier et le proposer à d'autres porteurs de projet pour mutualiser les mesures de compensation.
Cela exige cependant de la part du porteur de projet de procéder à quelques vérifications essentielles. Il doit, d'abord, s'assurer que l'état du sol et du sous-sol est connu de l'opérateur de compensation. Il pourra s'avérer nécessaire de réaliser une étude de pollution, soit de type « phase 1 » (étude historique), soit de type « phase 2 » (prélèvements) afin de s'assurer que le terrain est propre à recevoir des mesures de compensation. Ensuite, il doit s'assurer des éventuelles mesures d'évitement, de réduction ou de compensation déjà existantes sur le terrain. Il doit, enfin, s'assurer de la pérennité des mesures qui seront réalisées au travers des engagements pris dans le cadre du contrat de compensation.

Le rôle de conseil du notaire dans l'acquisition du foncier nécessaire aux mesures de compensation

Dans le cadre d'une acquisition du foncier auprès d'un tiers, qu'elle soit faite par le porteur de projet ou par l'opérateur de compensation, le notaire a un devoir de conseil essentiel. Plusieurs points doivent être notés à ce titre :

Ni le porteur de projet ni l'opérateur de compensation ne sont propriétaires du terrain et n'ont vocation à le devenir

– Renvoi. – Dans une telle situation, le porteur de projet ou l'opérateur de compensation disposent des différents outils précédemment étudiés. Nous renvoyons donc les lecteurs à ces développements (V. supra, nos et s.)

La forme et le contenu du contrat de compensation

– Liberté contractuelle. – Le contrat de compensation n'est réglementé par aucun texte. Il convient donc de s'en remettre aux règles générales du droit des obligations (a). Le contenu du contrat doit faire l'objet d'une étude attentive (b). Sa forme fait l'objet de règles particulières (c).

Les conditions de forme du contrat de compensation : règles générales

– Identité du porteur de projet. – Il convient de distinguer selon l'identité du porteur de projet qui souhaite conclure un contrat de compensation.
– Contrat de compensation conclu par une personne publique. – Dans l'hypothèse où le contrat de compensation est conclu par une personne publique ou une personne privée entrant dans le champ du Code de la commande publique, une incertitude a pu exister quant à sa nature.
Il ne semble plus faire de doute aujourd'hui qu'il constitue un contrat de prestation de services, et donc un marché de services au sens du Code de la commande publique, bien que le contrat comporte fréquemment la réalisation de travaux.
Les règles du Code de la commande publique sont donc applicables, dont les grands principes de l'article L. 3 : égalité de traitement des candidats, liberté d'accès des candidats au contrat, transparence des procédures.
Cette qualification du contrat de compensation soulève un certain nombre de difficultés, en particulier concernant la durée du contrat et son renouvellement pour lesquels les règles du Code de la commande publique sont assez contraignantes.
– Contrat de compensation conclu par une personne privée. – Dans l'hypothèse où le contrat de compensation est conclu par une personne privée, cette dernière n'est pas soumise à un formalisme particulier.
Il peut toutefois y avoir des exceptions propres aux personnes concernées. Il est donc essentiel de se reporter aux règles qui leur sont applicables, ainsi qu'à leurs statuts.

Le contenu du contrat de compensation

– Obligation de résultat. – Il convient de rappeler au préalable un principe essentiel en matière de compensation environnementale : le débiteur a une obligation de résultat. À ce titre, même s'il délègue la mise en œuvre des mesures de compensation à un opérateur, le porteur de projet en reste responsable vis-à-vis de l'administration. Il est donc très important de soigner la rédaction du contenu du contrat de compensation.
Il peut sembler curieux qu'en imposant une telle obligation de résultat, le législateur n'ait pas saisi l'occasion d'imposer certains mécanismes juridiques pour assurer la sécurité des opérations et du porteur de projet.
Face à cet état de fait, et sans prétendre à l'exhaustivité, nous livrons ci-dessous, en dix points, l'essentiel de ce qu'il convient de retenir pour rédiger un contrat de compensation.
En premier lieu, le choix de l'opérateur de compensation est essentiel au regard de deux facteurs : la durée des mesures de compensation et l'obligation de résultat qui s'impose au porteur de projet. Cela devrait à notre sens conduire à écarter le cas d'un opérateur de compensation personne physique, sauf exception (par exemple s'il s'agit de mesures simples et à durée courte), pour des raisons tenant au risque de mobilité, de décès, de divorce, de difficultés financières, etc. Cela devrait surtout inciter les porteurs de projet à privilégier les opérateurs de compensation personnes publiques ou para-publiques compte tenu de leur solidité de principe.
En deuxième lieu, la détermination de la durée est indispensable, de même que les modalités éventuelles de renouvellement.
En troisième lieu, les mesures de compensation à mettre en œuvre doivent impérativement être définies avec soin et détaillées. Il nous paraît essentiel de prévoir également le phasage et le calendrier de ces mesures.
En quatrième lieu, il est très important que le contrat de compensation prévoie les modalités de contrôle et de suivi par le porteur de projet, par l'autorité administrative qui a délivré l'autorisation de réaliser le projet, et même par des experts tiers qui pourront faire profiter le porteur de projet de leur expertise.
En cinquième lieu, pour garantir les principes d'équivalence écologique, d'additionnalité, de pérennité, etc., qui ont été exposés précédemment, le contrat de compensation doit préciser quelles sont les mesures qui sont entreprises : garantie financière (par exemple du type caution bancaire), garantie autonome à première demande, garantie financière de la collectivité, garantie « maison mère » dont dépend l'opérateur de compensation, etc. Il nous semble que si l'opérateur de compensation est une personne publique ou para-publique, la garantie financière n'est pas indispensable.
En sixième lieu, il convient de préciser les modalités selon lesquelles les mesures de compensation seront financées, et de quelle manière l'opérateur de compensation sera rémunéré.
En septième lieu, la délimitation des rôles et des responsabilités de chacune des parties est essentielle dans le contrat de compensation. Devront être traités les cas de défaillance, de procédure collective ou de faute du porteur de projet. Il conviendra également de traiter le cas d'un retard dans la réalisation des mesures de compensation, qu'il soit fautif ou fondé sur un cas de force majeure. Il est à cet égard préférable de déterminer un mécanisme de sanctions : pénalités, voire résiliation du contrat de compensation.
En huitième lieu, le contrat doit prévoir les modalités de sa propre modification selon les événements qui pourraient survenir, comme par exemple une évolution des mesures de compensation.
En neuvième lieu, il est important de préciser dans quelle mesure chaque partie peut transférer ses obligations à un tiers. Là encore, le porteur de projet devra être attentif à prévoir des modalités d'agrément et de contrôle du nouvel opérateur de compensation qui lui serait présenté, et éventuellement envisager une solidarité entre les deux opérateurs.
En dixième lieu, les modalités de fin du contrat doivent être organisées. En cas de survenance du terme normal du contrat, il sera utile de prévoir un état des lieux. En cas de fin anticipée du contrat, il conviendra de prévoir les différents cas de figure qui pourraient se présenter, ainsi que les modalités éventuelles d'indemnisation.

Le rôle du notaire dans la rédaction du contrat de compensation

Homme du contrat, le notaire doit selon nous se saisir du champ qui lui est ouvert en matière de rédaction des contrats de compensation.

Le porteur de projet aurait en effet tout intérêt à faire établir le contrat de compensation par acte authentique : celui-ci serait dès lors revêtu des trois attributs de l'acte authentique que sont la date certaine, la force probante et la force exécutoire.

Compte tenu de l'importance des mesures de compensation, il nous paraît également très utile d'assurer la publication d'un tel contrat auprès du service de la publicité foncière. Ce serait une bonne manière d'assurer la bonne information de la personne qui souhaite acquérir le foncier, si l'information du vendeur faisait défaut.

La forme du contrat de compensation : règles particulières

– Précision. – Outre les règles générales venant d'être évoquées, le législateur a prévu des règles particulières pour mettre en œuvre des mesures de compensation. Il s'agit du contrat d'obligation réelle environnementale (ORE) qui sera étudié plus loin (V. infra, nos et s.), et du bail rural environnemental.
– Bail rural environnemental. – Introduit par la loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 et modifié à la faveur de la loi du 13 octobre 2014, le bail rural environnemental est prévu par l'article L. 411-27 du Code rural et de la pêche maritime et aux articles R. 411-9-11-1 et suivants du même code issus d'un décret du 8 mars 2007.
Le bail rural environnemental ne constitue pas une nouvelle forme juridique distincte du bail rural. Il est donc soumis au régime du fermage, ainsi qu'aux règles particulières prévues par les textes susvisés.
Il est ainsi possible d'introduire dans un bail rural des clauses visant au respect par le preneur de pratiques ayant pour objet la préservation de la ressource en eau, de la biodiversité, des paysages, de la qualité des produits, des sols et de l'air, la prévention des risques naturels et la lutte contre l'érosion, y compris des obligations de maintien d'un taux minimal d'infrastructures écologiques.
Cette possibilité n'est envisageable que dans les cas suivants :
  • pour garantir, sur la ou les parcelles mises à bail, le maintien de ces pratiques ou infrastructures ;
  • lorsque le bailleur est une personne morale de droit public, une association agréée de protection de l'environnement, une personne morale agréée « entreprise solidaire », une fondation reconnue d'utilité publique ou un fonds de dotation ;
  • soit les parcelles exploitées se trouvent dans un espace doté d'un statut spécifique (exemples : parc national ou parc naturel régional, site Natura 2000, terrains du Conservatoire du littoral, réserve naturelle, arrêté de protection de biotope, site classé au titre des paysages, zone d'érosion délimitée par le préfet, périmètre de protection de la ressource en eau, etc.) à condition que ces espaces aient fait l'objet d'un document de gestion officiel et en conformité avec ce document.
L'insertion des clauses environnementales peut se faire à tout moment, mais nécessite l'accord du bailleur et du preneur. Elles pourront être intégrées au bail lors de son établissement ou renouvellement, ou dans un avenant modificatif pendant la durée du bail. Le bail doit également fixer les conditions dans lesquelles le bailleur peut s'assurer annuellement du respect par le preneur des mesures environnementales convenues.
L'article R. 411-9-11-1 du Code rural et de la pêche maritime précise les clauses pouvant être incluses dans un bail rural environnemental, par exemple « le non-retournement des prairies », « la création, le maintien et les modalités de gestion des surfaces en herbe », etc.
La durée envisageable est celle prévue classiquement pour tout bail rural, étant précisé que si elle excède douze ans, le contrat devra être établi par acte authentique. Il est donc essentiel que le notaire maîtrise cet outil et les principes de la compensation environnementale.
Il résulte de ce qui précède que le bail rural environnemental constitue une forme de contrat permettant de mettre en œuvre des mesures de compensation. Il n'est toutefois possible de le mettre en place que dans les cas prévus par les textes, et les clauses à dimension environnementale permettant de mettre en œuvre des mesures de compensation sont limitées. Les mesures de compensation environnementale ne pourront donc pas toutes être mises en œuvre à l'aide de cet outil.