1769 Au-delà de l’acte de production, constituant le cœur de métier des agriculteurs, les exploitations agricoles mènent de front des activités diverses. Dans un premier temps, lorsque les productions arrivent à maturité, il est indispensable de les vendre afin d’obtenir la rémunération du travail fourni. Dans un monde concurrentiel, cette étape cruciale soulève desdifficultés. Ensuite, l’agriculteur devient un acteur incontournable du territoire rural, envisagé comme espace multifonctionnel. En effet, si l’agriculture y joue un rôle central, il n’est pas exclusif. Les enjeux environnementaux, éducatifs, touristiques et sociaux sont également essentiels pour l’avenir de ce territoire.
Ainsi, il convient d’abord de définir les conditions de vente des productions agricoles (Section I), avant d’appréhender le rôle des exploitants dans ce territoire multifonctionnel (Section II).
1770 L’objectif historique de l’exploitation agricole est la vente d’une production principalement destinée à l’alimentation des hommes et du bétail1000. Cette question revêt aujourd’hui un double enjeu : assurer une juste rémunération à l’exploitant tout en garantissant au consommateur un prix raisonnable. Pour concilier ces impératifs, plusieurs outils existent : le contrôle quantitatif de la production, envisagé à travers les droits de plantation (Sous-section I), la mise en place de circuits de commercialisation individuels (Sous-section II) et collectifs (Sous-section III).
1771
La politique des quotas, pilier du contrôle de la production, a disparu en deux temps :
1. les quotas laitiers ont pris fin le 31 mars 2015. Il leur était reproché d’avoir empêché les producteurs européens de répondre à la demande croissante de produits laitiers sur le marché mondial1001. Il est vraisemblable que l’absence de régulation entraînera à l’avenir une fluctuation importante des prix. Pour accompagner les entreprises agricoles laitières, un observatoire européen du lait a été mis en place1002. Dans un premier temps, une baisse des cours a été constatée1003, mais il semble qu’ils repartent à la hausse1004 ;
2. les quotas sucriers sont supprimés depuis le 1er octobre 2017. Là aussi, un observatoire européen est mis en place1005 afin d’accompagner les entreprises agricoles sucrières dans leur adaptation à ce nouvel environnement1006. En France, les pouvoirs publics ont également anticipé et analysé ce bouleversement1007 dans lequel apparaissent de véritables opportunités1008, sous réserve d’une adaptation de la filière1009.
1772 – La rénovation récente des droits de plantation. – En matière de contrôle quantitatif, ne subsiste aujourd’hui que la réglementation relative aux droits de plantation des vignes1010, rénovés récemment par le droit européen1011et intégrés dans la législation française (C. rur. pêche marit., art. L. 665-4 et s.)1012. Un nouveau système d’autorisation de plantation et de replantation a été instauré. L’objectif est de permettre une croissance des vignobles encadrée par les États1013. Il convient, en premier lieu, de définir la nature des autorisations de plantation (§ I), avant d’en décrire le régime juridique (§ II).
1773 – Un droit personnel. – Les nouvelles autorisations de plantation constituent un droit personnel. Elles bénéficient en effet au producteur ayant fait la demande et satisfaisant aux critères d’éligibilité : être un chef d’exploitation disposant des connaissances et des compétences professionnelles suffisantes1014. Le lien avec la terre reste tout de même présent lorsque la superficie totale disponible pour de nouvelles plantations est limitée. L’autorisation est alors attribuée pour une superficie et un emplacement déterminés dans l’exploitation. Il est ainsi question de « stickage » de l’autorisation.
1774 – Gratuité et incessibilité. – Parce qu’elles sont nécessairement gratuites et incessibles, il s’agit d’autorisations administratives sans valeur patrimoniale.
1775 – Fixation du taux de croissance. – Le nouveau régime est applicable à l’ensemble des vignobles français sans exception (C. rur. pêche marit., art. D. 665-1). La fixation du taux de croissance annuel du vignoble et du nombre d’hectares disponibles résulte d’un arrêté interministériel, pris après avis de l’INAO et de FranceAgriMer (C. rur. pêche marit., art. D. 665-2, D. 665-3 et D. 665-5). Pour les AOP, l’INAO propose le taux de croissance. Le gouvernement ayant une compétence liée, l’accepte ou le refuse sans possibilité de modification (C. rur. pêche marit., art. D. 665-3, I)1015.
1776 – Compétence de délivrance des autorisations. – L’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer (FranceAgriMer) est compétent pour instruire les demandes dématérialisées d’autorisations de nouvelles plantations et de replantations (C. rur. pêche marit., art. L. 621-1 et D. 665-6)1016. Elles sont présentées chaque année entre le 1er mars et le 30 avril.
1777 – Critères de délivrance des autorisations. – L’autorisation est accordée selon des critères d’éligibilité objectifs, basés sur la compétence du producteur, la superficie de son exploitation et le risque de détournement d’une AOP1017. Ces critères sont définis par arrêté interministériel (C. rur. pêche marit., art. D. 665-4)1018. Si les demandes excèdent le nombre d’hectares disponibles, les autorisations sont en principe octroyées proportionnellement à la superficie sollicitée. La mise en place de critères de priorité, objectifs et non discriminatoires, est également possible1019. Lorsque l’autorisation délivrée est inférieure de moitié à celle sollicitée, elle peut être refusée par le demandeur, augmentant alors la superficie disponible à son profit l’année suivante (C. rur. pêche marit., art. D. 665-8).
1778 – Principe : l’autorisation automatique. – L’arrachage de vignes régulièrement plantées engendre une autorisation automatique de replanter1020. Il est toutefois nécessaire de présenter une demande d’autorisation auprès de FranceAgriMer, lui permettant ainsi de vérifier la régularité de la demande.
1779 – Exception : AOP–IGP. – Dans les zones de production viticole en AOP ou IGP, les organisations professionnelles ont la possibilité de recommander la limitation des autorisations de replantation, afin d’éviter un risque de dépréciation1021. Un arrêté interministériel annuel délimite les zones de restriction (C. rur. pêche marit., art. D. 665-5 et D. 665-9)
1780 – La procédure d’autorisation de replantation. – Les demandes sont présentées au plus tard à la fin de la deuxième campagne viticole suivant celle de l’arrachage (C. rur. pêche marit., art. D. 665-9). Au-delà, les demandes sont refusées. L’anticipation de l’autorisation de replantation est possible afin de permettre au producteur de planter une superficie de vignes équivalente à celle qu’il s’engage à arracher au plus tard quatre ans après la plantation nouvelle (C. rur. pêche marit., art. D. 665-10).
1781 – Durée de validité de l’autorisation. – L’autorisation de plantation ou de replantation est attribuée pour une durée de trois ans à compter de sa date de délivrance, afin d’éviter tout risque de spéculation1022. À l’expiration de ce délai, l’autorisation est périmée et le producteur fait l’objet de sanctions financières.
1782 – Transmission de l’autorisation. – Malgré la rigueur du principe d’incessibilité de l’autorisation administrative, certaines situations justifient des exceptions. La cession est obligatoirement gratuite1023.
Il s’agit des hypothèses suivantes :
1. concernant les transferts entre personnes physiques : les successions et partages de communauté ou d’indivision (au profit de l’héritier ou de l’attributaire) ;
2. concernant les personnes morales : les fusions, scissions et apports de branches complètes d’activité. Les mises à disposition au profit de sociétés d’exploitation sont autorisées, à condition que le titulaire soit associé et participe sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente ;
3. concernant les baux ruraux ou à métayage, les droits de plantation initialement délivrés au propriétaire sont susceptibles d’être convertis en autorisations de plantation sur demande et au profit de l’exploitant preneur répondant à la définition de producteur1024. En présence d’un bail rural de droit commun, le bailleur est simplement informé, alors qu’en cas de métayage, son accord est obligatoire.
La transmission entraîne la reprise de toutes les obligations du titulaire initial1025, sans dérogation possible.
Le non-respect du régime des autorisations de plantation est sanctionné à double titre1026 :
par des amendes fiscales, sanctionnant la plantation de vignes sans autorisation, l’absence de notification préalable en cas d’exemption, le non-respect de l’obligation d’arrachage des vignes plantées sans autorisation et le défaut ou les fausses déclarations en matière de plantation et replantation (C. rur. pêche marit., art. L. 665-5) ;
et par des amendes administratives, sanctionnant la non-utilisation des autorisations à l’intérieur du délai de validité, le non-respect des obligations liées à la segmentation des vins (AOP/IGP/VSIG) et des obligations mentionnées dans les cahiers des charges des AOP/IGP applicables à la replantation dans les zones de restriction (C. rur. pêche marit., art. L. 665-5-4).
1783 – La préférence pour la vente directe aux particuliers. – Lorsque l’entreprise agricole fait le choix de vendre seule ses productions, elle entre en relation avec un acheteur. La vente directe à des grossistes ou des industriels ne soulève pas de difficultés juridiques, s’agissant d’un contrat entre deux professionnels exerçant leur activité. L’exploitant est toutefois souvent en position de faiblesse économique, ce qui l’amène à préférer des circuits collectifs de commercialisation ou à se tourner vers les circuits courts, et notamment la vente aux particuliers.
Les chiffres d’une étude récente démontrent l’importance du phénomène1027 :
1. généralités :
87 % des Français ont déjà acheté directement à un producteur,
près de quatre Français sur dix sont des acheteurs réguliers,
pour 83 % des Français, la vente directe est un modèle d’avenir ;
produits concernés :
fruits et légumes : 65 %,
œufs : 37 %,
lait et fromages : 32 %,
volailles : 30 %,
miel : 27 %,
viandes rouges : 20 % ;
modalités de vente déjà utilisées par les Français :
face à face : marchés : 46 % ; à la ferme : 44 %,
à distance : associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (AMAP) et comités d’entreprises ou internet : 15 % ;
motivations du consommateur :
qualité des produits : 74 %,
soutien à la production locale : 55 %,
prix : 43 %,
bénéfices pour la santé et la sécurité alimentaire : 30 %.
1784 – Un enjeu territorial. – L’engouement des consommateurs pour la vente directe s’explique par la recherche de produits locaux authentiques, dont l’origine et le mode de production sont garantis, valorisant ainsi les territoires. Ils engendrent également une attente de goût et de fraîcheur des produits. En allant plus loin, « les circuits courts faciliteraient une gouvernance alimentaire par la mobilisation des acteurs d’une région »1028.
1785
Un projet alimentaire territorial est élaboré de manière concertée à l’initiative des acteurs d’un territoire. Il s’appuie sur un état des lieux de la production agricole locale et des besoins alimentaires d’un bassin de vie. Il s’agit aussi bien de la consommation individuelle que de la restauration collective (C. rur. pêche marit., art. L. 111-2-2)1029.
Ces projets ont une triple dimension :
1. économique : structuration et consolidation des filières dans les territoires, rapprochement de l’offre et de la demande, maintien de la valeur ajoutée sur le territoire, contribution à l’installation d’agriculteurs et à la préservation des espaces agricoles ;
2. environnementale : développement de la consommation de produits locaux de qualité, valorisation de nouveaux modes agroécologiques de production, préservation de l’eau et des paysages, lutte contre le gaspillage alimentaire ;
3. sociale : éducation alimentaire, création de liens, accessibilité sociale, don alimentaire, valorisation du patrimoine.
1786 – Caractéristique géographique de la vente directe. – La vente directe se caractérise d’abord par son lieu, réalisée en dehors des circuits de distribution classiques des produits alimentaires.
On distingue :
1. la vente sur le lieu d’exploitation. La vente à la ferme est incluse dans la qualification d’activité agricole par rattachement ou par relation (C. rur. pêche marit., art. L. 311-1)1030 ;
2. la vente hors établissement1031. Il s’agit d’un contrat de consommation entre un professionnel agissant dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole, et un consommateur, personne physique agissant en dehors de son activité professionnelle (C. consom., art. liminaire). Il intervient en dehors du siège habituel d’activité du professionnel1032, mais en présence du consommateur. Enfin, la vente de produits agricoles ne fait pas partie des exclusions légales relatives à la vente hors établissement (C. consom., art. L. 221-2).
1787 – Un rapport direct entre les parties. – La vente directe crée un lien juridique étroit entre le producteur et le consommateur, limitant ou supprimant les intermédiaires.
Elle consiste essentiellement en :
la vente à la ferme au sein d’un local aménagé ou non ;
la cueillette sur le lieu de production ;
la méthode des paniers, consistant à livrer des produits frais de saison un jour précis et à un lieu précis chaque semaine1033 ;
la vente en tournées à domicile ;
la vente sur les marchés traditionnels, touristiques ou saisonniers ;
la vente par internet, au moyen d’une plate-forme dédiée1034 ;
la vente organisée à l’avance, notamment grâce aux associations pour le maintien de l’agriculture paysanne (AMAP)1035 ;
la vente en distributeur automatique.
1788 – Définition de la vente directe. – La vente directe est « le contrat de vente par lequel un ou plusieurs producteurs vendent aux consommateurs leur production ou des produits agroalimentaires élaborés majoritairement à partir de leur production agricole, végétale ou animale »1036. Dans la mesure où elle met en relation un professionnel et un consommateur, elle relève du Code de la consommation, notamment pour l’information du consommateur et la sécurité alimentaire (C. consom., art. L. 412-1 et R. 412-1 et s.).
En général, les ventes directes sont connues du grand public sous le terme de « circuits courts ». Elles concernent tant la vente aux particuliers qu’à des prestataires locaux. Les productions fermières, commercialisées en circuits courts, se caractérisent par leur typicité et par le lien privilégié entre producteurs et consommateurs. Ces démarches offrent aux agriculteurs l’opportunité de diversifier leurs débouchés et d’être davantage à l’écoute des attentes des consommateurs1037.
1789 – Le besoin de se regrouper. – Si la vente directe permet d’écouler une partie de la production agricole, d’autres débouchés sont indispensables. Les producteurs se trouvent ainsi face à des industriels ou des distributeurs de grande taille. Dans ce cadre, il est nécessaire de se regrouper afin de peser dans les négociations commerciales. Ce regroupement se réalise le plus souvent au sein de sociétés coopératives agricoles, accompagnant les exploitants jusqu’à l’écoulement de la production sur les marchés commerciaux.
L’importance du phénomène coopératif dans le monde agricole est appréhendée au regard de plusieurs chiffres clés1038 :
il existe 2 600 entreprises coopératives, unions et SICA dans le secteur agricole, agroalimentaire et agro-industriel, et 11 545 coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) ;
les coopératives et leurs filiales réalisent un chiffre d’affaires global annuel de 85,9 milliards d’euros ;
elles réalisent 40 % du chiffre d’affaires de l’agroalimentaire français ;
une marque alimentaire sur trois est coopérative ;
les coopératives emploient plus de 165 000 salariés ;
trois quarts des agriculteurs adhèrent au moins à une coopérative ;
74 % des sièges sociaux se situent en zone rurale ;
550 coopératives sont engagées dans le bio, représentant 40 % de la collecte laitière bio et 70 % de la collecte bio en grandes cultures ;
les entreprises coopératives sont composées de quinze grands groupes, 146 ETI, et plus de 90 % de PME ou TPE.
Ces structures ont une empreinte juridique propre (§ I). Ce fonctionnement original leur confère une utilité essentielle dans la vente des productions (§ II). À ce titre, les sociétés d’intérêt collectif agricole (SICA) méritent également une attention particulière (§ III).
1790 – Nature juridique. – Les sociétés coopératives agricoles ne sont ni civiles ni commerciales. Elles ont pour objet l’utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique et les résultats en découlant (C. rur. pêche marit., art. L. 521-1). Il s’agit d’une catégorie spéciale de sociétés, autorisées à se grouper en unions de coopératives agricoles. Les sociétés coopératives sont ainsi caractérisées tant par leurs spécificités (A) que par le rôle joué par les associés coopérateurs (B).
1791 – Exclusivisme. – Les sociétés coopératives sont tenues à une double exclusivité :
1. au titre de leur objet social, devant être précis et conforme à la liste des activités légalement établies (C. rur. pêche marit., art. R. 521-1).
Il s’agit :
de l’accompagnement de la production et de la vente des produits agricoles, immédiatement ou après conservation, conditionnement ou transformation,
de l’approvisionnement en produits, équipements, instruments ou animaux nécessaires à l’exploitation,
et de la prestation de services telle que la mise à disposition de matériels, l’organisation de formations ou la réalisation de travaux agricoles ;
dans leurs relations avec les coopérateurs, uniques bénéficiaires des activités de la coopérative (C. rur. pêche marit., art. L. 521-3, b).
Les sociétés coopératives agricoles sont regroupées en quatre catégories selon leur objet :
1. les sociétés coopératives de production et de vente, comprenant elles-mêmes trois catégories :
les sociétés coopératives agricoles ayant pour objet la production, la collecte et la vente des produits agricoles et forestiers (type 1),
les sociétés coopératives agricoles à section (type 3),
les sociétés coopératives agricoles de céréales (type 4) ;
les sociétés coopératives agricoles d’exploitation en commun (type 2) ;
les sociétés coopératives agricoles d’approvisionnement (type 5) ;
les sociétés coopératives agricoles de services (type 6).
Au moment de leur création, ces structures adoptent obligatoirement des statuts types1039.
1792 – Capital variable. – Afin de permettre l’adhésion et le retrait des sociétaires sans autre formalité que l’agrément du conseil d’administration, le capital des sociétés coopératives est obligatoirement variable (C. rur. pêche marit., art. L. 521-2). Ce capital est structuré en plusieurs types de parts sociales (C. rur. pêche marit., art. R. 523-1) :
les parts d’activité, souscrites par les associés coopérateurs en fonction de l’importance de leurs opérations coopératives ;
les parts des associés non coopérateurs s’ils sont autorisés par les statuts ;
les parts sociales d’épargne des associés coopérateurs bénéficiant de ristournes ;
les parts sociales à avantages particuliers pour les deux catégories d’associés à jour de leurs obligations.
1793 – Une société territoriale. – Les statuts délimitent géographiquement le territoire où sont situées les exploitations des adhérents (C. rur. pêche marit., art. L. 521-2, al. 3). L’extension de la circonscription territoriale est soumise à l’autorisation du Haut Conseil de la coopération agricole1040.
1794 – Un double contrôle. – Les sociétés coopératives agricoles sont soumises à un double contrôle :
1. un contrôle obligatoire lors de leur constitution. Il s’agit de l’agrément du Haut Conseil de la coopération agricole donné au terme d’une procédure précise (C. rur. pêche marit., art. R. 525-1 et s.) ;
2. un contrôle facultatif en cours de vie sociale, lors de l’adhésion à une fédération de coopérative dont la mission est de contrôler le respect des principes de coopération (C. rur. pêche marit., art. L. 527-1 et s.).
1795 – Définition des associés coopérateurs. – Les associés coopérateurs sont principalement les agriculteurs, personnes physiques ou morales, dépendant de la circonscription de la coopérative (C. rur. pêche marit., art. L. 522-1). Ils détiennent ensemble au moins la moitié du capital.
1796 – Le principe d’égalité. – L’un des fondements du système coopératif est le principe d’égalité entre les associés :
lors des assemblées générales, chaque associé dispose d’un droit de vote égal aux autres (C. rur. pêche marit., art. L. 524-4, al. 1), quel que soit le nombre de parts dont il est propriétaire, sauf pondération statutaire encadrée (C. rur. pêche marit., art. L. 521-2, f et L. 524-4, al. 2) ;
pour la rémunération des apports, dont le prix unitaire est égal pour tous les sociétaires, sans aucune variation selon les quantités apportées ou les frais de transport ;
en matière de responsabilité sociale, les pertes de la société étant réparties entre les coopérateurs proportionnellement au nombre de parts sociales, sans limitation ou aggravation possible.
1797 – Des obligations réciproques entre l’associé coopérateur et la société coopérative. Les statuts de la société coopérative organisent l’obligation d’utiliser les services de la société pour les coopérateurs (C. rur. pêche marit., art. L. 521-3, a). Ils en fixe la durée1041et les conditions de mise en œuvre, notamment le montant du capital à souscrire. En contrepartie, la société coopérative est tenue de recevoir leurs productions et d’en verser le prix.
1798 – L’originalité du contrat de coopération. – La coopération engendre une communauté d’intérêts entre les associés, plus forte encore que dans les autres sociétés. Il s’agit de l’affectio cooperatis. En outre, différents contrats lient la structure et ses membres1042. À ce titre, les contrats de livraisons de récoltes sont essentiels dans les rapports entre la coopérative et le coopérateur.
« Le cœur du droit coopératif semble être la règle de la double qualité », c’est-à-dire la « combinaison d’une institution et de contrats »1043.
1799 – Transfert de propriété de la production. – La société coopérative agricole de production, collecte et vente de produits agricoles, a pour finalité la vente des productions apportées par les exploitants. Ainsi, elle devient nécessairement propriétaire des apports de production afin d’en assurer la mise sur le marché. À ce titre, il est judicieux de fixer la date et les modalités du transfert de propriété au moyen d’une clause statutaire1044.
1800 – La rémunération des productions apportées par l’associé coopérateur. – L’organe d’administration de la société (conseil d’administration ou directoire) fixe :
1. le montant et les modalités de paiement de la rémunération de l’associé coopérateur. Elle comprend le prix des apports de produits, les acomptes, les compléments de prix et la quote-part dans la répartition des excédents annuels disponibles fixés par l’assemblée générale (C. rur. pêche marit., art. L. 521-3-1) ;
2. les critères de fluctuation des prix des matières premières affectant significativement le coût de production lorsque la collecte porte sur des produits à l’état brut (C. com., art. L. 441-2-1 et L. 441-8).
Les modalités d’information des associés coopérateurs sur les critères d’ajustement sont contenues dans le règlement intérieur, la plus grande clarté étant essentielle pour éviter les différends sur le paiement des compléments de prix1045.
1801 – La rémunération du capital de l’associé coopérateur. – Dans les sociétés classiques, la rémunération du capital est essentielle pour les investisseurs. La situation est très différente dans les coopératives agricoles en raison des règles suivantes :
1. le principe d’absence de rémunération. En effet, le capital n’est pas considéré comme un placement rémunérateur, mais comme un moyen au service de la collectivité ;
Ainsi :
les parts des associés coopérateurs ne sont rémunérées que par le versement d’un intérêt limité1046,
les sommes affectées en réserve sont indisponibles et ne peuvent, en principe, être incorporées au capital,
lors de la dissolution de la coopérative, l’actif net est dévolu à d’autres coopératives ou à des œuvres d’intérêt général agricoles ;
la possibilité d’une rémunération limitée. L’absence de rémunération du capital est une difficulté pour attirer et fidéliser les coopérateurs.
Aussi est-il possible :
de ristourner aux associés coopérateurs, proportionnellement aux opérations réalisées au cours de l’exercice social, les excédents constatés après prélèvement des diverses réserves et provisions prévues par la loi ou les statuts,
d’attribuer aux associés coopérateurs des ristournes sous la forme de parts sociales, dénommées « parts d’épargne » (C. rur. pêche marit., art. L. 523-4-1).
1802 – Présentation. – La SICA a pour objet la création ou la gestion d’installations, équipements ou prestations de services, dans l’intérêt des agriculteurs d’une région rurale déterminée, ou, de façon plus générale, dans celui des habitants de cette région sans distinction professionnelle. Elle prend la forme d’une société civile ou commerciale ayant le statut de société coopérative (C. rur. pêche marit., art. L. 531-1)1047.
1803 – La double qualité. – Conformément aux principes du statut coopératif, l’activité de la SICA nécessite le respect de la double qualité1048 : l’adhérent est à la fois associé et coopérateur, lié contractuellement à la société. Il cumule les fonctions de client, de fournisseur ou d’apporteur de travail. L’engagement d’activité du sociétaire, total ou partiel, est fixé par les statuts. Il diffère selon l’objet de la société :
l’adhérent est tenu de livrer ses produits aux SICA de commercialisation ;
il s’engage à se fournir en produits nécessaires à son exploitation auprès des SICA d’approvisionnement ;
enfin, concernant les SICA de services, il doit recourir aux prestations de la société.
1804 – Une activité encadrée. – Les SICA non soumises à un cahier des charges sont tenues de réaliser la moitié de leur chiffre d’affaires ou de leur volume d’opérations avec des sociétaires appartenant au monde agricole (agriculteurs ou groupements affiliés aux caisses de crédit agricole mutuel). A contrario, elles ont la faculté d’en réaliser 50 % maximum avec des tiers non sociétaires (C. rur. pêche marit., art. R. 532-4)1049.
1805 – Spécificités de fonctionnement. – Compte tenu de sa vocation agricole, les statuts de la société garantissent aux agriculteurs et aux groupements affiliés aux caisses de crédit agricole mutuel de disposer ensemble de la majorité des voix aux assemblées générales de la société (C. rur. pêche marit., art. R. 532-3, al. 1). Par ailleurs, le contrôle de la société par une seule personne physique ou morale est proscrit1050.
1806 – Utilité d’une SICA. – La SICA est une structure au service des agriculteurs et du monde rural. Le plus souvent, elle est utilisée pour la commercialisation des productions agricoles, telle une forme particulière de société coopérative1051. Toutefois, son périmètre d’intervention est plus vaste. Il s’étend en effet à l’ensemble d’un territoire rural. La SICA constitue ainsi un cadre juridique adapté à la réalisation de projets territoriaux en secteur rural.
1807 – Une situation de fait. – « La multifonctionnalité de l’agriculture est un fait. »1052Elle résulte en effet de ses trois fonctions principales :
1. sa fonction économique : l’acte de production agricole est une activité créatrice de richesses ;
2. sa fonction sociale : les exploitations agricoles sont une source d’emplois locaux :
directs (salariés agricoles),
et indirects, en permettant le maintien d’une activité locale avec les sous-traitants et l’ensemble des agents économiques du territoire concerné ;
et sa fonction environnementale : par le développement de pratiques éco-responsables, mais également par la réalisation de différentes missions écologiques de conservation de l’espace naturel, notamment dans les opérations de compensation1053.
1808 – Une prise en compte juridique. – Un regard juridique mérite toutefois d’être posé sur la réalisation des activités des entreprises agricoles1054. Alors que l’activité agricole a longtemps été limitée à l’exploitation d’une terre en vue d’une production animale ou végétale, sa définition légale est désormais élargie (C. rur. pêche marit., art. L. 311-1)1055.
Ses contours restant imprécis, la détermination du caractère agricole des activités s’appuie sur la distinction entre :
les activités agricoles par nature. Réalisées à titre habituel, elles respectent au surplus trois conditions :
1. la maîtrise et l’exploitation d’un cycle biologique,
2. le caractère végétal ou animal de l’exploitation,
3. le caractère nécessaire au déroulement du cycle des activités ;
4. les activités agricoles par détermination de la loi. Visées par un texte, il s’agit des cultures marines, des activités équestres et de la méthanisation agricole1056 ;
5. et les activités agricoles par relation. Il s’agit des activités réalisées en aval de l’exploitation, impliquant ainsi une activité agricole par nature préalable, et s’appuyant sur la théorie de l’accessoire.
Ainsi, la multifonctionnalité agricole s’appuie d’abord sur les activités réalisées à la suite de l’acte de production (Sous-section I). Mais elle résulte également d’activités décorrélées de la production agricole (Sous-section II).
1809 – L’agriculteur commerçant. – L’agriculture n’étant plus de subsistance, les exploitants deviennent vendeurs de leurs productions. Lorsque la vente est réalisée dans le prolongement de l’acte de production, elle est comprise dans l’activité agricole (C. rur. pêche marit., art. L. 311-1, al. 1). Elle porte nécessairement sur les produits de l’exploitation. Au contraire, dans l’hypothèse où l’exploitant achète des produits agricoles en vue de les revendre, il s’agit d’un acte de commerce (C. com., art. L. 110-1)1057pouvant être réalisé parallèlement à l’activité agricole. Il convient toutefois d’être prudent.
En effet :
les actes de commerce doivent rester exceptionnels et étroitement liés à l’activité de production agricole ;
lorsqu’ils deviennent majoritaires, l’ensemble de l’exploitation revêt un caractère commercial.
Compte tenu des risques de requalification encourus1058, la prudence recommande de réaliser ces activités commerciales au sein d’une structure créée à cet effet1059.
1810 – L’agriculteur transformateur. – Traditionnellement, certains agriculteurs transforment leurs produits afin de leur apporter une valeur ajoutée lors de la vente1060. Ces activités, commerciales par nature, sont susceptibles d’être agricoles (C. rur. pêche marit., art. L. 311-1, al. 1), à condition d’être réalisées :
par un exploitant dans le prolongement de l’acte de production1061 ;
et exclusivement avec les produits de l’exploitation concernée.
Les agriculteurs sont toutefois autorisés à réaliser des achats extérieurs :
pour les éléments additionnels non produits sur l’exploitation, sous réserve qu’il s’agisse d’achats d’usage, faibles en proportion du produit fini, et nécessaires (condiments et emballages) ;
pour les produits normalement issus de la ferme, la jurisprudence admet les apports extérieurs à condition qu’ils soient strictement nécessaires, en faible quantité1062, ou justifiés par une diminution ou une perte de récolte.
Le périmètre agricole de l’activité de transformation étant là encore incertain, la prudence invite à exercer cette activité dans une structure commerciale séparée.
1811 – Agrotourisme. – L’agrotourisme regroupe les activités d’hébergement, de restauration et de loisirs en général, réalisées par l’exploitant sur son exploitation (C. rur. pêche marit., art. L. 311-1 et D. 722-4 ; C. tourisme, art. L. 343-1). Cette diversification est rattachée à l’activité agricole en raison d’un critère territorial : l’exploitation en est le support. En revanche, il est indispensable qu’une activité agricole par nature soit déjà exercée pour pouvoir y attacher une activité touristique. Par ailleurs, la question de la proportion à respecter pour chacune des activités agricole et touristique se pose. Les textes et la jurisprudence manquent à ce titre de précision1063. À nouveau, la prudence incite à séparer ces activités au moyen de sociétés dédiées.
Le tourisme rural est à la mode. L’offre d’activités se diversifie un peu plus chaque année1064 :
hébergement1065 : chambres d’hôtes, gîtes ruraux, camping à la ferme, etc. ;
restauration : table d’hôte, ferme auberge, goûter à la ferme ;
œnotourisme : visite des domaines, vendanges, dégustations, etc. ;
loisirs : ferme pédagogique, découverte du patrimoine agricole et rural, pêche, chasse, sports de nature, etc.
Pour gagner en visibilité et en clientèle, le réseau « Bienvenue à la ferme » a été créé en 1988 par des agriculteurs1066. Il est aujourd’hui composé de plus de 8 000 agriculteurs adhérents, animé par des relais régionaux et départementaux conseillant les agriculteurs, garantissant la qualité des produits et des activités, aidant à l’installation, assurant la promotion de la marque, etc.
1812 – Déneigement et salage. – Bien avant la compensation écologique1067, les exploitants agricoles rendaient déjà des services à la collectivité, notamment au moyen de leurs engins d’exploitation. Cette situation a été légalisée pour le déneigement et le salage au profit des communes, intercommunalités et départements1068. Toutefois, cette activité est nécessairement accessoire et n’apporte aucune concurrence déloyale aux entreprises privées spécialisées. Elle ne se substitue pas non plus aux missions des services publics1069.
1813 – Le besoin d’une nouvelle définition de l’activité agricole. – Ainsi les agriculteurs réalisent des activités diverses. Elles sont bien souvent indispensables à l’équilibre économique de l’exploitation, et plus généralement du territoire. Malheureusement, la multifonctionnalité de l’agriculture est insuffisamment intégrée à la définition des activités agricoles1070. Ces incertitudes posent des difficultés dans l’organisation de l’entreprise agricole, souvent obligée de multiplier les structures sociétaires pour se diversifier. Il est désormais indispensable de prendre en compte cette réalité économique et territoriale1071.
Ainsi, à travers une définition rénovée des activités agricoles, apparaîtront l’agriculture et l’agriculteur de demain.
1013) L’accroissement, fixé à 1 % par État, est calculé à partir de la superficie totale effectivement plantée en vignes sur leur territoire au 1er juillet de l’année précédente : Règl. n° 1308/2013, préc., art. 63-1. Un taux de croissance nul ou négatif est interdit : Règl. n° 1308/2013, préc., art. 63-3. Afin d’éviter les risques d’offre excédentaire, le plafond maximum peut être :
abaissé au niveau national (Règl. n° 1308/2013 préc., art. 63-2 et 63-3) ;
limité au niveau régional pour éviter la dépréciation des produits bénéficiant d’une AOP ou d’une IGP (Règl. n° 1308/2013, préc., art. 63-2).
1060) Les principales transformations de productions agricoles à la ferme concernent :
les productions animales : découpe, transformation en charcuterie, fromages, crème, beurre, etc. ;
les productions végétales : nettoyage, conditionnement, vinification, distillation, brassage, etc.