CGV – CGU

Chapitre II – La délimitation du territoire agricole

Partie I – L’appropriation du territoire agricole
Titre 1 – L’aménagement du territoire agricole
Sous-titre 1 – La réorganisation du territoire agricole
Chapitre II – La délimitation du territoire agricole

1172 Il est indispensable d’identifier précisément les limites des voies communales et des terres privées mal définies, afin de connaître les droits et obligations attachés à chacune de ces parcelles169. À ce titre, il convient d’aborder successivement les chemins ruraux (Section I) et les biens non délimités (Section II).

Section I – Les chemins ruraux

1173

L’origine des chemins ruraux

Les chemins vicinaux non classés comme voies communales par inscription sur les listes dressées par les conseils municipaux ou les préfets à la date de l’ordonnance de 1959170 sont devenus des chemins ruraux. Ils constituent une catégorie résiduelle de voies appartenant à la commune dans la mesure où ils regroupent toutes les parcelles n’ayant pas été classées par ailleurs au moyen des documents suivants :

les arrêtés de classement et de déclassement du domaine public ;

les tableaux de classement et les plans concernant les voies communales ;

les registres et les plans établis suite à l’ordonnance de 1959 ;

les registres des arrêtés municipaux concernant la gestion, la surveillance et la police des voies communales et chemins ruraux ;

les titres de propriété ainsi que les plans annexés ;

et les jugements attributifs de propriété.

1174 – L’intérêt des chemins ruraux. – Les chemins ruraux ne sont pas réservés à l’usage des seules professions agricoles. Ils ont une vocation universelle. Ils constituent une pièce maîtresse de la richesse et de la diversité du territoire. Vecteurs économiques, corridors écologiques, ils maintiennent le lien entre les différents acteurs participant au développement durable du territoire. Au surplus, ils sont utilisés pour les loisirs171.

L’évolution métrique des chemins ruraux

Il existe en France un réseau d’environ 425 000 kilomètres de voies communales et 700 000 kilomètres de chemins ruraux172.

Au cours des quarante dernières années, plus de 250 000 kilomètres de chemins ruraux ont disparu.

L’association « Chemins de Picardie » a constaté la disparition de 10 000 kilomètres de réseau sur les 40 000 kilomètres répertoriés au cadastre173. Leur disparition s’explique par le défaut d’entretien finissant par les rendre impraticables, l’intégration sauvage aux propriétés riveraines, l’ensemencement et la mise en pâture.

1175 Les chemins ruraux présentent des différences fondamentales avec d’autres notions voisines telles que les chemins communaux et les chemins d’exploitation (Sous-section I). Ils créent en effet des droits et des obligations pour les propriétaires riverains(Sous-section II). Leur aliénation est également soumise à des règles strictes et exclusives (Sous-section III).

Sous-section I – Les chemins ruraux et les notions voisines

1176 Les chemins ruraux ne se confondent pas avec les chemins communaux (C. voirie routière, art. L. 141-1)174 (§ I). Il existe également d’importantes différences entre les chemins ruraux et les chemins d’exploitation (§ II).

§ I – Les chemins ruraux et les chemins communaux

1177 – Propriété de la commune : domaine public/domaine privé. – Les chemins communaux, également dénommés « voies communales », relient les zones habitées. Relevant du domaine public de la commune, ils sont inaliénables.

À l’inverse, les chemins ruraux font partie du domaine privé de la commune (C. rur. pêche marit., art. L. 161-1 et CGPPP, art. L. 2212-1). Ainsi, ils sont aliénables et prescriptibles dans les conditions de droit commun (C. civ., art. 2272 à 2275). L’inscription des chemins sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée (PDIPR) ne constitue pas une présomption d’appartenance au domaine communal lorsque leur régime juridique n’est pas clairement établi au moment de l’adoption du plan.

1178 – L’entretien des chemins. – Les dépenses d’entretien des voies communales sont obligatoirement supportées par la commune (C. communes, art. L. 221-2). À l’inverse, l’entretien des chemins ruraux par la commune tel que le curage des fossés, le désherbage des chemins, leur empierrement ou le rebouchage des trous est facultatif.

La politique agricole commune met l’accent sur le soutien au développement rural par l’intermédiaire du FEADER175. Elle consacre notamment la possibilité d’allouer des aides publiques aux travaux de création ou d’entretien de chemins ruraux contribuant à la conservation du patrimoine rural et au développement de l’agriculture176. Ces aides sont accordées suite à l’inscription des demandes dans un projet tel que le plan de développement rural régional ou l’Agenda 21177. Les travaux de création ou d’entretien des chemins ruraux bénéficient également de subventions du FEADER.

La commune dispose de pouvoirs de police lui permettant d’interdire la circulation. Elle peut également proscrire certaines pratiques afin de protéger les espaces naturels, les paysages ou leur mise en valeur à des fins notamment agricoles (C. rur. pêche marit., art. L. 161-5 et CGCT, art. L. 2213-4). Lorsque la commune assure l’entretien des chemins ruraux ou améliore leur viabilité, elle engage sa responsabilité en cas d’incident lié à un défaut d’entretien.

§ II – Les chemins ruraux et les chemins d’exploitation

1179 – Les critères d’identification des chemins178. – Les chemins d’exploitation servent exclusivement à la communication entre divers fonds ou à leur exploitation (C. rur. pêche marit., art. L. 162-1), soit qu’ils les traversent, soit qu’ils les abordent, soit qu’ils y aboutissent. Il s’agit le plus souvent d’anciens chemins privés permettant la desserte de parcelles composant de grands domaines. La desserte de plusieurs fonds est le critère d’identification de ces chemins179, utilisés aujourd’hui pour l’exploitation de parcelles appartenant à différents propriétaires, sans que leur statut ne soit envisagé ni précisé. En l’absence de titre, ils sont présumés appartenir aux propriétaires riverains, chacun de la portion attenante à son fonds et dans la proportion de ses intérêts180. Leur usage est commun à tous les riverains.

1180 – L’assiette des chemins d’exploitation. – Le déplacement de l’assiette d’un chemin d’exploitation implique l’agrément de tous les utilisateurs. Sa suppression nécessite également l’accord de tous les propriétaires concernés. Une décision administrative ne peut en aucun cas se substituer à la décision des propriétaires.

Certains chemins d’exploitation sont également créés par les associations foncières lors des opérations d’aménagement foncier agricole et forestier (C. rur. pêche marit., art. L. 123-8 et L. 123-9)181. Lors de la dissolution de l’association, ces chemins reviennent soit aux communes, soit à un ou plusieurs propriétaires riverains.

1181 – L’accès des chemins d’exploitation, voies privées. – Les chemins d’exploitation constituent des voies privées. Ils sont entretenus par les propriétaires riverains, lesquels ont la possibilité d’en interdire l’usage au public. Les propriétaires ont tout intérêt à en interdire l’accès. En effet, la tolérance est punitive puisqu’en cas de contestation sur la nature d’un chemin, les tribunaux recherchent s’il sert exclusivement ou non à l’exploitation ou à la desserte des fonds riverains182.

Lorsqu’ils sont ouverts à la circulation publique, le maire y exerce toutefois des pouvoirs de police.

À l’inverse, la circulation sur les chemins ruraux est ouverte au public, cette occurrence ne suffisant néanmoins pas à exclure la qualification de chemin d’exploitation183.

1182 – Les difficultés posées par l’absence de références cadastrales. – L’absence de numérotation cadastrale rend délicate l’identification juridique des chemins. Ainsi, la reconnaissance effective d’un chemin d’exploitation donne parfois lieu à contentieux.

L’appartenance au domaine public dépend en effet des deux critères alternatifs suivants :

l’affectation directe à l’usage du public ;

et l’existence d’aménagements indispensables à l’exécution d’un service public (CGPPP, art. L. 2111-1).

L’objectif assigné au cadastre est l’identification des propriétaires redevables des taxes foncières184. Une partie du territoire n’est pas cadastrée au motif qu’elle n’est pas productive d’impôts fonciers. Cela concerne notamment les chemins ruraux et les chemins d’exploitation, même s’ils n’en ont pas l’apparence sur le plan cadastral.

Sous-section II – Les droits et obligations liés aux chemins ruraux

1183 Les riverains disposent de droits sur les chemins ruraux.

Il s’agit notamment :

d’un droit à l’accès, d’un droit de déversement des eaux, d’un droit de préemption185 ;

et d’un droit de réparation des dommages causés par des tiers pour l’utilisation du chemin.

En contrepartie de ces droits, des obligations leur sont imposées.

1184 – La servitude d’écoulement des eaux. – Les propriétés riveraines situées en contrebas des chemins ruraux reçoivent les eaux découlant naturellement de ces chemins. Elles sont ainsi soumises à une servitude d’écoulement des eaux. Leurs propriétaires ne peuvent faire aucune œuvre tendant à empêcher le libre écoulement des eaux qu’ils sont tenus de recevoir (C. rur. pêche marit., art. D. 161-15). Par conséquent, il leur est interdit de rejeter sur ces chemins et leurs dépendances des eaux insalubres ou susceptibles de causer des dégradations, d’entraver l’écoulement des eaux de pluie, de gêner la circulation ou de nuire à la sécurité publique (C. rur. pêche marit., art. D. 161-14).

Les propriétaires ayant fait ouvrir des fossés ou canaux sur leurs terrains le long d’un chemin rural sont obligés de les entretenir de manière à empêcher les eaux de nuire à la viabilité du chemin. Ils sont également responsables de la sécurité liée à la circulation. À ce titre, des injonctions municipales par voie d’arrêté sont susceptibles d’être adressées aux propriétaires impertinents.

1185 – La servitude de curage. – Les propriétaires riverains sont tenus d’effectuer régulièrement le curage des cours d’eau et l’entretien de la rive par élagage et recépage de la végétation arborée (C. env., art. L. 215-14), afin de préserver la faune et la flore dans le respect des écosystèmes aquatiques.

Lorsque des travaux de curage sont effectués par la commune, le propriétaire a l’obligation de laisser passer les agents chargés de la surveillance des opérations et les entrepreneurs effectuant les travaux sur son terrain. Le préfet est en mesure de prescrire toute mesure de curage nécessaire à la prévention des inondations ou au libre écoulement des eaux.

1186 – L’interdiction de clôturer. – En principe, les propriétaires sont libres de clore leur propriété (C. civ., art. 647). Par exception, l’édification d’une clôture sur les chemins ruraux nécessite une autorisation municipale (C. rur. pêche marit., art. D. 161-15). La violation de cette disposition constitue une infraction pénale (C. rur. pêche marit., art. L. 161-28). En effet, dans la mesure où les chemins ruraux font partie du domaine privé de la commune, ils relèvent des dispositions répressives de droit commun relatives aux contraventions contre les biens (C. pén., art. R. 631-1 à R. 635-1)186.

1187 – Le bornage des chemins ruraux. – En principe, le maire délivre des certificats individuels de bornage permettant la délimitation des chemins ruraux par rapport aux terrains contigus. À défaut, le bornage contradictoire est effectué à l’initiative d’un propriétaire riverain ou de la mairie. En cas de conflit, la procédure de bornage judiciaire s’applique.

Sous-section III – La propriété des chemins ruraux

1188 Les chemins ruraux sont présumés appartenir à la commune (§ I). Leur aliénation est soumise à des règles singulières (§ II).

§ I – La présomption de propriété des chemins ruraux

1189 – La présomption d’appartenance à la commune. – Les chemins ruraux sont présumés appartenir à la commune (C. rur. pêche marit., art. L. 161-3). En effet, tout chemin affecté à l’usage du public est présumé appartenir à sa commune de situation. L’affectation à l’usage du public se présume, notamment par l’utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par l’accomplissement régulier d’actes de surveillance ou de voirie par l’autorité municipale. Cette présomption simple s’étend non seulement à l’assiette du chemin rural, mais aussi à ses dépendances, telles que les talus et les berges187. En revanche, les haies sont présumées appartenir aux propriétaires riverains dont elles protègent les cultures188.

1190 – La revendication de la propriété des chemins ruraux. – Il appartient au propriétaire revendiquant la propriété du sol de faire échec à cette présomption189 :

soit en produisant un titre de propriété ;

soit en invoquant une prescription acquisitive (C. civ., art. 2227)190.

Le fait qu’un chemin figure au cadastre sous le nom de chemin rural ne suffit pas à prouver qu’il a effectivement cette nature juridique. En cas de litige, les indications cadastrales constituent de simples présomptions. Les contestations relèvent de la compétence du juge judiciaire.

La désignation des chemins dans les actes translatifs de propriété

La désignation des chemins dans les actes translatifs de propriété requiert une attention particulière.

Les mentions figurant dans un acte authentique réduisent en effet à néant la présomption de propriété de la commune. La jurisprudence exige néanmoins que la portée des clauses ne soit pas équivoque191. À titre d’exemple, il convient d’éviter la formule « formant un seul tenant » souvent utilisée en pratique afin d’éviter toute difficulté d’interprétation par le juge.

§ II – L’aliénation des chemins ruraux

1191 – Les conditions préalables à l’aliénation. – Lorsqu’un chemin n’est plus affecté à l’usage du public, sa vente est susceptible d’intervenir après une enquête diligentée par le conseil municipal (C. rur. pêche marit., art. L. 161-10). En cas de pluralité de communes propriétaires du chemin, les maires concernés prennent un arrêté commun192, précisant l’objet de l’enquête, la date à laquelle elle s’ouvre et les heures et le lieu où le public prend connaissance du dossier afin de formuler ses observations. La durée de l’enquête est fixée à quinze jours (C. rur. pêche marit., art. R. 161-26).

La désaffectation d’un chemin rural résulte d’un état de fait193. La circonstance que des chemins ruraux ne soient plus affectés à l’usage du public ne fait pas obstacle à ce qu’une commune décide de les affecter de nouveau à cet usage en accomplissant les actes de surveillance et de voirie nécessaires194.

En l’absence de désaffectation, la délibération est entachée de nullité. Ainsi, lorsque le chemin constitue une voie de passage, il est toujours affecté à l’usage du public195. Une décision de déclassement n’est pas nécessaire. Elle n’est requise que pour déclasser dans le domaine privé les voies appartenant au domaine public. Ce qui n’est pas le cas des chemins ruraux dépendant du domaine privé communal.

Aliénation d’un chemin rural et avis de la Direction de l’immobilier de l’État

Dans les communes de plus de 2 000 habitants, la délibération décidant de la cession de tout ou partie d’un chemin rural est prise au vu de l’avis de l’autorité compétente de l’État. Cet avis est réputé donné à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la saisine. Une délibération prise sans cet avis ou sans saisie de la Direction de l’immobilier de l’État196un mois avant la réunion du conseil municipal est entachée d’illégalité.

1192 – Les particularités des chemins ruraux inscrits sur le plan départemental d’itinéraire de promenade et de randonnée (PDIPR). – Lorsqu’un chemin est inscrit sur un plan départemental d’itinéraire de promenade et de randonnée, la vente prévoit, à peine de nullité, soit son maintien, soit un itinéraire de substitution (C. env., art. L. 361-1). En outre, le conseil municipal a l’obligation de proposer au conseil départemental un itinéraire de substitution approprié à la pratique de la promenade et de la randonnée avant toute décision ayant pour effet la suppression d’un chemin rural (C. rur. pêche marit., art. L. 121-17).

1193 – Les chemins ruraux compris dans un périmètre d’AFAF. – Dans le cadre d’une opération d’aménagement foncier agricole et forestier, il appartient à la CCAF de proposer au conseil municipal la création, l’aménagement du tracé ou la suppression d’un chemin rural (C. rur. pêche marit., art. L. 121-17). Le silence gardé pendant deux mois vaut approbation de la mesure proposée.

Cependant, lorsque le chemin est inscrit sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée, la décision du conseil municipal doit être expresse.

1194 – La délimitation des chemins ruraux et l’action en bornage. – Préalablement à toute mutation, il convient de délimiter les chemins ruraux avec les propriétés privées riveraines. Il s’agit d’une action en bornage relevant de la compétence exclusive des géomètres experts (C. civ., art. 646).

1195 – Le droit de préemption des propriétaires riverains. – Lorsque la décision de vente des chemins ruraux est prise, les propriétaires riverains sont mis en demeure d’acquérir les terrains attenants à leurs propriétés (C. rur. pêche marit., art. L. 161-10). Cela concerne tous les propriétaires possédant au moins une parcelle contiguë au chemin rural, même si le chemin ne constitue pas un accès à leur propriété197. Le lien physique avec le chemin rural est le fait générateur de la mise en demeure, peu important l’utilité qu’en retire le propriétaire riverain.

Les dispositions du Code rural et de la pêche maritime instaurent ainsi un véritable droit de préemption au profit des propriétaires riverains198. En effet, le défaut de mise en demeure entraîne la nullité de la délibération et, par conséquent, celle de la vente elle-même199. Par ailleurs, le Conseil d’État considère que cette formalité constitue une condition substantielle de la vente200.

Ce droit de préemption s’exerce sur la partie du chemin attenant aux propriétés concernées. Lorsque le chemin passe entre deux propriétés, chaque riverain acquiert en priorité la moitié de la surface du chemin du côté où il borde sa propriété, sur toute la longueur de sa clôture201.

1196 – La vente de chemins ruraux : seul modus operandi. – Si les propriétaires riverains ne donnent pas suite à la mise en demeure d’acquérir, la vente du chemin rural suit les règles édictées en matière de biens communaux202, à l’exclusion de toute autre procédure, notamment l’échange203. Le Conseil d’État prohibe l’échange des chemins ruraux, considérant que le législateur n’a pas entendu ouvrir aux communes, pour l’aliénation des chemins ruraux, d’autres procédures que celle de l’article L. 161-10 du Code rural et de la pêche maritime204. La solution est identique lorsqu’il s’agit d’en rectifier l’assiette205.

1197

L’aliénation des chemins ruraux et le notariat

La rédaction d’un acte de vente d’un chemin rural nécessite certaines précautions206.

Il convient en effet de vérifier :

la nature et la propriété du chemin, notamment au moyen d’un examen topologique207 ;

le respect de la procédure d’aliénation imposée à la commune, et notamment l’existence de l’enquête publique préalable ;

la purge du droit de préemption des propriétaires riverains ;

l’existence ou l’absence d’un plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée (PDIPR) ;

la délibération du conseil municipal fixant les modalités de la cession ;

la qualité du signataire : il ne peut s’agir que du maire, d’un élu délégataire de fonctions (CGCT, art. L. 2122-18), ou d’un fonctionnaire titulaire d’une délégation de signature (CGCT, art. L. 2122-19). La compétence du signataire est une disposition d’ordre public dont la méconnaissance entraîne la nullité absolue du contrat208.

Section II – Les biens non délimités

1198 Les BND sont des parcelles sur lesquelles s’exercent des droits de propriété de plusieurs personnes. Chacun détient une part quantifiée en surface dénommée « lot » dont la localisation exacte est impossible. L’origine des biens non délimités remonte au cadastre napoléonien. À l’époque, en l’absence de publicité foncière et d’attribution de nouveaux numéros cadastraux en cas de transfert de propriété, aucune limite n’a pu être portée sur le plan cadastral. L’établissement d’un document d’arpentage est en effet obligatoire seulement depuis le 1er janvier 1956209.

L’état des biens non délimités en France

En France, les statistiques indiquent que 0,4 % des parcelles constituent des biens non délimités. Au 1er janvier 2012, il existait ainsi 63 800 biens non délimités.

Le cas de la Corse est très significatif : la proportion atteint 6,5 %. Par exemple, la surface couverte par les BND sur la commune de Castirla représente 68 % du territoire210. Le groupement d’intérêt public pour la reconstitution des titres de propriété en Corse (GIRTEC) travaille à l’amélioration de cette situation.

Les biens non délimités sont régis par des règles singulières (Sous-section I). La présence d’une parcelle unique représentant le contour de l’ensemble des propriétés n’empêche pas la mutation (Sous-section II).

Sous-section I – Les caractéristiques des biens non délimités

1199 – L’absence de délimitation. – Les BND sont des parties de terres quantifiées en surface dénommées « lot » dans une parcelle unique en représentant le contour. Plusieurs propriétaires possèdent des droits non indivis sur ces lots dont la division n’a pu être réalisée au cadastre211.

Ces biens résultent de l’absence de division des terres pour séparer les propriétés ainsi que du désintérêt pour des terres non exploitées. Ils concernent uniquement les propriétés non bâties. En pratique, la division cadastrale des lots est impossible en l’absence d’éléments permettant la délimitation même approximative des parcelles concernées. Ainsi, l’ensemble des propriétés est identifié sous un même numéro cadastral. Chaque propriétaire détient une part quantifiée en surface dont on ne connaît pas forcément la localisation exacte à l’intérieur de l’ensemble de la masse confondue. La propriété est détenue au prorata de la surface du lot de chaque propriétaire par rapport à la surface totale. Il ne s’agit ni d’une copropriété ni d’une indivision212.

1200 – L’entente des propriétaires. – Tout acte de gestion nécessite l’entente préalable écrite des propriétaires. En pratique, il existe des accords verbaux liés à la tradition, chaque propriétaire travaillant en général sur une partie distincte de la parcelle. Sur le plan probatoire, ces accords n’ont pas de valeur juridique. Lorsque les propriétaires connaissent la localisation approximative de leur lot respectif, il est possible d’envisager un détachement parcellaire par le biais d’un bornage attribuant un numéro cadastral. Cependant, le bornage ne tranche pas par lui-même la question de la propriété. L’accord sur l’implantation des bornes n’implique pas l’accord sur une propriété litigieuse. Le bornage ne constitue pas un acte translatif de propriété213. En revanche, la situation est inextricable lorsque le propriétaire d’une fraction de la masse globale veut faire cesser un trouble sur le BND. D’une part, il lui est impossible d’agir, l’ensemble des propriétaires étant nécessairement appelé en la cause, y compris l’auteur du trouble s’il est lui-même propriétaire d’une fraction du BND. D’autre part, il est dans l’incapacité de démontrer que le trouble touche les terres dont il est propriétaire, ses parcelles n’étant pas délimitées214.

Sous-section II – La mutation des biens non délimités

1201 – Les mutations admises. – La vente et l’échange de lots compris dans un BND sont admis. Le service de la publicité foncière n’exige pas l’établissement d’un document d’arpentage pour la publication. La licitation est en revanche impossible, un BND ne constituant pas une indivision. Il n’est pas juridiquement possible de faire appel au juge pour forcer le partage d’un BND. Ce dernier n’intervient qu’en matière d’indivision (C. civ., art. 815)215. Par conséquent, le partage matériel d’un bien non délimité résulte nécessairement de la volonté commune de tous les propriétaires de cantonner la partie qu’ils estiment être la leur. Il convient au minimum de mettre par écrit les limites des lots et de les traduire dans un acte notarié. Une solution plus efficace consiste à créer autant de parcelles cadastrales que de lots, au moyen d’un document d’arpentage effectué par un géomètre.

La désignation des BND

Au plan rédactionnel, la formule suivante est recommandée216 :

(…) ares (…) centiares à prendre dans une parcelle figurant au cadastre sous les références suivantes : section (…), numéro (…) pour une contenance de (…), bien non délimité.

La lettre « p » mise pour « partie » n’a pas à figurer dans la désignation de l’immeuble. Elle correspond en effet à une mesure interne au service du cadastre permettant l’imposition foncière.

1202 – Les biens non délimités et la publicité foncière. – L’ensemble de la masse confondue est identifié sous une seule référence cadastrale217. L’extrait cadastral indique le numéro et la contenance et porte la mention « BND ». La contenance de la partie du terrain visée dans le document à publier est parfois indiquée. Il n’est pas exigé de document d’arpentage pour l’exécution de la formalité de publicité même si le cadastre a été rénové. La désignation sous forme de lot fictif permet à l’administration fiscale de répartir la taxe foncière sur les propriétés non bâties au prorata des superficies indiquées par leurs propriétaires.

La mutation de propriété pour chaque fraction de BND s’effectue au moyen de l’annotation de la fiche parcellaire annexe de chaque lot. Elle comporte la mention « Biens non délimités, V. fiche annexe »218. Les annotations sont faites dans les mêmes conditions que s’il s’agissait d’autres parcelles. Enfin, lorsqu’à la suite d’opérations de révision du cadastre l’administration est saisie d’une demande tendant à la modification des énonciations portées sur les documents cadastraux relatives à un BND et qu’un litige s’élève sur le droit de propriété, elle est tenue de se conformer à la situation de propriété telle qu’elle a été constatée pour l’élaboration des documents cadastraux. La modification demandée n’est modifiable qu’au vu d’une décision judiciaire ou d’un accord entre les intéressés219.

1203 – Les inscriptions hypothécaires sur les BND. – Les immeubles sur lesquels l’inscription est requise doivent être individuellement désignés (C. civ., art. 2426). La production d’un document d’arpentage n’est pas exigée. Néanmoins, les fractions de parcelles grevées de privilèges ou d’hypothèques sont désignées conformément à un état descriptif de division220.


169) Rép. min. n° 15826 : JO Sénat Q 3 janv. 2011, p. 71.
170) Ord. n° 59-115, 7 janv. 1959, relative à la voirie des collectivités locales : JO 7 janv. 1959, p. 634.
171) Randonneurs, cavaliers, champignonneurs, vététistes, etc.
172) D. Nicolas, Spécificités de la délimitation des chemins ruraux : www.mairie2000.asso.fr.
173) L. Chauveau, Les chemins ruraux, un espace en voie de disparition : www.sciencesetavenir.fr, 1er sept. 2016.
174) JCl. Rural,  Domaine privé. – Chemins ruraux, fasc. unique.
175) Fonds européen agricole pour le développement rural.
176) Cons. UE, règl. (CE) n° 1257/1999, 17 mai 1999, concernant le soutien au développement rural par le Fonds européen d’orientation et de garantie agricole (FEOGA) : JOUE n° L 160, 26 juin 1999, p. 80.
177) L’Agenda 21 est un plan d’action pour le 21e siècle adopté par 173 chefs d’État lors du Sommet de la Terre à Rio de Janeiro en juin 1992.
178) Les chemins d’exploitation sont également appelés, selon les usages locaux : sentiers exploitation, chemins de culture, chemins d’aisance, chemins de quartier, chemins de vidange, etc.
179) Cass. 3e civ., 2 juill. 1997 : RD rur. 1997, p. 626. – CE, 13 oct. 1989 : JCP G 1989, IV, 368.
180) Cass. 3e civ., 21 janv. 2009, n° 08-10.208 : JurisData n° 2009-046751.
181) V. n° a1088.
182) Cass. 3e civ., 5 juin 1985, n° 83-17.473 : Bull. civ. 1985, III, n° 91, p. 70.
183) Cass. 3e civ., 9 févr. 2017, n° 15-29.153.
184) Cass. 3e civ., 12 oct. 2010, n° 09-68.756 : l’absence de mention sur le cadastre, simple document fiscal, ne suffit pas à renverser la présomption de propriété de la commune sur un chemin ne présentant pas, par ailleurs, les caractéristiques d’un chemin rural.
185) V. n° a1195.
186) À l’inverse, l’atteinte à la conservation des voies communales faisant partie du domaine public routier est sanctionnée par une contravention de voirie (C. voirie routière, art. R. 116-2).
187) CE, 23 déc. 1910, Copin : Rec. CE 1910, p. 992.
188) Cass. 3e civ., 30 janv. 1905 : DP 1905, 1, 120.
189) Cass. 3e civ., 25 juin 1975, n° 73-13.925 : Bull. civ. 1975, III, n° 223, p. 170 ; JCP G 1975, IV, n° 268.
190) La prescription acquisitive nécessite la démonstration d’une possession trentenaire, de façon continue, non interrompue, paisible, publique et non équivoque.
191) Cass. 3e civ., 19 févr. 2013, n° 11-26.997.
192) Rép. min. n° 24003 : JO Sénat Q 2 mars 2017, p. 916.
193) CE, 25 nov. 1988, n° 59069, Laney : Dr. adm. 1989, n° 81.
194) CE, 10 févr. 1982, Cne de Cerdon : Rec. CE 1982, p. 67.
195) CE, 8e et 3e ss-sect. réunies, 16 avr. 2010, n° 316342. – CE, 8e et 3e ss-sect. réunies, 3 déc. 2012, n° 344407.
196) Antérieurement France Domaine.
197) CE, 8e et 3e ss-sect. réunies, 20 nov. 2013, n° 361986.
198) CE, 9 févr. 1994, n° 75295, Épx Lecureur : JurisData n° 1994-040659. – Rép. min. n° 01184, 26 juill. 2007 : JO Sénat Q 27 sept. 2007, p. 1729.
199) Cass. 3e civ, 16 févr. 2011, n° 72984.
200) CE, ass., 23 déc. 2011, n° 335033, Danthony et a. : Rec. CE 2011, p. 649 ; JurisData n° 2011-029061.
201) Rép. min. n° 13213 : JO Sénat Q 19 août 2010, p. 2165 : JCP N 2010, n° 35.
202) J.-P. Borel, L’aliénation d’un chemin rural par une commune : JCP N 2013, n° 35, 1207.
203) CE, 13 févr. 1920, Grignon : Rec. CE 1920, p. 15.
204) CE, 5e et 3e ss-sect. réunies, 20 févr. 1981, n° 13526, Cristakis de Germain : Rec. CE 1981, p. 637. – CE, 8e ss-sect., 17 nov. 2010, n° 338338.
205) CE, 5e et 3e ss-sect. réunies, 6 juill. 1983, n° 23125, Dubern : Rec. CE 1983, p. 831 ; JurisData n° 1983-041698.
206) J.-P. Borel, Vente d’un chemin rural : précisions sur la notion de propriétaire riverain et sur la portée de la notification prévue par l’article L. 161-10 du Code rural : JCP N 2014, 19.
207) Ch. Lavialle : RD rur. 2009, n° 371, comm. 62.
208) Cass. 1re civ., 16 janv. 2013, n° 11-27.837 : JurisData n° 2013-000324.
209) D. n° 55-22, 4 janv. 1955, portant réforme de la publicité foncière : JO 7 janv. 1955, p. 346.
210) Statistiques foncières DGFIP, 2012.
211) O. Salvat, Une lacune du cadastre rénové : les biens non délimités : JCP N 2010, n° 2, 1004.
212) Rép. min. n° 05929 : JO Sénat Q 7 nov. 2013, p. 323 : www.senat.fr.
213) Cass. 1re civ., 13 juill. 1960 : Bull. civ. 1960, I, 1960, n° 394. – Cass. 3e civ., 10 juin 2015, nos 14-14.311 et 14-20.428 : JurisData n° 2015-014065.
214) CA Bastia, ch. civ. A, 22 févr. 2017, n° 15/00717 : JurisData n° 2017-004087.
215) Cass. 1re civ., 8 avr. 2009, n° 07-21.628, inédit.
216) R. Chardonnal, chron. hyp. : JCP N 1986, prat. 9819 ; JCP N 1987, prat. 84.
217) Rép. Alph. Enreg.,  Hypothèques, n° 317.
218) Instruction sur la publicité foncière, service du cadastre, 15 déc. 1962, p. 89, n° 229.
219) CE, 5e et 4e ss-sect. réunies, 30 déc. 2013, n° 358544 : JurisData n° 2013-031514.
220) BOI-CAD-MAJ-10-10-20140404 : http://bofip.impots.gouv.fr.

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