CGV – CGU

Chapitre I – Le portage désintéressé

Partie I – L’appropriation du territoire agricole
Titre 2 – Le portage du foncier agricole
Sous-titre 2 – Du portage familial aux nouvelles formes de portage collectif
Chapitre I – Le portage désintéressé

1369 Depuis 1960, la SAFER est habilitée à effectuer des opérations de portage (Section I). Par ailleurs, la finance solidaire a également fait son apparition dans le portage agricole. Ainsi, des structures telles que Terre de Liens mènent des actions de maîtrise foncière en utilisant la mobilisation de fonds privés pour acquérir des terres agricoles (Section II).

Section I – Le portage public : le rôle de la SAFER

1370 – Le schéma de portage par la SAFER. – Utilisées à bon escient, les prérogatives de la SAFER permettent l’installation pérenne d’agriculteurs. En effet, dans les schémas de portage, la SAFER achète les terres au prix du marché à la place du candidat à l’installation grâce à une ligne de crédit mise en place par un établissement financier, principalement le Crédit agricole514, apportant en outre à la SAFER une garantie de bonne fin en cas de défaillance de l’exploitant515. Les terres sont mises à disposition de l’exploitant au moyen d’une convention d’occupation précaire pour une durée initiale de cinq ans, renouvelable annuellement sans toutefois pouvoir excéder dix ans. Au cours de cette période, l’exploitant a la possibilité d’acheter les terres en une ou plusieurs fois. Dans ce cas, une partie des fermages est déduite du prix de vente. La vente se réalise au prix d’achat initial majoré des frais d’acquisition ainsi que des intérêts d’emprunts, de la taxe foncière et des frais de gestion de la SAFER. L’intérêt pour l’agriculteur est d’espérer se constituer suffisamment de trésorerie en focalisant ses investissements sur le développement de l’exploitation, pour acheter les terres exploitées à terme.

La SAFER a la faculté de créer des partenariats avec les collectivités publiques. Dans le cadre de ces conventions, l’ensemble des frais de portage est pris en charge par la collectivité publique concernée. D’autres conventions peuvent être mises en place avec des établissements publics fonciers ou des interlocuteurs privés tels que les coopératives, l’intérêt étant de mutualiser le coût de l’investissement. Lorsque le candidat désigné ne souhaite pas ou ne peut pas acquérir le fonds, les terres sont stockées par la SAFER dans l’attente d’une nouvelle affectation.

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Les exemples de partenariats conclus avec la SAFER516

– Les conventions EPF/SAFER : la loi ALUR517prévoit que les établissements publics fonciers d’État sont habilités à agir sur le terrain de l’agriculture et de l’environnement si une convention est signée avec la SAFER. Ces conventions ont pour objet de préciser les conditions générales d’intervention de la SAFER cosignataire et notamment : la prestation de négociation foncière et de recueil de promesse de vente pour le compte de l’EPF, l’acquisition et le portage de réserves foncières pour le compte de l’EPF, la mise en gestion de biens agricoles portés par l’EPF, ainsi que les conditions de rémunération correspondantes518. Chacun s’oblige à une information réciproque et constante de tout élément ou toute démarche verbale et/ou écrite de la part de l’une ou l’autre des parties ou d’un tiers, et ayant un rapport avec les opérations définies dans la convention.

– Les conventions Banques/SAFER : avec l’aide de la SAFER, le Crédit mutuel achète des terres en utilisant sa filiale « Terre Agri Océan ». Les terres sont mises temporairement à la disposition de l’exploitant ou louées par bail à long terme de vingt-cinq ans à un jeune agriculteur. Lesexploitants ont la possibilité de racheter les terres moyennant un prix communiqué par la SAFER, auquel une décote est appliquée les quinze premières années519.

– Les conventions Bailleurs privés/SAFER : la SAFER Bourgogne-Franche-Comté projette de mettre en place un système de garantie pour inciter les bailleurs à donner à bail des terres libres à de jeunes agriculteurs.

Section II – Le portage privé : l’exemple de Terre de Liens

1372 – Le tour d’horizon des initiatives de Terre de Liens. – La société en commandite par actions « Foncière Terre de Liens », créée en 2006, est une émanation de l’association éponyme520, gérée par une société à responsabilité limitée « Terre de Liens-gestion », ayant pour objectif la préservation des terres agricoles. Elle possède à ce jour 1,8 million d’euros de fonds propres, détenus principalement sous forme de terres ou de bâtiments agricoles521. En dix ans, elle a levé cinquante-cinq millions d’euros, lui permettant d’acquérir 142 fermes pour une superficie totale de 3 000 hectares à travers la France522. En 2009, le premier fonds de dotation Terre de Liens a été mis en place et a reçu l’autorisation de l’Autorité des marchés financiers (AMF). Un nouveau fonds a été lancé en 2017 pour lui permettre de poursuivre son soutien à l’agriculture biologique523. Fondé sur la mobilisation citoyenne, le système repose sur un réseau associatif formé d’une association nationale et de dix-neuf associations régionales524. L’association Terre de Liens Bourgogne-Franche-Comté compte par exemple 500 bénévoles525.

1373 – Le schéma de portage proposé par la Foncière Terre de Liens. – Fondée sur l’épargne solidaire526, la foncière Terre de Liens soutient l’agriculture durable527en imposant l’utilisation modérée de pesticides, d’engrais chimiques, et d’organismes génétiquement modifiés. Grâce aux fonds récoltés, les terres sont achetées puis louées par un bail rural à clauses environnementales, imposant une certification en agriculture biologique528.

La fondation Terre de Liens, reconnue d’utilité publique529, est également habilitée à acquérir des terres risquant de perdre leur usage agricole. Elle installe de nouveaux agriculteurs sur ces terres et garantit des pratiques agricoles respectueuses de l’environnement.

Des partenariats sont également noués avec les collectivités territoriales pour protéger les terres agricoles grâce aux zonages de protection tels que les zones agricoles protégées (ZAP) ou les périmètres de protection des espaces naturels et agricoles périurbains (PAEN)530. Ces initiatives sont encouragées par le ministère en charge de l’agriculture, faisant de Terre de Liens un organisme national à vocation agricole et rurale susceptible de bénéficier des crédits du compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CasDAR)531. En 2016, l’action de la Foncière Terre de Liens a également été soutenue par la Caisse des dépôts et consignations à hauteur de six millions d’euros532.

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Le modèle Terre de Liens s’exporte à l’international

Les associations « Terre de Liens » se sont constituées sur l’ensemble du territoire national pour évaluer les besoins en terme de portage du foncier agricole. Elles sont généralement sollicitées par des porteurs de projets privés, mais aussi par les acteurs associatifs et institutionnels des territoires.

D’autres pays tels que la Belgique et l’Espagne ont accueilli le modèle proposé par Terre de Liens. Deux projets similaires ont également vu le jour au Danemark et en Roumanie.


514) En général l’enveloppe accordée est de 250 000 €.
515) La garantie donnée par le Crédit agricole consiste à prendre à sa charge la dépréciation du bien lors de la revente. Une caution bancaire palliant le défaut de paiement du fermage est également mise en place pendant deux ans.

516) Ph. de Ségonzac et S. de Los Angeles, Le rôle des SAFER dans le portage du foncier, AFDR Mâcon, déc. 2017 : RD rur., à paraître.

517) L. n° 2014-366, 24 mars 2014, pour l’accès au logement et un urbanisme rénové : JO 26 mars 2014, p. 5809, texte n° 1.
518) À titre d’exemple, la convention de négociation foncière conclue entre la SAFER et l’EPF de Poitou-Charentes le 3 mars 2010 fixe la rémunération de la SAFER entre 3,5 et 6,5 % selon le montant des transactions.
519) 50 % les cinq premières années, 30 % les cinq années suivantes et 20 % entre la dixième et la quinzième année.
520) Cette association est née en 2003 dans la Drôme, portée par un Néerlandais dénommé Sjoerd Wartena.
521) www.terredeliens.org.
522) www.lesechos.fr.
523) En juillet 2017, 67 632 actions au prix de 103,50 € ont été mises sur le marché pour une levée de fonds de six millions d’euros.
524) L’assemblée générale de l’association nationale se réunit annuellement. Le conseil d’administration se réunit cinq fois par an.
525) Parmi eux, dix administrateurs gèrent l’association et mettent en œuvre ses actions : Terre de Liens Bourgogne-Franche-Comté : https://terredeliens.org.
526) Les épargnants bénéficient d’une réduction fiscale au-delà de cinq ans de détention des titres. Ils ne reçoivent aucun dividende. Néanmoins, la valeur des titres est stable, permettant de retrouver la mise d’investissement en cas de revente.
527) S. Crevel, Loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt – Le bail rural de l’Avenir : RD rur. 2015, n° 430, dossier 3.
528) L. Loffler, Initiative de finance responsable, « La Foncière Terre de Liens », HEC Paris, Majeure Alternative Management, 2013.
529) Elle est autorisée à recevoir des legs et donations de fermes.
530) https://terredeliens.org.
531) Créé en 2006, le CasDAR finance la mission développement agricole et rural annexée au budget du ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et de la Forêt (MAAF). Il est abondé par une taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles : http://agriculture.gouv.fr.
532) www.caissedesdepotsdesterritoires.fr.

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