CGV – CGU

Chapitre I – Les aptitudes techniques et scientifiques du monde agricole

Partie II – L’exploitation du territoire agricole
Titre 1 – La transition agroécologique
Sous-titre 2 – La qualité des produits
Chapitre I – Les aptitudes techniques et scientifiques du monde agricole

1518 À bien y réfléchir, les compétences du monde agricole sont relativement méconnues du grand public. Or, les agriculteurs sont résolument tournés vers l’avenir. Ils acquièrent sans cesse de nouvelles compétences leur permettant d’améliorer la qualité de la production. À ce titre, leurs exploitations font la part belle aux nouvelles technologies (Section I). Les agriculteurs sont également à la pointe en matière d’agronomie, constituant aujourd’hui le fondement scientifique de leurs activités (Section II).

Section I – Les nouvelles technologies en agriculture

1519 À l’instar de tous les milieux professionnels, les exploitations agricoles sont concernées par les nouvelles technologies. Elles permettent le développement rapide de l’agriculture de précision (Sous-section I). L’agriculture bénéficie également de l’accès à une nouvelle richesse : le Big Data (Sous-section II).

Sous-section I – L’agriculture de précision

1520 – Définition. – L’agriculture de précision désigne un mode d’exploitation prenant en compte la variabilité intraparcellaire et permettant un rendement optimal. Elle s’appuie sur une analyse précise de la situation permettant une adaptation du travail traditionnel de l’exploitant, et notamment une meilleure gestion des intrants. Ce travail ciblé est ainsi moins coûteux économiquement, humainement et écologiquement. Sa mise en place impose une surveillance efficace des productions (§ I) et permet d’améliorer les conditions d’exploitation (§ II). Elle tient également compte du bien-être animal (§ 3).

§ I – La surveillance des productions

1521 – L’utilisation des drones. – Les drones permettent une visualisation sans équivalent des parcelles. Leur faible altitude de vol, couplée à des appareils photographiques sophistiqués allant du cliché classique aux images infrarouges, offre une visibilité parfaite718. La législation française est assez souple en matière d’utilisation civile des drones. Après avoir déclaré leur activité, les drones ont librement accès à l’espace aérien hors agglomérations jusqu’à une altitude de 150 mètres719.

1522 – La vidéosurveillance intelligente. –  Les équipements de vidéosurveillance sont munis de caméras ou de lunettes connectées. Ces dernières bénéficient d’une intelligence artificielle permettant de détecter des anomalies : présence d’insectes nocifs, retard de croissance, etc., ou d’identifier les moments clés de la production : moment de taille, début de récolte, etc.

1523 – Les capteurs. – Les capteurs servent à collecter des données au plus près de la production. Ils sont enterrés dans le sol, embarqués dans des machines ou placés directement sur les végétaux et les animaux. Ils permettent de relever les données de la terre, des plantes ou des animaux, telles que la température ou le taux d’humidité720.

1524 – L’aide à la décision. – Les outils de détection sont en général couplés à des logiciels de conseil et d’aide à la décision721susceptibles de déclencher des opérations ponctuelles.

§ II – L’amélioration des conditions de production

1525 De nouvelles technologies permettant à la fois de réduire l’impact environnemental de la production et d’améliorer les conditions humaines de production sont effectives722.

1526 – La robotisation. – La robotisation en agriculture recouvre l’utilisation de nombreuses techniques parmi lesquelles :

les tracteurs autonomes, dont le guidage GPS permet d’effectuer les travaux les plus adaptés ;

les drones, moyens de transport et de largage précis des intrants ;

les robots tracteurs désherbants, évitant l’utilisation de produits chimiques ;

les robots de traite (fixes ou mobiles) ou de distribution de nourriture pour l’élevage.

1527 – L’irrigation connectée. – L’usage de l’eau est un enjeu stratégique de l’exploitation d’un territoire par ses différents acteurs. Les systèmes d’irrigation connectés permettent de réaliser des apports hydriques adaptés aux données du sol et de la météorologie, évitant ainsi le gaspillage.

1528 – L’utilisation améliorée des intrants. – Grâce aux outils de surveillance de l’exploitation, les agriculteurs disposent de données pertinentes utilisables immédiatement. Couplée aux nouvelles technologies de production, l’agriculture de précision devient efficiente723. Elle permet d’ajuster très précisément la quantité de traitement aux besoins de production724.

1529

L’élevage de précision

Les nouvelles technologies réduisent également la pénibilité de certaines tâches en matière d’élevage. Elles améliorent ainsi le confort de travail des agriculteurs et la performance économique de leurs exploitations.

La géolocalisation des animaux : l’utilisation de la géolocalisation renforce la surveillance du troupeau et permet de mettre en place des clôtures virtuelles.

L’alimentation : les étables connectées personnalisant l’alimentation optimisent les coûts d’approvisionnement et le contrôle de la croissance des animaux.

Le vêlage : les capteurs permettent d’assurer une surveillance accrue des animaux prêts à mettre bas tout en limitant les interventions humaines.

Les soins vétérinaires : les capteurs contrôlant la température, l’activité ou l’alimentation de l’animal permettent d’assurer un soin anticipé, moins quantitatif pour l’animal et limitant le risque de contamination des troupeaux.

§ III – Le bien-être animal

1530 – Principes. – Le bien-être animal n’est pas une question uniquement liée aux nouvelles technologies, mais l’élevage de précision permet de s’en approcher. L’Organisation mondiale de la santé animale (OIE) en donne une définition. Elle renvoie aux grands principes énoncés par le Farm Animal Welfare Council (FAWC) :

1. ne pas souffrir de faim et de soif, grâce au libre accès à de l’eau fraîche et à un régime alimentaire apte à entretenir pleine santé et vigueur ;

2. ne pas souffrir de contrainte physique, grâce à un environnement approprié, comportant des abris et des zones de repos confortables ;

3. être indemne de douleurs, de blessures et de maladies, grâce à la prévention ou au diagnostic et au traitement rapide ;

4. avoir la liberté d’exprimer des comportements normaux, grâce à un espace et des équipements adéquats, et au contact avec des animaux de la même espèce ;

5. être protégé de la peur et de la détresse, grâce à des conditions d’élevage et à un traitement évitant la souffrance mentale.

1531 – Réglementation et contrôles. – La réglementation a profondément évolué grâce à la prise de conscience croissante de l’homme relative aux conditions de vie des animaux. Désormais, le droit français énonce clairement que les animaux sont des êtres vivants doués de sensibilité (C. civ., art. 515-14)725.

Les directions départementales en charge de la protection des populations font appliquer les textes en la matière. Elles exercent des actions d’inspections régulières et des enquêtes ciblées. La Brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires (BNEVP) apporte son concours aux services vétérinaires lorsque les investigations dépassent le cadre départemental726.

Par ailleurs, selon le ministère de l’Agriculture, plusieurs travaux de recherche sont en cours au sein de l’Union européenne pour évaluer plus précisément le bien-être des animaux d’élevage727. L’objectif est de mettre en place des indicateurs de bien-être ou de mal-être mesurables. Ces recherches scientifiques feront évoluer les textes européens et nationaux en les recentrant sur des obligations de résultat plutôt que des obligations de moyens.

Sous-section II – Le Big Data en agriculture

1532 – Notion de Big Data. – Il n’existe pas de définition universelle du Big Data728. Cette notion fait référence à de grandes quantités de données non différenciées devant être traitées au moyen d’outils spécifiques permettant de les valoriser729. Elles sont distinctes du Small Data visant des données précises et vérifiées portant sur un objet défini. Le Big Data en agriculture représente ainsi l’ensemble des données agricoles collectées et traitées permettant d’accroître les connaissances des exploitants sur leurs sols et leurs productions animales ou végétales. L’analyse de ces données permet d’améliorer la qualité des produits.

1533 Les outils de surveillance recueillent les données de l’exploitation. La masse d’éléments rassemblés est exponentielle. Elle constitue une nouvelle richesse pour le monde agricole. Il convient de les utiliser pleinement (§ I) et les partager (§ II).

§ I – L’utilisation des données

1534 – Les données primaires de l’exploitation. – Les nouvelles technologies modernisent la prise d’informations primaires par les agriculteurs : pluviométrie, températures, maladies, présence de ravageurs. Elles élargissent également le champ de ces informations primaires : états physique et chimique du sol, enregistrement des pratiques et des rendements. Des décisions ponctuelles résultant d’éléments suffisamment précis sont prises dans le cadre de l’agriculture de précision.

1535 – L’apport du Big Data. – Outre les données primaires propres à leurs exploitations, les agriculteurs ont accès à un ensemble d’informations complémentaires (notamment sur les climats et les comportements variétaux). La massification des données permet d’envisager de très nombreux croisements de variables. Il en résulte des possibilités d’analyses prédictives de plus en plus efficaces. Les interventions techniques deviennent alors optimales, permettant une conduite d’exploitation efficiente aux plans économique, environnemental et humain.

§ II – Le partage des données

1536 – Les difficultés de l’échange d’informations. – Le principe même du Big Data est de s’appuyer sur les informations les plus quantitatives possible. Pour cela, il est indispensable de les échanger très largement. En effet, la valeur des données d’une exploitation isolée augmente lorsqu’elles sont partagées et traitées avec celles d’autres exploitants. Une double difficulté se présente néanmoins :

1. la perte de confidentialité : la mise en ligne des informations en supprime de facto l’exclusivité. Au surplus, l’absence de frontière numérique fait craindre une perte de souveraineté ;

2. le coût de traitement des informations : le travail nécessaire pour transformer les données brutes en ressources exploitables engendre des coûts très importants.

Il n’existe pas de modèle pérenne permettant de résoudre l’équation entre les bénéfices escomptés et les inconvénients existants. Les grands groupes du monde agricole et quelques start-up utilisent leurs liens avec les agriculteurs pour collecter gratuitement les informations. Certains acteurs locaux tels que les chambres d’agriculture tentent également de se positionner sur ce marché. La revente des informations traitées se fait directement par des prestations de services de conseils. Elle est également indirecte par l’augmentation du prix des produits commercialisés730.

1537 – La recherche de solutions. – Ce sujet encore un peu abstrait nécessite une véritable stratégie garantissant la souveraineté de l’exploitation du territoire agricole. Deux grandes propositions voient le jour :

1. une solution nationale consistant en la mise en place d’une plate-forme unique rassemblant la totalité des données agricoles françaises et favorisant l’émergence de nouveaux services731 ;

et une solution locale consistant à confier ces missions aux coopératives agricoles pour un traitement des données à l’échelle de leur territoire732.

1538 – L’agriculture de décision. – Les nouvelles technologies sont indispensables à l’agriculture de demain. Au sens strict, il s’agit d’outils permettant à l’homme de s’épargner certaines tâches pénibles ou à faible valeur ajoutée. Mais, plus généralement, elles constituent de véritables aides à la décision, donnant à l’exploitant les informations utiles avant d’agir. L’agriculture de précision devient finalement une « agriculture de décision »733.

Section II – Les fondements scientifiques : l’agronomie

1539 – Définition. – L’agronomie désigne l’ensemble des études scientifiques débouchant sur des applications dans le domaine agricole. En d’autres termes, elle constitue la science de l’agriculture. Il s’agit par exemple d’adapter les cultures à leur milieu naturel, d’inventer un remède contre les parasites ou de sélectionner les meilleures vaches laitières. Ainsi, tous les agriculteurs sont des agronomes dont les compétences sont fondamentales pour l’amélioration de la qualité de la production. Ces compétences agronomiques sont également maîtrisées par les partenaires industriels des exploitants tels que les semenciers. Si l’agronomie est fondée sur la science, elle soulève néanmoins des questions juridiques liées aux semences traditionnelles (Sous-section I) et aux organismes génétiquement modifiés (Sous-section II).

Sous-section I – Les semences traditionnelles

1540 Les semences sont au commencement de la production végétale. Il s’agit bien évidement des graines, mais également plus spécifiquement des bulbes ou tubercules destinés à être semés. Elles constituent à ce titre une richesse agronomique indispensable aux agriculteurs. Les besoins d’adaptation des semences aux différents territoires amènent les semenciers et les agriculteurs à améliorer continuellement leurs performances734. Les certificats d’obtention végétale (§ II) sont une réponse à l’impossibilité de breveter le vivant (§ I).

§ I – L’impossibilité de breveter le vivant

1541 – Définition du brevet. – Le brevet protège une innovation technique, c’est-à-dire un produit ou un procédé apportant une solution à un problème technique donné735. En pratique, il s’agit d’une invention susceptible d’application industrielle. En France, le brevet est obtenu par un dépôt auprès de l’Institut national de la propriété industrielle (INPI)736. Il confère un monopole d’exploitation pour une durée maximale de vingt ans.

1542 – L’exclusion des plantes et animaux. – Le brevet constitue un mode normal d’appropriation des découvertes scientifiques. Il semble a priori applicable aux semences. Néanmoins, le droit de la propriété industrielle fait face à des interrogations sur la possibilité de breveter certaines avancées. À l’issue d’un long débat737, le législateur738a apporté une réponse claire en déclarant non brevetables les races animales, les variétés végétales et les procédés essentiellement biologiques (croisement ou sélection) pour l’obtention des végétaux et des animaux (CPI, art. L. 611-19). Les associations de défense de l’environnement considèrent toutefois que ce texte ne pose pas le principe d’une interdiction totale de la brevetabilité, mais fixe plutôt sa limitation739.

§ II – Les certificats d’obtention végétale

1543 – Définition de l’obtention végétale. – L’obtention végétale est le nom donné à une nouvelle variété homogène et stable, nettement distincte de celles existantes (CPI, art. L. 623-2). Le catalogue officiel GEVES révèle de nombreux exemples, et notamment, parmi les 282 variétés de pommes : « Reine des Reinettes » (1961) et « Regalyou » (2017) ou les quatre-vingt-cinq variétés de carottes : « Jaune du Doubs » (1952) et « Miraflor » (2017)740. Pour protéger cette nouveauté désignée par sa dénomination variétale, le certificat d’obtention végétale joue un rôle comparable au brevet. Ce titre est délivré par l’Instance nationale des obtentions végétales (INOV)741.

1544 – Les droits conférés à l’auteur. – L’appropriation juridique des semences par l’intermédiaire du certificat d’obtention végétale accorde à son auteur des droits spécifiques. Le créateur maîtrise en effet de manière exclusive la production, la reproduction et la vente de la variété protégée. Cette protection, d’une durée de vingt-cinq ans742, est limitée au territoire national.

Elle concerne :

les produits de la récolte ;

les produits fabriqués directement à partir d’un produit de récolte de la variété protégée ;

les variétés ne se distinguant pas nettement de la variété protégée ;

les variétés dont la production nécessite l’emploi répété de la variété protégée ;

et les variétés essentiellement dérivées de la variété protégée (CPI, art. L. 623-4).

Sous-section II – Les organismes génétiquement modifiés

1545 – Définition des OGM. – Le génie génétique permet depuis quelques décennies de transférer un ou plusieurs gènes dans le patrimoine d’un organisme. La modification en résultant permet de lui apporter ou de lui retirer une fonction particulière743. Par exemple, le riz Golden, auquel il est ajouté un gène de jonquille et un gène bactérien afin de produire du bêta-carotène (élément principal de la vitamine A), a pour objectif de combler une carence dont souffrent plus de 100 millions d’enfants dans le monde. L’organisme est génétiquement modifié lorsque son matériel génétique est modifié autrement que par multiplication ou la recombinaison naturelles (C. env., art. L. 531-1, 2°). La réglementation sur les OGM s’applique à toute entité biologique (C. env., art. L. 531-1, 1°). À ce titre, elle concerne l’ensemble des plantes et des animaux.

1546 Malgré la promesse de performances biologiques permettant d’améliorer les capacités de productions agricoles, l’utilisation des OGM suscite de nombreuses controverses scientifiques et réticences sociales. Compte tenu de ces craintes, la notion même d’utilisation fait l’objet d’une définition large, englobant toutes les opérations concernant les OGM (C. env., art. L. 531-1, 3°). Le contrôle est différent s’il s’agit d’une utilisation confinée (§ I) ou d’une dissémination volontaire (§ II).

§ I – Le principe d’une utilisation confinée des OGM

1547 Les craintes engendrées par les OGM sur l’environnement et la santé ont conduit à l’adoption de directives communautaires transposées en droit interne dans le Code de l’environnement744. L’objectif des textes est la mise en place de mesures appropriées permettant de contenir ces craintes sans pour autant bloquer les recherches scientifiques. L’utilisation confinée consiste à limiter le contact de ces organismes avec l’ensemble de la population et l’environnement. Elle intervient par exemple en laboratoire de recherche et implique un agencement spécifique, des équipements matériels et individuels de protection, ainsi que des bonnes pratiques de travail. Elle est utilisée pour des projets de recherche, de développement ou d’enseignement (A), mais également dans le cadre de la production industrielle (B).

A/ L’utilisation des OGM à des fins de recherche, de développement ou d’enseignement

1548 – L’agrément préalable. – Conscient des besoins scientifiques engendrés par les OGM, le législateur a mis en place une procédure d’autorisation relativement rapide, permettant la poursuite de ces recherches stratégiques (C. env., art. R. 532-4 à R. 532-17). L’avis du Haut Conseil des biotechnologies (HCB) permet d’évaluer les risques du projet en cours d’instruction745. Le niveau de confinement est classé en quatre catégories selon le risque estimé (C. env., art. D. 532-3)746. Le niveau C1 est soumis à une simple déclaration. En revanche, les niveaux C2 à C4 nécessitent un agrément délivré par le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation dans les quatre-vingt-dix jours de l’enregistrement du dossier complet. Ce délai est ramené à quarante-cinq jours pour les demandes ultérieures. Pour les animaux, le classement C1 correspond à ceux abritant un gène ne leur conférant aucun effet nuisible connu pour l’homme ou l’environnement. En revanche, lorsque l’animal abrite un gène de prion muté dans une position associée à une pathogénicité chez l’homme, il relève d’un classement C3747.

1549 – Les obligations de l’exploitant. – Après obtention de l’agrément, l’exploitant est tenu de respecter l’ensemble des prescriptions limitant les risques. Il vérifie également l’absence de changement de classe de risque. Certaines modifications d’exploitation sont obligatoirement signalées au ministère. Il s’agit par exemple du changement de directeur de recherche ou d’un accident portant atteinte à la santé ou à l’environnement (C. env., art. L. 532-3, R. 532-18 et R. 532-21).

1550 – Les évolutions de l’agrément : modification, suspension ou retrait. – Le titulaire de l’agrément est susceptible d’en solliciter la modification en suivant la procédure initiale (C. env., art. R. 532-19). L’autorité compétente dispose en outre du pouvoir de modifier, suspendre ou retirer l’agrément, si des dangers pour la santé ou l’environnement le justifient (C. env., art. L. 532-5). C’est notamment le cas lorsque les mesures de confinement sont insuffisantes, par exemple si la filtration ou le recyclage de l’air du laboratoire sont défectueux.

B/ La production industrielle

1551 – Une double procédure. –  Les opérations industrielles ou commerciales portant culture, utilisation, stockage ou destruction d’OGM sont d’abord soumises à déclaration ou autorisation préfectorale au titre de la réglementation des ICPE (C. env., art. L. 515-13)748. Elles relèvent alors de la rubrique 2680 de la nomenclature, traitant spécifiquement des OGM faisant partie d’un processus de production industrielle au cours duquel ils sont cultivés, mis en œuvre, stockés, détruits, éliminés ou utilisés de toute autre manière à l’exclusion du transport. Ce contrôle des installations classées est ensuite suivi d’une procédure d’agrément OGM (C. env., art. R. 515-32 à R. 515-38). En pratique, ce double contrôle s’applique à toutes les productions industrielles impliquant des OGM.

1552 – Les obligations de l’exploitant. – Au cours de l’exploitation, le bénéficiaire de la double autorisation doit respecter les prescriptions techniques de sécurité et informer le préfet de toute aggravation des risques.

OGM et plan de prévention des risques technologiques

Les risques liés à l’exploitation industrielle d’OGM imposent la mise en place d’un plan de prévention des risques technologiques. Il a pour objectif de protéger la salubrité, la santé et la sécurité publiques, directement ou par pollution du milieu (C. env., art. L. 515-15 et R. 515-39).

§ II – La dissémination volontaire

1553 La limitation des atteintes à la santé humaine et à l’environnement est également l’objectif de la réglementation d’autorisation de dissémination volontaire, consistant en l’introduction intentionnelle d’OGM dans l’environnement sans mesures de confinement (C. env., art. L. 533-2). Cela a été le cas pour les variétés de maïs de la marque Monsanto (MON810 ou MON863) jusqu’à leur interdiction récente749. Les enjeux pour l’évolution des cultures et l’environnement sont considérables. Les grands principes régissant la dissémination volontaire (A) sont contrôlés préalablement et au cours de l’exploitation (B).

A/ Les grands principes de la dissémination volontaire d’OGM

1554 – L’évaluation progressive des risques. – Les risques pour l’environnement et la santé humaine sont évalués au cas par cas. Il s’agit d’une évaluation pour chaque OGM et pour chaque site. En outre, l’introduction est progressive : elle s’effectue étape par étape. Ainsi, la réduction puis la suppression du confinement sont permises uniquement après des essais satisfaisants (C. env., art. L. 533-5).

1555 – Le principe de précaution. – Le principe de précaution figure en préambule de la Constitution au même titre que la Charte de l’environnement dont il est l’une des dispositions phares750. Il impose de prendre en compte tout dommage environnemental grave et irréversible même s’il est incertain. À ce titre, les OGM sont soumis au principe de précaution. Le Conseil constitutionnel a confirmé cette solution en validant les procédures d’autorisations préalables relatives aux OGM751.

1556 – La réglementation sectorielle. – Les OGM concernent des productions diverses : animaux, végétaux, aliments, produits pharmaceutiques, etc. Elles sont soumises à des procédures d’autorisations différentes spécifiques à leurs besoins, qualifiées de « procédures sectorielles ». Ainsi, l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation varie selon le type d’OGM. Concernant les OGM agricoles752, il s’agit du ministre chargé de l’agriculture (C. env., art. R. 533-23).

B/ L’autorisation et le contrôle des OGM disséminés

1557 – Procédure d’autorisation. – La procédure d’autorisation est régie par le Code de l’environnement (C. env., art. R. 533-1 et s.). La demande d’autorisation contient un dossier technique permettant d’évaluer l’impact du projet et une fiche d’information du public. L’avis du Haut Conseil des biotechnologies est transmis à l’autorité compétente disposant ensuite d’un délai de quatre-vingt-dix jours pour statuer sur la demande de dissémination753. Des prescriptions particulières sont susceptibles d’être émises. Le refus est motivé par l’absence de sécurité du projet.

L’information des autres États membres

La dissémination volontaire n’étant pas confinée, la contamination des parcelles voisines est possible, y compris au-delà des frontières. À ce titre, une procédure d’échange d’informations entre les autorités nationales et la Commission européenne a été mise en place754.

1558 – L’obligation de présentation des résultats. – L’exploitant est ensuite tenu de présenter les résultats de la dissémination à l’autorité compétente en matière d’autorisation. Les informations communiquées portent uniquement sur l’impact de l’essai en matière de risques pour la santé publique et l’environnement (C. env., art. R. 533-17).

L’absence de contrôle local

Face aux craintes de la population, certains maires ont pris des arrêtés interdisant la dissémination d’OGM sur tout ou partie du territoire de leur commune, fondant leurs décisions sur leurs pouvoirs de police générale. Ces arrêtés ont été annulés à la demande des préfets. La jurisprudence constante rappelle en effet la primauté du pouvoir de police spécial du ministre compétent755. Ainsi, les élus locaux n’ont pas la possibilité à ce jour de s’opposer à la dissémination d’OGM.


718) La start-up française Airinov a développé ses propres capteurs validés par l’INRA : www.airinov.fr. Elle est associée depuis 2014 à la société Parrot produisant des drones guidés par GPS. Leurs drones ont survolé plus de 10 000 exploitations en 2016 (S. Frachet, Un agridrone pour scruter les blés : www.leparisien.fr, 23 févr. 2017). Pour des explications plus scientifiques : P. Thouverez, Les drones vont-ils révolutionner l’agriculture ? : www.techniques-ingenieur.fr, 25 janv. 2017.
719) A. n° DEVA1207595A, 11 avr. 2012, relatif à l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord : JO 10 mai 2012.
720) C. Guizard, Nouveaux capteurs et objets connectés pour l’agriculture numérique. Rencontres Agriculture & Innovation 2025, UMR ITAP Montpellier : https://inra-dam-front-resources-cdn.brainsonic.com.
721) P. Dubrulle et N. Rousse, Rapport outils d’aide à la décision, 18 sept. 2014 : www6.inra.fr.
722) Les chambres d’agriculture à la pointe des nouvelles technologies, dossier in Chambre d’agriculture juin-juill. 2014, n° 1034, p. 15 : « Quelle que soit la filière (…) des solutions technologiques existent et peuvent apporter une plus-value économique, voire améliorer un confort de travail ».
723) J.-M. Séronie, Vers un Big Bang agricole. Révolution numérique en agriculture, éd. France Agricole, 2016, p. 84 : « Une véritable rupture technique se fera peut-être, occasionnant simultanément une hausse des rendements et une baisse des intrants. Il en résultera une meilleure efficacité avec de meilleures performances techniques, une réduction des charges et une diminution de l’impact environnemental ».
724) Les défis de l’agriculture connectée dans une société numérique, rapport du think tank « Renaissance numérique », nov. 2015, p. 15 : « Parce qu’elle est moins coûteuse en intrants et permet une action plus ciblée, l’agriculture de précision porte en elle plusieurs éléments de réponses à ces enjeux planétaires ».
725) L. n° 2015-177, 16 févr. 2015, relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures : JO 17 févr. 2015, p. 2961.
726) Selon le site Alim’agri, 15 000 inspections sont conduites annuellement par le ministère de l’Agriculture pour assurer la protection des animaux.
727) Bien-être animal : contexte juridique et sociétal : http://agriculture.gouv.fr, 14 août 2015.
728) Définition : Qu’est-ce que le Big Data ? : www.lebigdata.fr.
729) Rapport du 113e Congrès des notaires de France, Lille, 2017, n° 3089.
730) Le semencier Monsanto et le constructeur John Deere ont créé des structures dédiées à ces activités d’exploitation des données (Rapp. préc., p. 71, V. n° note 729).

731) J.-M. Bournigal, Portail de données pour l’innovation en agriculture, rapp. IRSTEA, oct. 2016.

Ce rapport préconise :

un portail mutualisé, gouverné par la profession agricole et organisé autour d’un guichet unique de données et de fonctionnalités complémentaires ;

une gouvernance des données et une protection juridique appropriée ;

une animation basée sur des services et la création d’un écosystème d’innovation.

732) Rapp. préc., p. 71, V. n° note 731.

Ce rapport préconise :

des plates-formes de partage de données agricoles accessibles aux agriculteurs ;

une politique interne de transformation numérique ;

le rapprochement de start-up proposant de nouveaux services aux agriculteurs.

733) J.-M. Séronie, préc., p. 84 à 86 (V. n° note 732) : « Qu’est-ce donc finalement que l’agriculture de précision ? Le fait de décider et de réaliser la meilleure intervention technique au bon endroit et au moment optimal. La technologie ne saurait être qu’une aide. C’est le chef d’entreprise (…) qui doit trancher, arbitrer, décider ».
734) J.-J. Viviès, Innovation végétale : le droit de la propriété intellectuelle à l’épreuve du développement durable, in L’agriculture durable. Essai d’élaboration d’un cadre normatif, PUAM, 2016, p. 198 : « Les entreprises semencières françaises consacrent en moyenne 13 % de leur chiffre d’affaires à la sélection et au développement des plantes de leurs collections personnelles ».
735) Définition « Brevet » : www.insee.fr, 13 oct. 2016.
736) INPI, Comprendre le brevet : www.inpi.fr.
737) Le texte a nécessité une troisième lecture avant son adoption.
738) L. n° 2016-1087, 8 août 2016, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages : JO 9 août 2016.
739) L. Radisson, La loi biodiversité limite timidement la brevetabilité du vivant : www.actu-environnement.com, 16 sept. 2016.
740) V. GEVES, Catalogue officiel : http://cat.geves.info.
741) www.geves.fr.
742) Portée à trente ans pour les arbres forestiers, fruitiers et d’ornement, la vigne, les graminées et légumineuses fourragères pérennes, ou les pommes de terre.
743) Par ex., l’organisme modifié résiste à certains ravageurs, maladies et produits chimiques, ou perd son caractère allergène. Pour plus de détails, V. É. Ugo, OGM et agriculture durable, in L’agriculture durable. Essai d’élaboration d’un cadre normatif, PUAM, 2016, p. 338, n° 9.
744) PE et Cons. UE, dir. n° 2009/41/CE, 6 mai 2009, relative à l’utilisation confinée de micro-organismes génétiquement modifiés et refondant l’ensemble des directives précédentes : JOUE n° L 125, 21 mai 2009, p. 75.
745) HCB, Manuel pour l’utilisation confinée d’organismes génétiquement modifiés : www.hautconseildesbiotechnologies.fr.
746) Par ex., le classement C1 s’applique à des OGM dont le risque pour la santé humaine et pour l’environnement est nul ou négligeable, alors que le classement C4 fait référence à un risque élevé.
747) V. HCB, manuel préc.
748) V. n° a1402 et s.
749) L. n° 2014-567, 2 juin 2014, relative à l’interdiction de la mise en culture des variétés de maïs génétiquement modifié : JO 3 juin 2014 p. 9208.
750) L. const. n° 2005-205, 1er mars 2005, relative à la Charte de l’environnement : JO 2 mars 2005, p. 3697.
751) Cons. const., 19 juin 2008, n° 2008-564 DC.
752) Plantes, semences, animaux, fertilisants, produits phytopharmaceutiques, etc.
753) Il s’agit du ministre de l’Agriculture pour les activités agricoles (C. env., art. R. 533-21), du directeur de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) pour les recherches biomédicales (C. env., art. R. 533-21) et du directeur général de l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) pour les médicaments vétérinaires (C. env., art. R. 533-22).
754) PE et Cons. UE, dir. n° 2001/18/CE, 12 mars 2001, art. 11.
755) CE, 24 sept. 2012, n° 342990, Cne de Valence : JurisData n° 2012-021153.

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