CGV – CGU

Chapitre I – Les bénéfices agricoles

Partie I – Du patrimoine agricole à l’exploitation sylvicole
Titre 1 – Du patrimoine à l’exploitation agricole
Sous-titre 2 – L’exploitation agricole
Chapitre I – Les bénéfices agricoles

4113 Les difficultés du secteur agricole ne sont pas nouvelles. Elles sont liées à des raisons diverses : libéralisation du marché européen avec la fin des prix garantis puis des quotas, volatilité des marchés face aux aléas climatiques, économiques et politiques. Dans ce contexte particulièrement difficile, l’existence d’une fiscalité spécifique se justifie. Le plussouvent, les agriculteurs exploitent à titre individuel ou dans le cadre de sociétés non soumises à l’IS (Section I). Néanmoins, la volatilité des revenus et le développement de la pluriactivité conduisent à s’interroger sur les opportunités offertes par le passage à l’IS (Section II).

Section I – L’exploitation individuelle et les sociétés non soumises à l’IS

4114 Pour faire face aux difficultés, les agriculteurs diversifient leurs activités. À ce titre, il convient de s’intéresser à la définition fiscale de l’activité agricole (Sous-section I) puis à ses modalités d’imposition (Sous-section II).

Sous-section I – De la définition fiscale de l’activité agricole à sa diversification

4115 Gravitent autour de la définition civile de l’activité agricole (C. rur. pêche marit., art. L. 311-1) de nombreuses autres définitions (fiscale, sociale, communautaire, urbanistique). Il est souvent reproché au droit son incapacité à appréhender de manière uniforme la notion d’activité agricole. Par ailleurs, la multiplication des définitions nuit à l’intelligibilité et à la cohérence de la matière169. À l’examen, cette critique peut être nuancée. En effet, pour les activités agricoles par nature et par détermination de la loi, la définition fiscale n’est pas très éloignée du droit civil rural (§ I). En revanche, l’éloignement apparaît nettement concernant les activités agricoles qualifiées d’accessoires (§ II). Le malaise est révélateur d’une difficulté du législateur à définir les frontières de l’agriculture française. Or, l’agriculture occupe une place essentielle pour notre territoire. Les agriculteurs se trouvent au cœur de nombreux enjeux et notamment celui de la transition écologique. Ils ont par ailleurs depuis longtemps, naturellement ou par nécessité, diversifié leurs activités (fermes-auberges, gîtes ruraux, prestations de services, panneaux photovoltaïques, méthanisation). Ainsi, pour certaines activités, le lien avec la maîtrise d’un cycle biologique apparaît particulièrement ténu.

§ I – Le rapprochement du droit fiscal et du droit rural : les activités agricoles par nature et par détermination de la loi

4116 Il convient de distinguer les activités agricoles par nature (A) et par détermination de la loi (B).

A/ Les activités par nature

4117 – Une définition fiscale éclatée. – La notion d’activité agricole est abordée par de nombreux textes fiscaux. Le plus important définit les bénéfices agricoles comme « les revenus que l’exploitation de biens ruraux procure soit aux fermiers, métayers, soit aux propriétaires exploitant eux-mêmes » (CGI, art. 63). L’exonération de la contribution foncière des entreprises vise « les exploitants agricoles, y compris les propriétaires ou fermiers de marais salants » (CGI, art. 1447 et 1450). Par ailleurs, sont exonérés de taxe foncière sur les propriétés bâties les bâtiments servant aux exploitations rurales (CGI, art. 1382, 6°). Alors que le droit rural cherche à donner une seule définition de l’activité agricole afin de déclencher l’application de l’ensemble de sa législation (baux ruraux, contrôle des structures, procédures collectives agricoles, SAFER, etc.), le droit fiscal offre une vision plurielle. Toutefois, que ce soit pour les activités agricoles par nature ou détermination de la loi, le droit civil et le droit fiscal se rejoignent en grande partie. Les rapprochements entre l’article 63 du Code général des impôts et l’article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime apparaissent plus étendus que les différences. Le cœur de la définition civile demeure la maîtrise d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal. Il suffit que l’intéressé maîtrise une étape nécessaire au déroulement de ce cycle pour que le droit rural s’applique avec toute la rigueur liée à l’omniprésence de l’ordre public. L’article 63 du Code général des impôts offre la même rigueur.

4118 – La maîtrise et l’exploitation d’un cycle biologique. – Sont réputées agricoles « toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l’exploitation d’un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle » (C. rur. pêche marit., art. L. 311-1)170. Ce critère permet d’englober les activités traditionnelles de culture et d’élevage, mais également des formes plus récentes d’agriculture telles que les cultures hors-sol ou l’élevage industriel. L’article 63 du Code général des impôts vise expressément les produits de l’exploitation de champignonnières en galeries souterraines et ceux des exploitations apicoles, avicoles, piscicoles, ostréicoles et mytilicoles, ainsi que les profits réalisés par les obtenteurs de nouvelles variétés végétales.

B/ Les activités par détermination de la loi

4119 Les activités agricoles par détermination de la loi sont des activités dont la nature n’est pas agricole. Pour autant, le législateur fait le choix de les rattacher expressément au droit rural. Le plus souvent, le droit fiscal s’aligne sur la position du législateur civil.

4120 – Les activités équestres. – Le rattachement des activités équestres a été opéré dans les mêmes termes aux plans civil et fiscal. Sont réputées agricoles « les activités de préparation, d’entraînement et d’exploitation des équidés domestiques dans les activités autres que celles du spectacle » (C. rur. pêche marit., art. L. 311-1)171. Les activités de prise en pension pure ou de simple gardiennage de chevaux sont exclues sur le plan civil, mais admises au fiscal. Au civil, une distinction s’opère entre les professionnels pratiquant l’élevage, activité agricole par nature, et ceux ayant une activité équestre tertiaire, agricole par détermination de la loi. Les premiers peuvent diversifier leurs activités en exerçant des activités agricoles par relation tandis que la diversification des seconds donne naissance à une activité commerciale (centre équestre ouvrant un restaurant). Au fiscal, la distinction n’a pas lieu d’être puisque ces activités de diversification sont commerciales dans les deux situations.

4121 – La méthanisation agricole. – Contrairement à la biomasse, la production et la commercialisation d’énergie en récupérant le gaz issu de la fermentation des sous-produits de l’agriculture ne sont pas agricoles par nature. Le législateur est intervenu pour rattacher cette activité aux définitions civile et fiscale. Au fiscal, l’approvisionnement sur l’exploitation doit être majoritaire alors que la définition civile permet l’approvisionnement majoritaire auprès d’autres exploitations.

4122 – Quand le fiscal ne suit pas le civil. – La corrélation entre le fiscal et le civil n’est toutefois pas parfaite. Ainsi, les activités de déneigement au profit des collectivités territoriales172sont civilement considérées comme des activités agricoles, ce qui n’est pas le cas d’un point de vue fiscal. À l’inverse, la location de droits à paiement de base (DPB) et l’activité de musher173demeurent rattachées aux bénéfices agricoles sans pour autant être perçues comme des activités agricoles.

§ II – L’éloignement du droit rural et du droit fiscal : les activités accessoires ou par relation

4123 Pour des raisons principalement économiques, l’exploitant a plus que jamais besoin de se diversifier174. Pour simplifier ses démarches, il serait nécessaire qu’il appréhende facilement les contours mêmes de son activité aux sens civil, fiscal et communautaire175. Il convient de distinguer selon que ces activités accessoires sont réalisées par l’exploitant individuel (A) ou dans un cadre sociétaire (B).

A/ Les activités accessoires réalisées par l’exploitant individuel

4124 L’article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime distingue deux types d’activités accessoires ou par relation. Sont réputées agricoles « les activités exercées par un exploitant qui sont dans le prolongement de l’acte de production ou qui ont pour support l’exploitation ». La première catégorie ne soulève pas de distorsions fiscales, ce qui n’est pas le cas de la seconde.

4125 – Lorsque le civil tient le fiscal en l’état. – Les activités réalisées dans le prolongement de l’acte de production (transformation, conditionnement, commercialisation) sont évidemment des activités agricoles. La transformation des produits de la ferme constitue d’ailleurs le premier domaine de diversification de l’activité agricole, représentant 37 % des exploitations diversifiées. La vente en circuit court y est associée dans 80 % des cas.

La transformation et la commercialisation des produits de la ferme sont imposées dans la catégorie des bénéfices agricoles à la tripe condition que :

les transformations effectuées soient réalisées sur des produits venant de l’exploitation ;

les produits après transformation soient destinés à l’alimentation de l’homme ou des animaux ;

la vente des produits de l’exploitation ne s’inscrive pas dans des méthodes commerciales.

Dès lors que l’une de ces conditions n’est pas respectée, le bénéfice relève des BIC. Il en est ainsi de la vente de produits ne venant pas de l’exploitation ou de la vente de produits venant de l’exploitation quand elle s’inscrit dans des méthodes commerciales176. Les méthodes commerciales supposent une installation permanente et/ou un personnel spécialisé. Au civil, une certaine tolérance est de mise pour admettre que l’activité conserve son caractère agricole malgré des achats pour revendre et l’usage de certaines méthodes de commercialisation. En effet, demeurent agricoles les transformations de produits, quand bien même ils ne sont pas destinés à l’alimentation de l’homme ou des animaux. Ainsi, la production de biomasse à des fins énergétiques présente un caractère agricole. Au fiscal, pour que les revenus tirés de la vente de biomasse soient imposés en BA, le législateur a dû modifier l’article 63 du Code général des impôts177.

4126 – Lorsque le civil ne tient plus le fiscal en l’état : difficultés pour les activités « ayant pour support l’exploitation ». – Cette formule énoncée par le Code rural et de la pêche maritime est susceptible de deux interprétations, car le terme « exploitation » peut s’entendre comme le support foncier ou comme le support de l’activité. Le critère du support foncier semble avoir eu les faveurs de la jurisprudence. Ainsi, sont agricoles en droit rural les activités d’agrotourisme : camping à la ferme, gîte rural, ferme-auberge, visites d’exploitation, etc. L’agrotourisme représente 24 % des exploitations diversifiées. Ces activités sont cependant commerciales en droit fiscal178. Cette différence d’appréciation de la notion d’activité agricole appelle une modification législative pour une mise en cohérence de l’article 63 du Code général des impôts avec l’article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime et une simplification pour l’exploitant agricole.

4127 – Activité de location de gîtes et de chambres d’hôtes. – La location meublée est une activité pouvant s’analyser, selon le cas, soit en une activité civile, soit en une activité civile agricole, soit encore en une activité commerciale. Pour pouvoir être qualifiée d’activité agricole par relation au sens de l’article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime, l’activité d’hébergement doit avoir pour support une exploitation agricole, c’est-à-dire entretenir un lien économique avec une exploitation agricole. Ainsi, une activité inscrite sur les lieux mêmes de l’exploitation mais selon des moyens étrangers à celle-ci échappe à la qualification agricole par relation. Tel est le cas, généralement, des gîtes ruraux dans lesquels les produits employés ne sont pas suffisamment tirés de l’exploitation179. Les tribunaux vérifient qu’une filiation existe entre la production animale ou végétale et les conditions d’accueil touristique180. Des services hôteliers (hébergement, organisation de réceptions, accueil de groupes) développés dans les bâtiments d’une ferme mais sans connexité aucune avec l’activité productrice ne sauraient être qualifiés d’agricoles par rattachement181. L’activité d’hébergement est de nature commerciale si elle s’accompagne de la fourniture de prestations de services telles que la fourniture de linge, des prestations de ménage ou gardiennage, c’est-à-dire de prestations de type para-hôtelier. Sans prestations de services de type para-hôtelier, l’activité de location en meublé demeure une activité civile au plan juridique. Ainsi, ces activités de location en meublé ne sont pas agricoles.

4128 – Des activités commerciales accessoires produisant des revenus agricoles : le rattachement aux BA par l’article 75 du Code général des impôts. –  L’article 75 du Code général des impôts permet aux exploitants de rattacher aux BA les produits des activités accessoires, commerciales et non commerciales, ainsi que les revenus tirés de la production d’électricité d’origine photovoltaïque ou éolienne réalisés sur l’exploitation.

Ainsi, ces revenus peuvent être pris en compte pour la détermination du bénéfice agricole sous réserve de respecter le double seuil suivant (CGI, art. 75)182 :

la moyenne annuelle des recettes relevant de la catégorie des BIC ou des BNC réalisées au cours des trois dernières années civiles n’excède pas 50 % de la moyenne annuelle des recettes tirées de l’activité agricole sur la même période ;

les recettes ne dépassent pas 100 000 € toutes taxes comprises183.

Ainsi, les activités de prestations de services exécutées par l’exploitant sont des activités commerciales au civil et au fiscal, mais sont par tolérance fiscale rattachées aux bénéfices agricoles à condition de respecter les seuils sus-énoncés. Elles représentent 30 % des activités diversifiées. Les activités de production d’électricité sont également commerciales tant au civil qu’au fiscal. Elles sont par ailleurs admises dans l’objet social des sociétés civiles agricoles (EARL, SCEA, GAEC) depuis une modification apportée par la loi Grenelle 2184. Ce rattachement permet de ne pas tenir deux comptabilités. Il est exclu pour les exploitations en micro-BA.

4129 – Les conséquences du rattachement des activités accessoires. – Le rattachement aux BA des revenus des activités accessoires n’emporte pas application de l’ensemble des règles liées aux BA. Ainsi, le bénéfice provenant de ces activités n’est pas pris en compte pour le calcul de la déduction pour investissement ou de la déduction pour aléas185. Par ailleurs, l’abattement en faveur des jeunes agriculteurs ne s’applique pas à ces revenus. Enfin, le déficit provenant de l’activité de production d’énergie ne s’impute pas sur les revenus des autres catégories, même si les revenus nets des autres catégories sont inférieurs à 107 826 €. Il s’impute sur le bénéfice agricole de l’exercice en cours et, le cas échéant, des six années suivantes186. Dans l’hypothèse où les deux activités agricole et de production d’énergie sont déficitaires, il convient de traiter les deux déficits de manière distincte, le premier étant imputable sur le revenu global dans la limite de 107 826 €, et le second constituant un déficit agricole catégoriel.

4130 – Le régime de transparence du GAEC applicable aux seuils de l’article 75 du Code général des impôts. – Dans les GAEC totaux, les seuils187sont multipliés par le nombre d’associés, permettant ainsi aux associés des GAEC d’être dans une situation comparable à celle d’un exploitant individuel. Cependant, le Conseil d’État ne s’est pas contenté de multiplier les seuils, exigeant que ces derniers soient respectés tant au niveau du GAEC que de chacun des associés. Cette interprétation a été vivement contestée, car considérée dangereuse et pénalisante pour les associés. Il suffit qu’un seul des associés exerce une activité agricole en dehors du GAEC, engendrant des recettes commerciales dont le montant additionné à celles du groupement excède 100 000 € ou le seuil de 50 %, pour faire tomber le GAEC dans le champ de l’IS188.

4131

Les seuils de diversification en chiffres189

I. Dans une exploitation individuelle :

Paul, céréalier en Picardie, est imposé au régime réel. Il a diversifié son activité en louant des gîtes depuis plusieurs années. Il a également installé une centrale photovoltaïque sur ses bâtiments d’exploitation il y a deux ans. La moyenne des recettes provenant de l’activité de gîte au cours des trois dernières années civiles est de 30 000 €, celle liée à la production d’électricité de 40 000 €. La moyenne des recettes agricoles sur la même période est de 200 000 €. Les recettes accessoires cumulées sont de 70 000 € et représentent 35 % des recettes engendrées par l’activité agricole. Ainsi, elles sont inférieures au montant de 100 000 € et au seuil de 50 %. L’ensemble des activités de Paul continue à être imposé en totalité au titre des bénéfices agricoles.

II. Dans un GAEC :

1) Oscar et César sont associés du GAEC « Les marches du palais ». Le GAEC, imposé au réel, produit du vin près de Bandol. Il a élargi son activité aux chambres d’hôtes et à la production d’électricité photovoltaïque. La moyenne des recettes agricoles des trois dernières années est de 300 000 €. La moyenne des recettes des chambres d’hôtes et de production d’électricité est de 130 000 €, représentant 43 % des recettes BA. Elle est inférieure au seuil de 50 % et au montant de 200 000 € (seuil de 100 000 € doublé en présence de deux associés).

2) Oscar a développé à titre personnel, dans un ancien chai, une activité de location pour des réceptions. Les revenus engendrés par cette activité sont de 60 000 €. En ajoutant cette somme aux revenus accessoires du GAEC, les seuils sont dépassés (60 000 € + 130 000 €). Ainsi, le GAEC est assujetti à l’impôt sur les sociétés pour la totalité de ses bénéfices. César est pénalisé même s’il n’exerce pas d’activités accessoires en dehors du GAEC.

4132 – Le traitement fiscal des paiements pour services environnementaux rendus par les agriculteurs. – Les bénéfices de l’exploitation agricole relèvent de la catégorie des bénéfices agricoles. Toutefois, les prestations environnementales à des fins de compensation ne relèvent pas de l’exploitation de biens ruraux au sens de l’article 63 du Code général des impôts. Cette activité extra-agricole devrait donc être imposable dans la catégorie des BIC. L’agriculteur reste néanmoins soumis aux BA si les revenus retirés de l’exercice d’une activité commerciale sont accessoires au regard des seuils fixés à l’article 75 du Code général des impôts. L’agriculture traditionnelle souffre d’une insuffisance de rentabilité. La protection des milieux naturels et de la biodiversité permet une diversification bienvenue des activités de l’agriculteur. Toutefois, il paraît délicat de prédire les besoins réels des maîtres d’ouvrage et autres opérateurs de la compensation, ainsi que le niveau de reconnaissance des services environnementaux rendus par les agriculteurs et la rentabilité de ces services. L’imposition de cette activité au titre des BIC ne risque-t-elle pas de détourner les agriculteurs de ce secteur ? L’instauration d’une fiscalité spécifique au développement de cette filière ne serait-elle pas nécessaire ? Pour répondre à ces questions, il convient de distinguer les opérations ayant un lien direct avec l’exploitation des autres activités ou services extra-agricoles.

B/ Les activités accessoires réalisées par une société

4133 – L’objet des sociétés civiles agricoles. – Les sociétés agricoles (GAEC, EARL, SCEA) sont encadrées concernant leur objet. Ainsi, les GAEC et les EARL ont nécessairement un objet strictement agricole au sens civil (C. rur. pêche marit., art. L. 323-2 et L. 323-3 pour les GAEC et L. 324-2 pour les EARL). Concernant les SCEA, l’objet est impérativement civil (C. civ., art. 1845). Dans ces conditions, il est légitime de se demander si elles ont la faculté de s’adonner à une activité commerciale.

4134 – Le dépassement des seuils en société agricole. – Dans l’entreprise individuelle et l’EIRL, le dépassement des seuils oblige simplement à déclarer les bénéfices des activités accessoires dans les catégories leur étant propres190. Dans les autres sociétés civiles agricoles, il se traduit par une imposition à l’IS pour la totalité des activités191. Opérant un changement de régime fiscal, il entraîne les mêmes conséquences qu’une cessation d’activité192. Cependant, cet assujettissement n’est pas définitif, contrairement à l’option volontaire pour l’IS, cessant de s’appliquer à compter de l’exercice au cours duquel les seuils ne sont pas dépassés193.

4135 – Le risque d’un dépassement de l’objet social. – Les tolérances de l’article 75 du Code général des impôts n’ont aucun effet en droit civil et ne donnent aucunement la capacité aux sociétés civiles agricoles d’exercer des activités commerciales194. Par conséquent, les activités de prestation de services n’étant pas civiles ni a fortiori agricoles mais commerciales, ne peuvent valablement être exercées par une société civile agricole. Le dépassement de l’objet social peut avoir de multiples conséquences, en particulier pour les GAEC195. L’administration a rappelé dans deux circulaires que les GAEC sont des sociétés civiles agricoles et que, à ce titre, il n’entre pas dans leur objet social de consacrer une partie de leur activité à des prestations de services et autres activités de nature commerciale196. Toute activité de ce type l’expose ainsi à une perte d’agrément prononcée par le préfet et à une suspension des aides PAC (C. rur. pêche marit., art. R. 323-54)197.

4136 – Le risque en matière d’aides publiques. – Aucun texte ne limite l’attribution des aides PAC aux sociétés agricoles, pourvu que celles-ci possèdent un objet agricole. L’Union européenne donne une définition large de la pluriactivité dans les sociétés agricoles, mais laisse le soin aux États membres de définir les caractéristiques des sociétés pour leur éligibilité aux aides. Ainsi, le nouvel article L. 311-2 du Code rural et de la pêche maritime prévoit qu’un décret en Conseil d’État peut limiter le bénéfice de certaines aides publiques aux personnes physiques inscrites au registre des actifs agricoles ou aux personnes morales au sein desquelles de telles personnes exercent leur activité. La création du registre des actifs agricoles, efficient au 1er juillet 2018, n’aborde pas le sujet de la pluriactivité dans les sociétés agricoles. La question est importante et risque de se poser rapidement : une société civile agricole doit-elle avoir un objet uniquement agricole ou principalement agricole pour être éligible aux aides PAC ? Si la pluriactivité est admise, il convient ensuite d’en définir les contours198.

4137

La diversification de l’activité agricole en Europe

En Allemagne, à moins que la totalité de l’énergie issue d’une installation de méthanisation soit consommée sur l’exploitation agricole, la production est considérée comme industrielle dès le premier euro. En revanche, aux Pays-Bas et au Danemark, cette activité ne fait l’objet d’aucune disposition fiscale spécifique.

Dans tous les pays européens, les activités de travaux publics réalisés par un exploitant sont considérées comme non agricoles.

En Allemagne, l’intensification de l’élevage fait l’objet d’un traitement particulier. Si, par nature, l’élevage est une activité agricole, il s’avère que l’exercice intensif de cette activité entraîne une requalification non agricole du revenu dégagé. Dès lors que la densité de cheptel à l’hectare dépasse un certain plafond, l’élevage est qualifié d’industriel et soumis aux règles des BIC199.

Sous-section II – De l’imposition aux spécificités fiscales agricoles

4138 Le droit commun de l’imposition des bénéfices agricoles (§ I) est atténué par des spécificités justifiées par la variabilité du revenu, soumis à des cycles plus prononcés que le reste de l’économie et à des aléas climatiques (§ II).

§ I – L’imposition des bénéfices agricoles

4139 Le régime du micro-BA remplace le forfait agricole depuis le 1er janvier 2016 (A). Le régime du réel est en revanche inchangé (B).

A/ L’imposition du micro-BA

4140 Le micro-BA est un régime général (I), contenant des dispositions spécifiques aux sociétés civiles agricoles (II).

I/ Le régime général du micro-BA

4141 – Le seuil du micro-BA. – Le régime du micro-BA s’applique de plein droit en dessous d’un seuil fixé à 82 800 € jusqu’en 2019. Ce seuil est actualisé tous les trois ans dans la même proportion que l’évolution triennale de la limite supérieure de la première tranche du barème de l’IR. Il s’apprécie en fonction de la moyenne des recettes hors taxes encaissées au cours des trois dernières années. En cas de dépassement, le contribuable est imposé au réel à compter de l’imposition des revenus de la première année suivant la période considérée (CGI, art. 69, I). Le retour au micro-BA pour un exploitant au réel est possible. Ainsi, l’exploitant dont la moyenne des recettes hors taxes encaissées au cours des trois dernières années est inférieure à 82 800 € retourne automatiquement au micro-BA, sans qu’il y ait lieu d’exercer une quelconque option200. Cependant, un exploitant au réel ayant choisi une imposition en fonction de la moyenne triennale ne peut pas revenir au micro-BA pendant la période concernée par cet engagement201. Enfin, le statut de l’exploitant au regard de la TVA est sans incidence pour l’application du micro-BA202. Ainsi, il n’y a pas lieu de rechercher si l’exploitant relève sur ce point du régime général, du régime du remboursement simplifié ou encore du régime du remboursement forfaitaire203.

4142 – Les recettes à retenir pour le calcul du seuil. – Les recettes à prendre en compte pour l’appréciation du seuil de 82 800 € sont les sommes hors taxes effectivement encaissées au cours de l’année civile, même si elles se rapportent à des créances nées au cours d’une année antérieure (CGI, art. 64 bis)204. Les catégories de recettes prises en compte sont les suivantes : produits de l’exploitation, subventions, primes et indemnités ayant le caractère de complément de prix.

4143 – L’imposition du bénéfice au micro-BA. – La période d’imposition est l’année civile. Le bénéfice imposable, avant prise en compte des plus-values ou des moins-values provenant de la cession des biens affectés à l’exploitation, est égal à la moyenne des recettes hors taxes encaissées au cours de l’année civile d’imposition et des deux années précédentes, diminuée d’un abattement de 87 %. Les recettes à prendre en compte peuvent différer de celles servant à l’appréciation du seuil. Elles peuvent être supérieures au seuil de 82 800 €. Sont retenus notamment : les produits de l’exploitation alloués au personnel ou au bailleur en paiement des fermages, les subventions ou indemnités diverses destinées à compenser un manque à gagner ou présentant le caractère d’un supplément de prix, les produits d’entraide, les intérêts des comptes courants d’associés coopérateurs, etc. Sont exclues les recettes provenant : des plus-values de cessions d’immobilisations, de primes et subventions d’équipement non imposées par ailleurs, des revenus des activités non agricoles (les possibilités de rattachement des activités accessoires n’existant qu’au réel), des produits financiers tels que les intérêts statutaires des parts de coopératives, des valeurs de l’autoconsommation, des primes d’abandon de la production laitière205. Les éleveurs industriels bénéficient d’un régime particulier, les recettes étant minorées d’un abattement de 30 %.

4144

Le seuil du micro-BA en chiffres

1) François a réalisé les recettes suivantes : 74 000 € en N-3, 76 000 € en N-2 et 93 000 € en N-1. L’année N, les recettes sont de 88 000 €. Pour savoir si François est au micro-BA, la moyenne des recettes s’apprécie par rapport à la période N-3, N-2 et N-1. Elle est de 243 000 € / 3 = 81 000 €. Le régime micro-BA s’applique pour François aux revenus de l’année N.

2) L’année N+1, les recettes sont de 78 000 €. La moyenne des recettes N-2, N-1 et N est de 257 000 € / 3 = 85 666 €. François est soumis en N+1 à un régime réel d’imposition, quand bien même les recettes de l’année N+1 sont inférieures au seuil du forfait206.

3) Le revenu imposable l’année N est égal à la moyenne triennale (N-2, N-1 et N) des recettes, diminuée d’un abattement de 87 % ne pouvant être inférieur à 305 €. Soit 257 000 € / 3 = 85 666 € × 13 % = 11 136 €.

4) François est éleveur industriel. Les chiffres sont les mêmes que dans l’exemple précédent. En N+1, François reste au micro-BA. Le seuil s’applique ainsi (76 000 + 93 000 + 88 000) × 0,7 / 3 = 59 996 €. Le revenu imposable l’année N+1 est de (93 000 + 88 000 + 78 000) × 0,7 / 3 = 60 433 × 13 % =10 209 €.

4145 – Les exploitants exclus du micro-BA en fonction de leur activité. – Tous les exploitants agricoles sont concernés par le micro-BA.

En sont toutefois exclus :

les personnes effectuant des opérations commerciales sur des animaux de boucherie et de charcuterie, sans qu’il y ait lieu de regarder le montant des recettes (CGI, art. 69 C) ;

les exploitants exerçant des activités de biomasse sèche ou humide majoritairement issue de produits ou sous-produits de l’exploitation ;

les exploitants mettant à disposition des droits à paiement de base ;

les exploitants dont tout ou partie des biens affectés à l’exploitation sont compris dans un patrimoine fiduciaire (CGI, art. 69 E).

La loi de finances pour 2017 a étendu le champ d’application du régime micro-BA207 :

aux exploitants exerçant par ailleurs une activité non agricole imposée selon un régime de bénéfice réel ;

aux exploitants exerçant des activités de préparation et d’entraînement d’équidés domestiques en vue de leur exploitation dans des activités autres que le spectacle (CGI, art. 69 E).

4146 – Les entreprises nouvelles. – Les entreprises nouvelles relèvent de droit du régime du micro-BA, mais uniquement la première année d’activité. À compter de la deuxième année d’activité, ce n’est plus le cas si le seuil est dépassé. Cependant, pour apprécier le dépassement du seuil de 82 800 €, il convient de prendre les recettes de l’année N-1 divisées par trois. Puis, en année 3, la somme des recettes N-1 et N-2 divisée par trois208.

4147 – L’exploitant individuel marié. – Pour l’application du micro-BA, l’administration fiscale retient les mêmes solutions que celles s’appliquant pour l’appréciation des seuils d’exonération des plus-values professionnelles au titre des dispositions de l’article 151 septies du Code général des impôts209. Ainsi, il convient de raisonner en fonction du régime matrimonial des époux et des circonstances de fait. En présence d’un régime communautaire par exemple, si les exploitations de chacun des époux disposent de moyens d’exploitation et de sièges distincts, il n’y a pas lieu de cumuler les recettes pour l’appréciation du seuil du micro-BA.

4148 – Les obligations comptables et déclaratives. – Les obligations comptables et déclaratives se limitent à la tenue d’un document donnant le détail journalier des recettes professionnelles, ainsi que les factures et toute autre pièce justificative des recettes. Une déclaration d’existence et d’identification est déposée au centre des formalités des entreprises dans les quinze jours du début de l’activité.

4149 – L’option pour un régime réel. – Les exploitants au micro-BA peuvent opter pour un régime réel simplifié ou normal. L’option est valable deux ans et se reconduit tacitement pour la même période.

II/ Les particularités du micro-BA en présence de sociétés agricoles

4150 – Les sociétés agricoles. – Toutes les sociétés civiles agricoles constituées après le 1er janvier 1997 sont exclues du micro-BA210(CGI, art. 69 D), à l’exception des GAEC et des EARL unipersonnelles (CGI, art. 69 E)211.

Le GAEC a des seuils propres212. Il convient de distinguer trois hypothèses :

si le GAEC comprend quatre associés, la limite d’application du micro-BA est déterminée en fonction du nombre d’associés, multiplié par le seuil du micro-BA, soit 82 800 € × 4 = 331 200 €213 ;

si le GAEC comprend cinq ou six associés, le seuil de passage au réel est fixé à 331 200 € ;

si le GAEC comprend entre sept et dix associés, la limite d’application du micro-BA est déterminée en fonction du nombre d’associés × 82 800 € × 60 %.

Le régime micro-BA s’apprécie au niveau du GAEC214. Ainsi, l’ensemble des quotes-parts de résultats des associés relève du micro-BA, quand bien même la quote-part d’un associé au sein du GAEC cumulée avec ses recettes personnelles serait supérieure à 82 800 €. Par ailleurs, l’exploitant individuel relevant du régime réel l’année précédant son arrivée dans un GAEC bénéficie du régime micro-BA dès lors que le GAEC est en mesure de faire application de ce régime.

Le GAEC et les seuils du micro-BA

Le GAEC du « Pré du port » comprend trois associés : Emmanuel, Antoine et Christophe, détenant respectivement 60 %, 30 % et 10 % des parts. Ce GAEC réalise en N-3, N-2, N-1 des recettes moyennées de 240 000 €. La moyenne triennale de ses recettes sur la période de référence étant inférieure à 248 400 € (82 800 € × 3), le GAEC est soumis de droit au régime du micro-BA. Emmanuel est imposé à l’impôt sur le revenu selon ce régime à raison de sa quote-part dans les bénéfices du GAEC, alors même que la quote-part de la moyenne triennale des recettes lui revenant, soit 240 000 × 60 % = 144 000 €, excède le seuil de 82 800 €.

4151 – L’exploitant agricole individuel membre d’une société. – Il convient de cumuler les recettes personnelles de l’exploitant individuel et celles reçues en sa qualité d’associé pour apprécier le seuil d’assujettissement au régime du micro-BA (CGI, art. 69, I).

B/ L’imposition au réel

4152 – Le régime simplifié et normal. – Les exploitants individuels relèvent du réel simplifié sur option ou lorsque les seuils du micro-BA sont dépassés. Le régime réel normal s’applique lorsque les créances qu’ils acquièrent excèdent une moyenne de 350 000 €, mesurée sur deux années consécutives. Toutes les créances sont à prendre en compte, dès lors qu’elles proviennent de l’activité agricole. Ainsi, ne sont pas prises en compte les créances provenant d’activités commerciales ou non commerciales rattachées aux BA (CGI, art. 75). Relèvent également de plein droit du régime réel sans considération de seuil toutes les sociétés civiles agricoles créées depuis le 1er janvier 1997, à l’exception des EARL unipersonnelles et des GAEC (CGI, art. 69 D)215. Le changement de forme sociale n’entraînant pas la création d’une personne morale nouvelle, les sociétés créées avant le 1er janvier 1997 et transformées après cette date ne sont pas concernées par l’exclusion de l’article 69 D du Code général des impôts.

4153 – Option pour un régime réel. – La soumission d’une entreprise agricole au réel n’est pas nécessairement imposée par la loi. Elle peut être le fruit de la volonté de l’exploitant. En effet, seul le régime réel, normal ou simplifié, permet le rattachement des activités accessoires aux BA et l’application des spécificités fiscales agricoles216.

4154 – Les règles du régime simplifié et normal. – Les règles sont relativement proches dans les deux régimes, sauf en ce qui concerne l’évaluation des stocks. Les différences portent essentiellement sur les obligations déclaratives et comptables, allégées dans le régime simplifié. Dans les deux régimes, les bénéfices agricoles sont déterminés selon les mêmes modalités que celles applicables aux BIC, c’est-à-dire sur la base d’une comptabilité d’engagement à partir des créances acquises et des dépenses engagées.

4155 L’assiette d’imposition étant plus importante au régime réel qu’au micro-BA, le législateur a créé des dispositions fiscales spécifiques pour prendre en compte la variabilité du revenu et faciliter l’installation des jeunes agriculteurs.

§ II – Les spécificités fiscales agricoles au réel

4156 Le revenu agricole subit de fortes variations. Les raisons sont multiples. Les exploitations font face à des aléas climatiques et sanitaires. Elles subissent également une forte volatilité des marchés. La disparition progressive des mesures de marché dans le cadre de la PAC accentue ce phénomène. Ainsi, la fiscalité agricole joue un rôle correcteur pour les exploitants soumis au régime réel normal ou simplifié. Les régimes d’étalement permettent à ce titre de lisser le revenu (A), tandis que les régimes de déduction incitent à l’investissement et à l’épargne (B). Des outils existent également en matière de cotisations sociales pour éviter la progressivité des charges (C).

A/ Les régimes d’étalement du revenu

4157 La progressivité de l’impôt sur le revenu et la forte variabilité du résultat pénalisent l’activité agricole. Pour en limiter les conséquences néfastes, le législateur a mis en place deux mécanismes de lissage : la moyenne triennale (I) et l’étalement du revenu exceptionnel (II).

I/ Le régime de la moyenne triennale

4158 – Économie générale du régime. – La moyenne triennale est un mécanisme de lissage des revenus permettant d’éviter la progressivité de l’impôt (CGI, art. 75-0 B). Il permet aux agriculteurs d’être imposés sur une moyenne triennale, ayant pour assiette un bénéfice correspondant à la moyenne de l’année d’imposition et des deux années précédentes217. L’option pour la moyenne triennale n’est susceptible d’être formulée qu’à partir de la troisième année de perception des bénéfices agricoles. Elle est valable pour une durée de trois ans, tacitement renouvelable218. Elle rend impossible l’option pour l’étalement des revenus exceptionnels.

4159 – Avantages et inconvénients. – La sortie du régime de la moyenne triennale peut s’avérer pénalisante. En effet, la différence entre le bénéfice agricole de l’année et celui issu de la moyenne triennale est imposée au taux marginal d’imposition applicable au revenu global du contribuable. En cas de forte hausse des revenus, la progression corrélative de l’impôt est brutale. Cette solution s’applique également lorsque l’agriculteur renonce à l’option. En revanche, l’apport d’une entreprise individuelle en société dans les conditions de l’article 151 octies du Code général des impôts n’est pas assimilé à une cessation d’activité. Par ailleurs, les conditions de durée attachées à l’option sont contraignantes, la renonciation à l’option étant encadrée par des délais stricts. En effet, l’agriculteur ayant choisi l’option pour la moyenne triennale ne peut y renoncer avant l’écoulement du délai de trois ans. Inversement, l’agriculteur ayant renoncé au régime de la moyenne triennale n’est susceptible de s’y soumettre à nouveau qu’après l’écoulement d’un délai de trois ans.

La moyenne triennale en chiffres

Elias est éleveur de brebis et producteur de brousse de Provence. Il est soumis au régime réel. Ses bénéfices agricoles sur les trois derniers exercices sont de 80 000 € en 2015, 90 000 € en 2016 et 100 000 € en 2017. Pour l’exercice 2017, Elias opte pour la moyenne triennale. Il sera imposé non pas sur 100 000 €, mais sur la moyenne de l’exercice en cours et des deux exercices précédents, soit : (80 000 + 90 000 + 100 000) / 3 = 90 000 €.

II/ Le régime de l’étalement du revenu exceptionnel

4160 Le régime d’étalement du revenu exceptionnel constitue l’un des avantages les plus notables du régime des bénéfices agricoles par rapport aux BIC et BNC.

4161 – Économie générale du régime. – Les revenus exceptionnels d’origine agricole sont étalés sur sept exercices, sur option de l’exploitant (CGI, art. 75-0 A)219. Ce régime permet d’étaler une hausse importante du résultat par fractions égales, l’année en cours et les six années suivantes. Il s’applique aux exploitants ayant clôturé au moins quatre exercices. Il est exclusif de la moyenne triennale. Le revenu exceptionnel ouvrant droit au dispositif d’étalement s’entend :

soit de la fraction du bénéfice dépassant 25 000 € ou une fois et demie la moyenne des résultats des trois exercices précédents ;

soit du montant correspondant à la différence entre les indemnités perçues en cas d’abattage de troupeaux pour raisons sanitaires et la valeur en stock ou en compte d’achat des animaux abattus.

4162 – Caractère exceptionnel des revenus. – Les revenus exceptionnels sont réalisés dans le cadre normal de l’activité agricole et dans des conditions d’exploitation comparables à celles des trois années précédentes. Ainsi, le caractère exceptionnel des revenus résulte en général d’une récolte exceptionnelle ou d’une commercialisation réussie. Le profit engendré par la cession d’un actif immobilisé ou des stocks ne constitue pas un revenu exceptionnel. Les exploitants ayant modifié leurs conditions d’exploitation pendant l’année de réalisation du revenu exceptionnel ou au cours des trois années précédentes ne bénéficient pas du système d’étalement. Ces hypothèses concernent notamment les changements d’activité et les modifications importantes de la superficie exploitée ou des capacités de production.

L’étalement du revenu exceptionnel en chiffres

Albert et Louise sont producteurs de farine de petit épeautre dans les Alpes-de-Haute-Provence. Ils sont soumis au régime réel. Leurs résultats au cours des trois derniers exercices sont les suivants : 45 000 € en 2014, 50 000 € en 2015, 58 000 € en 2016. En 2017, ils réalisent une année exceptionnelle, leurs bénéfices s’élevant à 80 000 €. La moyenne des revenus 2014 à 2016 est de 51 000 €. Une fois et demie cette moyenne représente 76 500 €. Le dispositif d’étalement du revenu exceptionnel peut s’appliquer, le revenu 2017 étant supérieur à 25 000 € et une fois et demie la moyenne des revenus des trois exercices précédents. Le revenu exceptionnel est de : 80 000 – 51 000 = 29 000 €. Ce bénéfice est rattaché par 1/7e, soit 4 143 €, aux résultats de 2017 et des six exercices suivants. Le nouveau bénéfice de 2017 est ainsi de 55 143 € (51 000 + 4 143), au lieu de 80 000 € initialement. Il reste 24 858 € à imposer sur les six exercices suivants.

Cet avantage est susceptible d’être cumulé avec le système du quotient de droit commun (CGI, art. 163 0-A)220.

B/ Les régimes de déduction

4163 Les régimes de déduction ont été mis en place par le législateur pour permettre à l’exploitant de déduire chaque année une fraction de son résultat fiscal en vue de financer des investissements ou de faire face à des aléas économiques ou climatiques. Les agriculteurs au réel disposent de deux régimes : la déduction pour investissement (I) et la déduction pour aléas (II). Certaines modalités d’application sont communes à ces deux régimes (III).

I/ Le régime de la déduction pour investissement

4164 – Économie générale du régime. – La déduction pour investissement permet aux exploitants de déduire chaque année de leurs revenus agricoles une fraction de leur bénéfice en vue de financer certains investissements (CGI, art. 72 D). Les sommes déduites sont obligatoirement investies dans l’acquisition, la production de stocks de produits, d’animaux dits « à rotation lente » (dont le cycle de rotation est supérieur à un an) ou la souscription de parts de sociétés coopératives agricoles221. Lorsque la déduction est affectée à la souscription de parts de coopératives, elle est réintégrée par dixième au titre du résultat de l’exercice d’acquisition et des neuf suivants. La déduction pour investissement est obligatoirement utilisée au cours des cinq exercices suivant celui de sa déduction. À défaut, elle est réintégrée au titre du cinquième exercice, majorée d’un montant de 0,20 % par mois. L’exploitant a la faculté de rapporter tout ou partie de la DPI au résultat d’un exercice antérieur lorsque ce résultat est inférieur d’au moins 40 % à la moyenne des résultats des trois exercices précédents.

La déduction pour investissement en chiffres

1) Philippe, viticulteur à Arbois, apporte sa production de vin jaune à une fruitière vinicole dont il est coopérateur. En 2016, son résultat est de 100 000 €. Il dispose d’un montant de DPI de 20 000 €. Il affecte la DPI à l’acquisition de parts de la fruitière pour 23 000 €. Il déclare en 2016 un résultat de 100 000 – 20 000 + 2 000 (1/10e de la DPI rapportée au titre du résultat de l’exercice) = 82 000 €.

La réintégration de la DPI devrait s’étaler jusqu’en 2026. En 2017, suite à de fortes gelées entraînant la perte d’une partie de sa récolte, il a des besoins de trésorerie. Il revend ses parts de coopérative. Son résultat est de 50 000 €, auquel il rajoute 18 000 € (9/10e de la DPI non encore rapportée). Il déclare ainsi un résultat de 68 000 €.

2) Philippe a pratiqué une DPI de 25 000 € en 2013 non encore utilisée. La moyenne des résultats 2014-2015-2016 est de 95 000 €. En 2017, les vignes ayant gelé à plus de 50 %, le résultat est de 50 000 € (baisse supérieure à 40 %). Philippe peut décider de réintégrer par anticipation la DPI du fait de la forte baisse de son résultat. Son bénéfice 2017 est alors de 50 000 + 25 000 = 75 000 €.

3) Les données sont les mêmes que dans l’exemple précédent. Le résultat en 2017 n’est plus de 50 000 €, mais de 60 000 € (baisse inférieure à 40 %). Philippe ne peut pas réintégrer la DPI pratiquée en 2013. En 2018, son résultat est de 110 000 €. 2018 étant le cinquième exercice suivant la pratique de la DPI, Philippe doit réintégrer la déduction s’il ne l’a pas utilisée. La réintégration éventuelle est égale au montant de la DPI, majoré de 0,20 % par mois, soit 25 000 + (25 000 × 12 %) = 28 000 €. Le résultat déclaré en 2018 est de 138 000 €. La réintégration de la DPI entraîne une majoration de l’assiette imposable de 28 000 €.

II/ Le régime de la déduction pour aléas

4165 – Économie générale du régime. – La déduction pour aléas est un outil de gestion des risques incitant les exploitants agricoles à constituer une épargne de précaution (CGI, art. 72 D bis). L’épargne professionnelle ainsi constituée est déduite du bénéfice à condition d’être placée à hauteur de 50 % minimum sur un compte épargne spécialement dédié à cet effet et inscrit à l’actif de l’entreprise. Les intérêts engendrés ne sont pas soumis à imposition (CGI, art. 72 D bis, I, al. 2).

La déduction pour aléas concerne la survenance d’événements naturels et économiques.

Ils s’entendent :

soit d’une baisse de la valeur ajoutée de l’exercice par rapport à la moyenne des valeurs ajoutées des trois exercices précédents supérieure à 10 % ;

soit d’une baisse de la valeur ajoutée de l’exercice par rapport à la moyenne des valeurs ajoutées des trois derniers exercices clos avant l’exercice précédent supérieure à 15 %.

Pour apprécier la baisse, la valeur ajoutée de l’exercice doit être réalisée dans des conditions comparables à celles des trois exercices de référence retenus.

La DPA est obligatoirement utilisée au titre des sept exercices suivant celui de sa déduction. À défaut, elle est réintégrée au titre du septième exercice, majorée d’un intérêt de retard fiscal s’élevant à 0,89 % au 1er janvier 2018. En cas d’utilisation non conforme, le montant réintégré est majoré de l’intérêt au taux légal de 0,20 % par mois.

La déduction pour aléas en chiffres

Frédéric, maraîcher bio à Vallauris, procède à une DPA de 27 000 € en 2010. Il place 50 % de la DPA, soit 13 500 €, sur un compte d’affectation spéciale. Son résultat est ainsi minoré du montant total de la DPA, soit 27 000 €. Au cours des exercices suivants, de 2011 à 2017, la somme placée rapporte 2 % par an. Les intérêts produits capitalisés sur la période s’élèvent à 2 007 €. À la fin de la période, l’épargne constituée est de 15 507 €. Les intérêts capitalisés ne sont pas soumis à imposition.

1) Utilisation conforme de la DPA

Au cours des sept exercices, Frédéric utilise les sommes déduites au titre de la DPA ainsi que les intérêts acquis selon l’un des cas prévus (CGI, art. 72 D bis, I, 2). Les sommes déduites (27 000 €) et les intérêts (2 007 €) sont rapportés au résultat de chaque exercice concerné, majorant ainsi d’autant le bénéfice agricole.

2) Utilisation non conforme de la DPA

Au terme du septième exercice, Frédéric n’ayant pas utilisé conformément la DPA, les sommes déduites et les intérêts sont rapportés au résultat de l’exercice et majorés du taux d’intérêt de retard : 29 007 + (29 007 × 12 %) = 32 488 €.

3) Non-utilisation de la DPA

Au terme du septième exercice, Frédéric n’ayant pas utilisé les sommes déduites au titre de la DPA, ces dernières ainsi que les intérêts sont rapportés au résultat de l’exercice et majorés du taux d’intérêt légal. Le bénéfice agricole est majoré de 29 007 €, plus l’intérêt légal de 0,89 % au premier semestre 2018, soit 29 007 + (29 007 × 6,23 %) = 30 814 €.

III/ Les conditions de déduction des DPI et DPA

4166 – Plafond commun aux DPI et DPA. – Le plafond de déduction des DPI et DPA est commun222. L’exploitant a la faculté de pratiquer une seule déduction ou les deux, ventilées comme il le souhaite, sous réserve de respecter le plafond fixé au plus petit des trois montants suivants (CGI, art. 72 D ter) :

le résultat de l’exercice ;

la somme forfaitaire de 27 000 € ;

ou la différence positive entre 150 000 € et le montant des déductions pratiquées et non encore rapportées au résultat, majoré, le cas échéant, des intérêts capitalisés.

Ainsi, une DPI ou une DPA ne peut avoir pour effet de porter le montant total des sommes déjà déduites et leurs intérêts capitalisés au-delà de 150 000 €. Le plafond de la DPA est majoré de 500 € par salarié équivalent temps plein si le résultat de l’exercice est supérieur d’au moins 20 % à la moyenne des résultats des trois exercices précédents, établie sans tenir compte des reports déficitaires (CGI, art. 72 D ter).

4167 – Exclusions et exceptions. – Les entreprises dont les revenus agricoles proviennent exclusivement de la location de droits à paiement de base ou de la production de biomasse ou d’énergie ne bénéficient pas des régimes de DPI et de DPA (CGI, art. 72 quater). En pratique, seules les entreprises réalisant leurs bénéfices agricoles uniquement par la location de DPB223sont exclues de ces dispositifs.

En cas de cessation d’activité, les DPI et DPA non encore utilisées sont rapportées au titre du dernier exercice social avec application des majorations énoncées plus haut. Il existe cependant deux exceptions à la réintégration :

l’apport de l’entreprise individuelle à une société relevant des BA dans les conditions de l’article 151 octies du Code général des impôts ;

et la transmission à titre gratuit d’une entreprise individuelle dans les conditions de l’article 41 du même code.

Le plafond DPI/DPA en chiffres

L’EARL « La palme d’or » produit de l’huile d’olive AOP près de Cannes. Elle est composée de cinq associés exploitants et réalise un bénéfice de 250 000 € en 2017. Au titre des exercices clos antérieurement, elle a pratiqué des DPI et DPA non encore utilisées ou non encore rapportées au résultat pour un montant de 200 000 €. Au titre de l’exercice clos en 2017, le plafond de déduction correspond à la plus faible des trois sommes suivantes : 250 000 € (bénéfice imposable de l’EARL) ; 108 000 € (27 000 € multiplié par quatre associés) ; 400 000 € (différence entre 150 000 € multiplié par quatre et 200 000 €, plafond pluriannuel des déductions). La dotation annuelle DPI/DPA est ainsi plafonnée au plus faible de ces trois montants. Au titre de l’année 2017, l’EARL « La palme d’or » peut pratiquer une DPI ou DPA à hauteur de 108 000 €.

La prise en compte de la variabilité du revenu pour les prélèvements sociaux joue un rôle correctif essentiel. Elle permet d’optimiser la gestion de l’exploitation. Or, les prélèvements sociaux s’ajoutent aux prélèvements fiscaux. Ainsi, il convient d’appréhender les spécificités agricoles en matière de cotisations sociales.

C/ Les spécificités agricoles en matière de cotisations sociales

4168 Il convient en premier lieu de déterminer l’assiette des cotisations sociales (I), la prise en compte de la variabilité des revenus permettant en second lieu de lisser ces charges (II).

I/ La détermination de l’assiette des cotisations sociales

4169 – Le choix entre l’assiette triennale et l’assiette annuelle. – Tous les revenus déclarés dans la catégorie des bénéfices agricoles sont retenus pour la détermination de l’assiette sociale, y compris les revenus de nature BIC ou BNC correspondant à des activités accessoires rattachées aux BA (CGI, art. 75).

L’assiette des cotisations sociales est déterminée :

soit à partir de l’assiette triennale constituée par les revenus professionnels des années N-3, N-2 et N-1 ;

soit à partir des revenus de l’année N-1.

Contrairement à l’impôt sur le revenu, l’assiette triennale est la règle. L’assiette annuelle est une option devant être effectuée au plus tard le 30 novembre pour une prise d’effet le 1er janvier de l’année suivante. Elle est souscrite pour une durée de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction. En moyenne, plus de 80 % des exploitations agricoles choisissent l’assiette triennale permettant un lissage des cotisations.

II/ La prise en compte de la variabilité des revenus dans l’assiette sociale

4170 – Calcul de l’assiette sociale. – L’assiette sociale est plus large que l’assiette fiscale. En effet, certains retraitements sont effectués afin de déterminer l’assiette sociale.

Sont notamment exclus de l’assiette des cotisations sociales :

les options pour le régime de la moyenne fiscale triennale et pour l’étalement des revenus exceptionnels ;

l’abattement fiscal de cinq ans bénéficiant aux jeunes agriculteurs (CGI, art. 73 B).

En revanche, la dotation aux jeunes agriculteurs déductible du revenu fiscal n’est pas réintégrée dans l’assiette sociale. Les DPI et DPA sont également prises en compte pour la détermination de l’assiette sociale. D’autres déductions moins spécifiques la minorent. Il s’agit des intérêts d’emprunt pour l’acquisition de parts sociales, des cotisations au titre d’un régime complémentaire, de la rente du sol, etc.

4171 – Le mécanisme de l’à-valoir social (CGI, art. 72 F). – L’objectif du mécanisme de l’à-valoir social est de faire supporter une charge à l’exploitant le plus en adéquation possible avec l’année de réalisation d’un résultat important224. Ainsi, les exploitants ont la faculté d’opter pour le paiement d’une avance de cotisation sociale auprès de la MSA. Cet à-valoir social ne peut excéder 50 % du montant des dernières cotisations appelées. Il est déductible du résultat fiscal et social de l’exercice au cours duquel il est versé. Il s’agit également d’un moyen de lisser les revenus afin de limiter la progressivité de l’impôt en présence d’une année de résultat exceptionnel.

4172 – Pour aller plus loin. – Les mécanismes de lissage et d’étalement spécifiques à l’activité agricole ne constituent pas des avantages fiscaux. En réalité, il s’agit de correctifs nécessaires tenant compte de la variabilité importante du résultat des agriculteurs.

En 2015, une mission parlementaire a recommandé le maintien de ces dispositifs225, en préconisant :

de réduire le délai minimal d’option à trois ans pour le régime de la moyenne fiscale triennale ;

de permettre au contribuable de déterminer librement le montant de ses réintégrations au cours des sept exercices pour l’étalement du revenu exceptionnel.

Les mécanismes de DPI et DPA sont également des outils de gestion efficaces. Sur un plan purement fiscal, la DPA apporte les mêmes avantages que la DPI, mais avec une obligation de placement.

La mission parlementaire de 2015 recommande :

d’élargir la notion d’aléa afin de rendre la DPA plus souple et plus attractive ;

de supprimer l’obligation de déposer des fonds de dotation sur un compte bloqué ;

et d’allonger le délai de réintégration de la DPA d’un an à deux ans à compter de la survenance de l’aléa.

Elle souhaiterait également que la DPI puisse être utilisée pour l’acquisition ou la construction d’immobilisations amortissables nécessaires à l’activité et respectant des conditions techniques permettant de réduire l’impact sur l’environnement. Cette mission parlementaire a été partiellement entendue avec l’assouplissement du régime de l’option triennale apporté par la loi de finances 2018.

Enfin, l’assiette sociale triennale a pour principal avantage de permettre un lissage de l’assiette sociale et une imputation des déficits sur des années bénéficiaires.

La mission parlementaire de 2015 recommande :

d’étendre le mécanisme de l’étalement des revenus exceptionnels au calcul des cotisations sociales ;

d’augmenter l’à-valoir social de 50 à 75 % du montant des dernières cotisations appelées.

Les outils de demain

Si les propositions parlementaires vont dans le bon sens, elles restent insuffisantes. Les systèmes de lissage et de déduction sont complexes et parfois dangereux. En effet, ils sont souvent liés à la réalisation d’une année de revenus exceptionnelle. Les agriculteurs sont alors incités à utiliser tout ou partie de ces mécanismes pour éviter la progressivité de l’impôt. Or, les choix opérés peuvent s’avérer inopportuns dans les périodes difficiles. D’autres méthodes simples et efficaces pourraient être mises en place. En premier lieu, il conviendrait de permettre la constitution de réserves à une fiscalité réduite. Ces réserves pourraient être utilisées au gré de l’exploitant, pour investir ou maintenir les liquidités de l’entreprise les mauvaises années. Bien entendu, le prélèvement de ces réserves engendrerait une imposition dans les conditions de droit commun. En second lieu, un outil bénéficiant aux sociétés à l’IS pourrait être transposé aux exploitations agricoles à l’IR : il s’agit du carry back ou report en arrière226. En résumé, ce mécanisme permet d’imputer le déficit constaté à la clôture d’un exercice sur le bénéfice de l’exercice précédent et d’obtenir ainsi un crédit d’impôt. Ce système existe déjà en Allemagne où il est possible de reporter un déficit sur deux ans en arrière. Si la totalité du déficit n’est pas imputable sur les deux années précédentes, le déficit restant est reporté sur les années à venir. Aux Pays-Bas, il est également possible d’effectuer un report en arrière sur les trois années précédentes.

4173

Les aides à l’installation des jeunes agriculteurs

– L’abattement fiscal de cinq ans. – Les jeunes agriculteurs bénéficiant de la dotation d’installation aux jeunes agriculteurs (DJA) ont droit à un abattement fiscal correspondant à 50 % du montant des bénéfices imposables pendant une durée de soixante mois (CGI, art. 73 B). Cet abattement est porté à 100 % au titre de l’exercice au cours duquel l’inscription de la DJA est comptabilisée227. Pour y prétendre, le jeune agriculteur doit remplir les deux conditions cumulatives suivantes : percevoir cette dotation et relever du régime réel normal ou simplifié.

– Le dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties. – Les jeunes agriculteurs bénéficient pendant les cinq années suivant leur installation d’un dégrèvement automatique de 50 % de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, à condition d’être bénéficiaires de la dotation d’installation228. Sur délibération communale, ils bénéficient également d’un dégrèvement des 50 % restants (CGI, art. 1647-00 bis).

– L’exonération partielle et temporaire des cotisations sociales. – L’assiette des cotisations sociales des jeunes agriculteurs bénéficie d’une exonération partielle et dégressive pendant les cinq premières années d’exploitation : 65 % la première année, 55 % la deuxième, 35 % la troisième, 25 % la quatrième et 15 % la cinquième.

– La dotation aux jeunes agriculteurs (DJA). – La dotation aux jeunes agriculteurs est un soutien financier versé aux jeunes agriculteurs afin de favoriser la viabilité économique de leur projet. Elle est financée par l’État et l’Union européenne par l’intermédiaire du Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER).

Les conditions pour bénéficier de la DJA sont les suivantes229 :

s’installer pour la première fois en tant que chef d’exploitation individuel ou en société ;

être assujetti au régime des non-salariés agricoles ;

être âgé de plus de dix-huit ans et de moins de quarante ans ;

disposer de la capacité professionnelle ;

présenter un plan d’entreprise viable et cohérent permettant de dégager un revenu disponible agricole supérieur au SMIC à horizon de quatre années.

Par ailleurs, le bénéficiaire de la dotation s’engage :

à mettre en œuvre son plan d’entreprise dans un délai de neuf mois à compter de la décision d’octroi des aides ;

à être agriculteur à titre principal ou secondaire pendant cinq ans minimum ;

à tenir une comptabilité de gestion correspondant aux normes du plan comptable agricole ;

à mettre en conformité son exploitation avec les législations concernant la protection de l’environnement, l’hygiène et le bien-être des animaux ;

à informer le préfet de toutes modifications du projet, du plan de financement et de ses engagements.

Le montant de la DJA est fixé par zone dans chaque région. Il s’inscrit dans les limites nationales suivantes :

Section II – L’agriculture et les sociétés à l’IS

4174 Historiquement, l’activité agricole est exercée par un exploitant individuel assujetti à l’impôt sur le revenu. Or, le passage à l’agriculture de groupe est aujourd’hui avéré230. Ce changement de dimension, corrélé à la nécessité d’investir toujours davantage, invite à s’interroger sur les objectifs poursuivis lors du passage à l’impôt sur les sociétés. Pour l’essentiel, il s’agit de l’optimisation de l’assiette sociale (Sous-section I) et de la maîtrise de l’assiette fiscale (Sous-section II).

Sous-section I – L’optimisation de l’assiette sociale

4175 – Le choix de l’IS pour contourner le statut de non-salarié. – Depuis le 1er janvier 2014, l’assiette des cotisations sociales a été élargie pour les associés relevant du régime des non-salariés agricoles231. Elle a en effet été étendue aux revenus perçus par le conjoint, le partenaire pacsé et les enfants mineurs non émancipés, dès lors que ces revenus sont supérieurs à 10 % du capital social, primes d’émission et sommes versées en compte courant d’associé détenu par ces mêmes membres de la famille. Ainsi, le législateur a mis fin à la technique d’optimisation sociale consistant à associer son conjoint non exploitant dans une EARL ou une SCEA en lui attribuant une portion significative du capital social, ceci afin d’échapper à due proportion aux cotisations sociales sur le résultat. Depuis cette loi, la minoration de l’assiette sociale passe soit par un montage holding, soit par l’abandon du statut social de non-salarié agricole. Le dispositif de l’article L. 731-14, 4° du Code rural et de la pêche maritime étant propre au régime des non-salariés agricoles, le passage à un statut de salarié permet effectivement d’y échapper.

4176 – La SAS : un outil pour réduire les cotisations sociales. – Les dirigeants de SAS sont socialement considérés comme salariés, dès lors que leurs fonctions sont rémunérées (CSS, art. L. 311-3, 23°). Ainsi, la transformation d’une société civile agricole en SAS permet à l’exploitant d’échapper au statut de non-salarié agricole. La présence de son conjoint, partenaire pacsé ou de ses enfants mineurs dans le capital social n’emporte aucune conséquence sur la détermination de son assiette de cotisations, cantonnées aux seules rémunérations perçues au titre de ses fonctions de direction.

Un nouvel intérêt pour les sociétés holding

L’autre voie permettant de réduire l’assiette des cotisations sociales des non-salariés agricoles consiste à utiliser une société holding. L’idée est simple : éviter que les conjoints, partenaires pacsés et enfants mineurs non émancipés soient directement associés. Pour cela, il leur suffit de devenir associés d’une société holding détenant une participation dans la société d’exploitation. La quote-part du résultat de la société agricole distribuée à la société holding n’est en effet pas concernée par la réintégration de l’article L. 731-14, 4° du Code rural et de la pêche maritime. Cette technique d’optimisation nécessite une prudence particulière. Pour caractériser l’abus de droit social, il suffit en effet de démontrer que la société holding a été créée dans le seul but de réduire l’assiette des cotisations (C. rur. pêche marit., art. 725-25)232. Ainsi, il convient de donner une substance effective à la société holding, en l’inscrivant dans un projet d’investissement ou de diversification de l’activité, ou en l’utilisant comme outil de transmission de la société d’exploitation agricole.

Sous-section II – La maîtrise de l’assiette fiscale

4177 – Une optimisation de l’imposition. – À la place du barème progressif de l’IR, la société à l’IS est imposée sur ses bénéfices à des taux variant entre 15 et 33,33 %. La pression fiscale subie par l’agriculteur peut être sensiblement la même, que les revenus de l’entreprise soient soumis à l’IS ou à l’IR. Mais ce constat ne s’applique que si les dividendes sont entièrement distribués. En effet, à défaut de distribution, les bénéfices dégagés par l’entreprise sont uniquement soumis à l’impôt sur les sociétés. Cette fiscalité orientée vers l’entreprise incite les associés à mettre en place des stratégies de développement. Les bénéfices distribués au profit d’une personne physique sont imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers et soumis de plein droit au prélèvement forfaitaire unique (PFU) au taux global de 30 % (12,8 % au titre de l’IR et 17,20 % au titre de la CSG) et sur option au barème progressif de l’IR après application d’un abattement de 40 %233.

4178 – La possibilité de constituer des réserves à moindre coût fiscal. – La possibilité de constituer des fonds propres à moindre coût fiscal à l’IS est particulièrement adaptée à la volatilité des revenus agricoles, à la diversification de l’activité et à une meilleure gestion des aléas climatiques et économiques. Ainsi, la faculté de ne pas distribuer le résultat de la société est l’un des points les plus importants à prendre en compte dans une stratégie de passage à l’IS.


169) V. déjà sur ce thème les travaux conséquents du 105e Congrès des notaires de France, Propriétés incorporelles, Lille, 17-20 mai 2009, p. 580 et s.
170) BOI-BA-CHAMP-10-10-20, § 1 et s.
171) Depuis la loi relative au développement des territoires ruraux du 23 février 2005.
172) Depuis la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999.
173) Meneur de chiens de traîneaux.
174) F. Nihous, La diversification et la valorisation des activités agricoles au travers des services participant au développement rural, rapport de mission, Ministère de l’Agriculture et de la pêche, 30 juin 2008.
175) R. Andrieu, Les incitations et les obstacles à la diversification agricole, rapport pour la France, European Congress and Colloquium of Agricultural Law Cambridge, 23 au 26 sept. 2009.
176) BOI-BA-CHAMP-10-10-20, § 1 et s.
177) Modification apportée par la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007, art. 24 : « Sont considérés comme bénéfices de l’exploitation agricole les revenus provenant de la vente de biomasse sèche ou humide, majoritairement issue de produits ou sous-produits de l’exploitation ».
178) M.-P. Madignier, Fiscalité du tourisme rural : RD rur. 2007, étude 22. – BOI-BA-CHAMP-10-10-20, § 280.
179) Cass. soc., 21 nov. 1996, n° 94-21.765, n° 4453 P : Bull. civ. 1996, V, n° 398.
180) CA Riom, 13 janv. 1992 : JCP N 1992, n° 13.
181) Cass. com., 13 juill. 2010, n° 09-16.100, n° 779 F : JCP N 2010, 1343, note B. Grimonprez.
182) L. fin. rect. 1992, n° 92-1467, 31 déc. 1992, mod. par L. fin. rect. 1997, n° 97-1239 et par Ord. n° 2000-916, 19 sept. 2000. – L. fin. 2018, n° 2017-1837, 30 déc. 2017 : JO 31 déc. 2018.
183) BOI-BA-CHAMP-10-40, § 150 et s.
184) L. n° 2010-788, 12 juill. 2010, art. 88, II. – F. Roussel, Photovoltaïque et agriculture : de nouveau entre ombre et lumière : RD rur. 2010, 386 (disposition adoptée pour le photovoltaïque, mais aucune disposition n’a été adoptée en ce sens pour l’éolien).
185) V. nos a4163 et s.
186) O. Péchamat, Photo sur le voltaïque et les autres énergies renouvelables : quelle fiscalité pour la production d’énergie renouvelable ? : RD rur. 2010, 381. – BOI-BA-BASE-40, § 40.
187) CE, 9e et 10e ss-sect., 1er juill. 2009, n° 296842, GAEC Montjean Côteaux Delaunay Père et fils.
188) F. Roemer, GAEC et fiscalité : RD rur. 2012, 408. – GAEC et pluriactivité fiscale : Agriculture de groupe 2009, n° 365. – L. Manteau, Les couples en société : RD rur. 2013, 409.

189) Exemple inspiré du BOI-BA-CHAMP-10-40, § 220.

190) Les EIRL agricoles ne sont plus assimilées à des EARL depuis le 30 juillet 2011.
191) BOI-BA-CAMP-10-40, § 240.
192) Sauf à respecter les conditions de l’article 202 ter, I du Code général des impôts.
193) BOI-BA-CHAMP-10-40, § 290.
194) L. Manteau, Le dépassement de l’objet social dans les sociétés civiles réalisant des activités équestres : RD rur. 2014, n° 425, colloque 26.
195) Après une certaine controverse, le bénéfice de la transparence aux soutiens de la PAC a été confirmé pour les GAEC totaux. En contrepartie, le contrôle des GAEC a été renforcé par l’article R. 323-18 du Code rural et de la pêche maritime.
196) Instr. DGPAAT/SDEA/2015-286 et Circ. DGPAAT/SDEA/C2011-3032.
197) Instr. DGPAAT/SDEA/2014-1051 : cette instruction précise que le non-respect par le GAEC total des critères sur la base desquels il a été agréé, dont son objet agricole, entraîne la perte de la transparence économique pour la campagne PAC en cours le jour où le manquement a été constaté et jusqu’à la campagne suivant la date de sa mise en conformité.
198) J.-L. Chandellier, Sociétés civiles agricoles et activités commerciales : aux limites de l’objet : RD rur. 2014, n° 424.
199) Influence des régimes de fiscalité de l’entreprise agricole sur les structures de production : analyse comparée dans quatre pays européens, CERFRANCE, rapp. août 2012.
200) BOI-BA-REG-10-10-15.
201) V. n° a4158.
202) BOI-BA-REG-10-10-20, § 10.
203) BOI-TVA-SECT-80.
204) BOI-BA-REG-10-20-10, § 80.
205) BOI-BA-REG-10-20-10.
206) BOI-BA-REG-10-10-20, § 10.
207) L. fin. 2017, n° 2016-1917, 29 déc. 2016.
208) BOI-BA-REG-10-10-20, § 20.
209) V. n° a4080.
210) BOI-BA-REG-15 au III, § 80 et s.
211) L. fin. rect. 2016, n° 2016-1918, 29 déc. 2016, art. 100 : JO 30 déc 2016.
212) Circ. CCMSA DR-2017-006, 27 juin 2017.
213) Sont exclus de ce calcul les associés dont l’âge excède, au premier jour de l’exercice, celui auquel leur est ouvert le droit à une pension de retraite.
214) BOI-BA-REG-10-40-20, § 120.
215) V. n° a4150.
216) V. n° a4128.
217) BOI-BA-LIQ-20-20.
218) Modification apportée par la loi de finances 2018. Auparavant, la durée de l’option était de cinq ans.
219) BOI-BA-LIQ-10-20.
220) BOI-IR-LIQ-20-30-20.
221) BOI-BA-BASE-30-20-20-20.
222) BOI-BA-BASE-30-40.
223) V. nos a4182 et s.
224) BOI-BA-BASE-20-30-40-10, § 310.
225) Rapport sur la fiscalité agricole, Rapp. AN n° 2722, F. André, 15 avr. 2015.
226) La nécessaire adaptation à la dynamique économique des exploitations, Déméter, 2014.
227) BOI-BA-BASE-30-10-30-20.
228) BOI-IF-TFNB-50-10-20-20, § 230 et s.
229) Instr. techn. DGPE/SDC/2017-479, 22 mai 2017, relative aux conditions d’octroi des aides à l’installation 2014-2020 modifiant et complétant l’instruction DGPAAT/SDEA/2015-330 du 10 avril 2015.
230) P. Pollet, De l’exploitation familiale à l’entreprise agricole : dossier INSEE 2014.
231) L. n° 2013-03, 23 déc. 2013, de financement de la sécurité sociale pour 2014, art. 9.
232) Cass. 2e civ., 10 oct. 1013, n° 12-24.014, inédit. – Cass. 2e civ., 8 oct. 2015, n° 14-24.501 : Bull. civ. 2015, II, n° 12, p. 653, comm. J.-J. Barbièri.
233) La loi de finances pour 2018 a recréé le prélèvement forfaitaire libératoire existant avant 2013, mais ce PLF était optionnel tandis que le PFU est de principe.

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