CGV – CGU

Chapitre II – La compensation des atteintes aux milieux naturels

Partie II – Un double défi : procéder à la transition énergétique tout en logeant la population
Titre 2 – Le besoin de loger la population en préservant les milieux naturels
Sous-titre 2 – La préservation des milieux naturels
Chapitre II – La compensation des atteintes aux milieux naturels

4690 La démographie actuelle engendre des besoins croissants en logements et infrastructures divers. L’utilisation accrue des espaces déjà urbanisés, bien qu’essentielle, n’est pourtant pas suffisante. L’artificialisation de nouveaux espaces porte nécessairement atteinte à l’environnement.

La loi sur la protection de la nature du 10 juillet 1976 a intégré pour la première fois le respect de préoccupations environnementales dans les procédures d’autorisation de travaux ou d’aménagements768. À ce titre, la demande d’autorisation doit comprendre les mesures envisagées permettant d’éviter les atteintes à l’environnement ; à défaut, de les réduire au maximum et, enfin, de compenser les conséquences dommageables pour l’environnement. C’est le triptyque « éviter, réduire, compenser ».

L’évitement et la réduction ne sont pas toujours possibles ou malheureusement insuffisamment appréhendés par le maître d’ouvrage. Ainsi, la compensation censée intervenir en ultime ressort est fréquente en pratique.

Plusieurs législations ont repris ce principe. Certaines pour limiter les atteintes environnementales à des sites ou des espèces spécifiques. D’autres pour lutter contre la raréfaction des terres servant de support à des activités nécessaires telles que l’agriculture ou la forêt.

Il existe ainsi plusieurs formes de compensation, classées en deux catégories :

la compensation écologique propre à la biodiversité (Section I) ;

les compensations sectorielles relatives à l’agriculture et à la forêt (Section II).

Section I – La compensation écologique

4691 Au fil du temps, l’obligation de compensation écologique a été étendue et renforcée (Sous-section I). Il convient aujourd’hui d’en appréhender les modalités pratiques (Sous-section II).

Sous-section I – L’évolution de la compensation écologique

4692 Le principe général de la compensation a été repris dans des réglementations spécifiques (§ I). Il a également été renforcé afin d’obtenir des résultats (§ II).

§ I – La compensation écologique : un principe général repris dans des réglementations spécifiques

4693 La compensation représente l’ultime recours aux dégâts causés par les aménagements et ouvrages importants à l’environnement (A). Le principe existe dans plusieurs législations, l’objectif étant de protéger des éléments naturels spécifiques (B).

A/ Le principe général de la compensation

4694 – Le champ d’application originel de la compensation. – La séquence « éviter, réduire, compenser » résulte de la loi sur la protection de la nature du 10 juillet 1976, ayant créé l’étude d’impact préalable à la réalisation d’aménagements ou d’ouvrages susceptibles de porter atteinte aux milieux naturels. Depuis, le dispositif a été complété (C. env., art. L. 122-1 à L. 122-3-4 et R. 122-1 à R. 122-14). Il comporte aujourd’hui une évaluation environnementale comprenant une étude d’impact des incidences sur l’environnement769.

Le législateur énumère les projets relevant de l’évaluation environnementale, en distinguant ceux qui y sont systématiquement soumis et ceux qui y sont soumis après examen au cas par cas (C. env., art. R. 122-2).

L’étude d’impact comprend notamment les mesures envisagées pour éviter, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables pour l’environnement (C. env., art. L. 122-3, II, 2°, c).

Le maître de l’ouvrage joint une description des mesures envisagées pour la protection de l’environnement et pour leur suivi. En cas d’absence de mesure de compensation, le maître de l’ouvrage est tenu d’en justifier l’impossibilité (C. env., art. R. 122-5, II, 8°).

L’étude d’impact comportant un volet réducteur et compensatoire aux atteintes écologiques s’applique également à la réglementation propre aux ICPE (C. env., art. R. 512-8), aux continuités écologiques (C. env., art. L. 371-2) et aux schémas régionaux de cohérence écologique (C. env., art. L. 371-3)770.

Son objectif est d’informer l’administration et le public des effets néfastes du projet sur l’environnement. Par ailleurs, pour autoriser le projet, l’autorité compétente prend en considération l’étude d’impact (C. env., art. L. 122-1-1). L’absence d’étude d’impact empêche la délivrance de l’autorisation administrative.

B/ Les compensations spécifiques

4695 – Les législations spécifiques. – La séquence « éviter, réduire, compenser » ne se limite pas à l’étude d’impact.

Le législateur l’a reprise dans plusieurs réglementations spécifiques :

la protection des sites Natura 2000 (C. env., art. L. 414-4 et s. et R. 414-19 et s.) ;

la protection des espèces de faune et de flore sauvage (C. env., art. L. 411-1 et s. et R. 411-1 et s.) ;

la protection des milieux aquatiques et humides (C. env., art. L. 214-1 et s. et R. 214-1 et s.) ;

les mesures de réparation des dommages environnementaux (C. env., art. L. 162-9)771.

Il n’existe pas de cadre réglementaire commun. Par ailleurs, la finalité de la compensation varie d’un texte à l’autre772. En effet, chaque législation s’intéresse à la protection d’un élément patrimonial spécifique et la compensation n’est pas ici envisagée comme une protection générale des milieux qualifiés d’ordinaires773.

L’effectivité des mesures de compensation visées par toutes ces dispositions est relative, aucune mesure d’accompagnement, de méthode, de contrôle et de sanction n’étant prévue.

§ II – Le renforcement de l’obligation de compensation écologique pour la reconquête de la biodiversité

4696 – La compensation écologique dans la loi pour la reconquête de la biodiversité. Face à l’efficacité très limitée des dispositifs protecteurs des milieux naturels, l’obligation de compensation a été récemment renforcée774.

Le législateur rappelle d’abord le principe d’action préventive et de correction des atteintes à l’environnement déjà existant. Ce principe implique d’éviter les atteintes à la biodiversité et aux services qu’elle fournit ; à défaut, d’en réduire la portée ; enfin, en dernier lieu, de compenser les atteintes n’ayant pu être évitées ni réduites. L’objectif visé est l’absence de perte nette de biodiversité, voire un gain de biodiversité (C. env., art. L. 110-1, II, 2°). Par ailleurs, l’objectif d’absence de perte nette concerne tant la biodiversité ordinaire que celle dite « patrimoniale », résultant des milieux naturels rares et des espèces protégées.

Alors que rien n’est précisé concernant les opérations d’évitement et de réduction censées être primordiales, la compensation fait l’objet de règles nombreuses et détaillées (C. env., art. L. 163-1 à L. 163-5)775.

Le champ d’application de la compensation existante n’est pas étendu puisque le législateur la limite à la compensation rendue obligatoire par un autre texte législatif ou réglementaire. Mais le législateur apporte à la compensation un cadre juridique plus contraignant favorisant sa mise en œuvre.

La compensation ne se substitue pas aux mesures d’évitement et de réduction. Elle constitue la solution de dernier recours en cas d’atteinte à la biodiversité. Il s’agit aujourd’hui d’une obligation de résultat effective pendant toute la durée des atteintes (C. env., art. L. 163-1).

4697 – Le contrôle en amont des mesures de compensation proposées. – Tout n’est pas compensable. Si les atteintes à l’environnement ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, le projet n’est pas autorisé en l’état (C. env., art. L. 163-1, I).

4698 – Une garantie financière éventuelle. – L’administration a la possibilité d’exiger la constitution de garanties financières destinées à assurer la réalisation des mesures de compensation. En cas de manquement à cette obligation, la procédure de consignation est appliquée (C. env., art. L. 171-8)776, indépendamment des poursuites pénales pouvant être exercées (C. env., art. L. 163-4, al. 4, 5 et 6).

Sous-section II – La pratique de la compensation écologique

4699 Le maître d’ouvrage, débiteur de l’obligation de compensation, est tenu de réaliser des mesures compensatoires concrètes (§ I). Pour remplir ses obligations, il dispose de plusieurs alternatives, y compris la possibilité de déléguer l’exécution des mesures compensatoires à des acteurs professionnels (§ II).

§ I – Les mesures compensatoires

4700 Les mesures compensatoires se matérialisent par des actions concrètes à la charge du maître d’ouvrage (A). Un contrôle dans la durée assure leur efficacité (B).

A/ La nature des mesures compensatoires

4701 – L’équivalence écologique. – Les mesures compensatoires sont soumises au principe de l’équivalence écologique (C. env., art. L. 163-1, I). À ce titre, elles tiennent compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectés.

L’équivalence ne se limite pas à l’application d’un simple ratio de surface. Elle requiert une approche fonctionnelle consistant à évaluer et à comparer la fonctionnalité de la zone atteinte par le projet avec celle du terrain proposé pour la compensation777. Ainsi, une petite zone très fonctionnelle est de nature à compenser les atteintes portées à une grande zone l’étant peu, ou inversement.

Par ailleurs, il est possible de mutualiser les surfaces, une même aire étant susceptible d’accueillir plusieurs types de mesures compensatoires778.

4702 – La proximité des sites de compensation. – Les mesures de compensation sont mises en œuvre en priorité sur le site endommagé ou à proximité (C. env., art. L. 163-1, II, al. 4). Aucune précision n’est donnée sur la notion de proximité. Elle varie en fonction des milieux atteints779. Le maître d’ouvrage a l’obligation de s’assurer de la maîtrise foncière des zones supportant les mesures compensatoires.

4703 – Un cadre juridique imprécis. – À l’instar des principes d’équivalence et de proximité, la mise en œuvre technique de la compensation n’est pas précisément définie. S’il est certain que la compensation ne constitue pas un remplacement à l’identique780, certains auteurs considèrent toutefois que si la destruction porte sur une espèce ou un milieu rare, la compensation est inacceptable et le projet doit être refusé781.

S’agissant de la restauration de milieux vivants, les effets sont parfois différents du résultat escompté initialement, indépendamment de la volonté du maître d’ouvrage. Des mesures d’ajustement sont d’ailleurs prévues pendant la phase effective de compensation782. Dans cette hypothèse, l’atteinte du résultat escompté implique une certaine souplesse. L’administration bénéficie à ce titre d’une véritable liberté d’appréciation.

4704 – Une incertitude et des difficultés pratiques. – Le maître d’ouvrage est confronté à une incertitude concernant le caractère suffisant des mesures compensatoires proposées. Par ailleurs, il est souvent difficile de remplir à la fois les exigences d’équivalence écologique et de proximité géographique. Ainsi, il convient de trouver un équilibre entre l’intérêt général du projet et la gravité des atteintes portées à la biodiversité.

B/ Le contrôle des mesures compensatoires dans la durée

4705 – Le contrôle du respect et de l’efficacité des mesures de compensation adoptées. – En cas de non-respect des mesures de compensation prévues, le maître d’ouvrage défaillant est mis en demeure d’y satisfaire dans un délai déterminé. En cas de non-respect de cette mise en demeure dans le délai imparti, les mesures prescrites sont exécutées d’office, en lieu et place du maître d’ouvrage et à ses frais (C. env., art. L. 163-4, al. 1 et 2).

Par ailleurs, si les mesures de compensation sont insuffisantes au regard de l’équivalence écologique, des prescriptions complémentaires sont ordonnées (C. env., art. L. 163-4, al. 3).

Des amendes et astreintes sont également susceptibles d’être infligées (C. env., art. L. 171-8).

4706 – L’incertitude sur la durée de l’obligation de compensation. – Les maîtres d’ouvrage sont redevables de la mesure de compensation pendant toute la durée des atteintes (C. env., art. L. 163-1, I, al. 2).

Cette obligation implique que la compensation soit effective avant toute destruction opérée par le maître d’ouvrage. Or, les délais d’exécution des mesures (maîtrise foncière, aménagements techniques, réhabilitation de l’écosystème, etc.) sont souvent incompatibles avec ceux des projets autorisés.

Par ailleurs, les atteintes à la biodiversité disparaissent rarement avec le temps. Or, il est difficilement concevable que le maître d’ouvrage reste débiteur de l’obligation de compensation sans limitation de durée. Dans l’intérêt de tous, il conviendrait de sanctuariser les terres servant de support à la compensation. À défaut, elles pourraient à terme être elles-mêmes artificialisées.

§ II – L’exécution des mesures compensatoires

4707 Plusieurs systèmes permettent d’exécuter les mesures compensatoires, au choix du maître d’ouvrage (A). Les agriculteurs sont à ce titre des acteurs incontournables du dispositif (B).

A/ Les différentes manières de compenser

4708 L’obligation de la compensation est susceptible d’être réalisée par la demande (I) ou par l’offre (II).

I/ La compensation par la demande

4709 La compensation par la demande consiste à exécuter les actions demandées par l’administration.

Elle peut être réalisée directement par le maître d’ouvrage ou par un tiers spécifique (a). L’obligation réelle environnementale est utile à la réalisation des mesures compensatoires par la demande et son utilisation mérite d’être encouragée (b).

a) La compensation directe ou déléguée

4710 – La compensation directe. – Le maître d’ouvrage débiteur de l’obligation de compensation est en mesure d’y satisfaire directement (C. env., art. L. 163-1, II). Cette solution simple présente néanmoins deux inconvénients pour le maître d’ouvrage :

il est rare qu’il dispose des compétences techniques nécessaires ;

il doit s’assurer de la maîtrise foncière des terrains supportant les mesures compensatoires.

La maîtrise foncière résulte :

1. de l’acquisition du terrain ;

2. ou d’un contrat conclu avec un propriétaire définissant la nature, la mise en œuvre et la durée des mesures de compensation. Si le terrain est loué ou utilisé par un tiers, ce dernier consent également au contrat (C. env., art. L. 163-2).

Outre la difficulté de trouver un terrain, les coûts engendrés par la maîtrise foncière risquent de grever l’économie financière du projet.

4711 – La compensation déléguée. – Le maître d’ouvrage a également la faculté de confier la réalisation des mesures de compensation à un tiers, dénommé « opérateur de compensation » (C. env., art. L. 163-1, II). Il s’agit d’une personne publique ou privée chargée de mettre en œuvre une obligation de compensation pour le compte de son débiteur légal et de la coordonner à long terme (C. env., art. L. 163-1, III). Le maître d’ouvrage est ainsi libéré des tâches matérielles et techniques. Néanmoins, il reste seul responsable de la réalisation des mesures compensatoires (C. env., art. L. 163-1, II, al. 2). La maîtrise foncière est assurée soit par le maître d’ouvrage, soit par l’opérateur de compensation.

b) Un nouvel outil : l’obligation réelle environnementale

4712 – L’obligation réelle environnementale (ORE). – L’obligation réelle environnementale est une création de la loi pour la reconquête de la biodiversité783. Elle offre un cadre juridique aux propriétaires souhaitant participer à la protection de l’environnement de manière pérenne (C. env., art. L. 132-3). L’obligation réelle environnementale peut être utilisée à des fins de compensation. Sa pérennité est appropriée à celle exigée des mesures compensatoires.

Pour assurer cette pérennité, le contrat est établi en la forme authentique et publié au service de la publicité foncière. Il n’est passible d’aucun droit d’enregistrement ou de taxe de publicité foncière.

Le dispositif est ouvert aux propriétaires de biens immobiliers. Il s’agit d’un acte de disposition. À ce titre, l’accord de l’usufruitier et du nu-propriétaire s’impose en cas de démembrement de propriété.

Tous les biens immobiliers sont éligibles, peu important leur ampleur ou leur situation géographique. Le contrat peut ainsi se limiter à un morceau de jardin ou une haie, situé en zone A, N ou U d’un PLU. Si l’obligation ne porte pas sur l’intégralité de la parcelle cadastrale, il convient d’être précis sur la partie concernée ou de l’identifier préalablement dans un document d’arpentage784.

Le cocontractant est une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement. Hormis cette dernière précision, aucune condition supplémentaire n’est exigée de la personne morale de droit privé contractante. Aucune garantie ou contrôle de compétence n’est mis en place, ni aucun agrément préalable. Le texte semble exclure les aménageurs, débiteurs de la compensation785. À suivre cette analyse, les opérateurs de compensation délégués ne profiteraient du mécanisme que s’ils relèvent des catégories de personnes énumérées. Certains auteurs estiment toutefois qu’une telle interprétation n’est pas conforme à la volonté du texte et que les opérateurs de compensation et les aménageurs relèvent des contractants éligibles à l’ORE786.

L’obligation réelle environnementale a pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de biodiversité ou de fonctions écologiques. Elle bénéficie d’une liberté contractuelle forte.

Certaines mentions sont néanmoins obligatoires :

1. sa durée.

L’essence de l’ORE est sa pérennité. Pourtant, aucune durée minimale n’est exigée. Le contrat n’étant pas non plus limité dans sa durée, il varie d’un jour à quatre-vingt-dix-neuf ans787 ;

2. les engagements réciproques des parties.

La philanthropie du propriétaire, résultant pourtant de la nature même de l’obligation, est refusée. Il s’agit d’un contrat à titre onéreux. Toutefois, rien n’exige l’équilibre des engagements réciproques. L’engagement du propriétaire est une prestation de faire ou de ne pas faire788 ;

3. les possibilités de révision et de résiliation.

L’engagement du propriétaire vaut pour la durée du contrat, y compris pour les propriétaires ultérieurs du bien.

Les droits des tiers sont préservés :

1. le preneur à bail rural donne son accord préalable au contrat, sous peine de nullité. Le défaut de réponse du preneur dans le délai de deux mois vaut acceptation. Tout refus de sa part doit être motivé, ce qui laisse présager de nombreux contentieux portant sur la validité du motif ;

2. la mise en œuvre d’une obligation réelle environnementale ne doit pas remettre en cause les droits de chasse et leurs réserves.

Les communes ont la faculté d’exonérer de taxe foncière les terrains supportant une ORE. À défaut d’incitations financières plus conséquentes, le développement de ce nouvel outil est malheureusement incertain.

Dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi « Biodiversité », soit au plus tard le 8 août 2018, un rapport sur la mise en œuvre de ce mécanisme et sur les moyens de renforcer son attractivité, notamment au moyen de dispositifs fiscaux incitatifs, sera déposé par le gouvernement789.

II/ La compensation par l’offre

4713 La compensation par l’offre est également une innovation de la loi pour la reconquête de la biodiversité. Elle permet au maître d’ouvrage d’acquérir des unités de compensation dans un site naturel de compensation (C. env., art. L. 163-1, II, al. 1).

4714 – Les intérêts du système. – Les sites naturels de compensation sont mis en place par des personnes publiques ou privées mettant en œuvre les mesures de compensation de manière anticipée et mutualisée (C. env., art. L. 163-3, al. 1).

Conformément aux exigences légales, le site naturel support de la compensation est obligatoirement réhabilité avant le début des travaux du maître d’ouvrage790. La compensation par l’offre permet d’optimiser un site naturel réhabilité grâce à la mutualisation. Un même site est en effet susceptible de compenser plusieurs projets portant atteinte à la biodiversité de façon différente.

Le maître d’ouvrage est déchargé de la gestion matérielle et technique des mesures de compensation, ainsi que de la maîtrise foncière.

4715 – L’agrément préalable du site naturel de compensation. – Préalablement à l’émission des unités de compensation, le site est agréé (C. env., art. L. 163-3, al. 2). En pratique, l’agrément porte tant sur la qualité de l’opérateur que sur le site lui-même.

Les personnes publiques ou privées souhaitant être agréées doivent disposer des capacités techniques et financières nécessaires à la réalisation des mesures compensatoires et justifier des droits sur les terrains d’assiette du site naturel de compensation (C. env., art. D. 163-1).

Le dossier d’agrément comporte un rapport décrivant :

l’état écologique initial du site ;

l’état écologique final visé ;

l’identification des habitats et espèces susceptibles de faire l’objet d’une compensation ;

la composition, le nombre et le prix des unités de compensation ;

les mesures écologiques envisagées permettant de justifier un gain écologique et les modalités d’évaluation de ce gain791.

Le dossier d’agrément comprend également la durée de l’engagement de l’opérateur et les raisons justifiant cette durée. La durée de validité de l’agrément est d’au minimum trente ans (C. env., art. D. 163-5).

Les mesures compensatoires sont nécessairement mises en œuvre avant la vente des unités de compensation correspondantes (C. env., art. D. 163-8, al. 1). Elles font l’objet d’un suivi et d’une évaluation. À cet effet, l’opérateur transmet chaque année un rapport à l’administration (C. env., art. D. 163-8, al. 2). L’agrément est modifié ou retiré si le site naturel de compensation ne remplit plus ses obligations (C. env., art. D. 163-7, al. 1). Un comité de suivi local du site est instauré sous la présidence du préfet de région (C. env., art. D. 163-9).

Les sites naturels de compensation existants

Le premier site naturel de compensation à avoir vu le jour est la réserve d’actifs naturels de Cossure située en plaine de Crau. Ce projet a été initié par la CDC Biodiversité en 2008 pour une durée initiale de trente ans. Il porte sur 357 hectares, chaque hectare équivalant à une unité de compensation valorisée à 44 000 €. En février 2018, 175 unités étaient vendues, soit un peu moins de la moitié.

Depuis 2014, le conseil départemental des Yvelines porte une réserve d’actifs naturels de cinq sites variant de un à quarante-cinq hectares, pour une action d’une durée de trente ans. Il s’agit du premier opérateur public de compensation par l’offre.

Deux autres sites ont été référencés :

l’un en région Rhône-Alpes à l’initiative d’EDF, conduit par l’association « Initiative Biodiversité Combe Madame », à l’effet de compenser les impacts des installations hydroélectriques et des stations de ski ;

l’autre dénommé « Sous-bassin versant de l’Aff », à l’initiative du bureau d’études Dervenn, portant sur l’accompagnement des agriculteurs vers un changement de pratiques en vue de compenser les impacts sur les zones humides et la biodiversité ordinaire.

4716 – Le respect des principes généraux de la compensation écologique. – La compensation par l’offre ne déroge pas aux principes généraux de la compensation écologique, notamment à ceux d’équivalence écologique et de proximité792. L’opérateur est assujetti aux mêmes obligations, notamment en ce qui concerne le caractère suffisant des mesures compensatoires envisagées et au résultat à atteindre. Il ne s’agit pas pour le maître d’ouvrage de solder ses obligations de compensation par un chèque, mais de contractualiser avec un opérateur ayant réalisé en amont la mesure compensatoire équivalente793.

4717 – Le maintien de la responsabilité du maître d’ouvrage. – La compensation par l’offre n’est qu’une modalité d’exécution de la compensation par le maître d’ouvrage. Il ne remplit pas son obligation en achetant des unités de compensation. Le maître d’ouvrage reste seul responsable à l’égard de l’administration (C. env., art. L. 163-1, II, al. 2).

À ce titre, il est informé par l’administration de la mise en œuvre de la procédure de modification ou de retrait de l’agrément (C. env., art. D. 163-7, al. 3). Les conséquences d’un retrait d’agrément pour le maître d’ouvrage ne sont pas précisées. Or, la souscription d’une assurance par l’opérateur en cas de défaillance n’est pas obligatoire. Dans cette hypothèse, le maître d’ouvrage est contraint de trouver de nouvelles mesures compensatoires pour remplir l’obligation dont il n’est pas déchargé. À défaut, il encourt les sanctions prévues par le législateur794.

4718 – Les critiques du dispositif. – Le dispositif de la compensation écologique, et plus particulièrement celui de la compensation par l’offre, fait débat. Il est considéré par certains comme un droit à détruire795. À l’inverse, certains maîtres d’ouvrage préférant abandonner leur projet plutôt que de procéder aux mesures compensatoires l’accusent d’être un frein à la croissance796. D’autres encore arguent d’un risque de marchandisation de la nature.

Les mitigation banks ou banques de compensation

La compensation par l’offre s’inspire des mitigation banks ou banques de compensation, mises en place aux États-Unis depuis les années 1990, particulièrement pour la protection des zones humides. Contrairement au dispositif français, le maître d’ouvrage américain n’est plus responsable des mesures compensatoires après paiement.

Certains États très peuplés disposant de peu de foncier disponible, tels que le New Jersey, réhabilitent leurs nombreuses friches industrielles à titre de compensation. Le coût est élevé. Depuis ces expériences, les demandes d’autorisation de construire n’ont pas augmenté. Certains propriétaires abandonnent même leur projet de construction pour s’orienter vers la constitution d’une réserve d’actifs naturels. Cette situation est probablement due au coût important de la compensation des zones humides aux États-Unis 797.

Le bilan du dispositif américain est mitigé. La restructuration des fonctions des zones humides est un échec et la gestion à long terme fait défaut798.

La difficulté est de trouver un juste équilibre entre le prix de vente des unités de compensation et leur coût de revient. Il existe également un risque d’accaparement du foncier disponible par des banques de compensation, au détriment des maîtres d’ouvrage.

4719 – Le cumul des systèmes. – La compensation par la demande ou par l’offre est mise en œuvre par le maître d’ouvrage de manière alternative ou cumulative (C. env., art. L. 163-1, II, al. 3). La dualité du système offre ainsi au maître d’ouvrage une souplesse bienvenue, favorisant l’accomplissement de ses obligations.

4720 – Les actions concrètes. – La compensation écologique ne se limite pas à sanctuariser un milieu naturel. Elle résulte d’actions concrètes, permettant a minima de conserver la qualité environnementale des milieux, voire de les améliorer. Ces actions consistent à restaurer des milieux et des espèces ou à les conserver. L’agriculteur est à ce titre un acteur incontournable de la compensation écologique.

B/ L’agriculteur, un acteur incontournable de la compensation écologique

4721 L’agriculteur dispose du foncier permettant d’accueillir des opérations de compensation écologique. Il possède également les compétences techniques et le matériel à cet effet. Il convient de contractualiser ces nouveaux services (I) lui permettant de se procurer un revenu complémentaire en diversifiant son activité (II).

I/ Les différents contrats utilisables

4722 – Le contrat de prestation de services. – L’agriculteur a la possibilité de proposer ses services au maître d’ouvrage en réalisant directement les mesures compensatoires799.

Les opérateurs de compensation et les propriétaires de sites naturels de compensation ont également l’obligation de réaliser des mesures de réhabilitation et de conservation pour remplir leur mission à l’égard du maître d’ouvrage. À cet effet, ils sont susceptibles de solliciter l’agriculteur. Dans ces hypothèses, l’agriculteur conclut librement un contrat de prestation de services800.

L’agriculteur intervient ainsi mission par mission, son cocontractant restant seul responsable de la réalisation des mesures compensatoires.

4723 – Le bail rural environnemental. – Le maître de l’ouvrage, l’opérateur de compensation ou le propriétaire d’un site naturel de compensation a la possibilité de proposer à un agriculteur de cultiver les terrains dont il dispose.

Le bail rural à clauses environnementales est un bail soumis au statut du fermage comportant des clauses garantissant le maintien de pratiques culturales spécifiques visant à préserver l’environnement (C. rur. pêche marit., art. L. 411-27)801.

Ces obligations environnementales sont susceptibles de constituer des actions de compensation. Au surplus, la conclusion d’un bail à long terme permet d’assurer leur pérennité. En contrepartie, le fermage n’est pas concerné par le plancher du barème arrêté par le préfet. Le preneur a la possibilité de négocier un fermage réduit, en considération des charges environnementales dont il est redevable. Il est probable que les pratiques culturales prescrites tendent vers une agriculture moins intensive, réduisant ainsi le revenu de l’agriculteur. Pour compenser cette perte et rendre le bail rural environnemental attractif, il serait judicieux de rémunérer l’agriculteur pour services environnementaux, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui802.

4724 – Les paiements pour services environnementaux. – Les paiements pour services environnementaux consistent à rémunérer les usagers du sol pour les bienfaits environnementaux produits803.

Les maîtres d’ouvrage, débiteurs de mesures compensatoires, rémunèrent un agriculteur s’engageant à modifier ses pratiques culturales en faveur de l’environnement, à s’intéresser aux paysages tels que les haies, les talus, les fossés et les zones humides. Il ne s’agit pas de rémunérer un agriculteur respectant la réglementation en vigueur, mais de valoriser la démarche volontaire de l’agriculteur allant au-delà des exigences obligatoires.

Ainsi, il est probable que l’agriculteur devienne un opérateur de la compensation, aucun agrément préalable n’étant requis.

4725 – L’obligation réelle environnementale. – L’obligation réelle environnementale (ORE) est utilisable à des fins de compensation804. Ainsi, l’agriculteur propriétaire de ses terres a la faculté de conclure librement un tel contrat avec une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé, agissant lui-même en qualité d’opérateur de compensation ou de détenteur de site naturel de compensation. Le propriétaire bailleur a également la faculté de conclure une ORE, sous réserve de l’accord préalable du preneur. L’exploitant en place bénéficie ainsi de l’opportunité de se faire rémunérer des services environnementaux réalisés sur le terrain soumis à l’ORE.

4726 – La transmission des dettes environnementales de l’agriculteur. – Les obligations réelles environnementales obligent le praticien à adopter de nouveaux réflexes dans le cadre d’une transmission d’exploitation agricole805.

En effet, l’obligation réelle environnementale, ayant un caractère réel, se transmet de plein droit à l’acquéreur de l’immeuble. À ce titre, la publication de l’ORE au service de la publicité foncière est un gage de sécurité juridique. En revanche, cette publicité n’est pas opérante si l’agriculteur cédant est locataire de terres grevées d’une ORE.

À l’inverse de l’ORE, les dettes environnementales résultant d’un bail rural environnemental ou de paiements pour services environnementaux sont personnelles à l’exploitant. La cession de ces contrats nécessite l’accord du repreneur et le consentement exprès du créancier environnemental. Le cessionnaire devient garant des manquements du cédant à ses obligations. Il est de bonne pratique de prévoir des garanties à cet effet. En l’absence de reprise des contrats par le cessionnaire, le vendeur reste débiteur des obligations. Ayant cédé le support, il prend le risque d’être incapable d’exécuter son contrat et d’en supporter les sanctions.

II/ Un revenu imposable

4727 – Une activité commerciale. – Les bénéfices de l’exploitation agricole relèvent de la catégorie des bénéfices agricoles (BA). Toutefois, les prestations environnementales à des fins de compensation ne relèvent pas de l’exploitation de biens ruraux. Cette activité extra-agricole est imposable dans la catégorie des BIC. L’agriculteur reste néanmoins soumis aux BA si les revenus retirés de l’exercice d’une activité commerciale sont accessoires806.

L’agriculture traditionnelle souffre d’une insuffisance de rentabilité. La protection des milieux naturels et de la biodiversité permet une diversification bienvenue des activités de l’agriculteur.

À ce jour, il est cependant impossible de prédire :

les besoins réels des maîtres d’ouvrage et autres opérateurs de compensation ;

le niveau de reconnaissance des services environnementaux rendus par les agriculteurs ;

et la rentabilité de ces services.

L’imposition de cette activité aux titres des BIC risque au surplus de détourner les agriculteurs de ce secteur. L’instauration d’une fiscalité spécifique sera probablement nécessaire au développement de cette filière.

4728 Parallèlement à la compensation écologique, d’autres réglementations prévoient également des mesures de compensation. Ces compensations disposent d’un régime propre.

Section II – Les compensations sectorielles

4729 Le législateur s’attache également à protéger les secteurs d’activité dont le support nécessaire est directement réduit par l’artificialisation du sol. À cet effet, il établit à leur profit une compensation particulière. Il s’agit de la compensation collective agricole (Sous-section I) et de la compensation en matière de défrichement (Sous-section II).

Sous-section I – La compensation collective agricole

4730 – La création de la compensation collective agricole. – Jusqu’à la loi d’avenir agricole de 2014, la compensation concernait uniquement la protection des milieux naturels. Le monde agricole s’en est alarmé. Les exploitations sont en effet touchées à double titre :

par le prélèvement des sols agricoles dû à l’étalement urbain, principalement en zone périurbaine ;

et par la remise à l’état naturel de leurs terres, afin de compenser les atteintes aux milieux naturels.

Les superficies agricoles exploitées s’amenuisent inévitablement.

Une nouvelle obligation s’impose depuis le 1er décembre 2016 au maître d’ouvrage dont la nature, les dimensions ou la localisation du projet sont susceptibles de porter atteinte à l’économie agricole807. Il produit une étude préalable comportant les mesures envisagées pour éviter et réduire les effets négatifs notables du projet, ainsi que les mesures de compensation collective visant à consolider l’économie agricole du territoire, l’évaluation de leur coût et les modalités de mise en œuvre (C. rur. pêche marit., art. L. 112-1-3 et D. 112-1-19).

Toutefois, le législateur n’a pas prévu de sanction à l’encontre d’un maître d’ouvrage se soustrayant à son obligation de production de l’étude préalable.

L’étude préalable est transmise au préfet qui rend son avis motivé dans les quatre mois de la réception du dossier.

La prise en compte de l’avis préfectoral dans la décision d’autorisation du projet n’est pas obligatoire, celui-ci ne conditionnant aucunement la délivrance de l’autorisation d’urbanisme.

La compensation est ici collective, c’est-à-dire en faveur de l’agriculture. Il ne s’agit pas d’indemniser l’agriculteur prélevé808.

4731 – L’étude d’impact préalable à la compensation agricole. – L’étude d’impact préalable à la compensation collective agricole ne s’impose pas à tout nouveau projet de construction ou d’aménagement.

Trois conditions cumulatives sont nécessaires (C. rur. pêche marit., art. D. 112-1-18, I) :

1. le projet de travaux, ouvrage ou aménagement public ou privé doit relever de l’évaluation environnementale systématique, ce qui limite l’obligation aux projets les plus importants809. Les projets relevant de l’évaluation environnementale au cas par cas en sont exclus810. Si elle satisfait à ses prescriptions, l’évaluation environnementale tient lieu d’étude d’impact de compensation agricole (C. rur. pêche marit., art. D. 112-1-20) ;

2. le projet doit être situé en tout ou partie sur des parcelles affectées ou ayant été affectées à une activité agricole811 :

dans les cinq dernières années de la date de dépôt de la demande, pour les parcelles situées dans une zone agricole, forestière, ou naturelle d’un document d’urbanisme opposable ou pour celles ne relevant pas d’un document d’urbanisme opposable812 ;

dans les trois dernières années de la date de dépôt de la demande pour les parcelles situées dans une zone à urbaniser d’un document d’urbanisme opposable. Les zones urbaines sont exclues du dispositif, au mépris des atteintes portées à l’agriculture urbaine813. Par ailleurs, la condition de temps incite les maîtres d’ouvrage à laisser les parcelles acquises en friche dans l’attente de la réalisation du projet, plutôt que de les laisser exploitées par les agriculteurs indemnisés en place dans le cadre d’un prêt à usage ou d’une convention d’occupation précaire814. Enfin, en restreignant le dispositif aux zones effectivement exploitées dans une période récente, le législateur limite son champ d’application ;

la surface prélevée de manière définitive sur les zones visées doit être supérieure ou égale à un seuil fixé par défaut à cinq hectares815. Cette superficie correspond à l’addition de toutes les surfaces concernées par le projet.

Cette dernière condition exclut ainsi du dispositif les projets importants dans leur densité, mais de moindre superficie.

En pratique, le cumul de ces conditions restreint l’obligation de compensation collective agricole aux grands projets consommateurs d’espaces.

4732 – Une véritable obligation de compensation. – Les dispositions relatives à la compensation collective agricole sont obligatoires816.

Il ne s’agit pas de faire ses meilleurs efforts, mais d’une obligation de résultat. Ainsi le maître d’ouvrage se trouve face à une double obligation : veiller à compenser l’impact environnemental de son projet, ce qui nécessite de prélever des terres agricoles pour les rendre à l’état naturel, mais également éviter, réduire, voire même compenser les effets de ce prélèvement sur l’économie agricole locale817.

4733 – La pratique de la compensation collective agricole. – Le dispositif de la compensation agricole est inachevé, principalement faute de précision sur les mesures d’accomplissement de la compensation.

En effet, la compensation est-elle en nature ? Il semble difficile d’imposer aux maîtres d’ouvrage de trouver ailleurs des terres agricoles pour compenser celles utilisées pour leur projet. Si elle est possible, la compensation en nature peut certainement s’inspirer de la compensation écologique818.

La compensation peut certainement être financière, mais au profit de quelle entité gestionnaire puisque la compensation est nécessairement collective819 ? Aucune précision n’est malheureusement donnée par le législateur sur son évaluation et ses modalités de versement et d’utilisation.

La compensation financière risque également d’entrer dans la catégorie des aides d’État nécessitant une notification à la Commission européenne820.

Ces imprécisions laissent perplexe sur l’effectivité du mécanisme821.

4734 – Le non-respect des mesures compensatoires. – Le maître d’ouvrage informe le préfet de la mise en œuvre des mesures de compensation collective selon une périodicité adaptée à leur nature (C. rur. pêche marit., art. D. 112-1-22). Mais aucune sanction n’est prévue à ce titre. Plus généralement, aucune sanction n’est prévue à l’encontre du maître de l’ouvrage ne mettant pas en œuvre les mesures compensatoires prévues.

4735 Le législateur exprime clairement sa volonté de faire de la compensation collective agricole un outil important pour la protection des terres nécessaires à l’activité agricole. Mais, faute de précision dans l’élaboration du dispositif, ses nombreuses lacunes, particulièrement l’absence de sanction, risquent de le rendre inefficace.

Sous-section II – La compensation forestière

4736 – Les obligations résultant de l’autorisation de défrichement. – Les autorisations de défrichement sont subordonnées à l’exécution de mesures ou de travaux expressément définis, classés en quatre catégories (C. for., art. L. 341-6)822. Parmi ces mesures, les trois dernières répondent à des situations spéciales823. La première correspond à des travaux de boisement et de reboisement. Cette mesure s’applique dans la plupart des cas.

4737 – Une compensation forestière en nature. – La compensation forestière consiste à exécuter, sur d’autres terrains, des travaux de boisement ou de reboisement réalisés pour une surface au minimum égale à la surface défrichée, mais pouvant être multipliée jusqu’à cinq, ou à exécuter d’autres travaux d’amélioration sylvicoles d’un montant équivalent.

Le coefficient multiplicateur est fonction du rôle économique (qualité des bois), écologique (zone Natura 2000, site inscrit, etc.) et social (caractère paysager, situation périurbaine, etc.) des bois et forêts objet du défrichement.

Le préfet est en mesure d’imposer que le boisement compensateur soit réalisé dans le même massif forestier ou dans un secteur écologiquement ou socialement comparable.

Le demandeur transmet à la DDT un acte d’engagement des travaux à accomplir avec leur détail dans l’année suivant la notification de l’autorisation.

4738 – Une possible compensation financière. – Le demandeur a la faculté de s’acquitter de son obligation en versant une indemnité équivalente au Fonds stratégique de la forêt et du bois. Le montant de l’indemnité est déterminé par l’autorité administrative en même temps que la nature de l’obligation subordonnant l’autorisation de défricher. Elle est d’au minimum 1 000 € et versée dans le délai d’un an à compter de la notification de l’autorisation. Les difficultés pratiques de réalisation de la compensation en nature font qu’elle se règle souvent financièrement.

Le demandeur est également en mesure de s’acquitter de ses obligations en « panachage », c’est-à-dire en réalisant des travaux de boisement, reboisement ou amélioration sylvicole, et en les complétant de l’indemnité réduite des travaux exécutés.

Si le demandeur n’indique pas son choix concernant les modalités de réalisation de son obligation dans l’année de la notification de l’autorisation, l’indemnité est mise en recouvrement, sauf s’il renonce au défrichement projeté.

4739 – Le contrôle de l’exécution des travaux. – En cas de non-exécution des travaux imposés dans un délai de cinq ans, les lieux défrichés sont rétablis en nature de bois et forêts dans un délai fixé par le préfet, de trois ans maximum (C. for., art. L. 341-9 et D. 341-7-2).

4740 – Une dualité de compensation en forêt. – La forêt est concernée à la fois par la compensation écologique, au titre de la biodiversité, et par la compensation en matière de défrichement, au titre de sa fonction économique.

4741 – Un cumul de dispositifs, source de complexité. – Ce cumul d’obligations complique mécaniquement la tâche des maîtres d’ouvrage et accroît le coût financier des opérations.

Il est douteux que la compensation en numéraire soit satisfaisante à long terme, n’empêchant pas la perte surfacique des milieux concernés. Une mutualisation des fonctions de ces milieux est-elle envisageable ? Un champ ou une forêt exploité selon des techniques vertueuses écologiquement peut-il être le support d’une biodiversité préservée ? L’avenir sera peut-être dans le multiusage des milieux naturels…


768) L. n° 76-629, 10 juill. 1976, relative à la protection de la nature : JO 13 juill. 1976, p. 4203.
769) L’évaluation environnementale porte sur les incidences directes et indirectes d’un projet sur les facteurs suivants : la population et la santé humaine, la biodiversité, en accordant une attention particulière aux espèces et aux habitats protégés, les terres, le sol, l’eau, l’air et le climat, les biens matériels, le patrimoine culturel et le paysage et l’interaction entre tous les facteurs précédents.
770) Ces deux derniers dispositifs forment des outils d’aménagement de la trame verte et bleue, dont l’objectif est notamment de permettre le déplacement des espèces (C. env., art. L. 371-1 et s.).
771) Limitant la compensation à la réparation des dommages affectant les eaux et les espèces et habitats protégés (C. env., art. L. 161-1, I, 2° et 3°).
772) C. Etrillard, Espace rural – La compensation écologique : une opportunité pour les agriculteurs : RD rur. 2016, étude 10.
773) J.-C. Vandevelde, Les instruments d’évaluation des impacts sur la biodiversité : entre aménagement du territoire et conservation : le cas des grands projets ferroviaires, thèse, Université d’Orléans, 2014.
774) L. n° 2016-1087, 8 août 2016, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages : JO 9 août 2016, texte n° 2.
775) B. Grimonprez, La compensation écologique d’après la loi « biodiversité » : Dr. et patrimoine 2016, n° 263.
776) La procédure de consignation consiste à verser entre les mains d’un comptable public une somme correspondant au montant des travaux à réaliser. La somme consignée est restituée au fur et à mesure de l’exécution des travaux.
777) A. Van Lang, La loi biodiversité du 8 août 2016 : une ambivalence assumée : AJDA 2016, n° 42, p. 2381.
778) Rapport fait au nom de la commission d’enquête sur la réalité des mesures de compensation des atteintes à la biodiversité engagées sur des grands projets d’infrastructures, intégrant les mesures d’anticipation, les études préalables, les conditions de réalisation et leur suivi, Rapp. Sénat n° 517, R. Dantec, 25 avr. 2017.
779) À l’inverse des mesures concernant les espèces protégées, les surfaces de boisement sont en général facilement compensées par le boisement de nouvelles surfaces, même assez lointaines.
780) Un arbre centenaire ne peut pas être replanté.
781) H. Levrel et D. Couvet, Les enjeux liés à la compensation écologique dans le projet de loi « Biodiversité », Fondation de l’écologie politique, janv. 2016.
782) V. n° a4705.
783) L. n° 2016-1087, 8 août 2016, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages : JO 9 août 2016, texte n° 2.
784) À l’instar d’une servitude conventionnelle soumise à publicité foncière.
785) B. Grimonprez, La compensation écologique d’après la loi « Biodiversité » : Dr. et patrimoine 2016, n° 263.
786) G. Oil, L’obligation réelle environnementale : un objet juridique non identifié ? : www.annalesdesloyers.fr, 14 avr. 2017.
787) Conformément au droit commun des contrats.
788) B. Grimonprez, Étude d’impact sur l’agriculture de la loi « Biodiversité » : RD rur. 2017, étude 1.
789) L. n° 2016-1087, 8 août 2016, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages : JO 9 août 2016, texte n° 2, art. 73.
790) V. n° a4706.
791) A. n° DEVD1710756A, 10 avr. 2017, fixant la composition de demande d’agrément d’un site naturel de compensation prévu à l’article D. 163-3 du Code de l’environnement : JO 19 avr. 2017, texte n° 8.
792) V. nos a4701 et s.
793) JOAN CR 17 mars 2016.
794) V. n° a4705.
795) M. Combes, La compensation biodiversité instaure un droit à détruire !, Mediapart, blog « Sortons de l’âge des fossiles » : https://blogs.mediapart.fr, 22 juin 2016.
796) C. Alvarez, Compensation écologique : les réserves d’actifs naturels, un droit de détruire ? : www.novethic.fr, 15 mars 2016.
797) H. Levrel et D. Couvet, Les enjeux liés à la compensation écologique dans le projet de loi « Biodiversité », Fondation de l’écologie politique, janv. 2016, préc.
798) www.zones-humides.eaufrance.fr.
799) V. n° a4710.
800) C. Etrillard, La compensation écologique : une opportunité pour les agriculteurs ? : RD rur. 2016, étude 10.
801) V. 1re commission, nos a1497 et s.
802) A. Charlez, Le bail rural environnemental évolue : RD rur. 2016, dossier 4.
803) C. Etrillard, Paiements pour services environnementaux : nouveaux instruments de politique publique environnementale : Développement durable et territoires 2016, vol. 7, n° 1.
804) V. n° a4712.
805) B. Grimonprez, La transmission de l’exploitation agricole à l’épreuve des obligations environnementales : JCP N 2017, n° 12, 1141.
806) I.e. ne dépassant pas les seuils déterminés par la loi (CGI, art. 75) : V. n° a4128.
807) L. n° 2014-1170, 13 oct. 2014, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt : JO 14 oct. 2014, p. 16601. – D. n° 2016-1190, 31 août 2016 : JO 2 sept. 2016, texte n° 19.
808) Ce dernier ayant vendu ses terres ou étant indemnisé individuellement dans le cadre de l’expropriation.
809) Cela concerne cinquante-deux catégories de projets réparties en neuf classes : ICPE soumises à autorisation, installations nucléaires de base, installations nucléaires de base secrètes, stockage de déchets radioactifs, infrastructures de transport, milieux aquatiques littoraux et maritimes, forages et mines, énergie, ouvrages et aménagements ruraux et urbains.
810) V. n° a4694.
811) L’activité agricole étant celle visée à l’article L. 311-1 du Code rural et de la pêche maritime.
812) Les parcelles relevant d’une carte communale relèvent de cette catégorie, même situées en zone constructible.
813) R.-J. Aubin-Brouté, La compensation collective ou le Janus de la protection des espaces agricoles : RD imm. 2017, p. 388.
814) L. Santoni, Grands projets périurbains et exigibilité de compensation agricole : Constr.-Urb. 2016, comm. 132.
815) Le seuil peut être fixé entre un et dix hectares par dérogation préfectorale.
816) Contrairement aux dispositions de l’article L. 122-3 du Code de l’environnement qui dispose que la compensation est réalisée « si possible » : V. n° a4694.
817) L. Santoni, Pas de repos pour les braves ! Urbanisme et protection des espaces agricoles : Constr.-Urb. 2014, comm. 156.
818) V. nos a4696 et s.
819) V. n° a4730.
820) Sauf si elle peut être adossée à des aides déjà connues de la Commission : Instr. techn. DGPE/SDPE/2016-761, 22 sept. 2016, application du décret relatif à l’étude préalable et aux mesures de compensation prévues à l’article L. 112-1-3 du Code rural et de la pêche maritime.
821) C. Hernandez-Zakine et R. Durand, Compensation collective agricole : un dispositif juridique inachevé : RD rur. 2017, étude 3.
822) V. 2e commission, n° a2281.
823) Instr. techn. n° 2015-656, 29 juill. 2015. Ces situations spéciales correspondent aux carrières et à la prévention des risques d’érosion du sol ou des risques naturels, notamment les incendies et les avalanches.

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