CGV – CGU

Chapitre I – La dimension environnementale de l’activité agricole

Partie II – L’exploitation du territoire agricole
Titre 1 – La transition agroécologique
Sous-titre 1 – La protection des sols
Chapitre I – La dimension environnementale de l’activité agricole

1396 La réglementation environnementale garantit la pérennité de la terre, bien commun de l’humanité. À ce titre, les agriculteurs sont confrontés à un enjeu majeur : exploiter en protégeant l’environnement.

Il n’existe pas de réglementation d’ensemble applicable à l’agriculture. Le contrôle s’effectue par la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement, d’une part (Section I) et, d’autre part, par les législations relatives à la pollution des sols et de l’eau (Section II).

Section I – Les installations classées pour la protection de l’environnement : un double enjeu pour l’agriculture

1397 L’agriculture est en prise directe avec l’environnement. Il convient de protéger les territoires ruraux des pollutions extérieures, mais également des risques engendrés par les exploitations agricoles elles-mêmes. À ce titre, le régime général des installations classées pour la protection de l’environnement s’applique à l’agriculture (Sous-section I). Il existe néanmoins des spécificités méritant d’être soulignées (Sous-section II).

Sous-section I – L’application générale de la réglementation ICPE aux activités agricoles

1398 La réglementation ICPE traite de façon générale les activités portant atteinte à l’environnement. Il convient d’en définir le régime (§ I) et de déterminer les installations concernées (§ II).

§ I – Le régime des installations classées

1399 Les installations classées en agriculture présentent des singularités liées aux interactions avec l’environnement. Néanmoins, il n’existe pas de régime spécifique les régissant. Elles entrent dans le champ d’application général des ICPE (A) et comprennent différentes catégories (B).

A/ Le champ d’application général des ICPE

1400 – Une définition large des installations classées. – La définition des installations classées est large. Elle inclut tout site de production nuisible à l’environnement (C. env., art. L. 511-1). Les activités polluantes sont différenciées uniquement pour adapter les règles de contrôle à leurs besoins spécifiques564. Ainsi, les activités agricoles présentant des risques pour l’environnement entrent dans le champ d’application des ICPE565.

1401 – Le paradoxe agricole. – L’agriculture est souvent victime d’accidents environnementaux566. Il convient de la protéger au moyen de mesures garantissant l’exploitation des ICPE dans de bonnes conditions environnementales. Mais, paradoxalement, certaines pratiques agricoles sont polluantes. Elles nuisent directement à la qualité des sols et des produits. Ainsi, le contrôle des sites d’exploitation protège également des risques liés aux activités agricoles elles-mêmes. Les démarches agroécologiques permettent de résoudre en partie ces difficultés567.

B/Les catégories d’installations classées

1402 Les ICPE sont répertoriées par catégories en fonction du type d’autorisation délivrée. Elles varient selon l’intensité du risque. Le principe général de l’autorisation (I) est atténué pour les installations présentant des risques moindres (II).

I/ Les installations soumises à autorisation

1403 – L’autorisation. – Le régime de l’autorisation est un contrôle préalable à l’exploitation d’un site polluant (C. env., art. L. 512-1). Il s’applique aux installations présentant de graves dangers ou inconvénients pour la sécurité paysagère et environnementale des territoires, mais également pour la santé et le confort des personnes vivant à proximité (C. env., art. L. 511-1). En pratique, le régime de l’autorisation s’applique essentiellement aux élevages les plus importants, aux manipulations d’engrais les plus dangereuses, et aux opérations de production de liquides en grandes quantités.

L’autorisation environnementale unique

Création de l’autorisation environnementale unique

L’autorisation environnementale unique est entrée en vigueur le 1er mars 2017 (C. env., art. L. 181-1 à L. 181-31)568. Elle remplace la demande d’autorisation antérieure en mettant fin à l’obligation de déposer une demande spécifique pour chaque législation applicable569. Il s’agit d’une simplification importante en pratique. Les autorisations d’urbanisme continuent néanmoins d’être soumises à une demande spécifique.

Instruction de l’autorisation environnementale unique

La demande d’autorisation environnementale unique est instruite dans un délai de neuf mois. Elle se déroule en trois étapes successives :

1. l’examen de la demande ;

2. l’enquête publique ;

3. et la décision.

Elle s’articule, le cas échéant, avec les autorisations d’urbanisme (permis et non-opposition à déclaration préalable).

Il convient à ce titre d’apporter deux précisions :

1. l’autorisation d’urbanisme délivrée préalablement ne devient exécutoire qu’après l’obtention de l’autorisation environnementale ;

2. l’autorisation environnementale peut être rejetée si le projet est incompatible avec l’affectation des sols prévue dans les documents d’urbanisme.

II/ Les installations soumises à autorisation simplifiée

1404 – L’enregistrement570. – La procédure de l’enregistrement est un régime de contrôle intermédiaire facilitant la réalisation de projets économiques ayant un impact environnemental potentiellement élevé (C. env., art. L. 512-7)571.

Elle s’applique aux installations relevant de prescriptions standardisées, garantissant en principe l’absence d’impact négatif pour l’environnement. Elle limite les formalités, l’étude d’impact et de danger n’étant pas systématique. La demande d’enregistrement est déposée à la préfecture, suivie d’affichages et de transmissions. La consultation publique s’effectue par une simple mise à disposition des documents se substituant à l’enquête publique. Dans les quinze jours suivant la fin de l’instruction, le préfet peut délivrer l’arrêté, éventuellement assorti de prescriptions ou le refuser. Il peut également demander le basculement vers la procédure d’autorisation.

La procédure de l’enregistrement s’applique par exemple à certains élevages de taille intermédiaire572, ou à certains stockages en silos plats573.

1405 – La déclaration574. – Le régime de la déclaration s’applique aux activités ne nécessitant pas de contrôle approfondi (C. env., art. L. 512-8). Il s’agit des activités les moins dangereuses sur le plan écologique. Elles sont soumises à une déclaration préalable adressée au préfet du département. Ce dernier a compétence liée et doit délivrer un récépissé de la déclaration après vérification de la complétude du dossier et du respect des prescriptions générales permettant de garantir la protection de l’environnement. La procédure s’applique par exemple à des élevages d’importance limitée575, aux manipulations d’engrais les moins dangereuses576et aux opérations sur certaines productions liquides577.

§ II – La nomenclature des ICPE

1406 Les activités agricoles sont soumises à la législation ICPE dès lors qu’elles entrent dans l’une des catégories fixées dans la nomenclature applicable. Cette nomenclature est définie par la loi et évolue dans le temps (A). La compréhension de son fonctionnement est essentielle en pratique (B).

A/ La définition et les évolutions

1407 – La nomenclature : une liste exhaustive et évolutive. – La nomenclature des installations classées est une liste exhaustive des activités soumises à la législation ICPE. Elle sert de référence pour déterminer les installations concernées et le type d’autorisation applicable.

Cette nomenclature évolue en permanence pour tenir compte des nouvelles activités, de l’évolution des activités existantes et des nouveaux risques de pollution578. Les modifications récentes sont souvent liées au besoin d’harmonisation avec les directives communautaires.

B/ Le fonctionnement de la nomenclature

1408 La nomenclature est un document structuré autour des activités contrôlées (I). Les règles de classement applicables en assurent une lecture aisée (II).

I/ Un classement structuré

1409 – La structure de la nomenclature. – La nomenclature est divisée en trois parties :

la première partie répertorie les rubriques relevant de l’ancienne numérotation : elle concerne les anciennes substances classées restant soumises à un contrôle. Ces activités n’ont aucun lien avec l’agriculture ;

la deuxième partie classe les différents types de substances dangereuses pour l’environnement579. Certaines peuvent être présentes sur un site agricole. Le cas échéant, l’exploitant est obligé de se soumettre aux règles concernées. Ainsi, la classe 1434 relative aux installations de remplissage ou de distribution de liquides inflammables concerne les exploitations agricoles disposant de stockage de carburant pour leurs machines ;

la troisième partie effectue une répartition par secteur d’activité. Les activités agricoles, les animaux et l’agroalimentaire sont référencés à cet emplacement. La rubrique décrivant l’activité comprend des sous-rubriques plus précises. Par exemple, la rubrique 21 concerne les activités agricoles et les animaux ; la sous-rubrique 2110 concerne l’élevage, le transit et la vente de lapins.

II/ Les règles générales de classement

1410 – Les critères de classement. – Le classement s’appuie sur des critères précis permettant une évaluation objective de l’installation projetée : quantité, volume, superficie, capacité ou puissance. Ces critères varient en fonction du type d’activité ou de la substance envisagée. Par exemple, en matière d’élevage, le classement tient compte du nombre d’animaux.

1411 – Les principes complémentaires. – Les principes complémentaires sont des règles permettant de préciser les modalités d’utilisation des critères de classement. Ils diffèrent selon la partie de la nomenclature concernée :

pour les substances dangereuses : principe de spécificité et d’addition des quantités ;

pour les activités : principe d’addition des critères de classement.

1412 – La désignation du régime applicable. – Le régime applicable à chaque installation est mentionné dans la troisième colonne de la nomenclature. La lettre A désigne l’autorisation, la lettre E l’enregistrement et la lettre D la déclaration (un C est ajouté si l’installation est soumise à un contrôle périodique par un organisme agréé). Par ailleurs, le tableau précise si l’activité est soumise à la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Les activités agricoles ne sont jamais soumises à cette taxe. Elle concerne en revanche les activités agroalimentaires.

Sous-section II – Les particularités du régime des ICPE pour l’agriculture

1413 Les ICPE sont soumises, quelle que soit l’activité envisagée, à un corpus de règles unique580. Certaines particularités liées à l’agriculture méritent néanmoins une attention particulière. L’agriculture bénéficie en effet d’une nomenclature d’activités propres permettant de déterminer le champ d’application des ICPE agricoles (§ I). L’instruction du dossier implique également des consultations spécifiques (§ II).

§ I – La nomenclature spécifique pour l’agriculture et l’agroalimentaire

1414 La nomenclature des ICPE contient une partie spécifique aux activités agricoles et agroalimentaire.

1415 – Un document exhaustif. – La nomenclature détermine le statut de l’exploitation au regard de la réglementation ICPE. Elle permet de connaître les activités agricoles présentant un risque environnemental. Il s’agit principalement des activités liées à l’élevage intensif ou hors-sol (y compris la pisciculture), compte tenu notamment de la gestion des déchets produits par ces exploitations. Les stockages de produits agricoles, d’engrais, de fumiers et de supports de culture sont également visés. En toute hypothèse, les contraintes pour le voisinage sont prises en compte. En agriculture, la nomenclature ICPE est principalement fondée sur des seuils : nombre de bêtes ou quantité de stockages. Ils déterminent le régime applicable tant pour le contrôle préalable qu’au cours de l’exploitation.

Extrait de la nomenclature des ICPE en agriculture

1416 – Un document évolutif : l’exemple de l’allègement des règles en matière d’élevage. – Le décret du 5 décembre 2016581a relevé significativement582les seuils en matière d’élevages intensifs. Désormais, seuls les élevages de plus de 800 bovins ou de 400 vaches laitières présentes simultanément sur site sont soumis à autorisation. Cela permet de soumettre au régime de l’enregistrement un plus grand nombre d’exploitations. L’évolution est similaire en matière d’élevage de volailles. La notion de l’animal-équivalent a été conservée, entretenant des incertitudes sur le nombre réel d’animaux détenus583.

Cette évolution facilite les démarches administratives des éleveurs. Il est regrettable que cet assouplissement n’ait pas été accompagné de contreparties environnementales.

§ II – Les consultations spécifiques

1417 L’instruction de la demande d’autorisation environnementale se déroule en trois phases : examen, enquête publique et décision. Au cours de la procédure, certaines situations imposent la consultation d’organismes spécialisés. Ces interventions sont toutefois trop limitées à ce jour pour tenir suffisamment compte des particularismes agricoles.

1418 – L’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO). – L’Institut national de l’origine et de la qualité est consulté lors de la procédure d’autorisation, lorsqu’une installation est envisagée à proximité d’une aire de production de vins d’appellation d’origine (C. env., art. L. 512-6). L’exploitation de carrières, dans certains vignobles584, est soumise à l’avis de l’INAO (C. env., art. L. 515-3 et C. rur. pêche marit., art. L. 112-3). L’INAO dispose d’un délai de trois mois à compter de sa saisine pour donner son avis. Il est réputé favorable au-delà.

Il s’agit là d’un exemple de l’aspect protecteur de la législation ICPE vis-à-vis du monde agricole. La nécessité de garantir la qualité des produits justifie pleinement ce type de disposition.

1419 – La commission départementale d’orientation de l’agriculture (CDOA). – La CDOA rend un avis concernant la mise en place des prescriptions générales pour des ateliers hors-sol soumis à déclaration (C. env., art. L. 512-9).

Cette intervention améliore la gestion des ICPE agricoles en y apportant une compétence adaptée.

1420 – La recherche d’une meilleure prise en compte du monde agricole. – Les interventions directes du monde agricole dans les procédures ICPE sont actuellement limitées aux deux hypothèses énoncées ci-dessus. L’agriculture est pourtant au cœur du problème, étant à la fois une source de pollution et un élément à protéger. Afin d’améliorer la prise en compte des spécificités agricoles, il semble judicieux d’étendre la consultation du monde rural dans les procédures d’ICPE. Une solution serait d’élargir le champ de compétence de la commission départementale d’orientation de l’agriculture (CDOA) à toutes les créations d’ICPE en relation avec l’agriculture.

Section II – L’encadrement des échanges avec le milieu naturel au cours de l’exploitation

1421 L’agriculture interagit en permanence avec son milieu. Certaines pratiques agricoles constituent des sources de pollutions (Sous-section I) susceptibles de porter atteinte à la ressource en eau des agriculteurs (Sous-section II).

Sous-section I – Les sources de pollutions agricoles

1422 L’agriculture engendre des pollutions ordinaires ayant un impact environnemental marginal585. Mais il existe des pollutions spécifiques affectant le milieu naturel en général, et le sol en particulier. Il s’agit des pollutions azotées (§ I) et des pollutions liées à l’usage de produits phytosanitaires (§ II). La responsabilité environnementale en découlant mérite une attention particulière (§ III).

§ I – Les pollutions azotées

1423 Les pollutions azotées résultent principalement de l’utilisation des déchets d’élevage. A priori, cette intégration dans le cycle de production semble vertueuse. En pratique, elle soulève de nombreuses difficultés. En effet, l’origine du problème (A) et la législation en vigueur (B) créent en quelque sorte un « droit à polluer » (C).

A/ Les inconvénients liés à l’utilisation intensive des effluents d’élevage

1424 – La fertilisation des terres agricoles. – La fertilisation des terres agricoles consiste à fournir au sol les éléments nutritifs nécessaires à la croissance des plantations. L’un des principaux éléments nutritifs est l’azote. On le retrouve dans les effluents d’élevage (fumiers, lisiers, etc.) et certains engrais industriels. Leur utilisation est une source de pollution si elle est mal maîtrisée. Il s’agit des phénomènes de nitrification586et d’eutrophisation587. Ces risques majeurs rendent nécessaire la maîtrise du processus de fertilisation.

1425 – L’épandage des effluents d’élevage. – L’épandage des effluents d’élevage est une méthode de fertilisation des terres peu coûteuse588. Elle évite au surplus les coûts liés à l’évacuation des déchets. Ce recyclage permettant de maîtriser un cycle biologique plus large dans de bonnes conditions économiques est a priori vertueux. Toutefois, en zone d’élevage intensif589, le traitement des déchets par un épandage systématique l’emporte parfois sur les vertus liées à ce procédé590. En effet, les phénomènes de nitrification et d’eutrophisation sont constatés dans les eaux à proximité des secteurs d’épandage non maîtrisés591.

B/ La législation applicable

1426 – Les objectifs de la réglementation. – La réglementation, renforcée par le droit communautaire592, vise à réduire le risque de pollution lors des travaux d’élimination des déchets, en obligeant les agriculteurs à disposer de surfaces d’épandage suffisantes ou à recourir à des techniques industrielles d’épuration comme la méthanisation. Les programmes d’actions en la matière visent à définir les zones vulnérables, à maîtriser la fertilisation azotée, à adapter la gestion des terres agricoles et à respecter le calendrier d’épandage (C. env., art. R. 211-80 et s.). Ils fixent la quantité maximale d’azote pouvant être épandue annuellement, ne pouvant excéder 170 kg par hectare de surface agricole utile, déduction faite des surfaces d’interdiction d’épandage. Ils définissent également les capacités de stockage des effluents d’élevage.

1427 – Une législation adaptée aux différentes zones. – La législation diffère en fonction de la zone concernée :

les zones d’excédent structurel présentent une forte concentration d’élevages. Elles se trouvent ainsi en situation d’excédent de production d’azote par rapport aux possibilités d’épandage. Elles nécessitent des mesures renforcées telles que la fixation de l’étendue maximale des surfaces d’épandage par exploitation, l’obligation de traitement ou de transfert des effluents excédentaires, ou encore l’interdiction d’augmenter la quantité d’azote produite. Dans certaines zones, des programmes de résorption des excédents sont prescrits593 ;

les zones d’actions complémentaires sont situées dans les bassins versants en amont des prises d’eau destinée à la consommation humaine et dont les taux de nitrates excédent les exigences de qualité (C. env., art. R. 211-83). Elles bénéficient de mesures complémentaires telles que l’obligation de couverture du sol pendant les périodes à risques de lessivage, le maintien d’un couvert végétal en bordure des cours d’eau et la limitation du retournement des prairies ;

les zones d’érosion (C. rur. pêche marit., art. R. 114-2), les zones humides d’intérêt environnemental particulier (C. env., art. L. 211-3, II, 4 °)594et les aires d’alimentation des captages d’eau potable (C. env., art. L. 211-3, II, 5°)595. Ces trois zones bénéficient de programmes d’actions contenant des mesures variées visant à la réduction des pollutions azotées. Il s’agit notamment de favoriser la couverture végétale du sol, le travail du sol, la gestion des intrants, la diversification des cultures ou la restauration des éléments paysagers (haies, fossés, plans d’eau).

C/ La naissance d’un droit à polluer en agriculture ?

1428 – Les droits d’épandage. – Les droits d’épandage forment des « quasi-quotas » de production, résultant de l’obligation de traiter les excédents. Sur le plan économique, il s’agit d’une solution avantageuse. Néanmoins, elle crée un marché des surfaces d’épandage, en particulier dans les zones d’excédent structurel. Le traitement des effluents d’élevage constitue aujourd’hui un « droit à produire ». Cette solution affranchit également les agriculteurs de leur responsabilité environnementale à ce titre. Ainsi, une bonne idée écologique finit-elle par créer des déséquilibres, la charge de lutter contre la pollution ne pesant pas sur les pollueurs réels596.

L’exemple de la filière porcine

Un rapport de 2008 pointe du doigt les zones d’excédent structurel de la filière porcine597. Il relève une logique de « quasi-quotas » résultant du rachat et du déplacement des capacités de production permettant de traiter les effluents. Ces transferts sont financés par les producteurs actuels, souvent plus respectueux de l’environnement. Ils conduisent à un effet de rente pour les anciens producteurs. Ainsi, le principe pollueur-payeur est dévoyé.

§ II – Les intrants chimiques

1429 La chimie a largement accompagné le développement de l’agriculture moderne. Néanmoins, elle suscite aujourd’hui des interrogations légitimes (A). Pour faire aux problèmes actuels, une législation volontariste est mise en place (B).

A/ Les interrogations liées à l’utilisation de la chimie en agriculture

1430 – Les intrants chimiques. – Les intrants chimiques regroupent l’ensemble des produits biocides, phytosanitaires et phytopharmaceutiques, permettant d’améliorer le rendement des cultures. Leur utilisation s’est généralisée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, accompagnant la spécialisation des cultures. Les intrants sont devenus les piliers de l’agriculture intensive, modèle dominant aujourd’hui. Or, ce modèle crée un cercle vicieux. Le manque de rotation des cultures et l’absence de cultures intermédiaires appauvrissent le sol. Pour compenser, les produits chimiques sont utilisés en quantité toujours plus importante. Mais le rendement économique n’est plus toujours au rendez-vous598. En effet, le coût des intrants pèse sur la rentabilité des exploitations. Plus grave encore, l’impact écologique de ces produits est très négatif. La pollution des terres agricoles a des répercussions importantes sur les espèces animales et végétales599.

B/ Une législation volontariste

1431 – Le plan Écophyto. – Le plan Écophyto est le nom donné à l’ensemble des mesures mises en place pour lutter contre les conséquences de l’utilisation des intrants chimiques. Jugé insuffisant, il est considéré comme une base de travail utile pour l’avenir600. Il s’appuie sur différents outils juridiques :

le contrôle administratif de mise sur le marché et d’utilisation des produits phytosanitaires (C. rur. pêche marit., art. L. 253-1)601 ;

l’édiction de mesures de précautions, telles que l’interdiction de l’épandage aérien (C. rur. pêche marit., art. L. 253-8) ;

la définition de zones d’interdiction ou restriction d’usage, notamment à proximité des cours d’écoles, terrains de jeux, hôpitaux, maison de retraite, etc. (C. rur. pêche marit., art. L. 253-7-1) ;

la création d’un certificat administratif individuel dénommé « certi-phyto », permettant d’attester des compétences suffisantes pour une utilisation sécurisée et réduite des différents produits (C. rur. pêche marit., art. L. 254-3) ;

le développement de synergies avec les mesures agroenvironnementales (MAE) et les groupements d’intérêt écologique et environnemental (GIEE) ;

l’encouragement de nouvelles pratiques agroécologiques, telles que le renouvellement des agroéquipements, l’usage des nouvelles technologies de biocontrôle et l’expérimentation par le réseau Dephy.

Le réseau Dephy

Le réseau Dephy est un réseau de fermes ayant vocation à développer, mutualiser et diffuser les expériences réussies de pratiques culturales réduisant fortement l’usage des produits phytosanitaires.

L’objectif premier est de mettre en œuvre de façon concrète des pratiques agroécologiques tout en conservant de bons rendements. Ensuite, ces bonnes pratiques sont diffusées, l’objectif étant de faire bénéficier 30 000 exploitations des retours d’expérience.

Ce projet applique les principes du management participatif : des agriculteurs s’en emparent eux-mêmes et le portent ensuite auprès d’autres exploitants. Les conseils ne viennent pas du législateur (en verticalité), mais des agriculteurs (en horizontalité). Ils sont ainsi plus à même d’être entendus et appliqués.

§ III – La recherche d’une responsabilité

1432 La responsabilité environnementale est sensiblement différente de la responsabilité civile de droit commun. Pour assurer son efficacité, elle est à la fois beaucoup plus collective et objective602La mise en cause de la responsabilité environnementale des agriculteurs est faible (A). Elle est en partie compensée par celle de l’État (B).

A/ La responsabilité limitée des agriculteurs

1433 – La nature diffuse des pollutions agricoles. – L’une des principales caractéristiques des pollutions agricoles est leur caractère diffus603, rendant pratiquement impossible l’établissement d’un lien de causalité entre le responsable et le dommage. Ainsi, il n’est pas aisé d’engager la responsabilité d’un exploitant en particulier, sauf en cas de pollution ponctuelle identifiable604.

La loi entérine cette situation. Les dommages causés à l’environnement par une pollution diffuse sont expressément exclus du régime de la responsabilité environnementale (C. env., art. L. 160-1 et s.), sauf si un lien de causalité précis est établi (C. env., art. L. 161-2). Ainsi, l’exploitant agricole n’est pas totalement exonéré de responsabilité environnementale. Néanmoins, sa responsabilité est très compliquée à mettre en œuvre, la faute étant généralement difficile à caractériser.

B/ La responsabilité étendue de l’État

1434 Sur le plan juridique, l’État est le principal responsable des pollutions agricoles, notamment des pollutions liées aux nitrates. La jurisprudence se fonde sur le manquement des pouvoirs publics en matière de prévention des pollutions agricoles. Les premières condamnations en la matière sont venues des juridictions européennes (I). Elles ont ouvert la voie à des décisions similaires en droit interne (II).

I/ La responsabilité de l’État à l’échelle européenne

1435 – Les manquements dans la transposition de la directive « Nitrates ». – La France a été condamnée à plusieurs reprises par la Cour de justice de l’Union européenne en raison d’une insuffisance des actions menées pour permettre la lutte contre la concentration des nitrates. La jurisprudence européenne sanctionne en effet l’État français depuis le début des années 2000 sur la base d’une mauvaise transposition de la directive « Nitrates »605dans la législation française606.

Un arrêt du 4 septembre 2014 mérite une attention particulière607. Il constate en effet de nombreux manquements à la directive « Nitrates » en raison notamment :

de périodes d’interdiction d’épandage trop courtes ;

de programmes d’actions en matière de stockage des effluents insuffisants ;

d’une réglementation ne garantissant ni le calcul des quantités à épandre en vue d’une fertilisation équilibrée, ni la limite des 170 kg d’azote par hectare et par an ;

de l’absence d’interdiction d’épandage sur sols gelés ou enneigés ;

de la définition imprécise des conditions d’épandage sur des sols en forte pente.

Pour justifier du non-respect de la directive, la France s’appuie principalement sur des débats techniques ou scientifiques608.

La France n’est pas le seul « mauvais élève » en Europe

Il ne s’agit pas d’excuser la France en la comparant à ses voisins, mais de mesurer l’ampleur du problème en Europe. En effet, plusieurs États ont fait l’objet de condamnations sur des fondements similaires à ceux ayant motivé celles de la France, et, à titre d’exemple :

l’Italie : CJCE, 8 nov. 2001, aff. C-127/99 : la directive « Nitrates » n’est pas respectée sur le territoire italien en raison de l’absence d’un programme de surveillance des zones vulnérables aux nitrates ;

l’Allemagne : CJCE, 14 mars 2002, aff. C-161/00 : l’absence d’un code de bonnes pratiques agricoles en Allemagne entraîne parfois un épandage de quantités d’azote supérieures à celles autorisées par la directive ;

l’Irlande : CJCE, 11 mars 2004, aff. C-396/01 : l’absence d’identification des zones vulnérables aux nitrates constitue une infraction à la directive « Nitrates ».

II/ À l’échelle nationale

1436 – Les manquements dans la prévention des pollutions. – Les arrêts rendus en droit communautaire ont permis de fonder une jurisprudence en droit interne. L’affaire la plus célèbre a été rendue sur la pollution du littoral breton par les « marées vertes » ou les « algues vertes ».

Les juges de première instance avaient relevé l’inefficacité de l’État dans la lutte contre la pollution des eaux superficielles par laxisme dans la délivrance des autorisations d’exploitation relevant de la législation ICPE609. En outre, la possibilité d’invoquer un préjudice écologique a été reconnue aux associations agréées pour la protection de l’environnement610.

À bien y réfléchir, cette responsabilité glissant des agriculteurs vers l’État est cohérente. Le territoire est un bien commun dont il est le garant. Sa protection résulte d’une organisation globale basée sur des mesures de prévention, l’objectif étant surtout de ne pas avoir à réparer les dommages en évitant leur survenance. L’eau est également un bien commun qu’il convient de protéger.

1437

La consécration du préjudice écologique dans le Code civil

La loi « Biodiversité » du 8 août 2016611 a inscrit le préjudice écologique dans le Code civil. Il consiste en une « atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement » (C. civ., art. 1247). L’adaptation du droit commun de la responsabilité était nécessaire pour tenir compte des spécificités de ce préjudice, à la fois objectif et collectif. Le droit à agir et le délai de prescription sont très largement étendus. Le principe de la réparation en nature du préjudice est également posé612.

Sous-section II – La question de l’eau

1438 L’eau est un bien commun, indispensable à la vie des espèces animales et végétales. Il est nécessaire de la gérer de manière optimale. En agriculture, le défi est double. En effet, l’agriculture impacte l’eau de manière quantitative613et qualitative614. Or, l’eau est une ressource partagée entre les différents usagers du territoire (§ I). Ainsi, il est nécessaire de limiter les pratiques environnementales ayant des conséquences néfastes sur la qualité des eaux (§ II).

§ I – Le partage territorial de la ressource : l’accès à l’eau

1439 Au même titre que le sol, l’eau est un bien commun devant être partagé par l’humanité pour l’ensemble de ses activités615. Il existe ainsi un droit à l’eau (A). Il convient néanmoins de l’organiser. En France, la gestion de l’eau s’articule de façon générale autour de schémas de planification (B). En matière agricole, l’irrigation est également un moyen d’accès à cette ressource (C).

A/ Le droit à l’eau

1440 – Un droit universellement reconnu. – En France, le principe fondamental d’un droit d’accès pour tous à une eau de qualité est inscrit dans le Code de l’environnement (C. env., art. L. 210-1)616. Le droit à l’eau est également reconnu au plan international617. De manière générale, les formulations font plutôt référence aux usages individuels et domestiques. Mais le droit à l’eau existe également en matière d’exploitation agricole, tant au niveau national618qu’international619. Les juridictions compétentes veillent au partage de la ressource entre les différents usagers620.

B/ Le rôle des schémas d’aménagement et de gestion des eaux

1441 – Les principes fondateurs. – Les principes fondateurs de la gestion des eaux sont issus de la loi du 16 décembre 1964621. Pour l’époque, ils présentaient un caractère novateur en instaurant une gestion à l’échelon environnemental du bassin622. Ainsi, les comités de bassin agissent à un échelon hydrologique pour mettre en place une politique adaptée sur ce territoire (C. env., art. L. 213-8 et D. 213-17 à D. 213-28). Ils sont composés de représentants des collectivités territoriales (40 %), des usagers (40 %) et des représentants de l’État et de ses établissements publics (20 %). Parmi les représentants des usagers, les associations de protection de l’environnement ou de défense des consommateurs montent en puissance, entraînant la baisse relative des représentants du monde agricole et industriel.

1442 – La planification de la gestion de l’eau. – Par souci de cohérence, la planification de l’usage des eaux s’articule autour de deux échelons :

un bassin ou un groupement de bassins, à travers un schéma directeur d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) fixant les orientations fondamentales pour une gestion équilibrée des eaux en quantité et qualité623(C. env., art. L. 212-1 à L. 212-2-3 et R. 212-1 à R. 212-25) ;

et un sous-bassin, à travers un schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) formant un document précis et d’application directe (C. env., art. L. 212-3 à L. 212-6 et R. 212-26 à R. 212-48).

Le SDAGE dresse un état des lieux contenant :

un plan d’aménagement et de gestion durable de la ressource en eau et des milieux aquatiques ;

un règlement définissant les priorités d’usage et la répartition des volumes de prélèvements par usage.

C/ L’irrigation

1443 – État des lieux. – L’agriculture française est essentiellement pluviale. Son évolution montre néanmoins un usage de plus en plus large de l’irrigation624. En période estivale, son utilisation accrue entraîne un déséquilibre entre ressources et prélèvements dans une large moitié sud de la France625. Cette nouvelle donne conduit à l’augmentation des territoires hydrographiques formant les zones de répartition des eaux (ZRE). Les ZRE représentent aujourd’hui environ un tiers du territoire national.

1444 – Une gestion collective à mettre en place. – La loi sur l’eau et les milieux aquatiques626confie à un organisme unique chargé de la gestion collective des ressources en eau la possibilité de délivrer l’autorisation de prélèvement d’eau pour l’irrigation sur un périmètre hydrologique cohérent. Ce dispositif vise à favoriser la gestion collective des ressources en eau pour l’irrigation, et à adapter les volumes autorisés aux volumes disponibles (C. env., art. L. 211-3, 6°). Les réticences des usagers et les imprécisions du texte ont ralenti sa mise en place. Une note du ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie permet désormais l’application effective du dispositif627.

1445 – Le rôle central des zones de répartition des eaux (ZRE). – Les zones de répartition des eaux sont mises en place dans les territoires présentant une insuffisance structurelle des ressources par rapport aux besoins afin de concilier les intérêts des différents utilisateurs de l’eau (C. env., art. R. 211-71 et s.). Le régime de contrôle des prélèvements applicable dans ces zones est celui de la législation relative aux installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation ou à déclaration (IOTA)628.

Pendant plusieurs années, des dérogations aux interdictions de prélèvement à usage agricole dans les ZRE ont été autorisées (C. env., art. R. 214-24). Désormais, il n’est plus possible de recourir aux autorisations temporaires de prélèvement en eau en ZRE629.

La gestion durable de l’eau d’irrigation est un enjeu stratégique pour l’agriculture, mais aussi pour l’environnement. Les solutions permettant d’améliorer la situation sont variées. Elles relèvent toutes d’une évolution globale des modes culturaux. Il s’agit par exemple :

de l’esquive : décalage des cultures pour éviter que le besoin maximal en eau coïncide avec les temps prévisionnels de pénurie ;

de l’évitement : choix de cultures moins consommatrices d’eau ;

et de la mise en place de modes d’irrigation plus économes, notamment au moyen des nouvelles technologies630.

§ II – La protection de la qualité des eaux

1446 L’eau est une ressource vitale pour l’homme à double titre. De manière directe pour l’eau potable et de manière indirecte concernant la production agroalimentaire. Parce qu’elle est disponible en quantité limitée, il convient de protéger la qualité des eaux pour permettre les prélèvements nécessaires à la consommation humaine. La lutte contre les pollutions agricoles est le premier niveau de protection631. À ce titre, l’agriculture est soumise à un régime spécifique de protection des zones de captage d’eau potable (A) et à une législation de prévention des atteintes à l’eau, dénommée « IOTA » (B).

A/ Les zones de captage

1447 Les pouvoirs publics identifient des zones où le captage d’eau potable nécessite la mise en place de protections spécifiques. Elles se composent de périmètres de protection de captage (I) et de zones de protection des aires d’alimentation de captage (II).

Carte des captages en France

I/ Les différents périmètres de protection de captage des eaux

1448 Il existe trois types de périmètres de protection de captage des eaux (C. santé publ., art. L. 1321-2). Leur complémentarité vise à assurer une protection optimale des captages.

1449 – Le périmètre de protection immédiate. – Le périmètre de protection immédiate est un site de captage clôturé appartenant à une collectivité publique. Aucune activité n’est permise in situ. Son objectif est d’empêcher la détérioration des ouvrages et d’éviter le déversement de substances polluantes à proximité immédiate.

1450 – Le périmètre de protection rapprochée. – Le périmètre de protection rapprochée est un secteur plus vaste (en général quelques hectares) appartenant à des personnes privées ou à la collectivité si elle le juge nécessaire. Toute activité potentiellement polluante y est interdite ou soumise à prescription particulière. Son objectif est de prévenir la migration des polluants vers l’ouvrage de captage. L’exercice d’activités agricoles est soumis à des règles strictes : limitation du pacage du bétail, respect de caractéristiques techniques particulières pour les abreuvoirs, encadrement strict des fertilisants et intrants, etc.

1451 – Le périmètre de protection éloignée. – Le périmètre de protection éloignée est facultatif. Il correspond généralement à la zone d’alimentation du point de captage, voire à l’ensemble du bassin versant. Il est créé si certaines activités proches sont susceptibles d’engendrer des pollutions importantes. Son objectif est d’éviter toute diffusion de pollution vers le captage. Les activités exercées sur ce territoire sont encadrées par arrêté préfectoral.

II/ Les zones de protection des aires d’alimentation de captage

1452 – Les aires d’alimentation et de captage. – Afin de compléter le dispositif des périmètres de protection, la loi Grenelle 2632a mis en place les aires d’alimentation et de captage (C. env., art. L. 211-3). Elles ont pour objectif la protection de la quantité et de la qualité des aires d’alimentation de captage et portent sur des zones étendues autour des captages. Un programme d’actions définit notamment les pratiques agricoles adaptées à la zone : couverture et travail spécifique du sol, limitation des intrants, diversification des cultures, etc. (C. rur. pêche marit., art. R. 114-6). Ce dispositif est critiqué par les agriculteurs dénonçant une faisabilité économique, agronomique et juridique limitée633.

1453

La trame bleue

La trame bleue est un outil d’aménagement du territoire mis en place par la loi Grenelle 2634. Il s’agit d’un réseau formé de continuités écologiques aquatiques précisément identifiées. La trame bleue contribue à l’amélioration de l’état de conservation des habitats naturels des espèces et au bon état écologique des masses d’eau. Elle concerne les cours d’eau, canaux et zones humides, formant à la fois des réservoirs de biodiversité et des corridors écologiques.

Ses objectifs de préservation de biodiversité tiennent compte des activités agricoles en milieu rural (C. env., art. L. 371-1).

Ainsi, la trame bleue complète les dispositifs de protection de la qualité de l’eau.

B/ Les installations, ouvrages, travaux et activités

1454 En complément de la protection des captages, un contrôle préalable des activités susceptibles d’affecter la qualité des eaux existe. Il s’agit du régime dénommé « IOTA » : installations, ouvrages, travaux et activités.

1455 – La police de l’eau. – Les installations, ouvrages, travaux et activités (IOTA) sont soumis à un régime d’autorisation ou de déclaration au titre de la police des eaux (C. env., art. L. 214-1 à L. 214-8), à la triple condition :

1. de ne pas figurer sur la nomenclature des installations classées ;

2. d’être réalisés à des fins non domestiques ;

3. d’entraîner des prélèvements sur les eaux, une modification du niveau ou du mode d’écoulement des eaux, des destructions de la faune ou des déversements, écoulements, rejets ou dépôts directs ou indirects, chroniques ou épisodiques, même non polluants.

1456 – Autorisation ou déclaration. – L’installation d’une exploitation susceptible de porter atteinte à la gestion équilibrée de la ressource est contrôlée par une déclaration ou une demande d’autorisation (C. env., art. L. 214-3). Il s’agit des travaux présentant un danger pour la santé, la sécurité publique, nuisant à l’écoulement des eaux, réduisant la ressource, augmentant le risque d’inondation, portant gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique. La distinction entre autorisation et déclaration dépend des conséquences attendues de l’opération sur la qualité des eaux. Elle dépend notamment du débit d’eau prélevé, de l’importance des rejets, de la nature des travaux, du type d’activité ou d’exploitation. L’autorisation environnementale unique dispense de cumuler les procédures ICPE et IOTA635.

1457 – La nomenclature IOTA. – La nomenclature IOTA détermine si les opérations sont soumises à déclaration ou à autorisation (C. env., art. L. 214-2 et R. 214-1). Elle s’appuie sur les dangers et leur gravité sur la ressource et les écosystèmes en tenant compte des différentes zones de protection existantes. Par exemple, les prélèvements permanents ou temporaires d’eau issus d’un forage par pompage, drainage, dérivation ou tout autre procédé relèvent de la déclaration lorsqu’ils sont compris entre 10 000 et 200 000 mètres cubes par an, et de l’autorisation au-delà.

1458 – Les IOTA en agriculture. – Les prélèvements d’eau pour l’élevage et la culture sont quotidiens. Les rejets d’effluents et les drainages sont également des pratiques habituelles de travail du sol. À ce titre, l’impact de l’agriculture sur les milieux aquatiques et marins fait l’objet d’une attention particulière. Néanmoins, l’application de la réglementation IOTA est limitée aux situations les plus graves pour l’environnement. Ainsi, seuls les travaux de grande envergure nécessitent un contrôle préalable. Il s’agit principalement des prélèvements (sondages, puits et forages) dans les nappes, cours d’eau, plan d’eau ou canal et de l’épandage ou des rejets d’effluents en général.


564) Rapport du 104e Congrès des notaires de France, Nice, 2008, p. 461.
565) V. n° a1413.
566) Il s’agit notamment de pollutions accidentelles des sols, des eaux ou de l’air liées à des activités industrielles.
567) V. n° a1460.
568) Ord. n° 2017-80, 26 janv. 2017 : JO 27 janv. 2017. – Pour plus de développements : V. n° a2503.
569) Le cumul existant jusqu’alors pouvait en effet concerner plusieurs procédures : ICPE, IOTA, autorisation de défrichement, etc.
570) Pour une étude détaillée des ICPE soumises à déclaration, V. JCl. Environnement et Développement durable, Fasc. 4015.
571) L. n° 2009-179, 17 févr. 2009, pour l’accélération des programmes de construction et d’investissement publics et privés : JO 18 févr. 2009. – Ord. n° 2017-80, 26 janv. 2017, préc.
572) De 401 à 800 bovins à l’engraissement, de 151 à 400 vaches laitières, de 30 000 à 40 000 volailles, etc. : V. n° a1415.
573) Si le volume de stockage est supérieur à 15 000 mètres cubes : V. n° a1415.
574) V. JCl. Environnement et Développement durable, Fasc. 4014.
575) De 50 à 400 bovins à l’engraissement, de 50 à 150 vaches laitières, plus de 100 vaches allaitantes, de plus de 3 000 lapins, etc. : V. n° a1415.
576) Fabrication d’engrais, amendements et supports de culture d’une capacité de production inférieure à 10 t/j : V. n° a1415.
577) Réception, stockage, transformation du lait supérieurs à 7 000 l/j mais inférieurs à 70 000 l/j, extraction ou traitement des oléagineux supérieurs à 200 kg/j mais inférieurs à 20 t/j, préparation et conditionnement de boissons supérieurs à 2 000 l/j mais inférieurs à 20 000 l/j, etc. : V. n° a1415.
578) En novembre 2017, la version 41 était en vigueur.
579) Elle porte les numéros 1 000 et suivants. Les substances se répartissent entre substances explosives, inflammables, combustibles, corrosives et radioactives.
580) V. JCl. Environnement et Développement durable, Fasc. 4010.
581) D. n° 2016-1661, 5 déc. 2016 : JO 6 déc. 2016.
582) Les seuils de référence ont été multipliés par deux.
583) La notion d’animal-équivalent permet de pondérer les animaux en fonction de critères déterminés. Par exemple, en matière d’élevage porcin, un reproducteur représente trois animaux-équivalents, alors qu’un porcelet sevré de moins de trente kilogrammes représente 0,2 animal-équivalent.
584) Il s’agit des vignobles classés appellation d’origine contrôlée, vin délimité de qualité supérieure, et dans les aires de production de vins de pays.
585) Par ex., les déplacements des engins agricoles ou l’usage de système de chauffage pour certaines productions émettent du gaz à effet de serre et participent aux pics de pollution.
586) Accroissement du taux de nitrate dans les eaux (nappes, rivières, etc.) entraînant des risques pour la santé des consommateurs.

587) Prolifération des végétaux dans les milieux aquatiques également connue sous le terme « marée verte ». Il en résulte deux dangers principaux :

1. des sécrétions de substances toxiques dangereuses pour les espèces animales (poissons et coquillages) et le consommateur ;

2. une diminution de la teneur en oxygène entraînant la mortalité des espèces animales.

588) Il existe des fertilisants chimiques trop coûteux pour être utilisés en grande quantité : V. n° a1430.
589) Depuis les années 1970, des taux anormaux de nitrates sont constatés en zone d’agriculture intensive.
590) J. Lessirard et P. Quevremont, La filière porcine française et le développement durable, Rapp. IGE/07/042 et CGAAER 1579, 2008, p. 48 : « Dans les zones d’élevage intensif, on peut dire qu’à l’extrême, l’azote n’a pas de coût, ce qui compte c’est de s’en débarrasser ».
591) V. n° a1424.
592) La directive communautaire dite « Nitrates » impose aux États membres de réduire la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles : Cons. UE, dir. n° 91/676CE, 12 déc. 1991.
593) Il s’agit de programmes fixant des objectifs de réduction avec un calendrier d’actions passant par la mobilisation des surfaces d’épandage.
594) Il s’agit des zones « dont le maintien ou la restauration présente un intérêt pour la gestion intégrée du bassin versant ou une valeur touristique, écologique, paysagère ou cynégétique particulière ».
595) Il s’agit des zones « où il est nécessaire d’assurer la protection quantitative et qualitative des aires d’alimentation des captages d’eau potable d’une importance particulière pour l’approvisionnement actuel ou futur » : V. n° a1452.
596) J.-M. Gilardeau, Épandage des effluents d’élevage : les droits à polluer sont en route : RD rur. 2005, p. 300.
597) J. Lessirard et P. Quevremont, La filière porcine française et le développement durable, Rapp. IGE/07/042 et CGAAER 1579, mai 2008 : www.ladocumentationfrancaise.fr.
598) S. Brunengo-Basso, Les intrants chimiques, le risque chimique à travers le prisme du développement durable, in L’agriculture durable. Essai d’élaboration d’un cadre normatif, PUAM, 2016, p. 289 et s.
599) Toxicité, pollution des eaux et perte de biodiversité.
600) V. D. Potier, Rapport d’évaluation et de révision. Pesticides et agroécologie : les champs du possible, nov. 2014.
601) L’autorisation de mise sur le marché est conditionnée à la preuve de l’innocuité du produit à l’égard de la santé publique, de l’environnement, de son efficacité et sa sélectivité à l’égard des végétaux.
602) Rapport du 104e Congrès des notaires de France, Nice, 2008, p. 686 et s.
603) A. Langlais, Les déchets agricoles et l’épandage. Le droit et ses applications, éd. Technip Environnement, 2007, p. 438 : « Cette difficulté est également accrue par le fait que de récentes recherches mettent en évidence la complexité des systèmes de pollution nitrique et en particulier soulignent la grande variabilité des délais de réponse des nappes par rapport aux apports d’azote ».
604) TGI Chaumont, 17 mai 1994, n° 603242 : en ne procédant pas à la vidange de sa fosse à lisier ayant débordé en raison de fortes pluies, l’éleveur a été jugé responsable de la pollution des eaux qui s’en est suivie pour négligence.
605) V. n° note 604.
606) CJCE, 8 mars 2001, aff. C-266/99, Comm. CE c/ République française. – CJCE, 27 juin 2002, aff. C-258/00, Comm. CE c/ République française. – CJUE, 13 juin 2013, aff. C-193/12, Comm. CE c/ République française.
607) CJUE, 4 sept. 2014, aff. C-237/12, Comm. CE c/ République française.
608) Par ex., concernant l’épandage, la France s’appuie sur des données scientifiques pour faire valoir qu’une limitation des périodes est contre-productive, certains fertilisants organiques libérant des quantités d’azote plus faibles en périodes automnale et hivernale.
609) D. Rémy, concl. sur TA Rennes, 25 oct. 2007, nos 04630, 04631, 04636, 04637 et 04640 : Environnement mars 2008, n° 3.
610) CAA Nantes, 1er déc. 2009, n° 07NT03775, Min. Écologie c/ Assoc. Halte aux marées vertes et a. : JurisData n° 2009-018564.
611) L. n° 2016-1087, 8 août 2016, pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages : JO 9 août 2016.
612) L. Neyret, La consécration du préjudice écologique dans le Code civil : D. 2017, p. 924.
613) Les cultures agricoles représentent 86 % de l’empreinte eau : L’empreinte eau de la France, rapp. mars 2012, WWW France : www.wwf.fr.
614) V. n° a1422.
615) Aujourd’hui, l’agriculture absorbe plus de 70 % de l’eau consommée en France : Comprendre les usages de l’eau et les pollutions. Eau et agriculture : www.eaufrance.fr.
616) « L’eau fait partie du patrimoine commun de la nation. Sa protection, sa mise en valeur et le développement de la ressource utilisable, dans le respect des équilibres naturels, sont d’intérêt général (…) l’usage de l’eau appartient à tous (…) ».
617) Comité des droits économiques, sociaux et culturels de l’ONU, 29e session (2002), Observation générale n° 15 : le droit à l’eau, Doc. ONU HRI/GEN/1/Rev.7, p. 116, § 2 : « Le droit à l’eau consiste en un approvisionnement suffisant, physiquement accessible et à un coût abordable, d’une eau salubre et de qualité acceptable pour les usages personnels et domestiques de chacun ».
618) L’article L. 211-1 du Code de l’environnement prévoit une gestion équilibrée, durable et un partage de la ressource en eau permettant de garantir la sécurité de la production agricole, notamment au moyen de l’irrigation.
619) V. rapp. ONU préc., p. 117, § 7 : « Il importe d’assurer un accès durable aux ressources en eau pour l’agriculture afin de réaliser le droit à une nourriture suffisante (…). Il faut veiller à ce que les agriculteurs défavorisés et marginalisés, y compris les femmes, aient accès, dans des conditions équitables, à l’eau et aux systèmes de gestion de l’eau, notamment aux techniques durables de récupération des eaux de pluie et d’irrigation ».
620) CE, 19 juin 2006, n° 282456 : « L’article L. 211-1 du Code de l’environnement, applicable aux installations classées, pose un principe de gestion équilibrée de l’eau, qui doit permettre de concilier différentes exigences, dont celle de l’agriculture ».
621) L. n° 64-1245, 16 déc. 1964, relative au régime et à la répartition des eaux et à la lutte contre leur pollution : JO 18 déc. 1964, p. 11258.
622) M.-A. Bordonneau, L’eau et l’agriculture durable en France, in L’agriculture durable. Essai d’élaboration d’un cadre normatif, PUAM, 2016, p. 312.
623) V. n° a1446.
624) F. Denier-Pasquier, La gestion et l’usage de l’eau en agriculture, Conseil économique, social et environnemental, avis, avr. 2013.
625) Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Provence-Alpes-Côte d’Azur, et une partie des Pays de la Loire et du Centre-Val de Loire.
626) L. n° 2006-1772, 30 déc. 2006 : JO 31 déc. 2006, p. 20285.
627) Note sur la fin des autorisations temporaires de prélèvements en eau pour l’irrigation agricole en zone de répartition des eaux (ZRE), 3 mai 2016 : BO Écologie, Énergie, Développement durable et Aménagement du territoire 25 mai 2016, n° 201609.
628) V. n° a1454.
629) En application de la note du mai 2016 : V. n° note 629.
630) V. n° a1519et s.
631) V. n° a1422.
632) L. n° 2010-788, 12 juill. 2010, portant engagement national pour l’environnement, art. 121 : JO 13 juill. 2010.
633) P. Brun et V. Frey, Mise en place des programmes de protection des aires d’alimentation des captages pour l’eau potable, rapp. n° 1911, CGAAER, mai 2011.
634) L. n° 2010-788, 12 juill. 2010, portant engagement national pour l’environnement, art. 121 : JO 13 juill. 2010.
635) V. n° a1403.

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