L'intérêt de les insérer dans l'ordonnancement juridique ?

L'intérêt de les insérer dans l'ordonnancement juridique ?

– Des labels « hors norme » plus agiles et mieux adaptés aux spécificités locales. – Nous avons vu que ces labels, certifications ou référentiels ne sont pas des normes réglementaires et que la réussite des projets qui les affichent tient notamment à l'aspect volontaire et partagée de la démarche.
Cette absence de normalisation contribue également à leur agilité et à leur caractère innovant, car innover suppose de s'extraire de la norme. Nous le verrons dans le cadre des dérogations avec notamment les permis d'innover et d'expérimenter (V. infra, nos et s. et nos et s.). C'est également le positionnement des membres de l'Institut pour la construction écoresponsable du bâti (ICEB) qui n'hésitent pas à sortir du cadre réglementaire pour expérimenter et performer, avec les conférences « Hors la loi pour dépasser la loi ».
Enfin, et c'est l'orientation actuelle des nouveaux labels, la norme génère une certaine uniformisation. Or prendre en compte l'environnement, c'est d'abord considérer l'environnement du projet, des ressources et des risques de son territoire avec l'idée également de faire avec le « déjà-là ». Ainsi le label « Bâtiment frugal bordelais » ambitionne-t-il de construire ou de réhabiliter des bâtiments adaptés au territoire en tenant compte, d'une part, de l'épuisement des ressources grâce à une approche bioclimatique et, d'autre part, de leur contexte climatique, économique et social. Sans pour autant le rendre obligatoire, la Ville de Bordeaux permet à tout pétitionnaire de postuler au label au moment du dépôt de sa demande de permis de construire et de viser une à trois étoiles du label selon le nombre de critères remplis au-delà des vingt-deux critères de base.
– Des labels en manque de cadre juridique. – L'objectif de la Ville de Bordeaux est de rendre obligatoire le label « Bâtiment frugal bordelais » en l'insérant dans son PLU, comme la Ville de Paris avec son PLU bioclimatique et son système de notation, l'Urbascore, que nous avons vu supra. Nous avons souligné combien il est difficile de mesurer de manière fiable des techniques innovantes. Une seconde difficulté est pointée à l'heure du premier bilan du label bordelais, celle du manque de ressources et de compétences en aval dans les services de l'urbanisme de la Ville pour contrôler les opérations réalisées ; l'attribution du label est confirmée lors de la livraison de l'immeuble en réunion publique. En amont, les pétitionnaires fournissent, avec leur demande de permis de construire, une note relative à la prise en compte des critères du label, mais les services instructeurs ne contrôlent pas la conformité du projet avec ladite note.
Seule une véritable certification permettrait un contrôle pertinent des critères de ce label. Quant à son insertion dans l'ordonnancement juridique via le PLU pour lui donner un cadre légal, cela nécessiterait une modification législative pour étendre l'objet d'un PLU à des sujets qui ne relèvent pas aujourd'hui du Code de l'urbanisme, comme les matériaux qui sont pourtant une partie de la solution pour décarboner, ou encore les externalités positives.
Dans les ZAC, certaines collectivités mettent au point leur propre référentiel et l'insèrent dans le cahier des charges de cession de terrains pour le rendre opposable juridiquement aux opérateurs.
– Labels, certifications, référentiels, chartes : des évolutions législatives nécessaires. – D'autres collectivités établissent un référentiel commun à toutes leurs opérations d'aménagement, avec ensuite une déclinaison à l'échelle du projet via une convention signée avec l'opérateur, comme le « Référentiel pour un aménagement durable » de l'établissement public territorial du Grand Paris, « Est Ensemble ».
Quel que soit le support (référentiels, labels et certifications, chartes, PLU bioclimatique), les acteurs de l'urbanisme et de l'immobilier, qu'ils soient publics ou privés, sont contraints de dépasser les frontières de la norme réglementaire pour adapter leur territoire aux enjeux environnementaux et sociaux et anticiper le réchauffement climatique. Avec le risque toutefois de la fragilité juridique de ces supports en l'absence de cadre légal.