Les objectifs de la clause filet

Les objectifs de la clause filet

– Protéger l'environnement et éviter les effets de seuil. – Compte tenu du fait qu'un projet peut avoir des incidences notables sur l'environnement et la santé humaine quelle que soit sa taille, et afin d'éviter les effets d'aubaine liés aux seuils, le décret du 25 mars 2022 permet à l'autorité chargée d'autoriser un projet d'urbanisme de le soumettre à un examen au cas par cas afin de décider s'il doit faire l'objet ou non d'une étude d'impact. Elle soumet ainsi à évaluation environnementale des projets situés en deçà des seuils de la nomenclature annexée à l'article R. 122-2 du Code de l'environnement, mais susceptibles d'impacter notablement l'environnement et la santé humaine au regard des critères susvisés, et en particulier du critère de localisation, peu pris en considération dans la nomenclature.
– Origines de la clause filet. – Ce dispositif au service de la protection de l'environnement est issu d'un arrêt du Conseil d'État du 15 avril 2021, Associations France Nature Environnement et France Nature Environnement Allier . L'État a été enjoint de prévoir un dispositif permettant de ne pas soustraire à évaluation certains projets en raison de leur seule taille, alors qu'ils pourraient avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé au regard notamment de leur localisation.
Il permet de mettre en conformité le régime français de l'évaluation environnementale avec la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 qui impose la mise en place d'une telle « clause filet », et avec la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne qui rappelle régulièrement que les projets même de faible dimension peuvent avoir des incidences notables sur l'environnement en raison de leur nature ou de leur localisation. La France avait d'ailleurs été mise en demeure de se conformer à la directive sur ce sujet par la Commission européenne.
Une telle procédure n'est pas nouvelle ; elle avait été envisagée dans le cadre du rapport « Moderniser l'évaluation environnementale » de 2015, dit « rapport Vernier », mais finalement abandonnée par l'ordonnance de 2016 qui n'a retenu que la procédure « au cas par cas ». Si l'ordonnance a prévu le régime très simplifié de l'examen au cas par cas, rien en revanche n'a été écrit pour la « clause filet », notamment sur les deux points suivants : le moment du déclenchement de cette clause et les acteurs qui peuvent la solliciter.
Le Conseil d'État a finalement estimé que le dispositif adopté répond suffisamment aux critères de sa jurisprudence du 15 avril 2021, notamment en ce qu'il institue une obligation, et non une simple option, de soumettre les projets ayant des incidences sur l'environnement à évaluation environnementale. Aux yeux du Conseil d'État, un examen au cas par cas, même s'il n'enjoint pas à l'opérateur de réaliser une étude d'impact, est aux attendus.

L'Autriche sommée de se mettre en règle

Par une décision du 25 mai 2023, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé que l'obligation de réaliser une évaluation des incidences environnementales d'un projet d'aménagement urbain ne pouvait dépendre exclusivement de sa taille.
En l'espèce, une entreprise autrichienne avait déposé une demande de permis de construire pour un projet d'aménagement dans le centre historique de Vienne, classé au patrimoine mondial de l'UNESCO. L'entreprise envisageait la démolition d'un hôtel et la construction de nouveaux bâtiments affectés à différents usages pour une surface de plancher brute de 89 000 m² et une surface de 1,55 hectare.
Or, en Autriche, les seuils de déclenchement d'une évaluation environnementale pour des travaux d'aménagement urbain sont très élevés : création d'une surface au sol d'au moins 15 hectares et d'une surface de plancher de plus de 150 000 m². Dans un environnement urbain par définition dense, de tels seuils aboutissent à soustraire la grande majorité des projets de travaux à une évaluation de ses incidences sur l'environnement.
La Cour rappelle que les États membres doivent déterminer, sur la base d'un examen au cas par cas et/ou sur la base des seuils ou des critères fixés par eux, si un projet de travaux d'aménagement urbain doit être soumis à une évaluation environnementale ; qu'un projet de dimension même réduite peut avoir des incidences notables sur l'environnement ; que lorsque les États membres fixent des seuils ou des critères, leur marge d'appréciation est réduite par l'obligation de soumettre à évaluation environnementale les projets susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement, notamment en raison de leur nature, de leurs dimensions ou de leur localisation (en l'espèce, un critère basé sur la localisation eut été pertinent dans la mesure où le projet se situait au cœur d'un site classé au patrimoine mondial de l'UNESCO) ; que les critères mobilisés par les États membres doivent être pertinents : dimension du projet et cumul avec d'autres projets, localisation ou encore caractéristiques de l'impact potentiel du projet.